mardi 16 avril 2024

CD, compte rendu critique. Horowitz plays Scriabine (3 cd Sony classical)

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horrowitz-scriabine-cd-rca-columbia-sony-classical-3-cdCD, compte rendu critique. Horowitz plays Scriabine (3 cd Sony classical). Horowitz  joue  Scriabine …. Le fait relève d’une affaire familiale car l’oncle de Vladimir, Alexander -le frère  de son père  Samuel-, fut un pianiste talentueux  au point qu’après son entrée au Conservatoire de Moscou en 1898 et n’ayant obtenu en fin de cycle qu’une médaille d’argent alors qu’il  méritait l’or, Scriabine en personne, très admiratif, protesta vivement contre ce jugement partial et discriminatoire, qui souhaitait condamner la judéité du candidat. Après la mort de Scriabine en 1915,  Alexander donnera plusieurs conférences majeures  sur le compositeur pianiste jouant plusieurs oeuvres piliers dont les deux Poèmes opus 32, célébrant les visions musicales d’un génie du clavier qui avait su donner des concerts à Kiev, le fief des Horowitz quelques mois avant sa mort. De l’aveu de Vladimir, le neveu prodige, Scriabine ne s’est pas imposé à lui immédiatement; jusque dans les années  1950, l’interprète exprime l’esthétique léchée sensuelle des impressionnistes français (Debussy et surtout Ravel) ; Horowitz  crée  plusieurs Sonates celles de Barber, Prokofiev,  Kabalevski. .. ce n’est que sur le tard  d’une carrière très remplie que Vladimir suit le sillon de son oncle Alexander et découvre  ce mysticisme philosophique post romantique dont il se sentait trop éloigné jusque là.

 

 

 

Mystique Horowitz

 

Les 3 cd réunis dans ce coffret événement révèle l’affinité naturelle qui naît sous les doigts du pianiste comme inspiré par le feu scriabinesque : de 1950 à 1976, ce cycle en studio et en live restitue la dernière quête artistique et éthique du grand pianiste russe. Il n’est que d’écouter les deux versions de la Sonate n°9 dite « Messe Noire » pour entendre et comprendre l’intelligence  d’Horowitz éclairant les crépitements et le surgissement du mystère irrésolu dans cette partition abordée en moins de 7mn puis près de 13mn dans sa seconde approche de 1965 : un souffle les distingue nettement, une évidence naturellement ciselée acquise ainsi sur le tard par celui qui aimait à dire qu’il progresserait jusqu’à la mort… de fait la plus récente  des lectures frappe par sa jubilation de l’instant, ses projections syncopées et pourtant son architecture puissante sa progression irrépressible…
La respiration et la profondeur qui cultivent un Horowitz proche de l’improvisation et qui fait jaillir  le feu sacré à chaque mesure : une maturité irrésistible qui recueille et les gouffres vertigineux rompant le discours, et la distance héroïque sur laquelle s’appuie l’élan des visions mystiques. A ce titre,  le dernier cd qui rassemble les prises live, enchante véritablement dévoilant pour certains, et  confirmant pour nous, la somptueuse volubilité du pianiste  qui joue Scriabine comme il respire : une rencontre rare qui dans les années les plus tardives de sa carrière affirme une affinité  exceptionnelle avec le dernier compositeur russe romantique. Comme si le secret et le mystère chez Scriabine avaient in fine cultiver pour son bien, la quête de la simplicité et de la profondeur…

S’il est vrai que la mort semble être l’ultime et véritable mesure dans l’expérience et l’interprétation de Scriabine, Horowitz nous offre comme personne avant lui un cycle d’exploits et de performances qui passent par tous les registres de la sensation et de la connaissance pour exprimer le geste et les visions de Scriabine : ivresse, extase, langueur inquiète, transe connectée au grand mystère universel  mais ici énoncés avec une légèreté fluide, celle  des mystiques heureux. Le style en gagne une clarté rayonnante qui le rend d’autant plus proche et humain.  Sans connaître la manière de son oncle Alexander qui connut le compositeur et joua ses oeuvres, Vladimir  Horowitz semble comprendre comme peu avant lui les enjeux et les questionnements d’un Scriabine visionnaire et prophétique.

De là à croire comme nous le montre le coffret, que l’interprétation de Scriabine permit au pianiste de se trouver… nous le pensons. Jamais l’insolence de la pure et immédiate virtuosité n’a à ce point, chez Horowitz, chercher le contrepoint de la profondeur. Toute sa vie, le pianiste fut en quête de recul, d’intériorité pour atténuer l’enthousiasme parfois creux et superficiel que suscita toujours son impériale facilité.
De fait, au début des années 1980 et même dès 1975 en réalité, son jeu s’arrondit, exprima une nouvelle intensité plus recueillie, un lâcher prise totalement étranger à son ambition de totaliser, si manifeste parfois, au risque d’une technicité éblouissante / ébouriffante. En définitive, son style atteint le soleil dès ses débuts, pour chercher ensuite avec l’exigence autre de l’âge mûr, le repli du secret à son crépuscule. Ainsi le mystère de Scriabine a montré au bon moment la voie au pianiste russe, en ses années les plus mûres, les plus fécondes et riches.

CD, compte rendu critique. Horowitz plays Scriabine (3 cd Sony clasiscal 88875038372).

 

 

 

tracklisting :
Horowitz plays Scriabin
Piano Sonata No. 3 in F sharp minor, Op. 23
The RCA Victor Studio Recordings
Prelude, Op. 11 No. 1 in C major
Prelude, Op. 11 No. 10 in C sharp minor
Prelude, Op. 11 No. 9 in E major
Prelude, Op. 11 No. 3 in G major
Prelude, Op. 11 No. 16 in B flat minor
Prelude, Op. 11 No. 13 in G flat major
Prelude, Op. 11 No. 14 in E flat minor
Prelude, Op. 15 No. 2 in F sharp minor
Prelude, Op. 16 No. 1 in B major
Prelude, Op. 13 No. 6 in B minor
Prelude, Op. 16 No. 4 in E flat minor
Prelude, Op. 27 No. 1 in G minor
Prelude, Op. 51 No. 2 in A minor
Prelude, Op. 48 No. 3 in D flat major
Prelude, Op. 67 No. 1
Prelude, Op. 59 No. 2
Prelude, Op. 11 No. 5 in D major
Prelude, Op. 22 No. 1 in G sharp minor
Étude Op. 2 No. 1 in C sharp minor
Poème in F sharp major, Op. 32 No. 1
The Columbia Studio Recordings
Étude Op. 2 No. 1 in C sharp minor
Étude Op. 8 No. 12 in D sharp minor
Feuillet d’album, Op. 45 No. 1
Étude Op. 8 No. 2 in F sharp minor
Étude Op. 8 No. 11 in B flat minor
Prelude, Op. 8 No. 10 in D flat major
Étude Op. 8 No. 8 in A flat minor
Étude Op. 42 No. 3 in F sharp major ‘La Moustique’
Étude Op. 42 No. 4 in F sharp major
Étude Op. 42 No. 5 in C sharp minor
Poèmes, Op. 69 Nos. 1 & 2
Vers la flamme, Op. 72
Albumblatt, Op. 58
Étude Op. 65 No. 3 in G major
Piano Sonata No. 9, Op. 68 ‘Black Mass’
Live Recordings
Poème in F sharp major, Op. 32 No. 1
Étude Op. 2 No. 1 in C sharp minor
Piano Sonata No. 10, Op. 70
Piano Sonata No. 5 in F sharp major, Op. 53
Étude Op. 8 No. 12 in D sharp minor
Étude Op. 8 No. 7 in B flat minor
Étude Op. 42 No. 5 in C sharp minor
Piano Sonata No. 9, Op. 68 ‘Black Mass’
(alternate version – 25th February, 1953)

 

 

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