CD, compte rendu critique. Haydn : La Reine. Rigel, Sarti (Le Concert de la Loge, Julien Chauvin, 1 cd Aparté, mars 2016). Voici donc le premier cd du collectif rassemblé, piloté, électrisé par le violoniste Julien Chauvin : Le Concert de la Loge. D’emblée, la Symphonie n°4 de Rigel, mort en 1799, emblématique de cette nervosité frénétique post gluckiste (les réminiscences de son Orphée et Eurydice français sont bien perceptibles ici), fait valoir les qualités expressives de l’orchestre sur instruments anciens : les cordes vibres, claquent, vrombissent, très affûtées, efficaces, d’un relief mordant, d’une élégance parisienne totalement irrésistible. Le calibrage très fin de la sonorité, la caractérisation filigranée que permet aujourd’hui les instruments d’époque (cordes, cor, hautbois, bassons…) permettent de percevoir ce fini racée, nerveux, en effet véritablement frénétique propre à la période où travaille travaille Rigel, c’est à dire en peine esthétique préclassique et préromantique, réponse au Sturm und Drang germanique. Ainsi ressuscite le son et l’engagement expressif du Concert de la loge dirigé par Viotti au XVIIIIè, actif au sein du Concert des Amateurs jusqu’en janvier 1781, puis au Louvre, salle du Pavillon de L’Horloge (d’époque Louis XIIII), à partir de janvier 1786. La coupe syncopée, le flux mordant et palpitant, la vitalité générale milite en faveur du collectif réuni, piloté par Julien Chauvin.
S’inspirant des concerts éclectiques au Concert Spirituel, offrant aux parisiens des programmes mi lyriques mi symphoniques, Julien Chauvin ajoute au programme purement symphonique Rigel / Haydn, des extraits lyriques d’époque : ici l’air de Sélène, extrait de Didone Abbandonata de Giuseppe Sarti (1762), prière à l’adresse d’Enée, d’un coeur amoureux, implorant que le héros demeurât in loco à Carthage… Eloquente, d’une couleur tragique, désespérée, le soprano ardent, vif, impliqué, comme blessé, de Sandrine Piau, éblouit par sa grâce musicale, la justesse des intentions expressifs et une style qui sert avant tout le texte.
Le clou du programme, en conformité avec les concerts données à Paris par Le Concert de la Loge reste évidemment la Symphonie La Reine de France (n°85), de Joseph Haydn. L’époque est celle de l’esthétique européenne prônée par Marie-Antoinette, d’un éclectisme nerveux, tendu, élégant – la souveraine est capable de favoriser après son cher Gluck, Sacchini, Piccini, Gossec, Jean Chrétien Bach … : cordes ardentes, frémissantes, à l’unisson précis, fluide ; harmonie calibrée, nette et précise pour un son global d’une absolue clarté. Julien Chauvin veille à l’élasticité électrique des instrumentistes de son ensemble. Le premier mouvement n’est que tension et frénésie, les cordes admirables de galbe ; le climat électrique que le chef instille au collectif trouve un équilibre irrésistible entre cordes, bois, vents et cuivres. La rusticité affichée par l’énoncé du motif du second mouvement à la flûte, distille ce caractère de chasse (cors pleins de panache), cette superbe un rien bravache qui nourrit là encore la vitalité des respirations. Le Menuet est fiévreux, enivré, taquin, d’une articulation subtile et facétieuse, avec propre à l’Orchestre du Concert de la Loge, une vivacité du trait qui confirme les excellentes capacités des instrumentistes : Julien Chauvin réussit par son sens de l’élégance, des couleurs instrumentales (hautbois, flûtes, bassons…). Le finale, Presto captive par sa coupe frénétique, ses syncopes admirablement tempérées par le geste nerveux et élégant de l’ensemble. De toute évidence, le premier cd du Concert de la Loge affirme une excellente vivacité, une finesse d’intention superlative. A quand la suite ? CLIC de Classiquenews d’octobre 2016.
CD, critique compte rendu. Le Concert de La Loge, Julien Chauvin : Rigel, Sarti, JC Bach, Haydn (Symphonie La Reine). 1 cd Aparté