CD, compte rendu critique. HAYDN 2032 : VOL 5. Symphonies / Kraus / L’homme de génie. Kammerorchester Basel. Giovanni Antonini (1 cd Alpha, 2016). Giovanni Antonini, flûtiste remarquable (cf son dernier cd Telemann, absolument miraculeux par sa musicalité saisissante, CLIC de CLASSIQUENEWS / novembre 2016), est aussi un chef de talent comme ce nouveau volume de l’intégrale symphonique dédiée à HAYDN le montre. Le maestro poursuit ici son intégrale HAYDN (HADYN 2032 : toutes les symphonies pour son tricentenaire), un cycle qui nous mène jusqu’en 2032 (le monde actuel existera-t-il encore ?), dans ce nouveau jalon musicalement très abouti, qui dans sa maîtrise en autorisant toutes les grâces délirantes d’un compositeur de génie, éclaire ce bouillonnement jaillissant d’un auteur de premier plan qui joue de la forme sans jamais perdre de vue l’idéal qui l’inspire (comme Haendel). Brillant, Haydn est surtout vrai et profond. La vitalité fruitée des instruments d’époque autorise ce galbe sonore, véritable ivresse dans chaque mouvement dont le caractère singulier est révélé. Face à tant d’équilibre entre sonorité ronde, éloquence caractérisée, détail des timbres, et rebonds dramatiques, – microépisodes et architecture globale, on aimerait bien écouter chef et orchestre dans Mozart (pour des opéras… probablement de la même fougue somptueuse ?).
ACCOMPLISSEMENT ESTHETIQUE ET SONORE. Le spectre des nuances ainsi déployées, la richesse agogique, le raffinement dynamique et l’idéal du format sonore installent objectivement un nouveau standard pour les orchestres sur instruments d’époque. Voilà enfin un son gorgé de saine vitalité, expressif, élégant et d’une richesse de couleurs et d’intonation, – inouïe. A l’heure où l’interprétation baroque et romantique s’essouffle par manque d’idées, de goût, de « philosophie » globale…, voilà un idéal concret qui pour nous, vaut manifeste et modèle à suivre.
Entre les Currentzis, tapageur, pétulant, radical, et tous les autres directeurs musicaux de leur propre ensemble, qui répètent toujours les mêmes gestes pour toute les œuvres choisies, Antonini rejoint Dantone, … deux chefs actuels de plus en plus convaincants, pour une lecture active, régénérée, magnifiquement abouties des partitions sélectionnées.
Vite que la plupart des ensembles français s’en inspirent. Il y a bien longtemps que l’on avait pas écouté une telle richesse, un tel miracle sonore. Tout le mérite en revient au milanais, Antonini, qui après son intégrale Beethoven avec le Kammerorchester de Bâle, s’attache à dévoiler la fabrique à merveilles haydnienne dans le cadre de son intégrale Haydn 2032. Cycle enthousiasmant. Autant que le projet « authentique » lui aussi de Kent Nagano récemment annonciateur d’un Ring de Wagner sur instruments d’époque (Le Ring de Wagner sur instruments d’époque par Nagano, dépêche de juin 2017).
Volume 5 de son intégrale HAYDN 2032, le nouveau cd de Giovanni Antonini avec le Kammerorchester Basel, souligne avec élégance et raffinement tout
Le génie de HAYDN
La première Symphonie n°80 (enregistrée en octobre 2016) affirme une maestrià à la fois savante, franche et naturelle : puissance, dramatisme « Sturm und Drang » et aussi marque personnelle, humour voire facétie qui se met à distance de la forme sérieuse et de son développement trop majestueux ? font les premiers délices de cette lecture d’une maturité réjouissante. Haydn gagne ici grâce à la vitalité nerveuse et surtout tout en souplesse de Giovanni Antonini, une verve certes classique, purement viennoise, mais traversée par un élégance de chaque mesure. Il y a le nerf de Gluck et sa coupe dramatique (opératique), le goût des contraste purement formels d’un CPE Bach, mais Joseph Hadyn apporte cette conscience élargie du spectre sonore, qui cultive un rare équilibre entre expérimentation sonore et construction architecturale. Le souffle feutré intimiste de l’Adagio démontre la maîtrise du collectif dans l’art des équilibres, entre éloquence enjouée, enivrée, et grâce purement classique (équilibre bois, cuivres et cordes : un régal tant les couleurs détaillées et les respirations sont justes), annonçant Mozart, sans omettre un feu démiurgique (certes apaisée et jamais allongé) qui préfigure le maître viennois à venir : Beethoven.
Le Menuet réinvestit l’énergie active pleine d’entrain et de belle prestance, énergisant les vocalises des cordes somptueuses dans un Trio porté par l’esprit de la danse: l’élégance du chef convainc totalement et s’inscrit dans une intégrale qui promet d’être passionnante, l’égal des cycles légendaires signés par Harnoncourt, Bruggen et récemment Dantone chez Decca ?
Le volet ici enregistré approfondit le génie symphonique de Haydn, tout en le faisant dialoguer avec l’écriture de son cadet né en 1756, Kraus, – un autre Joseph (de 30 ans plus jeune que Haydn), autre émule du courant Tempête et passion, en extension dans les années 1780, juste avant la révolution et qui est le ferment du Gluck français.
Gluckiste,(claire référence à Iphigénie en Aulide mais avec développement contrapuntique plus dense et une orchestration plus ample) la Symphonie en do mineur de Krauss, qui reprend à l’été 1783 à Esterhaza où était Haydn et Gluck, un ancien opus composé en Suède, saisit par sa coupe elle aussi frénétique, mais traversée par une grâce riche en facétie et contrastes, qui enrichit la couleur musicale d’un lieu et d’une époque marquant le destin de plusieurs grands compositeurs. Le pathétique noble et grave voire lugubre (début) marque les esprits, en une profondeur qui se révèle mozartienne. De Krauss, Antonini souligne la force active, brûlée, embrasée voire éruptive qui en fait un compositeur digne de la frénétique gluckiste en effet. L’arête vive des vagues puissamment dramatiques y est magnifiquement réalisée. La sonorité atteint un idéal exceptionnel entre précision, couleur, expression, clarté et puissance. Que dire de plus. Eblouissant. Logiquement, le disque est CLIC de CLASSIQUENEWS.
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Cd, compte rendu, critique. HAYDN : Symphonies 80, 80, 19. KRAUS : Symphonie VB 142 (Kammerorchester Basel – Giovanni Antonini, direction – enregistrements de juillet et octobre 2016 – 1 cd ALPHA, collection « HAYDN 2032 », volume 5 : « l’homme de génie ». CLIC de CLASSIQUENEWS d’octobre 2017.