jeudi 28 mars 2024

CD, compte rendu critique. FARINELLI, a portrait / un portrait, par Ann Hallenberg (Aparte, Live in Bergen, 2011)

A lire aussi

hallenberg ann mezzo farinelli cd review cd critique clic de classiquenews AP117-Farinelli-300x300CD, compte rendu critique. FARINELLI, a portrait / un portrait, par Ann Hallenberg (Aparte, Live in Bergen 2011). Live, saisi sur le vif, le présent enregistrement de mai 2011 au Festival de Bergen, devait absolument être publié : il fixe la vocalità superlative de la diva Ann Hallenbergh dotée d’un chant d’une rare intelligence parmi les mezzos coloratoures actuelles. C’est même la cantatrice qui s’inscrit directement dans la lignée d’une Bartoli, par le niveau technique et surtout l’intelligence artistique. Ann Hallenberg n’a pas qu’un superbe organe et une technique sublime, elle sait nuancer et colorer le texte : ce que peu à ses côtés savent autant maîtriser. C’est de toute évidence une bel cantiste qui devrait chanter davantage de Rossini, et aussi de Mozart. Voici donc un récital majeur, qui répare un précédent discographique (1), où la divina ne disposait pas d’un orchestre correct, aussi flexible et contrasté que Les Talens Lyriques, partenaires passionnés, contrastés, aussi nerveux qu’éloquent sous la baguette de leur chef et créateur Christophe Rousset, – complices de cette réussite à Bergen, et certainement l’un des meilleurs live de l’ensemble instrumental français.

D’emblée, le niveau est dévoilé, défendu avec une réelle hauteur artistique dans la nervosité et le feu vivaldiens, du Broschi d’ouverture : « Son qual nave ch’agitata » (Artaserse). Puis l’ampleur comme l’intériorité et la vibration nuancée du second air du même Broschi « Ombra fedele anch’io » (Idaspe), confirme la richesse et la beauté des palpitations intimes, magnifiquement canalisées et colorées dont est créatrice la divina poétesse du verbe et de la ligne vocale. Ann Hallenberg déploie un somptueux timbre cuivré de mezzo agile, coloratoure d’une époustouflante couleur tendre qui manque à bien de ses consoeurs. Là où d’autres surjouent dans la langueur, voire dénaturent l’agilité de l’écriture par imprécision, la mezzo éblouit par son intelligence musicale, par sa sensibilité et une technique, sœur de poésie. On est saisi et déconcerté par ses flèches vocales qui fusent et éblouissent après leur projection naturelle.

Même constance ciselée dans le riche medium pourtant sollicité par l’écriture à vocalises dans le plus grave et sombre, -doloriste :   » Si pietoso il tuo labro  » de Porpora (plage 4).

hallenberg-ann-mezzo TAP philippe herrewegheLa plage 5 en serait le sommet, et le plus noire (révélateur de la mélancolie naturelle de son auteur ?) : d’une langueur extatique funèbre (« Alto Giove », Polifemo de Porpora), affirmant le génie du Napolitain pour le lugubre désespéré, et une noblesse digne des plus grands. Ici, le berger condamné Acis rend grâce à Jupiter de l’avoir permis de vivre et d’éprouver les vertiges de l’amour humain (pour la belle nymphe Galatée) ; dans les replis de cet air célèbre, se précise la nature du sentiment honoré, à la fois poison et cadeau : clairs prémices de la mort du berger, à venir sous la colère de Polyphème. La sobriété de la mezzo touche directement par son ampleur doloriste, jamais affectée, ni maniérée soit 10 mn d’extase pudique d’essence tragique. Le plus long épisode vocal du programme transporte par sa vérité lugubre. D’un sublime funèbre irrésistible.

 

 

 

Ann Hallenberg ne serait-elle pas la plus grande mezzo baroque actuelle ?
Son chant souverain, électrique et nuancé, égale ce qu’incarna hier une Bartoli…

 

 

Pour rompre avec les délices contrastés qui ont précédé dans un récital qui touche aussi par sa cohérence interprétative globale, la dernière séquence (plage 10) est un fameux air de chasse (avec cors naturels de rigueur), air qu’une star baroque pouvait chanter partout selon ses engagements y compris au sein d’un opéra, d’un auteur différent qu’ici, Handel : « Sta nell’ircana » d’Alcina. Articulation naturelle, colorée, abattage, tension et phrasés d’une subtilité qui forcent l’admiration, agilité magnifiquement nuancée… tout affirme l’exceptionnelle énergie d’Ann Hallenberg : la technique relève d’une prodigieuse musicalité et au delà d’une santé et d’une intelligence superlatives. La mezzo ne fait pas qu’exprimer la palpitante virtuosité requise par l’air, mais aussi son excitation juvénile (celle du jeune, virile, amoureux Ruggiero) : l’éclat, la brillance, la subtilité sans forcer d’une projection naturelle soulignons-le, impose l’immense talent de la diva, à mille lieux des convulsions pas toujours heureuses car engorgés de son confrère l’actuel Franco Fagioli (qui sur scène dispose de surcroit, d’un coffre infiniment moins puissant).

CLIC_macaron_2014Enfin, l’air de fureur et de vitesse, – jusqu’à la syncope pour manque d’air et de souffle, le dernier air, « In braccio a mille furie » / Semramide riconosciuta de Porpora, s’embrase et brûle comme une torche vive ; ultime offrande ressuscitant donc la figure légendaire du castrat Farinelli. Si le chanteur napolitain, adulé par toutes les Cours d’Europe, en particulier en Espagne, avait l’éclat d’Ann Hallenberg, on comprend l’impact qu’il put susciter à son époque. Et la diva mérite aujourd’hui tous les honneurs. Brava !!!

 

 

CD, compte rendu critique. FARINELLI, a portrait / un portrait, par Ann Hallenberg, mezzo. Les Talens Lyriques (Aparte, 2011)

_________________________

APPROFONDIR

CD, compte rendu critique. AGRIPPINA : Ann Hallenberg, mezzo (1 cd DHM –  Il Pomo d’Oro. Riccardo Minasi, direction. 1 CD DHM, Deutsch Harmonia Mundi 2015-). LIRE notre critique compte rendu complet

LIRE d’autres critiques de récitals discographiques par Ann Hallenberg :

hallenberg-ann-mezzo-dhm-deutsche-harmonia-mundiCD, compte rendu critique. Agrippina : Ann Hallenberg, mezzo ( 1cd DHM). Et si Ann Hallenberg était tout simplement l’une des plus grandes mezzos actuelles dévolues à l’articulation des passions baroques ? On se souvient d’une extraordinaire récital précédent, inscrit plus récemment dans l’histoire musicale, déjà romantique, consacréeau répertoire de Marietta Marcolini et Isabella Colbran, cette dernière, égérie et épouse de Rossini : un abattage précis et nuancé, des inflexions justes, une intelligence expressive qui rendait service au texte et à la fine caractérisation des situations dramatiques.  Ici même idéal vocal, naturel, flexible et poétique au service de l’approfondissement psychologique auquel invite la conception de ce type de programme. L’autorité de la technique relève les défis d’un programme où domine la prise de risque et le défrichement d’oeuvres inédites.

ann hallenberg marietta marcolinicd, critique. Ann Hallenberg, mezzo. Arias for Marietta Marcolini. Giuseppe Mosca, Carlo Coccia, ou Johann Simon Mayr et Ferdinand Paer (prérossiniens, chantés autour de 1800)… sont quelques uns des compositeurs à l’honneur quand la contralto véronaiseMarietta Marcolini embrase la scène, en particulier dans l’art nouveau, sanguin, vif, palpitant du jeune Rossini (rencontré en 1811) ; la cantatrice adulée à son époque en fait son protégé et son amant. Les airs retenus appartiennent tous à la seconde partie de la carrière de la contralto légendaire, soit entre 1810 et 1820. Rossini compose pour celle qui laisse une trace indélébile sur son écriture, pas moins de cinq opéras: L’Equivoco stravagante (1811), Ciro, puis La Pietra del paragone (1812), L’Italienne à Alger (1813), Sigismondo (1814)…

 

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CD événement, annonce. Franz SCHUBERT : OCTUOR en fa majeur D. 803. SOLISTES DE L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE BERLIN (1 cd Indésens).

Le label français INDÉSENS publie le nouvel album des solistes de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, dédié à l’Octuor en...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img