CD, compte rendu critique. Cyril Auvity, haute contre. Stances du Cid (L’Yriade. 1 cd Glossa GCD 923601). Difficile de demeurer insensible à la déclamation fluide et naturelle, très articulée de la haute-contre française Cyril Auvity, au sommet de ses facultés vocales et expressives,et toujours prêt à relever les défis de partitions méconnues comme ici ou de programme thématiquement pertinents, surtout cohérents. Un prochain disque à paraître d’ici décembre 2016, dédié aux Motets de Clérambault (totalement inédits et pourtant d’une puissance dramatique absolue) le prouvera encore (réalisé grâce à la volonté défricheuse de l’organise Fabien Armengaud et son excellent ensemble Sébastien de Brossard). Enregistrement réalisé en Belgique en mai 2015, le présent recueil Stances du Cid incarne un standard du récit français traversé par l’éthique morale, un rien rigide mais toujours étonnamment noble et solennel, d’un héroïsme loyal sans égal, presque shakesparien tel qu’il fut porté sous Louis XIII et au début du règne de Louis XIV par l’illustre Pierre Corneille.
Cyril Auvity captive par un chant tendre, nuancé, flexible
Langoureuse lyre du Grand Siècle
Cyril Auvity construit ce programme réjouissant autour de la particularité de sa voix et de celle de l’air de cour. Le style vocal du chanteur, parfaitement intelligible et d’une tenue dramatique naturelle (mi air mi récit), souvent franche et directe exprime parfaitement les tourments et les doutes du Cid, dès les 3 premiers airs de Charpentier (« fait-il punir le père de Chimène? ….(…) Tous mes plaisirs sont morts « …, dilemne central du cœur héroïque, tiraillé entre amour et honneur, désir et dévoir). La tendresse subtilement énoncée du Cid paraît sans fadeur ni préciosité maniériste dans un chant droit, timbré, aux phrasés délicats et mesurés. C’est l’offrande – en sol mineur, tonalité de la douceur ardente, entre prière et énergie intérieure voire tristesse osbcure finale-, d’un compositeur épris de prosodie exacte et efficace (moins de 2mn pour chaque), et en 1680, déjà postérieure à lapièce de Corneille de près de 40 ans… Le timbre de Cyril Auvity exprime le tourment et le désarroi voire l’impuissance du jeune Rodrigue qui bien que guerrier aguerri ne maîtrise rien des élans du cœur.
Marc-Antoine Charpentier diffuse ses airs de cours – mélodies que tout un chacun peut entonner chez lui, partout dans ses déplacements et devant sa famille ou ses amis-, dans les colonnes du Mercure Galant, fondé par un proche Jean Donneau de Visé. Aux côtés de Marc-Antoine Charpentier, le chanteur joint d’autres mélodies au texte tout autant éloquent, matière à articuler et nuancer la projection vivante et colorée du texte poétique, signées du poitevin Michel Lambert établi à Puteaux (remarqué et favorisé par Moulinié puis Richelieu et les Orléans, puis proche de Lully qui épouse d’ailleurs sa fille Madeleine) … Lambert, Charpentier, deux immenses génies de la lyre poétique, intime et introspectives de l’âme baroque. En témoignent dans ce recueil épatant : la volonté fébrile de l’amant trahi entre volonté puis faiblesse de l’une des plus longues (plus de 4mn) : « Non je ne l’aime plus » ; langueur en forme de chaconne de Ma bergère de Lambert… L’extase langoureuse, le rêve amoureux déchiré (« Vous me donnez la mort »… de « Rendez-moi mes plaisirs / ma Sylvie »…de Charpentier), la quête d’un désir insatisfait… tout est dit ici avec une attention superlative au texte, à la résonance intime de chaque note, donc de chaque image émotionnelle qu’elle fait naître. Grand diseur baroque ici de l’introspection poétique (la psychanalyse serait-elle finalement née à l’époque de Corneille, et dans cette poétique musicale de l’air de cour, plus tard sublimé derechef et davantage parlée dans le théâtre de Racine… ?). Voilà qui donne matière à notre imaginaire et comble pour l’heure notre exigence linguistique et poétique. L’intelligence des enchaînements approche l’excellence d’un envoûtement finement gradué (écoutez les plages 11 puis 12 : de la Bergère magnifique au bois de Tirsis, arcadie miroir des peines secrètes et silencieuses… ) où s’affirme en cours de programme l’acuité expressive des instruments en concert, ceux du jeune ensemble L’Yriade. Superbe réalisation et tenue vocale de premier plan. CLIC de classiquenews de février 2016.
CD, compte rendu critique. Cyril Auvity, haute contre. Stances du Cid. Airs de Marc Antoine Charpentier, Michel Lambert. Pièces instrumentales de François Couperin. L’Yriade. 1 cd Glossa GCD 923601 (enregistrement réalisé en Belgique en mai 2015). CLIC de CLASSIQUENEWS de février 2016. Parution le 15 février 2016.