CD, compte rendu critique. Campra : Tancrède, version 1729. Orchestre Les Temps Présents & les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles. Olivier Schneebeli, direction. Travail exceptionnel sur l’articulation du texte, l’un des livrets les plus forts et « viril » du compositeur (signé Antoine Danchet) qui renoue ainsi avec la coupe noble et héroïque de son aîné et modèle Lully (aidé du poète Quinault). Tous les chanteurs excellent dans la projection naturelle et souple du français et Olivier Schneebeli ajoute les inflexions dramatiques et sensuels d’un orchestre destiné à exprimer les passions de l’âme, en particulier la passion naissante des deux guerriers opposés : le chrétien Tancrède et la Sarrazine Clorinde. Ici l’opéra français égale sinon dépasse l’impact expressif du théâtre classique parlé et déclamé de Racine. S’y glissent et triomphent aussi les divertissements, instants de grâce qui alliant choeurs, ballets, et séquences portés par les seconds rôles, apportent ces détentes propices, véritables temps de pure poésie entre des tableaux à l’épure tragique d’une tension irrésistible. Saluons dans ce sens les deux dessus au verbe ciselé autant qu’au jeu d’une solide justesse (Anne-Marie Beaudette et en particulier Marie Favier au timbre rond et palpitant). Chacune de leur prestation fait mouche, les divertissements gagnent un surcroît de profondeur. Tout concourt à tisser le lent et inéluctable fil tragique vers la mort de la sublime guerrière, Clorinde.
Olivier Schneebeli réalise un sommet tragique et poétique dans ce Tancrède de 1702
Tristan et Isolde baroque
Le couple noir et jaloux : Argant / Herminie exalte de pulsations haineuses et pourtant d’une sincérité magicienne (Alain Buet et Chantal Santon) : leurs personnages surtout celui d’Herminie s’expose sans épaisseur, avec la même finesse prosodique au début du III. Pour les rôles de Clorinde et de Tancrède, les deux protagonistes Isabelle Druet et Benoît Arnould ont la jeunesse, la justesse et la sincérité de deux timbres admirablement engagés. On se délecte dans leurs oppositions, confrontations successives, le point d’orgue de leur union pudique admirablement exprimée sur la scène demeurant le duo d’une économie souveraine et d’une grande poésie du IV ( » Gloire inhumaine, hélas ! que tu troubles nos coeurs » : sommet de la lyre tragique vécue par les deux 2 coeurs blessés).
Une réserve cependant pour la tenue vocale du baryton : s’il a le timbre idéalement sombre et virile, sa ligne vocale manque parfois de justesse comme de simplicité.
L’acte IV, celui de la haine active (sous le feu d’Herminie et du mage Isménor) est aussi surtout celui de la confession amoureuse quand (scène 6), Clorinde avoue son amour pour lui à Tancrède. Quand au V, la gloire toute acquise à Tancrède est le sujet de sa profonde douleur car il y perd Clorinde qui s’épuise et meurt dans ses bras en un duo tristanesque d’un lugubre digne qui est un autre absolu poétique.
C’est fidèle à la poésie sombre et lugubre du Tasse que Danchet et Campra brossent un portrait noir des amours guerriers : la pompe victorieuse, la gloire qui jaillit et étincelle sur l’armure de Tancrède sombre immédiatement dans le gouffre de la douleur quand le Chrétien découvre son aimée Clorinde, touchée au coeur expirante. La noblesse, le raffinement, la suavité mesurée et allusive des divertissements, le chant perpétuellement soucieux de son intelligibilité font toute la qualité de cet enregistrement pris sur le vif à l’Opéra royal de Versailles, les 6 et 7 mai 2014. VOIR. Les caméras de classiquenews étaient fort heureusement présentes lors de la performance : visionner notre reportage vidéo Tancrède de Campra, recréation de la version de 1729.
Voici au disque le meilleur enregistrement de la collection Château de Versailles. CLIC de classiquenews de mai 2015.
CD, compte rendu critique. Campra : Tancrède, version 1729. Orchestre Les Temps Présents & les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles. Olivier Schneebeli, direction. Avec Benoît Arnould, Tancrède. Isabelle Druet, Clorinde. Chantal Santon, Hermoinie. Alain Buet, Argant. Eric Martin-Bonnet, Isménor. erwin Aros, Anne-Marie Beaudette et Marie Favier (seconds rôles divers). 3 cd Alpha baroque Outhere music 2h46mn. Référence : 3 760014 199585