samedi 26 avril 2025

CD, compte rendu, critique. BERLIOZ : Les Troyens. John Nelson (4 cd + 1 dvd / ERATO – enregistré en avril 2017 à Strasbourg)

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berlioz-les-troyens-didonato-spyres-nelson-3-cd-ERATO-annonce-cd-premieres-impressions-par-classiquenewsCD, compte rendu, critique. BERLIOZ : Les Troyens. John Nelson (4 cd + 1 dvd / ERATO – enregistré en avril 2017 à Strasbourg). Saluons d’emblée le courage de cette intégrale lyrique, en plein marasme de l’industrie discographique, laquelle ne cesse de perdre des acheteurs… Ce type de réalisation pourrait bien relancer l’attractivité de l’offre, car le résultat de ces Troyens répond aux attentes, l’ambition du projet, les effectifs requis pour la production n’affaiblissant en rien la pertinence du geste collectif, de surcroit piloté par la clarté et le souci dramatique du chef architecte, John Nelson. Le plateau réunit au moment de l’enregistrement live à Strasbourg convoque les meilleurs chanteurs de l’heure Spyres DiDonato, Crebassa, Degout, Dubois… Petite réserve cependant pour Marie-Nicole Lemieux qui s’implique certes, mais ne contrôle plus la précision de son émission (en Cassandre), diluant un français qui demeure, hélas, incompréhensible. Même DiDonato d’une justesse émotionnelle exemplaire, peine elle aussi : ainsi en est-il de notre perfection linguistique. Le Français de Berlioz vaut bien celui de Lully et de Rameau : il exige une articulation lumineuse.
La Chute de Troie convoque des personnages qui se font individualités fortes : désespérée, mais sublimes (selon l’idéal de Berlioz qui recherche chez Gluck, la grandeur humaine, la noblesse morale quelque soit la situation et le destin) : ainsi le Chorèbe de Stéphane Degout, hier servi avec peut-être plus de distinction encore, par l’inusable et altier Ludovic Tézier ; idem dans la seconde et dernière partie, Les Troyens à Carthage dont l’orchestre sait aussi sculpter avec une volupté lascive, les couleurs africaines.
A défaut d’un français parfait, le sens commun resserre la cohésion de l’équipe dans l’exactitude du sentiment et du caractère de chaque scène. Saluons après un Jon Vickers légendaire sous la direction de Colin Davis (référence absolue), l’américain Michael Spyres (qui aux côtés d’Enée, chante aussi chez Berlioz, un remarquable et très humain, Faust). La ligne, la pureté du style le distinguent de ses partenaires. Torche vivante, embrasée, amoureuse passionnée qui se consume totalement, la Didon de Joyce DD marque les esprits par la vérité de son incarnation, moins l’éloquence linguistique de son personnage. Elle est donc plus organique et féline, sauvage mais princière qu’aristocratique par un verbe ciselé. Mais les nuances et les couleurs fauves d’une grande tragédienne sont bien là : proches du sublime.
Le soin apporté aux « seconds rôles » fait les grandes réalisations. Saluons aussi le Narbal épatant de Nicolas Courjal, comme l’HyIas de Stanislas de Barbeyrac, le Iopas de Cyrille Dubois, deux figures montantes du chant français (baroque autant que romantique), de même la sentinelle très juste de Richard Rittelmann au tout début de l’épopée…

CD. BERLIOZ : Les Troyens maîtrisés de John NelsonArchitecte, soucieux de la direction globale comme de la grande lisibilité des scènes, entre l’individuel (qui prime dans le destin tragique du couple Didon / Enée dans la seconde partie), et la flamme collective où souffle le vent de la fresque virgilienne, John Nelson réalise une approche plutôt sérieuse et construite. Pourtant sans atteindre la vérité et la profondeur de Colin Davis, Nelson accomplit une lecture structurée, construite où s’assume aussi la belle présence des choeurs requis pour l’expérience strasbourgeoise. Du beau métier, solide et expressif. Mais… reconnaissons que le français et sa lisibilité continuelle manquent cruellement ici. En 1969, Colin Davis savait autrement maîtriser l’éloquence déclamatoire mais si naturelle du texte berliozien, d’une grandeur humaine, juste et poétique. Nonobstant nos infimes réserves, la lecture de Nelson 2017 s’impose par son nerf, sa franchise expressive, son relief dramatique global; l’engagement des chanteurs, prêts à caractériser leur partie, malgré un français vraiment inintelligible pour certains. Même perfectible, cette version est une production lyrique ambitieuse, qui dans sa version enregistrée, alliant l’audio et la vidéo, – 4cd et 1 dvd-, doit être soulignée en gras, – nouveau fleuron Erato, élément moteur qui régénère l’industrie du disque en pleine crise.

 

 

 

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CD, compte rendu, critique. BERLIOZ : Les Troyens. John Nelson (4 cd + 1 dvd de 1h25mn / ERATO – enregistré en avril 2017 à Strasbourg).

CLIC_macaron_2014BERLIOZ : LES TROYENS. Opéra en 5 actes et 2 parties : La Prise de Troie et Les Troyens à Carthage. Livret du compositeur, d’après L’Énéide de Virgile. Création en allemand à Karlsruhe au Hoftheater le 6 et 7 décembre 1890 — Première partie créée en français, le 4 novembre 1863 à Paris, au Théâtre Lyrique / Seconde partie créée en français, le 28 janvier 1891 à Nice, au Théâtre municipal

 

 

Par ordre d’apparition :

 

 

Un soldat (acte I), un capitaine grec (acte II) : Richard Rittelmann
Cassandre : Marie-Nicole Lemieux
Chorèbe : Stéphane Degout
Enée : Michael Spyres
Ascagne : Marianne Crebassa
Panthée : Philippe Sly
Hélènus, Hylas : Stanislas de Barbeyrac
Priam : Bertrand Grunenwald
Hécube : Agnieszka Sławińska
Ombre d’Hector, Mercure : Jean Teitgen

Didon : Joyce Di Donato
Anna : Hanna Hipp
Iopas : Cyrille Dubois
Narbal : Nicolas Courjal
Sentinelle I : Jérôme Varnier
Sentinelle II : Frédéric Caton

Chœur de l’Opéra national du Rhin
Direction : Sandrine Abello

Badischer Staatsopernchor
Chef du chœur : Ulrich Wagner

Chœur philharmonique de Strasbourg
Chef du chœur : Catherine Bolzinger

Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Direction musicale : John Nelson

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