samedi 20 avril 2024

CD, compte rendu critique. Arcadi Volodos plays Brahms (1 CD SONY classical, 2015-16-17)

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VOLODOS Arcadi Volodos joue plays BRAHMS 1 cd SOny classical compte rendu critique cd par classiquenewsCD, compte rendu critique. BRAHMS : Pièces, Intermezzi (Opus 76, 117, 118 – 1892-1893). Arcadi Volodos, piano (1 CD SONY classical, 2015-16-17). Dès les Pièces opus 76, l’intériorité et un rubato d’une grande fluidité, toujours orienté vers l’introspection moins inquiète qu’interrogative, captivent. Brahms aime les questionnements suspendus, sans réponse : en cela la première des Pièces opus 76, composées à l’été 1892,  (Capriccio 1) est d’une liquidité sobre mais clairvoyante : entre pleine conscience et insouciance recherchée. Bavard, cette fois insouciant est le Capriccio 2 suivant ; en visions plus enchantées, versant vers l’enivrement de plus en plus éthéré, l’Intermezzo, noté « grazioso » séduit tout autant. Signant l’un de ses programmes les mieux investis, le pianiste d’origine russe, Arcadi Volodos convainc par cet indicible écoulement entre gravité et retenue, toujours au service d’une pudeur qui recherche le secret et la sérénité intérieure malgré ses propres contradictions et ses tentations intermittentes… Doué d’une envoûtante facilité digitale, le pianiste sculpte en teintes jamais percussives ni puissamment charpentées – comme c’est le cas de ses confrères russes, l’insaisissable et grande versatilité brahmsienne, cependant inscrite dans l’intelligibilité et l’articulation, une éloquence sertie d’éclairs et d’atténuations intimes.

Arcadi Volodos écoute l’intériorité brahmsienne
Il ouvre chaque porte d’une énigme profonde et tenue secrète

Plus intérieurs encore, les 3 Intermezzi opus 117 (créés en 1893, à l’époque de ses 60 ans) expriment au plus juste cette tragédie intime et silencieuse, propre à Brahms : ils sont tous notés « Andante », d’une élégance de ton, d’une retenue toute personnelle, véritable architecture du murmure et des piani souverains : c’est à dire, suspendus, mélancoliques ma non troppo, souples et caressants. La tendresse s’affirme aussi nettement dans ce basculement introspectif d’une absolue pudeur, laissant par intermittence, l’essor d’un chant plus serein. Le sommet de cette littérature qui revisite la sehnsucht schubertienne, demeure le joyau du triptyque : l’Intermezzo opus 117 n°2 en si bémol mineur, – tonalité de l’hypersensibilité, auquel le jeu très sobre, clair, retenu du pianiste, apporte cet abandon – lâcher prise, souverain lui aussi, où jaillit porté par la recherche d’insouciance, un pur sentiment d’innocence.
Le grave, le sombre même, le tendre et la pudeur se marient ici en une équation magistrale. Volodos lui applique avec ô combien de tact et de mesure, sa propre grille de recul et de distanciation : une opération de décantation vers le sublime et l’indicible, de la lumière vers l’invisible, comme si à mesure que s’écoule le divin baume sonore, s’épaissit le mystère qui nous étreint. Le dernier Intermezzo semble nous dire la lassitude d’un Brahms au bout du bout et sa fameuse petite phrase : «  Je suis las, La vie hélas, me pèse ! ». De fait, le dernier volet de cette trilogie pour piano, l’équivalent pianistique des 3 dernières Symphonies de Mozart, – (elles aussi du destin), semble s’enraciner inéluctablement dans l’amertume et la grisaille à peine voilée, mais avec combien de retenue.

Plus acérées et vif argent, les Pièces opus 118 (6 Klavierstücke) créées en 1894, surenchérissent dans une palette expressive plus contrastées et plus passionnées dont la première (notée Allegro appassionato) affirme une puissance émotionnelle jamais tarie ; le murmure enchanté de l’Andante qui suit saisit par son intensité souterraine permanente : le flux le plus réussi – et qui rappelle l’infini introspectif de la Sonate pour piano; son irrépressible langueur passionnelle, inscrite dans les plis et replis d’une psyché qui se rétracte et demeure inéluctablement … secrète : saluons la formidable digitalité allusive et d’une éloquence qui soigne transitions et silences. Beau contraste avec la Ballade qui suit, son caractère de marche victorieuse, un rien bravache qui n’écarte pas une activité psychique viscéralement inquiète.

Les deux derniers Andante (Romance et Intermezzo), surtout l’ultime, flirte avec l’ombre et le silence, – en un chant murmurant, essentiel là encore, à peine énoncé comme une esquisse dont la dernière écriture d’un Brahms de plus en plus essentiel, souligne la concentration synthétique, le dessin d’une épure. Liquides et magiciens, d’une fluidité aérienne, le jeu et le toucher du pianiste tirent une révérence des plus filigranées, et comme énigmatique dans ses résonances dernières… graves, contrastant avec le jaillissement d’une prière plus ardente mais fugace et vite enfouie… dans l’ombre épaisse. De sorte que surgit dans l’espace du clavier seul, par l’activité des deux mains magiciennes, ce monde entre la vie et la mort, – cette « profondeur inexprimable » (selon les propres mots de Volodos), unique, impalpable et immatériel, propre à l’imaginaire brahmsien, qui file entre les notes, idéalement incarnées. Le récital qui regroupe sur 3 années, 2015, 2016 et 2017, les 3 cycles pianistiques, est l’un des mieux senti d’Arcadi Volodos. Compilation très convaincant.

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CD, compte rendu critique. VOLODOS PLAYS BRAHMS. Johannes BRAHMS (1833-1897) : Pièces, Intermezzi (Opus 76, 117, 118 – 1892-1893). Arcadi Volodos, piano (1 CD SONY classical, 2015-16-17).

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