jeudi 18 avril 2024

CD. Coffret The Westminster Legacy, the Collector’s edition, 40 cd

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westminster_the-westminster-legacy-40 cd-973911849_MLCD. Coffret The Westminster Legacy, the Collector’s edition, 40 cd. Malgré le visuel londonien de couverture et son titre référent, le label Westminster affichant clairement une british touch surtout manifeste dans la qualité de sa prise de son (en cela comparable au standard Decca) a été fondé à New York en 1949. Le lendemain de la guerre est l’indice d’un renouveau sans égal de l’initiative des enregistrements studio d’envergure : les premières gravures menées par l’anglais établi à New York, Jimmy Grayson, se réalisent surtout à Vienne où le nombre d’artistes et interprètes affûtés ajoutent en arguments au faible coût des enregistrements, comparé à celui américain. Le Konzerthaus (de style Secession 1913), la Mozartsaal sont les noyaux d’une aventure discographique qui marque surtout les deux décennies à venir : 1950 et 1960. C’est l’essor du nouveau support microsillon et hifi de l’ère industrielle, le 33 tours (après les 78 et 45 tours). Voici les fleurons d’une série d’archives absolument saisissantes.

 

 

 

label légendaire

Westminster, mémoire des années 1950-1960

 

 

Les chefs : Scherchen, Leinsdorf, Rodzinski, Boult, Monteux, Knappertsbuch … D’emblée, une place importante est réservée au répertoire symphonique : emblématique de ce souffle nouveau qui place les micros dans l’orchestre, comme en témoignent les Symphonies n°1 et n°2 de Mahler avec le Royal Philh. Orchestra en 1954 et l’Orchestre de l’Opéra de Vienne en 1958, les deux sous la direction de Hermann Scherchen  : ciselure des timbres (cordes très en avant dont les pizzicati de la harpe dès le mouvement 1, et toujours cette lisibilité et cette intensité qui creuse le sillon expressionniste du massif mahlérien), clarté du geste, vision chambriste des étagements de pupitres… Prenez aussi le début de Roméo et Juliette de Berlioz par Monteux (prise de 1962) : la spatialisation nettement caractérisée du son stéréo qui répartit nettement les cordes avec les cuivres en fond sonore, reste une avancée explicite de l’enregistrement théâtralisé propre aux années 1950 : un « plus » technologique qui a influencé depuis lors le marketing du disque. L’auditeur dans son salon avait vraiment l’impression de vivre l’orchestre de l’intérieur… voilà le caractère du son Westminster.
Hermann Scherchen sous sa figure de chef sage à lunettes dévoile pour Westminster un tempérament aventureux et intrinséquement original : ses Haydn (Symphonies) sont frappées sous le sceau de l’imprévisible, de la surprise, avec une clarté incisive : Les Adieux, La Militaire, avec l’Orchestre de l’Opéra de Vienne, 1958) ont forgé le jeune maestro à l’aune de l’élégance facétieuse viennoise; du coeur et du cartésianisme, Scherchen oscille toujours entre les deux directions, façonnant souvent des gravures captivantes car il y coule souvent une énergie proche de la décharge ensuite canalisée avec passion et sensibilité. Ainsi ses Beethoven (2,4, 8 enregistrées avec le Royal Phil. Orchestra; les 3 et surtout 6 en 1958 avec les fidèles effectifs viennois).

Aux côtés de Scherchen, Westminster fait appel à deux autres chefs tout autant convaincants et argumentés propres aux années 1950 : l’autrichien Erich Leinsdorf, farouche mozartien ici à Londres en 1955 dans les trois dernières Symphonies (éclatantes et enivrées) ; puis le polonais Artur Rodzinski, défenseur en 1955 (également à Londres) de Tchaïkovski (ballet intégral de Casse-Noisette, surtout Concerto pour violon avec la soliste Erica Morini). N’oublions pas les Planètes de Holst par Sir Adrian Boult (Vienne, 1959), qui dirige l’oeuvre qu’il avait créée

Autres chefs majeurs de la collection, Hans Knappertsbusch (8ème de Bruckner et extraits wagnériens dans un programme éblouissant et magnifiquement enregistré à Munich en janvier 1963 : souffle et cohérence poétique, son ciselé, vision architecturée et direction organique) ; bonus précieux également l’enregistrement de la Bataille de Wellington avec les sessions quasi complètes de répétitions en 1960 au Konzerthaus de Vienne ; Pierre Monteux paraît aussi, à l’élocution parfois martiale mais toujours claire même si monolithique et tendue, qui enregistre alors sa seule version de la 9ème de Beethoven avec le London Symphony orchestra et un quatuor de solistes exceptionnels dont Jon Vickers, Regina Resnik, Elisabeth Söderström (Londres juin 1962) : même expressivité et souffle vertueux pour Roméo et Juliette de Berlioz, d’un romantisme passionnant enregistré dans la foulée de Beethoven, mais avec un autre ténor, André Turp.

Même enthousiasme pour une autre gravure des années 1960, Rodelinda de Haendel, premier enregistrement de l’opéra au disque et donc légendaire à juste titre en juin 1964 dans la Mozartsaal de Vienne, sous la direction de l’honnête et souvent fin Brian Priestman : si la réalisation du continuo et de l’intrumentarium nous parait épaisse (mais jamais inexpressive), l’apport cisèle pour chaque personnage, un portrait très approfondi grâce à la distribution des chanteurs dont la mozartienne, digne, blessée, au legato subtil de Teresa Stich-Randall, immense, solaire et crépusculaire à la fois.

Vous l’aurez compris cette boîte recèle bien des pépites, reflétant l’éclat d’un label florissant au lendemain de la guerre, par ses choix artistiques autant que par son exigence dans les conditions d’enregistrements. Westminster est aussi un label chambriste et vocal. La Soprano croate Sena Jurinac signe un superbe récital Schumann (Frauenliebe und leben et Liederkreis, Vienne 1954), un Requiem de Mozart sous la conduite de Scherchen (1958) ; c’est aussi le récital new yorkais du ténor Leopold Simoneau pour 14 chansons de Duparc (1956) : si le timbre est pincé voire nasalisé, l’éloquence, le style sans affectation restent exemplaires. Point d’orgue du coffret dans le registre lyrique, le récital de la diva coloratoure Beverley Sills belcantiste renommée à juste titre combinant en 1968, 1969 airs italiens de Bellini et Donizetti et français de Massenet (le Cours la Reine de Manon, un morceau fétiche avec un maniérisme coquet dans l’articulation très anglosaxonne du français) et l’air de Titania de Mignon de Thomas…
Le coffret est d’autant plus complémentaire dans les formes et effectifs abordés qu’il regroupe aussi un nombre importants de chambristes réputés alors à leurs débuts : les pianistes Daniel Barenboim, Paul Badura Skoda et Jörg Demus, mais aussi Clara Haskil, roumaine établie en Suisse alors à peine connue… ) mais aussi plusieurs formations célèbres à l’époque : Quatuors Janacek et  Smetana, Quatuor du Konzerthaus de Vienne, European strings Quartet… Mentions spéciales également pour le piano robuste, technique et flamboyant d’Egon Petri alors à la fin de sa carrière et presque totalement oublié (Sonates emblématiques de Beethoven : Pathétique, appassionata, Hammerklavier, New York, juin 1956). Il faut bien reconnaître que la prise de son est souvent d’un relief mordant qui rend palpitante la plupart des archives Westminster : un apport et une esthétique de l’enregistrement écartés depuis. Voilà qui fait aussi de ce coffret un événement discographique de février 2014.

The Westminster Legacy. The collector’s edition. 40 cd Westminster 00289 479 2343 GB 40. Parution : février 2014.

 

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