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A partir du 12 mai 2010, Carlos Saura présente son nouveau film sur
Le réalisateur Carlos Saura fait du mythe lyrique, une La distribution est portée par une équipe de jeunes
Dossier spécial
opéra
l’opéra, en particulier la genèse de Don Giovanni de Mozart à Prague et à
Vienne, à travers le travail de ses 3 concepteurs: Mozart, Da Ponte
et…
Casanova. « Don Giovanni, naissance d’un opéra » est un film intimiste qui propose une lecture personnelle,
théâtrale, de la genèse d’un opéra.
Venise, 1763. Le jeune Da
Ponte et son maître à penser
Casanova, remontent en gondole un canal obscur: ils croisent la statue
de géant d’un commandeur couché sur une barque: celle qui contient les
éléments de décors d’une production de Don Giovanni (celui de
Gazzaniga?) qui indigne du mythe porté sur la scène, n’a pas obtenu le
succès escompté…
Qu’importe, ils écriront à quatre mains leur propre version de Don
Giovanni avec un musicien à la hauteur… Mozart. Voilà planté le début
du film de Carlos Saura qui inspiré par le vie de Lorenzo da Ponte
évoque à Prague (première de l’opéra en 1787), et à Vienne (où l’oeuvre
est présentée devant la Cour impériale et Joseph II), la genèse du Don
Giovanni écrit avec Casanova et Mozart.
oeuvre à trois voix où les épisodes de la vie intime de chacun inspirent
et conduisent finalement la conception de l’oeuvre en chantier. Pour
Casanova, Don Giovanni incarne bien son idéal de vie, la figure
triomphale d’une existence libre et indépendante, vécue sans morale
et sans sentiments. Il y a de la désobéissance dans cette quête et
une violente critique du système monarchique et religieux.
De la même
façon, Da Ponte qui a dut fuir Venise pour les mêmes
idées libertaires
et ses diatribes contre l’Inquisition, conçoit Don Giovanni comme une
oeuvre en miroir; d’une certaine façon, Don Giovanni, c’est lui.
L’opéra
pour Mozart est une nouvelle partition qui l’use et le
dévore; à bout
de force, le compositeur qui rencontre Da Ponte par l’entremise de
Salieri, envisage d’abandonner l’écriture de la partition en particulier
lorsqu’il apprend pendant les répétitions, la mort de son père Leopold,
autorité paternelle à la fois détestée et adorée. Il y a évidemment un
parallèle dans les relations du fils au père et de Don Giovanni avec le
Commandeur.
Auteur au cinéma de Cria
Cuervos (1975), Carlos Saura réalise
un
nouveau travail vers la musique et la chorégraphie des corps avec
Antonio Gades: Noces de sang (1981) puis Carmen (1983)
sont l’aboutissement de cette nouvelle orientation. Avec Goya (1999),
le
réalisateur
en
évoquant les dernières années de la vie du peintre
espagnol, s’intéresse à l’image, à la couleur, au principe même de la
peinture.
Don Giovanni, naissance d’un opéra est à la fois un film
intimiste dans lequel le réalisateur réussit le traitement de l’opéra au
cinéma: inspiré librement de la vie de Lorenzo da Ponte, Saura se
concentre sur les relations entre les protagonistes, ce qui fait
résonance dans la partition avec les idées, les fantasmes, les
situations personnelles des 3 créateurs. Grâce à un jeu subtil de
dioramas, le réalisateur rétablit à l’écran, l’espace théâtral tout en
respectant l’évocation des lieux traversés (Venise, Vienne…): les
toiles imprimées qui font le décor, troublent les repères, mêlent
progressivement l’action des auteurs et l’intrigue de l’opéra qu’ils
écrivent. Il en résulte une impression troublante qui efface les
limites temporelles, brouille la frontière entre réalité et fiction, vie
réelle et scène de théâtre, drame intime et opéra… « Io, Don
Giovanni »
(titre originel du film) est aussi une réflexion du cinéaste sur
les
vertiges de l’image et les formes mêlées, contradictoires de la
narration.
interprètes. Pour les chanteurs employés par Mozart et Da Ponte, Carlos
Saura a fait appel à des inconnus dont les talents d’acteurs et le
tempérament vocal renforcent la réussite globale.
Portrait des 3 protagonistes

le musicien: les 3 opéras qu’il conçoit avec Da Ponte sont d’ailleurs à
l’extrémité de sa courte carrière. Comme s’il était consumé par
l’écriture de l’opéra, Mozart s’évanouit à son pianoforte en composant
l’une des scènes de Don Giovanni…
Portrait de Da Ponte. Amant attentionné de la diva
volcanique Adriana Ferrarese qui chante Elvira, Da Ponte ne peut
résister à l’appel d’un premier amour, vécu à Venise, quand paraît à
Vienne pendant les répétitions, la jeune aimée, son seul amour…
Portrait de Casanova. C’est un séducteur, libertin, incarnation du Don Juan de Molière,
sceptique, critique, esprit affûté et mordant, d’une liberté au-dessus
des lois, et tout autant inscrit dans l’activité et l’entreprise. D’une
certaine façon, dans sa critique du système et la facilité insolente de sa pensée,
Casanova incarne le Siècle des Lumières…
Illustration: Affiche du film lors de sa présentation au festival
naissance d’un opéra
Don Giovanni, naissance d’un
opéra. Film de Carlos Saura avec
Lorenzo
Balducci
(Da Ponte), Lino Ganciale (Mozart), Emilia Verginelli
(Annetta), Tobias Moretti (Casanova), Ketevan Kemolidze (Adriana
Ferrarese/Elvira), Sergio Foresti (Leporello), Borja Quiza (Don
Giovanni), Cristina Giannelli (Catarina Cavalieri, Anna), Ennio
Fantastichini (Salieri)… Vittorio Storaro (directeur de la
photographie). Dans les salles de cinéma, le 12 mai 2010.
international de Toronto 2009