Si
Carmen est avec Don Giovanni l’opéra le plus joué dans le monde, Georges Bizet, qui y consacra les dernières années de sa vie, n’a jamais goûté à ce succès, puisqu’il meurt quelques semaines après la création, à l’âge de 37 ans, en juin 1875; l’ouvrage avait été créé le 3 mars 1875. L’Opéra-Comique consacre le statut du compositeur qui fut Prix de Rome en 1857. Plus qu’un objet de scandale par son sujet qui n’a rien ni de noble ni d’héroïque (une cigarière provocante assassinée par son amant déserteur!), Carmen ouvre en fait la voie à l’opéra moderne: réaliste. Après Les Pêcheurs de Perles (1863), La Jolie de Perth (d’après Walter Scott, 1867), Namouna devenue Djamileh (synthèse lyrique en un seul acte, 1874), Bizet montre sa capacité et surtout une invention illimitée prête à remodeler le modèle du lyrisme français. Les résistances et critiques fusèrent de toute part et les plus conservateurs crièrent au scandale, dénonçant l’anecdote et la wagnérisme d’une écriture qui ruine les fondations du grand genre comme de l’opéra léger; Carmen est un aboutissement personnel: la partition comprend 4 actes où Bizet cisèle en particulier l’orchestration et le raffinement d’un orchestre qui exprime la psyché des héros.
Bizet adapte la nouvelle de Mérimée, invente avec son librettiste Meilhac, le personnage de Micaëla qui est l’antithèse de la sulfureuse gitane. Passion certes, mais aussi lyrisme poétique de tableaux plus tendres, exotisme restitué qui convoque sur scène un ibérisme sensuel (taverne de Lilas Pastia), l’ouvrage excelle dans le contraste des climats, véritable opéra symphonique. Le « nain wagnérien » s’y surpasse en créant pour la France l’opéra du futur dont le succès actuel est la preuve la plus éloquente.
La mise en scène est ici confiée à Emilio Sagi qui fait ici ses débuts à l’Opéra Royal de Wallonie. Spectacle de fin d’année incontournable.
Argument remarquable de cette nouvelle production à l’affiche de l’Opéra
Royal de Liège, la présence de José Cura dans le rôle de Don José (les
19 et 22 décembre)