mardi 29 avril 2025

Berlingot. Patricia Petibon reçoit… (une parenthèse musicale)France 2. Les 6, 13, 20, 27 juillet 2012 vers 22h15

A lire aussi
Télé: France 2 , l’été
Berlingot
Une parenthèse musicale
Présentée par la soprano
Patricia
Petibon

France 2 chaque vendredi vers 22h15
Les 6, 13, 20 et 27 juillet 2012
4 x 1h30mn

Diva cathodique

Cet été, la soprano française, Patricia Petibon, la 2è coloratoure nationale
(après Natalie Dessay) est “berlingot”: sucrée et acidulée pour l’été. En
présentant 4 émissions de 1h30 chacune sur France 2, les vendredi en seconde
partie de soirée (case improbable vers 22h30 car la musique classique c’est
bien connu ne respecte pas les horaires…), la diva qui a chanté Mozart et
dernièrement Lulu puis la passion ibérique chez Deutsche Grammophon,
s’improvise diva cathodique; mais elle ne chante pas et préfère le temps de 4
rvs juilletistes, inviter chez elle, artistes du classique, du théatre, des
arts en général qui réinventent à leur manière notre compréhension et notre
relation à la musique classique.

Le classique a bien besoin de ces offres grand public,
soutien vivant et décomplexé qui font tomber bien des idées reçues et des
barrières. Donc dans le principe, nous disons notre enthousiasme à ce nouveau
programme. Sans vraiment réinventer les codes des nouvelles émissions dédiées au
classique, “Berlingot” reprend ici ce que des émissions déjà vues, ont
développé sous la conduite de l’excellent Monsieur vulgarization, Jean-François
Zygel. Il a jeté l’éponge: donc Patricia Petibon le remplace pour cet été.


On a connu d’autres divas qui le temps d’un cycle
occasionnel ont joué les animatrices de plateaux télé: voyez par exemple sur
Arte, le programme “Arte Lounge” où à la façon des émissions de pop et de
variété, une charmante hôtesse (les chanteuses elles aussi Measha Brueggergosman ou Elina Garanca…) se prêtaient à l’exercice. Le programme a
depuis disparu des grilles de la chaîne franco-allemande.
Sur France 2, on ne change pas une formule gagnante:
l’émission égrenne ses rubriques comme des rvs bien connus: “en coulisses”,
“les histories qui font l’Histoire”, “cabinet Expert”, “figures libres”,
“l’atelier culinaire”…


magazine 1 du 6 juillet 2012

Sujets et thématiques de l’épisode 1/4: Les artistes invités acceptent de venir parce qu’il s’agit
de promouvoir concerts et spectacles à l’affiche. Deux chroniqueurs posent leur
question: “Qui est Casanova?” Où se trouve la voix? Ou petite leçon de
placement de la voix. A la première, il est demander urgemment aux compositeurs
contemporains d’écrire un opéra sur Casanova… mort à 73 ans à la fin du XVIIIè,
l’aventurier vénitien, seul prisonnier des Plombs à s’en être échappé (!),
aurait écrit avec Da Ponte et Mozart, le livret de Don Giovanni… A la seconde, un
professeur de chant fait répéter les comiques Chevalier et Laspalès dans une
leçon très sérieuse où il est question de voix laryngée, nasonée soit qui passe
par le nez (nasalisée ne serait il pas plus juste?), puis voix de tête plus
lyrique… l’épisode laisse assez perplexe.



Côté, petits ratés (bien minces) dans la réalisation: les
hésitations de Patricia Petibon pas encore bien rôdée à l’exercice du naturel à
la télé (ces innombrables “ah oui!”); et puis, d’une séquence à l’autre, la
diva présentatrice que l’on avait quittée dans l’épisode précédent assise dans
son fauteil d’intervieweuse, réapparaît debout face caméra en sortant de la coulisse… Rien de plus
difficile, il est vrai, que les transitions pour donner un ton, pour assurer la cohérence.

Particulèrement intéressants les reportages sur :

-l’école de chant
pour les jeunes chanteurs (10-11 ans) du Centre de musique baroque de
Versailles
(fondé en 1987) sous la conduite d’Olivier Schneebeli pour laquelle
les concerts de musique sacrée dans la Chapelle royale du château de Versailles
(chaque jeudi) restent une expérience unique dans la vie musicale des jeunes apprentis… parce
que le baroque qui est une musique proche de la danse, très colorée… parle
immédiatement à leur besoin de dynamisme.


-Les répétitions de
Cosi fan tutte sous la conduite d’un expert de la nuance, le jeune chef Jérémie
Rhorer:
il a commencé par jouer du clavecin (car c’était l’instrument des
chefs), puis jeune chanteur (vers ses 8 ans) a eu la révélation de la conduite du son et de la place du
chef en vivant alors un concert sous la direction de Colin Davis… C’est l’une
des baguettes les plus affûtées en terme de dynamique, d’hagogique, de
compréhension intérieure et organique des partitions, en particulier pour le
répertoire symphonique et lyrique au passage du XVIIIè et du XIXè, dans la
mouvance néoclassique. Grand connaisseur de Mozart, Jérémie Rhorer aborde sur
instruments d’époque les oeuvres de l’époque des Lumières avec son ensemble, Le
Cercle de l’harmonie.


-Gabriel
Prokofiev
, petit-fils du compositeur qui a Londres organise des concerts de
musique classique contemporaine dans les boîtes branchées de la capitale
britannique. En mêlant électro et
classique, le jeune compositeur développe depuis 10 ans une expérience pilote
qui rencontre un grand succès.




Les plus de cette première émission:

-l’interview avec
Daniel Barenboim
à propos de son orchestre East Western Diwan orchestra créé en
1999, associant jeunes instrumentistes arabes et isréaliens pour un nouveau
dialogue fondé sur la comprehension, l’écoute, la reconnaissance mutuelle.
Contre la haine ancestrale et la guerre, le Diwan et Daniel Barenboim incarnent aujourd’hui une autre voie, celle de la fraternité et de l’amour
entre les peuples… le maestro évoque le fameux concert à Ramallah en 2005…
expérience qui aujourd’hui serait irréalisable, preuve que le processus de paix
s’est bel et bien enlisé. Alors, Daniel Barenboim, au final êtes vous plutôt
optimiste ? Et le chef d’enchérir
avec finesse: “je veux plutôt dire que l’optimisme est une forme d’autodéfense”: contre l’impasse et pire, la destruction unilatérale, ne resterait-il que la musique? Brillant et réaliste.


-La présence du duo
Olivier Py et de son fidèle machiniste et décorateur André Pierre Weitz
. Les
deux ont créé l’une des productions de Tristan und Isolde de Wagner la plus
mémorable par son déploiement scénique; “mon travail est de récréer pour chaque
représentation tout un monde et tout un imaginaire cohérent; il faut produire
un spectacle réel par réaliste”. Quant à Olivier Py, le metteur en scène s’emporte quand on l’attend à
propos de Wagner… lequel n’a rien de martial ni de violent, mais il est bien le
compositeur le plus “suave”: il faut bien penser cela pour réussir un Tristan
aussi éblouissant.

En illustrations musicales: Roger Muraro joue un Nocturne
de Chopin; Renaud Capuçon, la Sonate le Printemps de Beethoven (sur son
Garnerius 1737 de Crémone)…



magazine 2 du 13 juillet 2012
Episode 2/4. Patricia Petibon est plus à son aise et partage son canapé dans ce volet tout aussi riche et dense (côté invités) que le précédent, avec entre autres:
– la mezzo Gaëlle Arquez, pétillante et joliment timbrée, qui vient de faire ses débuts à l’Opéra de Paris dans le rôle de Zerlina du Don Giovanni de Mozart chante Granada, l’âme ibérique.
Richard Galliano parle de son accordéon et du regain d’intérêt pour l’instrument; avec le temps, l’accordéoniste a senti le besoin de relire Bach et Vivaldi…
– évocation de la carrière du chef et compositeur Leonard Bernstein
la leçon de chant cette semaine nous parle de soutien de la voix (l’air qui porte les cordes et les « contraint » par le dessous) et la notion de forçage vocal: la démonstration est éclairante et plutôt bien exposée. Tout est contenu dans l’expression PSG (pression sous la glotte): en chantant, les cordes se resserrent, et se tendent tandis que la pression de l’air se réalise sous les cordes… quand la pression de l’air et la tension des cordes vocales est égale: il y a un point d’équilibre (le soutien) qui produit un son parfait, plein, juste, rond, résonant… quand la pression de l’air est supérieure à la tension des cordes: il y a forçage et donc son forcé, crié, déchiré.

– C’est aussi la démonstration que la musique peut aider une enfant autiste à sortir de son isolement et vaincre d’une certaine manière son impossibilité à communiquer…

les temps forts de l’épisode 2/4:

– la présence du compositeur Vladimir Cosma, auteur des musiques des films signés Oury, Weber, … De Rabi Jacob (qui a tant influencé Patricia Petibon dans son rapport au spectacle et à la scène…) au Grand blond avec une chaussure noire, le compositeur évoque son parcours. Il explique ses options pour inventer la mélodie et les couleurs instrumentales destinées à La gloire de mon père (habanera intégrant à la façon d’un concerto pour piano, des chants de cigales préenregistrés…)

Autres invités: Pascal Obispo, Pierre Palmade, Amaya Rodiguez qui chante Yukali, sublime mélodie de Kurt Weill…, le harpiste Xavier de Maistre.

magazine 3 du 20 juillet 2012

Episode 3/4. C’est certainement le meilleur épisode de la série en 4 volets. La qualité des intervenants, l’enchaînement de plus en plus fluide des séquences font tout l’intérêt de ce nouveau plateau d’invités avec lesquels Patricia Petibon improvise avec ce piquant télégénique qu’on lui connaît désormais.

La cantatrice qui chante Suzanne des Noces de Figaro à Aix (retransmis sur Arte, le 12 juillet à 21h30), réussit là son pari cathodique. Va-t-elle rempiler pour l’été 2013? Question d’agenda sans doute…

Dans cet avant dernier numéro, Julie Depardieu qui attend un heureux événement (pour septembre prochain), l’écrivain Amélie Nothom, le comédien et sociétaire de la Comédie Française Laurent stocker (passionné d’opéra comme Julie Depardieu), le flûtiste solo du Philharmonique de Berlin, Emmanuel Pahud (évoquant ces trucs pour jouer par coeur…) compose le brillant aréopage de ce nouvel épisode de Berlingot sur France 2.

Temps forts:
– l’ensorcelante Stéphanie d’Oustrac dans un air de la Périchole qu’elle a souvent chanté: finesse vocale, justesse expressive, tempérament dramatique, la mezzo a tout pour elle aujourd’hui. Sublime moment d’interprétation vocale (c’est presque si en comparaison, sa consœur également invitée, Nora Gubish paraît moins articulée et plus terne: la mélodie de Ravel qu’elle chante manque singulièrement d’éclat, de brillance comme de délire aussi; ses « Léon », sont plafonnés et serrés, et sa diction bien moins naturelle et piquante, incarnée et habitée que celle de l’inatteignable Stéphanie d’Oustrac).

– le violoniste Didier Lockwood (né à Calais d’où les mouettes toujours intégrées à ses programmes musicaux), joue « musiques du monde », morceau majeur de ses récitals où l’interprète sur son violon électro, improvise tout en combinant sur la mélodie supérieure, des sections rythmiques enregistrées en temps réel: c’est une évocation métissée qui associe ainsi gamme indienne et orientale, dont celle du Magreb… ; le musicien est aussi un pédagogue passionné qui transmet l’art si difficile de l’improvisation. L’écoute, le partage sont les qualités requises pour réussir une impro. Ce sont surtout les valeurs qui s’imposent de facto à tout interprète.

– le neurologue Pierre Lemarquis auteur chez Odile Jacob de « Sérénade pour un cerveau musicien »; son intervention est avec celle de Didier Lockwood la plus saisissante: le scientifique évoque en quoi la musique prévient de la maladie d’Elseimer et même permet à certains patients de retrouver une partie de la mémoire qui tend à s’effacer… En vérité, la musique comme la mémoire émotionnelle est antérieure au langage. De toute évidence, la pratique comme l’écoute régulière de la musique, grâce au fort investissement émotionnelle qu’elle suscite, prévient de nombreuses maladies neurologiques. Incroyable révélation et pain béni pour les musiciens présents sur le plateau de Patricia Petibon.

Autres invités: Nora Gubish, Alain Altinoglu; Shirley et Dino; Michel Fau. Evoqué: Luciano Pavarotti, le plus grand ténor du XXè siècle.

magazine 4 du 27 juillet 2012
Episode 4/4. Quelle déception! le 3è numéro était plus rythmé et Patricia Petibon moins posée, plus volubile… Il promettait un dernier volet de Berlingot vraiment prometteur… hélas, manque d’entrain, d’électricité, le plateau d’artistes invités (sans public) s’enlise; on y parle de tout et de rien en particulier malgré des sujets pourtant identifiés qui sont in fine comme lancés à la volée; chacun s’y raccroche sans guère de pertinence: l’astrophysicien (André Brahic) par exemple parle bien peu d’espace et de spatialité à l’invitation de son hôtesse et la séquence dévolue à un compositeur de musique de films finit par nous endormir… les spectateurs à une heure aussi tardive se seront couchés ou auront zappé devant un programme sans nerfs. Le comble de ce ratage inaccessible et abstrait reste l’impro réalisée sur un tableau exposé sur un mur du plateau: quelle différence avec un Zygel mordant, argumenté, précis, vrai pédagogue sans érudition… qui nous faisait rentrer dans les coulisses et le travail de la musique classique…

Même la fameuse Sacher torte, spécialité de la Vienne gastronomique nous est à peine évoquée: pas d’astuces précises pour en réussir la recette, pas même de présentation de la fameuse crême fouettée, battue si onctueuse qui l’accompagne in situ… et qui fait les délices des clients des authentiques cafés viennois… comme le Demmel par exemple.

Côtés invités, seuls se détachent la mezzo Karine Deshayes qui chante, moment d’extase mystérieuse, Après un rêve de Gabriel Fauré: clarté du timbre, couleurs onctueuses de la voix, prosodie intimiste et d’une somptueuse musicalité… quel moment!
Idem pour le violoniste Nemaya Radulovic qui a un phrasé étincelant, une énergie raffinée, parfois appuyée mais toujours très articulée…Son Falla (danza de la Vie Brève) éblouit par l’engagement qu’y apporte l’artiste dont on se demande comment ses longs cheveux ne se prennent pas dans l’archet qui frotte et trépigne contre les cordes…

Dans ce volet, la leçon de chant nous sensibilise à la notion de vibrato: voix droite et non vibrée, ou comme souvent maintenant, voix vibrée, certes plus puissante quitte à sacrifier l’articulation et l’intelligibilité; avec le vibrato comme le précise Patricia Petibon, les chanteurs gagnent un surcroît de projection et d’intensité: voilà pourquoi la plupart des solistes l’utilisent moins pour des questions de style que pour couvrir l’orchestre dans la fosse… intéressant.

Autres sujets abordés (si rapidement en vérité): le conservatoire de Gennevilliers dirigé par Bernard Cavanna; Maria Callas et Edith Piaf; les costumes délirants de JP Gautier pour les ballets de Régine Chopinot… Même le court entretien de Roberto Alagna à propos de sa participation au Liceo de Barcelone dans une production d’Adrienne Le couvreur de Cilea manque de substance: à aucun moment, le ténor français ne cite le rôle qu’il interprète ni n’en présente le profil psychologique… et donc en conséquence les défis interprétatifs. Le journaliste chargé du sujet était-il si peu inspiré?

Autres invités: Dyonosos, Bernard Richter, Emmanuel Rossfelder, Karol Beffa…


Illustration:© F.Broede 2012

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