vendredi 29 mars 2024

Bela Bartok: Le Château de Barbe-Bleue France Musique, dimanche 30 novembre 2008 à 14h30

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Bela Bartok
Le Château de Barbe Bleue


France Musique
Dimanche 30 novembre 2008
à 14h30
Opéra. Version radiophonique de 1957. Orchestre National. Georges Sebastian, direction


Musique de l’inconscient



Bartok à l’œuvre (1911-1918)
. Agé de 20 ans, le jeune compositeur hongrois Bela Bartok présente le 20 septembre 1911, une première version du Château, lors d’un concours à Budapest. La commission rejette énergiquement la partition, jugée maladroite : psychologie des personnages à peine fouillée, musique plus abstraite que scénique, action flottante, à peine représentable.
A l’été 1912, Bartok reprend la partition. De même, peu avant la création en 1918, et à nouveau, en 1921, pour la réduction pour piano de la partition.
Après le succès de son ballet, le Prince de bois, en 1917, sur un livret du même Bela Balazs, Bartok peut créer son opéra à l’Opéra royal de Hongrie.
La création, le 24 mai 1918, ne recueille pas un franc succès. L’époque est celle des prémices de l’effondrement de l’Empire austro-hongrois : le texte de Balazs est jugé dangereux. La transgression qui est cœur du sujet, souligne la tension de l’époque. L’œuvre dérange d’autant que la musique exprime plus fortement encore les pulsions antagonistes des personnages, en particulier, la quête libertaire et séditieuse de Judith, l’épouse de Barbe-Bleue.
L’intendant de l’opéra demande que soit retiré de l’affiche, le nom du poète librettiste : Bartok refuse, et préfère retirer l’œuvre totalement.

L’œuvre de Balazs : une œuvre initiatique qui plonge dans la psyché. Le texte du poète hongrois se concentre sur deux protagonistes : Judith et Barbe-Bleue. Ici, un seul acte sans rupture (quand l’opéra de Dukas/Maeterlinck se déroule en trois actes). Le couple de l’homme et de la femme suit une initiation à deux, puisque Judith ouvre chaque porte en présence de son époux. C’est un parcours initiatique assumé à deux. La véritable scène se projette dans la psyché des êtres présents. Tel est le sens de la formule récitée en introduction : « hélas, je cache mon chant/Où faut-il que je le cache ? ». Texte symboliste parfois énigmatique, le livret de Balazs nourrit sa propre complexité, comme il permet de multiplier les clés de compréhension. Comme chez le poète belge Maeterlinck, (Pelléas pour Debussy ou surtout, Ariane pour Dukas), les mots ne disent rien, ils expriment des états psychiques demeurés souterrains qui affleurent magnifiquement en surface, portés par la musique.
Pourtant la suggestion du texte n’empêche pas des images violentes, effrayantes, traumatisantes : le sang de la faute, du péché, de la malédiction, l’indice d’un crime inoubliable (- il reste ineffaçable-), s’impose à Judith dont le regard doit affronter chacune des révélations qu’elle a suscitées. Au sang, succède la vision du lac de larmes (la sixième porte). Terrible moment où les êtres doivent se révéler l’un à l’autre, et dire sans pudeur, les fautes tues, les actes honteux que la mémoire a refoulés. En vérité, la porte dévoile les trois autres épouses richement parées du duc. Après ce dévoilement, Judith se voit couronnée à son tour par son époux, et franchit la septième porte pour en être la nouvelle prisonnière.

La musique de Bartok. Inspiré par les musiques populaires magyares, avec Kodaly, depuis 1905, Bartok inscrit avec davantage d’évidence que le poème, les références à la littérature et à la mémoire hongroise. En particulier, il travaille à l’articulation musicale de la langue hongroise, ce qui rend extrêmement difficile toute adaptation du livret dans une autre langue. Tout indique une réalité muette et lugubre, une atmosphère de fin et de déclin, un monde endormi et sombre. Judith n’a d’autre souci que d’ouvrir les sept portes qui sont tenues fermées. Pour dévoiler les mondes parallèles qui ne demandent qu’à jaillir.
Le Château est un corps vivant dont les blessures incarnent un monde condamné par sa propre inertie. En en ébranlant les fondations, Judith amorce l’avènement d’une ère nouvelle, surtout d’une conscience régénérée, pleinement active.
Or, le dernier tableau ajoute non pas à l’éclaircissement de la légende onirique, mais plutôt à son trouble mystérieux, à la fois féerique et cauchemardesque.

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Lire notre dossier Le Château de Barbe Bleue de Belà Bartok

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