danse,
l’espace d’un instant…
France 3
Mardi 2 mars 2010 à 22h35
Le visuel qui illustre ce très bel hommage à une danseuse d’aujourd’hui reflète admirablement la double lecture de cet art si délicat qu’on appelle la danse: il y est question de l’humain et du divin. L’humain c’est assurément cette jeune femme que des mains pressantes semblent soigner; le divin, c’est dans le même temps, la diva des ballets que les maquilleurs et coiffeurs s’empressent tout autant de farder et de parer. Double lecture pour une discipline ambivalente… que la caméra du réalisateur serre de façon intime et attendrie.
Une étoile au travail
Cédric Klapisch (Un air de famille, L’auberge espagnole, Paris) filme au plus près le travail et les souffrances de la belle Aurélie Dupont, danseuse étoile de l’Opéra national de Paris, en particulier quand après son accouchement, elle retravaille sa ligne, sa ténacité, sa souplesse pour Raymonda (chorégraphie de Noureev). Un défi pour cette immense artiste dont le port de tête et le profil stylé n’est pas sans rappeler les stars du cinéma américain, entre Grace Kelly et Julian Moore. Elle stresse même, notre Aurélie, dans sa loge, cigarette aux lèvres, ses pieds la font trop souffrir et bourrée d’anti-inflammatoires, elle espère pouvoir vite ressentir à nouveau ce plaisir de la danse qui l’a portée jusque là.
Pour Cédric Kaplisch le documentaire en forme de portrait est un exercice visuel et humain, sur le temps; de fait, l’on voit les débuts de la danseuse à l’âge de 12 puis 15 ans: pur produit de l’école de danse parisienne. Le résultat de tant d’heures de concentration et de défi physique, se découvre lors des soirées de répétitions, et l’espace d’un instant, la grâce à l’état pur se développe sur la scène… magie d’une offrande trop fugace…
Discipline, travail, répétition, obstination: braver l’apesanteur, atténuer et dépasser les ravages infligés au corps (et aux pieds) est un rituel chaque jour (au matin, séance de 1h30), toujours recommencé… Aux côtés d’une autre étoile, Marie-Agnès Gillot, Aurélie Dupont témoigne de ce labeur incessant, nécessaire pour retrouver une élasticité faite de grâce et de nervosité, de tension et d’élégance. Classiques, les deux interprètes ne le sont pas vraiment: Aurélie avoue même se sentir libre et même stimulée en particulier par l’expérience avec les chorégraphes contemporains: « c’est toujours une rencontre troublante et ultime qui va jusqu’au bout de l’invention; c’est même souvent une psychanalyse: les chorégraphes voient en vous, vous démasquent et vous demandent d’aller au delà de ce que vous saviez faire. C’est toujours très enrichissant« , avoue-t-elle.
Elle a dansé Constance dans Le Parc (sur la musique de Mozart), ballet d’Angelin Preljocaj. Elle sera en mars et avril l’interprète féminine principale de Siddharta, nouvelle création du chorégraphe, à l’affiche de l’Opéra Bastille.
Le corps exulte, transpire; la partenaire de Manuel Legris pour La Dame aux camélias (ballet de John Neumeier sur une musique de Chopin, dans lequel elle change pas moins de 14 fois de robe et de coiffure!) hésite, ne trouve pas l’assurance dans un porté vertigineux qui pourrait mettre en péril l’équilibre de la posture… la danseuse s’obstine et finalement gagne: son retour dans Raymonda, après presque une année d’absence sur les planches, est un triomphe. Chapeau l’artiste.
Aurélie Dupont danse, l’espace d’un instant. Documentaire réalisé par Cédric Kaplisch. Inédit; 58 mn (2009). Aurélie
Dupont danse quatre amoureuses: Odile du Lac des Cygnes de Tchaïkovski,
Marguerite dans la Dame aux camélias (Neumeier), Constance dans le Parc
de Preljocaj, enfin Raymonda (Noureev).