Jeudi 12 novembre 2009 à 23h
Tous les mois, la soprano canadienne Measha Brueggergosman accueille dans un club Berlinois les grands noms de la musique classique dans une atmosphère intimiste et décontractée.
Au coeur de Berlin, dans l’un des clubs les plus tendance de la capitale, les stars mondiales du classique croisent des artistes montants, des danseurs, des designers… abolissant ainsi la frontière entre les genres, entre la musique dite « sérieuse» et le divertissement. Pour les amoureux de la musique
intemporelle et les curieux de la scène actuelle, Arte
Lounge montre en soixante minutes une musique classique vivante, variée, émouvante, surprenante et moderne, dans un cadre inattendu.
Pour ce troisième numéro, Measha Brueggergosman
reçoit avec humour et spontanéité :
• Albrecht Mayer, le virtuose du hautbois. En une dizaine d’années, il est parvenu à affranchir le hautbois du reste de l’orchestre et lui assuré une place aux côtés des instruments solistes les plus connus. Il a d’ailleurs commencé à Berlin à 1992.
• Fazil Say, pianiste turc, originaire d’Ankara, interprète « Black Earth », une composition personnelle qui unit dans un style sans pareil Orient et Occident. Sa passion pour le jazz et la musique classique ottomane transparaît dans chacune de ses compositions.
• Max Emanuel Cencic, contre-ténor croate né à Zagreb.
• En novembre, Berlin fera bien évidemment honneur à la Chute du Mur. Le légendaire graffiteur Thierry Noir, artiste français installé à Berlin…. peint pendant l’émission son thème de prédilection : cet artiste, le premier à avoir utilisé le Mur comme support, y est également le plus représenté. Entre 1984 et 1989, il a peint le mur malgré les tentatives de la police de l’arrêter…
• Autres invités présents lors de l’émission : Coralie Clément, chanteuse pop française souvent en tournée à Berlin et qui, avec son frère Benjamin Biolay, a réinventé le genre. A noter également le très éclectique Mocky, musicien d’origine canadienne établi à Berlin.
Jeunesse classique & positive attitude…
Ce nouveau numéro d’Arte Lounge mêle les genres comme à son habitude et traite le classique comme un plateau de variété. Hello la compagnie ! lance-t-elle. Un « hello » collectif lui répond à l’emporte pièce… ils se retrouvent comme de bons copains à l’heure du brunch, alliant jeunesse, décontraction, évidemment talent… le tout dans un cadre banché et design (quoique ici un rien kitsch avec sur des murs rouge Pékin, des copies baroques à la Rubens… et sur un faux autel, quelques statues de la Vierge…!).
La « nouvelle » émission culture d’Arte qui va plus loin encore que le concept défendu par Zygel et sa « boîte à musique » sur France 2, entend réviser l’image du classique. Le principe est bon. La forme un rien sophistiquée, avec en hôtesse présentatrice, la sulfureuse et toujours enjouée et même extatique, Measha Brueggergosman (un vrai tempérament de castafiore allumée/allumeuse). Tout stimule et enthousiaste la soprano canadienne capable d’enchaîner, français, allemand et anglais en une phrase. La musique n’est-elle pas un langage universel? En début de soirée, Voyage à Paris de Poulenc chantée par la diva positive…
L’énoncé du plateau est prometteur avec entre autres le pianiste turc Fazil Say qui maltraité par le gouvernement turc actuel et le ministre de la culture a fait savoir qu’il ne participerait pas aux manifestations organisées dans le cadre de l’année de la Turquie en France. Dur pour le cycle de manifestations à venir qui perd là un talent indéniable dont l’engagement humaniste eut apporté sa caution idéale… alors va-t-il en parler? Oui, non? Arte Lounge n’est-elle qu’une émission de divertissement? Après avoir joué sa propre composition Black Earth où l’artiste place sa main sur les cordes du piano, réalisant des sonorités inouïes, Fazil Say, en artiste engagé, à la mine rêveuse et écorchée, se livre au micro de son hôtesse: il imite le sasz, instrument turc, imitant les micros intervalles de la musique turque dont il s’inspire comme compositeur. Autour de Mozart (dont il interprète sa propre variation de la Sonate alla turca avec une digitalité insolente et enfantine) et Beethoven, Fazil Say n’évoque que trop brièvement (concept de l’émission oblige) son désir ardent de voir se réaliser l’idée (encore trop immatérielle) d’une Turquie libérale et démocratique…
Albrecht Meyer, hautboisite nous parle de respiration circulaire ou respiration continue, où l’air est projeté grâce aux muscles des joues… secret d’une technique infaillible, vieille de 2000 ans.
Au comptoir d’un bar bondé, le contre-ténor Max Emanuel Cencic avoue sa passion pour les rôles rossiniens chantés par les grandes mezzos légendaires Hornes, Podlès… il chante depuis 27 ans déjà… de puis l’âge de 6 ans. Un athlète de longue date malgré son jeune âge. Cara speme de Haendel finit d’enchanter l’assistance qui regroupe de jeunes vip prêt à danser comme dans une boîte.
Et pendant que les invités de Measha chantent et se laissent (trop rapidement) interviewés, le plasticien Thierry Noir « perform » un dessin en direct comme il l’a fait sur le mur de Berlin depuis les années 1980, pendant que la chanteuse Coralie Clément « réinvente » (tout simplement) la variété française »… Pour conclure, « la Bruggergosman », plus spicy que jamais, taquine, oeillades en prime, son audience… la cantatrice exprime les délires de la stripteaseuse de Picadilly, ceux de la Diva de l’Empire de Poulenc. Tout un concept, on vous a dit.
Arte Lounge
Réalisation : Hannes Rossacher. Coproduction : Berlin Studio TV Film GmbH, ZDF/ARTE (2009, 1h)
Illustrations: Measha Bruggergosman (avec sa coupe hippie, a contrario de sa coiffure berlinoise plus fatale et hyperféminine comme présentatrice d’Arte Lounge). Fazil Say (DR)
