
Sacchini qui arrive de Londres à Paris en 1782, incarne l’essor exceptionnel des Italiens en France.
Marie-Antoinette favorise le renouvellement profond de l’Opéra français :
elle fait inviter nombre des personnalités d’envergure européenne dont
surtout Gluck qui opère au début des années 1770, la reforme lyrique en
France tant attendue et nourrie de ce néoclassicisme fulgurant, moral,
dramatique tant attendu. Après Piccinni et Sacchini, Salieri, Cherubini puis Spontini viendront encore faire évoluer le genre lyrique français.
Si Piccinni tempère le modèle
gluckiste d’un mélodisme tout italien, Sacchini prolonge la lyre tendue,
ardente, à la fois solennelle et émotionnelle de Gluck; Renaud illustre
un point d’équilibre remarquable. Les formes françaises des
ballets et divertissements, la figure pathétique et haineuse de la
magicienne Armide, formidable rôle à baguette comme le trio infernal (où paraissent Tisiphone et Mégère)
citent la machine du merveilleux baroque dans l’esprit de Rameau
réactualisé par Dauvergne; mais le rôle tragique aux accents implorants
et terriblement intenses d’Armide préfigurent dans le portrait de la
femme blessée et détruite, les Médée et Norma à venir. C’est toute une
généalogie d’héroïnes bouleversantes et terrifiantes qui se profilent
ici et dont les visages passent ainsi depuis les Iphigenies, Alceste et Armide gluckistes par les héroïnes de Vogel (formidable Médée, hargneuse et
vengeresse de La Toison d’or, 1786) Grétry (Andromaque), Gossec (Médée dans
Thésée), et bientôt Cherubini dont la Médée est un point d’aboutissement
dans le genre des furies vocales (1797).
En cela les années 1780
en France dans la langue néoclassique d’une mythologie revisitée et de
plus en plus humanisée, indiquent clairement une formidable refonte du
genre tragique, Grâce aux apports des étrangers en France dont
l’éclectisme européen marque le désir d’ouverture et
d’internationalisation voulu par la souveraine. La recréation de Renaud de Sacchini a été l’un des événements de la dernière saison musicale du Centre de musique baroque de Versailles, présenté à Versailles et à Metz à l’automne 2012.
