D’emblée, la cohérence du programme révèle un regard réfléchi et très personnel: se dessine ainsi un chemin en spiritualité qui pourrait synthétiser toute l’expérience fervente dont Bach laisse un témoignage parmi les originaux et les plus poignants du baroque sacré; Il ne s’agit pas seulement de sélectionner les cantates correspondant au timbre du contre-ténor; il est aussi question d’ un parcours poétique et spirituel dont le sens se réalise grâce à la très fine continuité et correspondance des thèmes abordés dans les textes des cantates ainsi abordées et combinées.
Elévation, spiritualité, ferveur
La blessure de la voix illumine la prière dialoguée avec le hautbois soliste de l’air du début de la BWV 82: Ich Habe genug… (1727: cantate originellement pour basse pour la fête de la Purification, que le contre-ténor allemand chante dans la version alternative pour mezzo, cordes et hautbois: climat serein et apaisé qui pourtant grâce à cette attention aux mots se fait monologue palpitant, subtilement incarné; caractère intimiste d’une brulante vérité dans l’articulation ciselée du verbe. C’est la certitude du croyant touché par la grâce angélique de l’Enfant ( air central qui est le plus développé: Schlummert ein, ihr matten Augen…).
Contrepointant le chemin introspectif touché par le Mystère de la 82, la 169 frappe par son climat d’emblée plus jubilatoire, d’une gaieté d’abord délicieusement portée par l’orgue introductif; Andreas Scholl convainc dés son premier air parfaitement préparé par l’arioso précédant: certitude à nouveau du croyant dont le cœur sans jamais dévier de sa route, se réserve à Dieu; contre les illusions du monde terrestre dont l’air d’une très subtile et douce gravité désigne la vanité, la voix ouvre tout un horizon céleste ;
Le parcours de l’âme implorante qui aspire a la fin de délivrance est enfin accompli dans la sélection des deux airs finaux: récitativo accompagnato de la BWV 161, auquel l’air aux cloches de la BWV 53 apporte l’ultime réponse en forme de résolution pour tout le programme.
Si les instruments manquent de subtilité, le chant expressif, précis, naturel et très juste d’Andreas Scholl préserve l’approfondissement spirituel déposé dans le texte: vision de la dernière heure éprouvée ici comme une béatitude pacifiante. L’aboutissement de toute quête spirituelle. La sincérité du style, la justesse de l’intonation touchent indiscutablement. Magnifique récital. Superbement conçu.
Andreas Scholl, contre-ténor: Jean-Sébastien Bach, Cantates BWV 82, 169, + extraits des BWV 150, 200, 161, 53. Andreas Scholl, contre ténor. Orchestre de chambre de Bâle. 1 cd Decca. Enregistré en janvier 2011 en France. Ref: 478 2733