Tendresse chopinienne, caractère d’éblouissement affectueux, le style de la pianiste convainc absolument, sachant prendre appui sur un tapis instrumental idéalement équilibré là encore, d’autant plus éveillée et facétieuse pour le prestissimo central, d’une légèreté presque aérienne. La versatilité caractérisée du dernier mouvement finit de séduire totalement: le feu bondissant et le dialogue si animé entre orchestre et piano, sur la trépidation musclée d’un motif ukrainien dévoile le jeu et la sensibilité d’Alice Sara Ott, un tempérament pertinent entre incisivité, mordant, précision, finesse du toucher. Sa subtilité évite tout pathos théâtral et restitue en complicité avec le chef, ce Tchaïkovski qui nous aimons: jamais sirupeux et toujours juste, ivre et vertigineux mais si sincère. Tout ce qui fait aussi la valeur de son dernier ballet Le belle au bois dormant, contemporain du concerto n°1.
L’opus Lisztéen est de 35 ans antérieur à celui de Tchaïkovski; amorcé vers 1840 (et terminée en 1848 à Weimar), l’opus en mi bémol majeur est traversé par spasmes infernaux, souffle spirituel et tendresse avide et visionnaire propre au grand Franz; là encore la complicité des deux interprètes, bénéficiant d’un orchestre de premier plan (rare éloquence subtile des instrumentistes: énoncé de la clarinette au I): le jeu d’Alice Sara Ott époustoufle encore plus nettement dans ce premier Concerto par son intériorité limpide, sans esprit démonstratif d’aucune sorte; cette agilité lumineuse et ronde qui s’écarte de toute « manière » ou revendication solistique. Béatitude émerveillée et si tendre, là encore si chopinienne: le Quasi adagio au II: montre la gravité ténue et si nuancée d’un jeu pianistique très affirmé: clair, structuré, pudique, palpitant (en duo avec le triangle omniprésent – et si décrié à l’époque-, d’une précision revivifiée grâce au relief et à l’aspérité vivante et expressive des cordes et des cuivres). Le travail du chef est exemplaire (il n’a pas dirigé du baroque pour rien) et la mise en place avec la soliste, grisante, jusqu’à l’allegro marziale enchaîné sans effets de cuirasses mais dans l’esprit d’une marche victorieuse, traversée d’éclairs dansants. Superbe récital. Après ses précédents albums en soliste, Alice Sara Ott confirme qu’elle aussi une excellente concertiste.
Alice Sara Ott, piano. Concertos pour piano et orchestre n°1 de Tchaïkovski et Liszt. Münchner Philharmoniker. Thomas Hengelbrock, direction. 1 cd Deutsche Grammophon. Parution: 23 janvier 2012. Ref: 477 8779. Enregistré en 2011.