1872-1915
Piano mystique
Agé de 10 ans le jeune moscovite Scriabine suit les cours du Conservatoire de
Moscou: avec Taneiev (théorie) et Arenski (composition). A 24 ans, il
réalise plusieurs tournées et récitals comme virtuose du piano (1896).
Jusqu’en 1900, son oeuvre se concentre sur le clavier: il reste sous
l’influence de deux tempéraments et caractères opposés, Chopin et
Liszt (qui néanmoins étaient amis proches, tous deux, comme Scriabine, pianistes et compositeurs). Entre 1900 et 1903, Scriabine compose ses 3 Symphonies. Il
parcourt l’Europe et le monde, de 1904 à 1908: Suisse, France, USA,
Belgique…
A Bruxelles, les idées de la communauté théosophique le tentent. En
1907, il participe aux concerts de Diaghilev qui ne s’est pas encore
imposé avec ses Ballets Russes (dont le renom se produit surtout à
partir de 1909). En 1908, Scriabine créée Le Poème de l’extase à New
York. L’oeuvre marque le sommet de son inspiration wagnérienne si
originale car aussi tissée de lointaines réminiscences de
l’impressionnisme français. De retour à Moscou en 1909, il élabore son
ultime oeuvre symphonique, Prométhée ou Le Poème du feu, aboutissement
de ses volontés et recherches entre sons et couleurs. Il avait imaginé,
pour son œuvre, un instrument à clavier permettant de projeter des
spectres lumineux en même temps que les sons. L’auteur associait pour
chaque note, sa couleur spécifique. Avec Promothée, l’expérimentateur se
dévoile pleinement: initiateur d’un nouvel ordre musical, atonal, fondé
sur des intervalles de quartes superposées…
Prométhée, musique et couleurs
Visionnaire convaincu, inspiré par les philosophies orientales si
présentes en Russie, lui-même passionné et défenseur des doctrines
mystiques, Scriabine utilise le mystère et la suggestion comme éléments
clés de son propre langage. Sa sensibilité symboliste, au sens de
Mallarmé, le conduit aux limites de la conscience et de la connaissance
familière: il demeure en quête de nouvelles résonances et de nouveaux sens.
L’art y pourvoit: il est le miroir vivant d’un travail sur le son
unique en Europe. Mais à la brillante sensualité, Scriabine entend
aussi susciter l’émergence d’une connaissance supérieure qui permet
l’extase spirituelle et intellectuelle. Les multiples questionnements
que pose le compositeur pianiste, offre une toute autre tendance que
celle plus démonstrative voire folklorique des nationalistes russes
contemporains; Plus loin que Rimski, Tchaïkovsky, Glazounov, a
contrario du néoclassique Rachmaninov, Scriabine ouvre les portes de
l’avenir. Même s’il n’a pas de disciples immédiats ou directs, ses
oeuvres, sans cesse affinées grâce au travail sur le clavier, annoncent
les compositeurs de l’avant garde russe du XXème siècle. Ses recherches
sonores sont déjà celles de Stravinsky ou de Prokofiev.
Alexandre Scriabine. Scriabine en couleurs. Portrait musical, du 4 au 8 janvier 2010, chaque jour à 13h.