Adriana Lecouvreur

A ne pas rater

Adriana_Review-2-447x550Paris, Opéra Bastille. Cilea : Adriana Lecouvreur. Du 23 juin au 15 juillet 2015. L’événement lyrique de l’été à l’Opéra Bastille est bien cette « nouvelle » production (8 représentations) qui investit la Maison parisienne en juin et juillet 2015. Créée à Londres en 2010, et depuis devenue mythique, l’Adriana Lecouvreur version McVicar, de surcroît avec la soprano envoûtante Angela Gheorghiu (attention sur certaines dates uniquement) défend le dramatisme passionnel de l’ouvrage du compositeur calabrais Francesco Cilea (son chef d’oeuvre) avec une élégance et une clarté exemplaires. Ni vision décalée (souvent laide) ni conservatisme poussiéreux, la mise en scène reste respectueuse de la progression émotionnelle du drame comme de la peinture sociale contrastée qui paraît dans l’histoire : les comédiens et le milieu du théâtre qui est celui de « l’humble servante », Adriana ; les salons parisiens très classes et prestigieux des princes de l’aristocratie française de l’Ancien Régime propres aux années 1730 (nous sommes en plein rocaille Louis XV) : les années du scandale d’Hippolyte et Aricie perpétré par Rameau en 1733). Maurice (futur Maréchal de Saxe et vainqueur de la bataille de Fontenoy) et la Princesse (Duchesse) de Bouillon, tour à tour amant déguisé puis rivale d’Adriana, affirment ici la présence d’un XVIIIème siècle raffiné et esthète qui submerge et précipite  la « pauvre » vie de l’actrice pourtant adulée.

Admirée par Voltaire qui en était amoureux, Adrienne Lecouvreur (1692-1730) fut la Champmeslé du XVIIIè, une tragédienne née, capable de faire frémir le parterre par la justesse et l’économie de son jeu et la maîtrise de sa déclamation chez Corneille et Racine. La légende certifie que la comédienne  disparut d’un mal mystérieux  à 38 ans seulement. Fut-elle bel et bien empoisonnée par sa rivale la Bouillon, amoureuse malheureuse du Maréchal de Saxe ? Cilea s’inspire de la pièce de Scribe (jouée sur les planches par l’actrice Rachel, autre étoile du théâtre tragique classique) et restitue sur la scène lyrique, la présence charismatique et noble de cette diva du genre tragique, restée inégalée mais aussi légendaire que ses consoeurs aux siècles différents, Champmeslé et Sarah Bernhardt.

 

 

 

Du théâtre à l’opéra, de la scène à la réalité

Grandeur tragique d’Adriana Lecouvreur

 

 

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Disciple formé à Naples, Francesco Cilea (mort en 1950) ressuscite le style épuré et superbement mélodique des grands Napolitains qui n’avaient pas de secret pour celui qui pouvait assister à toutes les représentations d’opéras au San Carlo (en tant que directeur de l’orchestre et des choeurs de la plus célèbre école musicale de Naples, la Real Scuola di musica San Pietro a Majella). Dans le sillon du choc de Cavalleria Rusticana de Mascagni (choc esthétique qui marque la naissance de l’opéra vériste), Cilea compose plusieurs opéras aux titres féminins : Gina (1889), Tilda (1892, dont le si sévère critique Hanslick loue le génie du Cilea orchestrateur), L’Arlésienne (1897 avec Caruso dans le rôle de Federico), enfin Adriana Lecouvreur, créé au Teatro Lirico de Milan le 6 décembre 1902 (avec Caruso dans le rôle de Maurice). L’ouvrage affirme le raffinement d’un écriture qui certes peut être associée au courant vériste mais qui n’en partage pas ses excès expressionnistes : l’art de Cilea s’impose par son très subtil équilibre entre lyrisme poétique et intensité expressive, un classicisme porteur de raffinement qui reste absent chez ses confrères et contemporain. En cela, Cilea rejoint la veine d’un Puccini, tout autant soucieux de rythme dramatique que de somptuosité orchestrale.  La dernière production d’Adriana Lecouvreur à Paris remonte à 1993 avec l’immense et légendaire Mirella Freni dans la rôle-titre.

logo_francemusiqueDiffusion sur France Musique samedi 26 juillet 2015, 19h. Le dvd de cette production devenue légendaire, avec Angela Gheorghiu, Olga Borodina et Jonas Kaufmann dans les rôles d’Adriana, Bouillon, Maurice (sur les pas de Caruso) est l’objet d’un double dvd déjà critiqué sur classiquenews et coup de coeur de la Rédaction DECCA décembre 2010).

 

 
 

 

Paris, Opéra Bastille. Cilea : Adriana Lecouvreur. Du 23 juin au 15 juillet 2015.

 

 
 

 

Synopsis

Acte I. Avant la représentation de Bajazet de Racine, le Prince de Bouillon vient encourager sa protégée, la Duclos, rivale de l’actrice à succès Adrienne Lecouvreur. Celle aime en secret un jeune officier qu’elle croit être au service du Comte Maurice de Saxe : mais ce jeune homme qu’elle aime est le Comte lui-même. Ce dernier vient lui faire ses compliments. A la fin de la représentation, le Prince de Bouillon invite les acteurs : Adrienne accepte espérant retrouver au dîner son aimé.

Acte II. Chez le princesse et la princesse de Bouillon, Adriana est présentée au Comte Maurice de Saxe : elle comprend la surpercherie et pardonne à son fiancé. Adriana fait aussi connaissance de la Princesse de Bouillon, sa rivale.

Acte III. Chez le Prince de Bouillon, Adriana par le truchement du monologue de Phèdre de Racine accuse presque directement la Princesse de Bouillon d’adultère. La rivalité entre les deux femmes atteint un sommet d’intensité qui laisse présager une fin tragique.

Acte IV. Chez Adriana. L’actrice reste troublée par l’intimité que Maurice et la Princesse de Bouillon cultive. Elle se sent abandonnée par Maurice. Elle respire les violettes fanées qu’on vient de lui adresser : ces mêmes violettes empoisonnées qui ont cependant le parfum de son amour passé, pense-t-elle. Maurice paraît, ôte tout doute dans l’esprit bientôt défaillant de l’actrice : elle chancèle, mourante et suffocant, comme sur la scène de ses plus grands triomphes, Adrian expire dans les bras de Maurice.

 

 
 

 

Adrienne Lecouvreur à l’Opéra Bastille, Paris
Nouvelle production
Drame lyrique en 4 actes (1902)
Musique de Francesco Ciléa (1866-1950)
Livret d’Arturo Colautti
d’après Adreienne Lecouvreur, pièce d’Eugène Scribe et Ernest Legouvé

DANIEL OREN, Direction musicale
DAVID MCVICAR, Mise en scène

ANDREW GEORGE, Chorégraphie
MARCELO ALVAREZ, Maurizio
WOJTEK SMILEK, Il Principe di Bouillon
RAÚL GIMÉNEZ, L’Abate di Chazeuil
ALESSANDRO CORBELLI, Michonnet
ALEXANDRE DUHAMEL, Quinault
CARLO BOSI, Poisson
ANGELA GHEORGHIU ⁄ SVETLA VASSILEVA (29 juin, 9, 15 juillet), Adriana Lecouvreur
LUCIANA D’INTINO, La Principessa di Bouillon
MARIANGELA SICILIA, Madamigella Jouvenot
CAROL GARCIA, Madamigella Dangeville
ORCHESTRE ET CHOEURS DE L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS
JOSÉ LUIS BASSO, Chef des Choeurs

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