samedi 7 juin 2025

CRITIQUE, concert. ORCHESTRE NATIONAL de LILLE, le 4 juin 2025. R. STRAUSS, MOZART, MOUSSORGSKI… David Reiland (direction)

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Le dernier grand programme symphonique de l’Orchestre National de Lille dans le cadre de sa saison 2024-2025 se déroule ce soir hors les murs, sur la scène du Théâtre Sébastopol. Sa résidence habituelle au Nouveau Siècle est en travaux jusqu’à septembre 2026. Une réouverture prochaine d’autant plus espérée que la phalange fêtera alors ses… 50 ans.

 

 

Pour l’heure, les lillois retrouvent leur orchestre en grand effectif d’abord pour la Suite de valses n°1 du Chevalier à la rose de Richard Strauss, … un résumé de l’opéra en moins de 15 mn dont le chef invité exprime la charge débridée, l’expressivité parodique, son côté plus baron Ochs que La Maréchale (et la suavité subtilement nostalgique propre à son personnage)… grâce à des cuivres et une harmonie au top. On regrette juste que les sublimes valses manquent de cet abandon ciselé entre élégance et mélancolie, …

 

Pour la seconde pièce (le Concerto pour flûte et harpe de Mozart, 1778) l’effectif s’allège offrant un Mozart vif et souple, où brillent en particulier les deux solistes provenant des pupitres mêmes de l’Orchestre. Le flûtiste Clément Dufour et la harpiste Anne Le Roy Petit dévoilent une somptueuse virtuosité individuelle qui sait aussi s’accorder et convaincre par sa complicité sobre et nuancée ; leur performance indique clairement le très haut niveau musical actuel des instrumentistes de l’Orchestre. Ils ressuscitent le duo des commanditaires, le duc de Guînes, et sa fille harpiste, tous deux excellents musiciens de l’aveu même de Wolfgang qui sait les mettre en avant, en ménageant de superbes parties solistes à deux voix, uniquement accompagnés par les cordes.
Mozart y excelle en accordant brio et délicatesse ; son écriture exige autant de technicité que de nuances, d’agilité que de phrasés… Du miel pour de grands interprètes ; ce que sont les deux solistes requis : ils maîtrisent d’autant plus cette suprême élégance française, et l’art de la conversation galante, que dans le bis [« entracte » de Jacques Ibert] flûte et harpe rivalisent dans une même complicité réjouissante, en subtilité comme en souplesse. Photo ci-dessus : Le flûtiste Clément Dufour et la harpiste Anne Le Roy Petit © Ugo Ponte.

Après la pause, le chef que l’on a remarqué en fin mozartien décidément [il dirigeait alors « son » Orchestre National de Metz Grand Est dont il est le directeur musical] réussit haut la main, les Tableaux d’une exposition de Moussorgski… Le travail sur l’équilibre des timbres, la plasticité individualisée des instruments solistes, la pâte globale, la cohésion et la progression d’ensemble produisent de superbes instants, explorant avec beaucoup de finesse, l’orchestration à la fois puissante et suave qu’a parfait Ravel [en 1922 pour Koussevitzsky], à partir de la partition originelle de Moussorgski pour piano. Y éblouissent le choix génial des timbres, les associations instrumentales magiciennes à la fois saisissantes et enivrantes…Ne serait-ce que le solo sublime de mordant, à la fois sensuel et lugubre du formidable saxo alto au début d’ « Il Vecchio Castello »…

Le chef tout en exprimant la sensualité, le souffle épique, le vertige nostalgique, la charge grotesque des tableaux qu’imagine Moussorgski en hommage à son ami le peintre et architecte Viktor Hartman, sait construire la succession des 10 séquences comme un ample portique aux contrastes spectaculaires dont le dramatisme profite évidement de son travail comme compositeur d’opéras. On pense évidemment à Boris Godounov au final du tableau de la taverne et, précédemment à la scène [monstrueuse] du couronnement et ses cloches solennelles… Mais c’est ici l’éloquente maîtrise des musiciens lillois qui fait entrevoir l’équilibre souterrain, la cohésion structurelle de l’œuvre : son plan parfait comme en symétrie qui place en son centre le poétique et le parodique [le ballet des poussins dans leurs coques], le social et le rêve parfois cauchemardesque [en éléments medians : respectivement, « Tuileries », « Il Vecchio Castello »], enfin aux extrémités, la noblesse et la majesté des thèmes principaux [diverses promenades et l’arche finale majestueux, la grandiose porte de Kiev…].

Aux côtés des trouvailles mélodiques et de la puissante architecture que suscite l’agencement des séquences telles que laissées par Moussorgski en 1874, les instrumentistes ce soir régalent les auditeurs en ciselant la somptueuse parure que Ravel a su développer à partir du manuscrit source pour piano.
Superbe bain de couleurs et de nappes harmoniques, d’atmosphère vaporeuses et terrifiantes et d’un souffle onirique magistral… Il revient au chef et aux musiciens dans cette seconde partie, d’enivrer les auditeurs et de leur offrir ce festival sonore, généreux en sublimes alliances de timbres dont le chef invité souligne avec éclat et clarté, la nature opératique comme l’élan et la vitalité chorégraphique ; on s’étonne d’ailleurs que la version Ravel n’ait pas encore suscité davantage de ballets…

 

 

 

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Prochain événement de l’Orchestre National de Lille : Les Sept péchés capitaux de KURT WEILL, dans le cadre de ses « Nuits d’été », 2 soirées incontournables les 8 et 9 juillet prochains, au Casino Barrière à Lille : LIRE notre présentation de cette production événement estivale à LILLE : https://www.classiquenews.com/onl-orchestre-national-de-lille-nuits-dete-8-et-9-juil-2025-kurt-weill-les-7-peches-capitaux-joshua-weilerstein/

Plus d’infos sur le site de l’ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE : https://onlille.com/choisir-un-concert/categories/les-nuits-dete-2

Rendez-vous est déjà pris aussi pour la saison prochaine 2025 2026 ; une saison prometteuse hors les murs (https://onlille.com/) donc sous la direction artistique du directeur musical de la phalange Lilloise, l’excellent et perfectionniste Joshua Weilerstein. A suivre

 

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Précédente critique de l’Orchestre National de Lille :
Compte-rendu ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE – LILLE, Nouveau siècle, le 16 mars 2025. Un survivant de Varsovie : Schoënberg (Lambert Wilson, récitant), Chostakovitch (Symphonie n°13, « Babi Yar » – Dmitry Belosselskiy, basse), Joshua WEILERSTEIN, direction.
https://www.classiquenews.com/critique-concert-orchestre-national-de-lille-lille-nouveau-siecle-le-16-mars-2025-un-survivant-de-varsovie-schoenberg-lambert-wilson-recitant-chostakovitch-symphonie-n13-ba/
Précédente critique David Reiland :
https://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-concert-metz-arsenal-le-22-nov-2019-mozart-ravel-orchestre-national-de-lorraine-david-reiland/
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