dimanche 8 juin 2025

Liège. Opéra Royal de Wallonie, le 13 mars 2011. Rossini : Il Barbiere di Siviglia. Sergei Romanovsky, Sumi Jo, Nicola Alaimo, … Paolo Arrivabeni, direction. Stefano Mazzonis di Pralafera, mise en scène

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Durant les travaux de rénovation de l’Opéra de Liège, les représentations de l’Opéra Royal de Wallonie se déroulent sous le chapiteau du Palais Opéra, qui avait déjà servi à Venise lors des travaux de la Fenice. Un étrange bâtiment, assez inhabituel, aux formes surprenantes, mais dont la salle bénéficie d’une acoustique meilleure qu’on pouvait l’imaginer. Seule la proximité de la route enveloppe la représentation d’un halo sonore auquel il faut s’habituer.

Coloré Barbier liégeois

L’une des premières choses que nous aimerions souligner, c’est la spontanéité du public liégeois, véritablement populaire au sens le plus noble du terme, et visiblement heureux d’être là, applaudissant chaleureusement et de bon cœur chaque air, et réagissant avec joie à chaque clin d’œil de la mise en scène.
Une mise en scène à la fois traditionnelle et pleine de vie, d’humour et de couleurs, qu’a imaginé le directeur du théâtre, Stefano Mazzonis di Prafalera. Si la première partie de la représentation peine à prendre son envol, une fois l’entracte passé la magie opère, et c’est avec ses yeux d’enfant qu’on suit les péripéties des protagonistes, enchaînées sans temps mort, toujours avec beaucoup de drôlerie, sans jamais tomber dans la vulgarité.
Tout cela dans un décor simple et efficace : une façade de maison qui demeure côté jardin, et, occupant le reste de la scène, le bureau de Bartolo, axe central de l’action, agrémenté d’un portrait géant du docteur, et d’un globe terrestre tout aussi gigantesque, qui se révélera grosse caisse pour l’air de la Calomnie de Basilio. Du très beau travail. Simple, clair, édifiant.

Belle également, la distribution. Agé de tout juste 27 ans, le ténor russe Sergei Romanovsky se révèle très prometteur dans le rôle du comte Almaviva. Encore un peu fragile dans l’aigu, il sait cependant mettre en valeur son beau timbre et sa colorature fluide. Inénarrable en Don Alonso, il sait se montrer princier à la fin de l’œuvre, et on se souviendra longtemps de la queue de paon qu’il dévoile dans une superbe roue avant son air final. Un « Cessa di più resistere » qu’il affronte avec courage et détermination, demandant encore du travail dans le détail de chaque note, mais assumé avec panache.
Son complice, le baryton italien Nicola Alaimo, se glisse avec gourmandise dans le rôle du barbier. Déjà très applaudi voilà près de deux ans au Théâtre des Champs-Elysées dans le rôle de Don Pasquale – sous la direction de Riccardo Muti –, il impressionne une nouvelle fois ici, dessinant un factotum tout en rondeurs, tant physiques que vocales. A sa stature de géant débonnaire et attendrissant, répond sa voix généreuse et puissante, bien timbrée sur toute la tessiture, facile dans l’aigu et agile dans les vocalises, avec de plus un vrai sens du texte, dans lequel il mord à pleines dents.
En Rosine touchante et déterminée, nous saluons une nouvelle fois l’art de Sumi Jo. Alors que la première partie du spectacle la laisse paraître peu à l’aise dans une tessiture un peu grave pour elle, tentant des variations timides et s’imposant peu, le second acte la voit renaître dans toute sa splendeur. Elle prend littéralement possession de sa Leçon de chant pour faire chatoyer son instrument dans d’infinis ornements, jusqu’à un suraigu triomphant qu’on n’osait plus attendre. On remerciera particulièrement la direction d’avoir offert à la chanteuse l’air « Ah se è ver », écrit par Rossini pour Joséphine Fodor-Mainvielle lors d’une reprise vénitienne de l’ouvrage. Petit bijou composé d’une longue cantilène et d’une cabalette virtuose, il permet à la soprano coréenne de démontrer l’étendue de sa technique, des piani cristallins aux agilités vertigineuses, en passant par des messe di voce de grande école et une superbe variété de couleurs, tout le bagage d’une belcantiste accomplie. Nous la savions faisant partie de cette race-là, elle l’a confirmé une fois encore.
Bartolo tempêtant et explosif, la basse italienne Bruno De Simone met tout son métier de comédien et de diseur au service de ce rôle finalement attachant. Davantage baryton que véritable basse, il donne au personnage une teinte nouvelle, moins bougonne, plus incisive et mordante, usant avec aisance de sa belle voix sonore et bien projetée.
Seul le Basilio de Carlo Lepore déçoit quelque peu, grossissant souvent sa grande voix et sonnant par trop caricatural, mais il se rachète par de réels dons d’acteurs.
La participation du chœur est également à noter, excellemment préparé et semblant prendre un réel plaisir à cette production.
A la tête d’un orchestre engagé, le maestro Paolo Arrivabeni, directeur musical de la maison, sait façonner le discours musical avec fluidité, toujours précis et fin, bondissant et pétillant.
Conquis, le public a réservé une véritable ovation à tous les interprètes.
Un dernier mot pour saluer une initiative rare de la part de l’Opéra Royal de Wallonie : la participation parmi les figurants de membres du Centre de Jour, d’Intégration et d’Epanouissement Liégeois, centre d’accueil pour personnes présentant un handicap mental. Quoi de plus épanouissant pour eux que de devenir acteurs d’une aussi belle aventure ?

Liège. Opéra Royal de Wallonie, 13 mars 2011. Gioacchino Rossini : Il Barbiere di Siviglia. Livret de Cesare Sterbini. Avec Il Conte d’Almaviva : Sergei Romanovsky ; Rosina : Sumi Jo ; Figaro : Nicola Alaimo ; Bartolo : Bruno De Simone ; Basilio : Carlo Lepore ; Berta : Alexise Yerna ; Fiorello : Patrick Delcour. Orchestre et Chœurs Opéra Royal de Wallonie. Paolo Arrivabeni, direction musicale ; Mise en scène et lumières : Stefano Mazzonis di Prafalera. Décors : Jean-Guy Lecat ; Costumes : Fernand Ruiz ; Chef des chœurs : Marcel Seminara ; Mouvements chorégraphiques : Flavia Mangani

Retransmission du Barbiere di Siviglia de Rossini, en direct sur www.dailymotion/orw, mardi 15 mars 2011 à 20h.
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