Le concert de 18h révèle l’imaginaire hors normes d’un prince de l’orgue à bretelles. Le programme éclectique mais cohérent promet un voyage dans les étoiles, celles qui inspirent entre autres Régis Campo dont Théo Ould joue les œuvres avec malice et intensité.
Théo Ould au Festival de Menton
De Bach à Campo,
L’accordéon flamboyant et poétique
C’est d’abord un jeu de cliquetis, doigts percussifs et rythmés, chatouillant l’instrument… qui traversent le chemin escarpé et tonique, riche en images et sensations de « Lanterna Magica » ; où Campo pétillant convoque le cosmos et les étoiles dans une écriture marquée d’éclairs et de surgissements furtifs. Le geste tout en précision rythmique et en crépitements de nuances affirment un fort tempérament qui accorde le magique et l’expressif.
Ses Bach [Partita n°6 puis la Chaconne révisée par Busoni], s’imposent tout autant, y compris dans une conception « romantisée », [originellement pour violon seul, s’agissant de la Chaconne]. L’accordéoniste en exprime les vertiges architecturaux et aussi la profondeur critique, un questionnement brut sans concession sur la forme et le sens même de la musique.
C’est surtout la construction de Rameau, sa Gavotte [et ses 6 Variations] qui appellent délire et combinaisons audacieuses dans une intensité canalisée qui dévoile encore le geste débridé mais supérieurement contrôlé de l’accordéoniste.
La Romance en fa mineur de Tchaïkovski touche par sa mélodie authentiquement russe, nostalgique et comme enivrée.
Adepte de modernité, Théo Ould est un artiste contemporain dont le jeu radical, flamboyant joue [et réussit] les écarts percussifs et les brillants contrastes. Le jeune accordéoniste a passé commande au compositeur [et rock star à son époque], Tomas Gubitsch [qui a travaillé avec Piazzolla] l’écriture de 3 pièces avec bande magnétique sur laquelle l’accordéon délirant revisite les rythmes argentins, claire références aux années noires, convulsives de la dictature argentine [« Tango tangent » ]. Entre divagations et crépitements, l’instrument à bretelles déploie une panoplie entraînante de motifs empruntés au tango dont il déduit un triptyque à la fois cauchemardesque et onirique qui destructure le vocabulaire du tango pour mieux le réinventer.
Inspiré, le jeu du musicien en offre une lecture là aussi très caractérisée.
Enfin dans « Ad Astra » / vers les étoiles, Régis Campo récapitule l’ivresse sidérale qui innerve son écriture. Pour accordéon « augmenté » [avec une bande enregistrée], l’œuvre est une course heureuse où scintillent comme des constellations sonores, autant d’accents facétieux qui portent la signature d’un accordéon à la fois éruptif et funambule. Autant dire que l’interprète poète est roi de son instrument. Libre et juste, celui qui a obtenu une victoire de la musique classique en février dernier [Révélation], nous apprend la prodigieuse volubilité de son instrument. C’est aussi un nouveau rapport à la scène et au public où l’artiste parle, explique, commente tel choix, évoque son travail avec les auteurs contemporains… De quoi nourrir encore la mise en avant des jeunes talents prometteurs, volet essentiel qui compose l’adn du bouillonnant festival de Menton, tel que le souhaite et le défend, non sans raison, son directeur artistique, Paul-Emmanuel Thomas.
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Photos : © Festival de Menton 2023 / A venir la critique du concert des jeunes talents avec les pianos Yamaha : Callum Mclachlan, Kamile Zaveckaite, Mateusz Krzyzowski, même jour, même lieu à 20h.
CONCERTS À L’AFFICHE
JEUDI 3 AOÛT 2023, 21h30 : récital Alexander Malofeev, piano / Handel, Purcell, Muffat, Rachmaninoff… Parvis de la Basilique Saint Michel Archange
SAMEDI 5 AOÛT 2023, 21h30
Alexandre Kantorow, piano
Beethoven : concerto pour piano n°4 en sol majeur opus 58
Orchestre Sinfonia Varsovia
Aziz Shokhakimov, direction
Couplé avec symphonie n°7,
Et 6 Danses populaires roumaines de Bartok / Parvis de la Basilique Saint Michel Archange
ANNONCE, TEMPS FORTS, ENTRETIEN
LIRE aussi notre annonce présentation du 74ème FESTIVAL DE MENTON (jusqu’au 5 août 2023), temps forts et entretien avec Paul-Emmanuel THOMAS, directeur artistique : https://www.classiquenews.com/74eme-festival-de-menton-2023-du-25-juil-au-5-aout-2023/