lundi 7 juillet 2025

Tchaïkovski: La Dame de Pique. Vienne, 1992. Seiji Ozawa, Freni, Atlantov (1 dvd Sony classical)

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Orchestre palpitant
sous la direction affûtée et franche d’Ozawa, Lisa ardente et juste de
Mirella Freni, ce live viennois de 1992 captive dans son ensemble, même
si l’on reste plus réservé quant à l’Herman d’Atlantov et la Comtesse
de Mödl…

Opéra de Vienne, 1992: le drame tchaïkovskien réunit
sous la baguette affûtée et mordante, âpre et lyrique, toujours droite
et efficace de Seii Ozawa (qui devait devenir ensuite le directeur du
lieu), deux monstres lyriques: l’inusable Mirella Freni pourtant en fin
de carrière et le ténor russe plus pâteux et maniéré que sa partenaire,
Vladimir Atlantov. On reste toujours saisi par la santé vocale et la
justesse stylistique de Freni qui offre de Lisa, le portrait d’une
jeune femme soumise et passionnée, maudite et sombre, finalement
suicidaire (III, 2), quand elle comprend le démon du jeu a plus
d’emprise sur son aimé que son pauvre amour pour lui…
Dommage par ailleurs que la Comtesse de Martha Mödl n’égale pas dans la
version discographique que fait paraître simultanément Sony (collection
Sony Opera House avec le Boston Symphony Orchestra), la tenue à couper
le souffle de Maureen Forrester… Mais le talent dramatique de
l’actrice sur la scène viennoise emporte l’adhésion: par elle,
reparaissent les fantômes de la Cour française autour de la Pompadour.
L’orchestre surchauffé enfle parfois dangereusement par trop
d’impétuosité (début du IV), mais l’engagement est bien là, sous la
coupe à la fois énergique et précise du maestro Ozawa. Atlantov fait
du… Atlantov: toujours en surjeu, pathos démesuré à la clé, souvent
au détriment de la claire et lumineuse projection du texte.
Quoiqu’il en soit, la performance de Mirella Freni s’impose évidemment, et à ses côtés, la Paulina de Vesselina Kasarova
perce nettement par sa vivacité le choeur féminin qui ouvre la scène du
II. Outre les épisodes où s’impose Lisa version Freni (superbe
intensité de ses retrouvailles fatales avec Herman à la fin du II), et
malgré l’aplomb incisif de la direction d’Ozawa, l’écoute faiblit lors
de la scène capitale du II, quand Herman pénètre dans les appartements
de la Comtesse à son coucher: le « Vénus de Moscou », reine du jeu et des
cartes, frémit au seul énoncé d’un air ancien appris à la Cour de
France (Tchaïkovski a choisi un air de Grétry): la vecchia revit sa
jeunesse insouciante, portée par le marivaudage et la légèreté…
Dommage ici que vocalement, ni Mödl ni Herman ne partage la finesse et
l’intensité de leur remarquable partenaire Mirella Freni. Le document
demeure cependant incontournable: il témoigne avec franchise de la
direction d’un Ozawa sans afféterie, qui cible et touche son but.
L’opéra fantastique et lugubre, pouchkinien de Tchaïkovski ne pouvait
pas trouver chef plus fervent, Lisa plus poignante.

Piotr Illiytch Tchaïkovski (1840-1893): La Dame de Pique, 1890.
Livret de Modest Tchaïkovski d’après La Dame de Pique de Pouchkine
(1834). Mirella Freni (Lisa), Martha Mödl (La Comtesse), Vladimir
Atlantov (Herman), Sergei Leiferkus (le Comte Tomsky), Vesselina
Kassarova (Pauline)… Choeur et orchestre de l’Opéra de Vienne. Seiji Ozawa, direction

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