Concert Giacinto Scelsi
Ensemble Orchestral Européen
Firminy-Vert, Centre d’animation
Vendredi 14 décembre 2007 à 20h
(entrée libre)
Avec Valérie Dulac, violoncelle et Michaël Chanu, contrebasse
Concert-rencontre
Nouveau concert de découverte musicale, de surpcroît en entrée libre à Firminy-vert, par l’ensemble Orchestral Contemporain, dans le cadre de sa riche saison anniversaire 2007/2008, qui est celle de ses déjà 15 ans. Fondé en 1992, par Daniel Kawka, la phalange s’est fait une spécialité des répertoires modernes et contemporains, des désormais classiques du XX ème siècle et toutes les oeuvres à venir, en création, qui composent aujourd’hui notre paysage musical actuel. Tout en abordant les oeuvres de notre modernité la plus immédiate, l’orchestre dirigé depuis sa création par Daniel Kawka diversifie ses modes d’interprétation, dans des dispositifs et des configurations souvent expérimentales. Au travers de ses sessions en entrée libre, comme celle de ce vendredi 14 décembre 2007, il s’agit d’élargir la curiosité du public comme faciliter la proximité et l’accès aux oeuvres contemporaines.
Michaël Chanu (contrebasse, notre photo) et Valérie Dulac (violoncelle) s’intéressent en particulier à l’oeuvre interrogative du compositeur italien Giacinto Scelsi. Il s’agit d’un voyage en qupéte d’infini, où le musicien, alors dans une période critique de son existence, questionne l’infinité du son, de ses résonaces, de son durée et de sa profondeur, aboutissant à une exploration personnelle, en particulier celle des micro-tonalités. « C’est une musique assez zen, très belle, jamais agressive ou choquante. Tourner au quart d’un son est à l’époque, en Europe, quelque chose de nouveau, mais pas dans la musique orientale et indienne ! Scelsi est un des premiers compositeurs occidentaux à avoir introduit dans le répertoire occidental un travail aussi poussé sur le son », précise Michaël Chanu. » J’ai connu le répertoire de Giacinto Scelsi pendant mes études au Conservatoire. J’ai immédiatement aimé son travail qui privilégie en général les sons graves. La recherche passionnée qu’il a mené sur le son après la guerre est très intéressante. Sa musique évoque, pour moi en tant qu’interprète, la musique de la terre comme si on était plongé en son centre. »
Vie de Giacinto Scelsi (1905-1988). Giacinto Scelsi est né le 8 janvier 1905 à Pitelli (Arcola, La Spezia). Son père Guido Scelsi, lieutenant de vaisseau, d’origine sicilienne se distingue au moment de l’unité italienne. Le jeune adolescent et sa soeur cadette Isabella, vivent avec leur mère, Donna Giovanna d’Ayala Valva, dans le château de Valva en Irpinie, vaste demeure appartenant à la famille maternelle. Il y reçoit ses premières leçons de latin, d’échecs et d’escrime. Mais, le jeune adolescent aime surtout improviser sur le piano familial… pendant des heures, porté par la seule ivresse que procure la production mécanique des notes. A Rome, le jeune musicien approfondit son approche autodidacte en suivant les leçons du professeur, Giacinto Sallustio. A 15 ans, le jeune intellectuel rencontre les personnalités mondaines des années 1920: Jean Cocteau, Norman Douglas, Mimi Franchetti, Virginia Wolf… Scelsi voyage en France, en Suisse, surtout en Egypte, en 1927 où il découvre médusé la résonances des musiques locales. Il compose sa première oeuvre en 1929 à 24 ans: Chemin du Coeur. Il est révélé lors du concert parisien de la Salle Pleyel, le 20 décembre 1931, à 26 ans, quand sa dernière oeuvre, Rotativa, est créée sous la direction de Pierre Monteux. L’accueil est triomphal quand le compositeur ainsi reconnu, reste insatisfait par son oeuvre. En 1937, en Italie il organise à ses frais plusieurs concerts de musique contemporaine comprenant les partitions de Kodaly, Meyerowitz, Hindemith, Schoenberg, Stravinsky, Chostakovitch, Prokofiev, Nielsen, Janàcek, Ibert… Les lois raciales interdisant l’interprétation des oeuvres de compositeurs juifs empêchèrent la poursuite de l’activité de concerts, et de diffusion de la musique contemporaine, initiée par Scelsi.
Le jeune compositeur se détourne de son pays et découvre le dodécaphonisme de Schoenberg grâce à la formation que lui prodigue l’un des élèves du compositeur viennois, Walter Klein. Scelsi se passionne simultanément pour la philosophie musicale de Scriabine grâce à sa rencontre avec le docteur Egon Koehler qui l’initie à la chromothérapie.
Pendant la barbarie nazie, Scelsi vit en Suisse où il épouse l’anglaise Dorothy Kate Ramsden. Le compositeur poursuit son activité d’écriture. Malgré une période difficile, il poursuit une intense activité culturelle comme poète et comme compositeur, posant les jalons théoriques de sa musique à venir. Scelsi n’hésite pas à aider les réfugiés venus en Suisse chercher refuge. Son Trio à cordes est créé joué par le Trio de Lausanne dirigé par Edmond Appia, de même le pianiste crée plusieurs Pièces pour le clavier.
Après la guerre, Scelsi se fixe à Rome où a vécu sa mère. A Paris, en 1949, la Quatuor de Paris joue son premier Quatuor et Roger Désormières crée La Naissance du verbe. Le compositeur repousse toujours les frontières de la sensation et de l’écriture musicale. Sous l’influence du mysticisme oriental et de l’ésotérisme, il fait paraître chez l’éditeur parisien Guy Levis Mano, trois petits livres de poésie: Le poids net, L’archipel nocturne et La
conscience aiguë. Esprit toujours en quête, fasciné par l’infiniment ténu, le repli des sons, Scelsi expérimente, en innovant de nouvelles pratiques musicales, en ayant recours à des instruments nouveaux, tel l’ondioline, capables de reproduire quarts et huitièmes de ton, comme l’improvisation en état de transe, suscite aussi, de nouvelles formes musicales. Souvent, l’état physique du créateur l’empêche de transcrire lui-même les séries sonores qu’il obtient. Scelsi enregistre le plus souvent sur des bandes, ses « trouvailles » et sollicitent l’aide de transcripteurs pour les fixer sur partitions. C’est un nouveau langage du sonore, ayant ses propres codes et ses pratiques spécifiques dont les dispositifs n’ont pas tardé à susciter le désarroi de ses détracteurs, à nourrir les critiques de ceux qui n’étaient pas convaincus par ses recherches. Devy Erlih, Michiko Hirayama, Frances-Marie Uitti, Ferdinando Grillo, Geneviève Renon, Alina Piechowska, Carlo Porta, Joëlle Léandre, Massimo Coen, Carol Robinson, Carine Levine, Marianne Schroeder, Stefano Scodanibbio … sont quelques uns des artistes à avoir suivi une formation spécifique de la part de l’auteur pour interpréter sa musique si mystérieuse, à l’écoute des battements et des vibrations infimes…
A la fin de sa vie, Scelsi habite au 8 de la Via San Teodoro, à Rome, un lieu devenu, foyer musical pour tous ses (nombreux) admirateurs. C’est de là qu’il s’attèle à la publication systématique de sa production musicale pour les Éditions Salabert à Paris, sous la direction de Sharon Kanach.
Crédit photographique: Valérie Dulac, violoncelle et Michaël Chanu, contrebasse (DR)
Giacinto Scelsi (DR)