Modeste Moussorgski,
Boris Godounov, 1874
Opéra en un prologue et
quatre actes.
Livret du compositeur
d’après Pouchkine
Opéra de Massy
Du 9 au 11 mars 2007
Dominique Rouits, direction
Dmitri Bertman, mise en scène
Le vrai Tsar Boris règne sur la Russie à au début du XVIIème siècle, de 1598 à 1605. Moussorgski s’inspire de la pièce de Pouchkine. Moussorgski qui adapte lui-même la pièce en opéra, conçoit deux versions. La première plus dense et resserrée, composée en 1868-1869, est refusée par la censure des théâtres Impériaux. La seconde, achevée en 1872, fut créé sans encombre au Théâtre Marrinski de Saint-Pétersbourg sous la direction d’Edouard Napravnik.
Le style rugueux, expressionniste suscita de nombreuses critiques. Rimsky-Korsakov réochestra l’oeuvre et présenta une nouvelle version achevée en 1908, qui finit par éclipser l’originale, grâce à la performance de Chaliapine dans le rôle-titre. C’est le musicologue Pavel Lamm, en 1928, qui rétablit la version de Moussorsgki en publiant la partition originale.
L’action s’étend sur plusieurs années, au moins six. Au début, le boyard Boris devient Tsar. Ensuite, l’exercice du pouvoir le transforme, en particulier, parce qu’il a fait assassiner l’enfant héritier de la couronne convoitée, le souvenir du crime hante ses nuits et finit par rompre sa raison. Parallèlement, le disciple du vieux moine Pimène, Grigori Otrepiev, connaissant le drame du jeune héritier sacrifié, se fait passer pour le prétendant ressuscité. Au-delà de l’anecdote historique, l’opéra confronte en de saisissants tableaux, solitude et délire de Boris, rongé par le remords, et le mouvement de la foule. C’est un terrible portrait du pouvoir et de la folie qui guette ceux qui ambitionne d’en prendre les rênes. L’acte polonais, ajoutée dans la version de 1872, en deux tableaux, se passe en Pologne. Il permet au compositeur de brosser la figure d’une femme aussi ambitieuse et peu scrupuleuse que l’est Boris ou Dimitri : l’avide Marina, soumise à l’éminence noire, Rangoni. Solitude et grandeur dérisoire des héros, foule soumise et suiveuse, agonie d’un monde barbare condamné à vivre et revivre le cycle des tyrannies sanglantes, Boris Godounov est depuis sa création, et sous les masques de ses versions diverses, le modèle de l’opéra russe.
L’humain et l’épopée s’y trouvent condensés en un tableau flamboyant que la musique de Moussorsgki, sans ornements ni fioritures, rend grave et sombre. Dans cette oeuvre fascinante, le compositeur épingle le mécanisme de la barbarie humaine avec une poésie inégalée, même si, au final, sa conclusion est des plus pessimistes.