France Musique. Dimanche 23 août 2015, 21h. En direct de la Chaise Dieu : Bach : la Messe en si. Benoît Haller, direction. Entre 1724 (création du sanctus) et 1749, Bach édifie sa propre cathédrale chorale, synthèse de toute une vie dédiée à célébrer Dieu par le truchement d’une écriture contrapuntique complexe et directe. Ses proportions et la succession d’épisodes fervents laisse croire à un testament musical, moins à une oeuvre liturgique destinée à être jouée le temps d’une célébration à l’église. Bach s’approprie les 5 sections de la Messe : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus Dei, organisés comme autant de jalons d’une réflexion sur le sens du sacré, la finalité de la musique comme l’objectif de la pratique chorale et vocale.
Kyrie et Gloria sont tout d’abord joués dans le cadre d’une messe, en 1733 pour le serment du nouvel électeur de Saxe, le Prince Frédéric-August II : à 48 ans, Bach cherche ainsi à se faire remarquer et obtenir le poste de compositeur officiel de la Cour de Saxe. Le choeur à 5 voix dessine une arche d’entrée spectaculaire et solennelle pour le Kyrie et ses 3 sous parties (Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison) : le caractère du Kyrie est celui d’une prière, appel de détresse lancé par l’Evangile au Dieu de miséricorde. Pour soutenir la prière, une fugue aux instruments, souligne l’imploration… jusqu’à l’accord final, lumineux qui se fait exclamation de soulagement. Puis le Christe eleison, en forme de duo à l’italienne pour 2 sopranos, affirme une nouvelle certitude en ré majeur, ton de la joue sûre et radieuse, qui exprime aussi la double nature du Christ, dieu et homme à la fois. Le Kyrie eleison suivant insiste sur l’esprit de contrition et de pénitence qui est au cœur du repentir luthérien.
Le Gloria : chanté par les anges au moment de Noël, l’épisode du Glora affirme une joie irrépressible de plus en plus éclatante : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. Les trompettes affirment le miracle de l’incarnation, creusant le contraste saisissant, complémentaire entre l’éclatant Gloria céleste et le tendre Pax terrestre. Le choeur à 5 voix d’hommes reprend du service pour souligner le point axial du Qui tollis peccata mundi, pilier de l’architecture. Le Gloira souligne aussi la force de la confession de foi dans l’Agneau salvateur et rédempteur.
Le Credo est un texte complexe de 9 parties, aboutissement des discussions théologiques tenues lors des deux Conciles de Nicée, en 321 et de Constantinople en 385, aux premières heures du christianisme, quand Constantin déclare la religion du Christ, religion officielle de l’empire romain. La conception de Bach, architecte et inégnieur sans équivalent à son époque éblouit par la justesse des options, en particulier dans les 3 sections qui mettent en avant le Christ : Incarnatus est, Crucifixus, Resurrexit. Pour le mystère de l’incarnation, Bach imagine un climat lent, serein, grave et d’une humilité confondante. Le Crucifixus est une chaconne descendante, de sorte que le compositeur associe tragédie de la Croix douloureuse et sacrificielle et gravité irrépressible. Contrastent avec ce temps de l’approfondissement tragique, l’éclat des trompettes marquant la Résurrection (Resurrexit).
Sanctus, Osanna, Benedictus sont unis par une même ferveur. Le sanctus est une prière collective de louange et de célébration sereine (choeur à 6 voix) à laquelle succède l’hymne entonné par les ténors, Pleni sunt caeli et gloria ejus (fugue complexe spectaculaire). Enserré entre deux Osanna, le Benedictus cher à la rhétorique baroque des contrastes; est toute sérénité suspendue, contemplative (une voix : ténor soliste, flûte et continuo)
Agnus Dei
Même introspection méditative pour l’évocation de l’Agneau portant les péchés du monde. Bach sollicite la voix de l’alto, recyclant une mélodie de l’Oratorio de l’Ascension BWV11, sur un texte identique au Kyrie. Le dernier vers Dona nobis pacem, énoncé par le choeur général saisit par son souffle de réconciliation fraternelle et universelle, à partir de même notes que dans le Gloria (Gratias agimus tibi), refermant ainsi son grand livre fervent selon le principe de répétition comme s’il s’agissait d’un écho et du prolongement de ce qui a été dit précédemment, assurant aussi l’unité organique et profonde de l’édifice ainsi élaboré. Exposition, drame et agitation, contemplation et réflexion puis pacification d’un temps d’épanouissement et de certitude finale.
Dimanche 23 août 2015, 21h. En direct de la Chaise Dieu : Bach : la Messe en si. Benoît Haller, direction