ENTRETIEN avec la pianiste Laurianne Corneille, Ă  propos de son album Schumann.

KLA094-CORNEILLE-LAURIANNE-cd-KLARTHE-robert-schumann-piano-kreisleriana-critique-cd-classiquenewsENTRETIEN avec Laurianne Corneille, Ă  propos de son album Schumann : “L’Hermaphrodite” (1 cd Klarthe records). « Doubles rĂ©conciliĂ©s », c’est ainsi que notre rĂ©dacteur Hugo Papbst rĂ©sumait la rĂ©ussite du dernier album de la pianiste Laurianne Corneille, interprète des personnalitĂ©s mĂŞlĂ©es, complĂ©mentaires de Robert Schumann. A l’appui de sa critique dĂ©veloppĂ©e, voici l’entretien que nous a rĂ©servĂ© la pianiste pour laquelle l’écriture Schumanienne revĂŞt des significations singulières et personnelles. Un engagement intime qui scelle la valeur de son regard sur Robert Schumann… Explications.

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On parle souvent de la double personnalité de l’âme schumannienne (Florestan / Eusebius). Que manifeste pour vous son écriture pianistique ? Un écartèlement de directions inconciliables ou un certain équilibre auquel chacun devrait aspirer ?

La difficulté intrinsèque de l’écriture de Schumann tient au fait que cet écartèlement ressenti par l’auditeur et qui se manifeste souvent par un inconfort, est en fait son propre équilibre. Schumann est comme un enfant qui chanterait à tue-tête sans se soucier de la beauté. Un enfant se soucie seulement de sa sincérité et c’est en cela, précisément, qu’il est beau. Schumann vit avec les émotions, avec tout ce qui le traverse, il ne cherche pas à les faire taire. C’est pour cela qu’il a le grand courage : celui de garder les yeux ouverts sur tout ce qu’il l’entoure. Je crois que son côté épique, chevaleresque, qui n’appartient qu’à lui, découle de ce courage de l’enfance. Il chante donc avec toutes ses voix, et elles se coupent la parole en permanence : c’est ce qui s’entend dans son écriture pour le piano. Il ose être plusieurs personnes, exactement comme un enfant qui raconte une histoire.
Peu de gens savent se laisser traverser ainsi, alors d’aucuns le ressentiront comme un Ă©cartèlement… « Le regard neuf de l’enfant sauve mĂŞme les trottoirs de l’usure » disait Romain Gary. Je crois que, dans ce fragile Ă©quilibre qui est le sien, Schumann nous sauve d’un romantisme qui pourrait devenir routinier si nous n’avions ce type de regard, qui est comme une vigilance.

 

 

La présence du corps, le souvenir de la blessure innervent implicitement votre approche artistique (8 pièces des Kreisleriana). De quelle façon cette singularité a-t-elle enrichi votre propre approche de l’écriture schumannienne ?

Par l’accident que j’ai vécu, j’ai ressenti cet écartèlement (dont il a été question plus haut) physiquement : c’est mon corps qui s’est fissuré à travers cette clavicule brisée. J’ai une propension naturelle à l’écartèlement de la psyché, mais ressentir le déchirement du corps, puis m’obliger à chanter à tue-tête par-dessus la blessure fût une expérience singulière. J’ai donc fait ce cheminement, très proche à mon sens de l’écriture de Schumann.
Par ailleurs, je suis quelqu’un qui comprend par le corps ou, pour le dire autrement, qui fait toujours en sorte de réfléchir et dépasser l’expérience corporelle afin de la transcender. L’événement importe finalement assez peu. C’est ce que l’on en fait qui peut tout changer.
Je pense souvent à cette phrase de Lorette Nobécourt, immense autrice, qui m’accompagne : «Aujourd’hui, je pense que la souffrance est une occasion inespérée de comprendre. Il faut saisir cette voie d’accès avant que tout se referme. »
Je crois que c’est ce que j’ai fait, mais j’ai sans doute gardé un pied dans la porte, c’est-à-dire que je garde le souvenir de cette souffrance-là.

 

 

Parlez-nous de ce « fil d’or » à la fois ténu et réparateur qui réconcilie. Dans quelles pièces précisément ?

Ce fil d’or -qui est mon fil rouge-  est une autre manière de parler de la laque d’or, l’urushi, que l’on utilise lorsqu’on répare des céramiques ou des faïences brisées. Cet art japonais du Kintsugi était ma métaphore personnelle pour parler du chant. C’est pour cette raison qu’il est le thème principal du film réalisé par Gaultier Durhin pour parler de ce disque. Il s’agit du chant salvateur avec lequel on vient panser les blessures. La laque d’or est partout, dans des proportions plus ou moins importantes selon les pièces. La musique de Schumann est une topographie de la souffrance, et j’ai voulu combler, avec plus ou moins d’or, les sillons, les fissures, les écartèlements. C’était ma manière d’entendre cette musique et de la «dire ». Mais aussi d’exprimer : « ne détournez pas le regard, parce que ces blessures sont belles. »

 

 

Que représente pour vous l’Hermaphrodite ? En quoi cette figure mythologique est-elle emblématique de votre approche de Schumann ?

L’Hermaphrodite est mon cheval de Troie. Il s’établit par cette figure mythologique ambivalente différents niveaux de lecture : le double schumannien, la complémentarité féminin/masculin, le personnage de Clara Schumann, la scission, la fusion. C’est tout à la fois un monstre et une figure de l’amour. Il est une crainte et une fascination. C’est une alchimie qui me permet aussi de m’exprimer en tant qu’Homme lorsque c’est la Femme qui joue et inversement.

Propos recueillis en avril 2020.

 

 
 

 

KLA094-CORNEILLE-LAURIANNE-cd-KLARTHE-robert-schumann-piano-kreisleriana-critique-cd-classiquenewsLIRE aussi notre critique complète du cd SCHUMANN : L’Hermaphrodite. Kreisleriana, Les Chants de l’aube… Laurianne Corneille, piano  – 1 cd KLARTHE records… Extrait de la critique : “ Un cheminement qui nous conduit Ă  la clĂ©, sommet de cette libĂ©ration Ă©motionnelle qui va par Ă©tapes : le Widmung (chant de l’amour) et qui dĂ©voile le 3è terme de la trinitĂ© Schumanienne : « Raro », rĂ©bus amoureux qui fusionne ClaRA et RObert Schumann, l’un des rares couples parmi les plus lĂ©gendaires de l’histoire de la musique. Ici, lumineuses et sincères, leurs deux âmes fusionnent. Widmung ici jouĂ© dans sa transcription pour piano seul de Liszt, ravive intacte, la magie du sentiment amoureux le plus pur, tout en se rapprochant de l’indicible nostalgie schubertienne.”
http://www.classiquenews.com/cd-critique-schumann-lhermaphrodite-laurianne-corneille-piano-1-cd-klarthe-records/

 

 
 

 

CD, critique. Album Schumann, par Élisabeth Leonskaja, piano,(2 cd, label eaSonus 2020)

leonskaja elisabeth piano cd schumann critique classiquenewsCD, critique. Album Schumann, par Élisabeth Leonskaja, piano (2 cd, label eaSonus 2020). Elisabeth Leonskaja avait par le passé enregistré la première sonate opus 11 de Robert Schumann (label Teldec,1988). Il aura fallu attendre ce début d’année 2020 pour enfin entendre plus amplement au disque ce compositeur qu’elle affectionne. Elle lui consacre un album de deux CD, où se rejoignent l’alpha et l’oméga de son œuvre dans une « magie sonore » qui n’a d’égal que l’exigence structurelle et la profondeur du propos.

Le premier CD rassemble les Variations Abegg opus 1, les Papillons opus 2, les Études symphoniques opus 13 précédées de leurs cinq études posthumes, et enfin les Geistervariationen Wo0 24. Le second CD: la Sonate n°1 en fa dièse mineur opus 11, et la Sonate n°2 en sol mineur opus 22.

ELISABETH LEONSKAJA FORGE L’ESPRIT DE ROBERT SCHUMANN

Loin de verser dans l’écueil d’une interprĂ©tation dĂ©cousue, ce qui est le risque chez Schumann, celle d’Elisabeth Leonskaja est faite d’un alliage solide, qui n’est pas exempt de tendre poĂ©sie. Les Variations Abegg en sont un joyau. La pianiste habille de fraĂ®cheur cette Ĺ“uvre de jeunesse, dans une dĂ©licieuse fluiditĂ©. Quelle raffinement de toucher, sous la lĂ©gèretĂ© du ton! La main gauche sait apporter le soutien des basses, tout en dĂ©licatesse, comme se faire oublier pour laisser libre cours aux vivifiants Ă©lans lyriques. Rien qui pèse et qui pose, une musique qui semble s’inventer au fur et Ă  mesure, qui respire, mais dans un cadre – en filigrane- d’une tenue rigoureuse, qui ne permet aucun dĂ©bordement. On imagine volontiers Ă  l’écoute de ses Papillons les scènettes d’un théâtre de marionnettes. Elisabeth Leonskaja soigne le dĂ©tail de ces miniatures sans perdre de vue l’esprit de l’ensemble. Les reprises apportent leurs grains de sel par de lĂ©gères nuances de phrasĂ©s, ou de micro rubatos bien sentis. Tour Ă  tour naĂŻf, enlevĂ©, tendre, piquant parfois, ce petit carnaval, condensĂ© d’humeurs changeantes, a fière allure sous ses doigts, et parle Ă  notre enfance. Viennent ensuite Ă  rebours les Études symphoniques, avec leur condensĂ© posthume, composĂ© en 1852, soit près de vingt ans après l’écriture des douze Ă©tudes d’origine. La couleur est ici tout autre: le thème choral chante avec gravitĂ©, et annonce le climat très particulier des cinq variations, d’une grande densitĂ© d’expression. Le goĂ»t de Schumann pour une certaine forme de spiritualitĂ©, qu’il relie au spiritisme, et dont l’auteur du texte du livret fait Ă©tat, trouve dans ces variations, et par l’interprĂ©tation d’Elisabeth Leonskaja sa plus Ă©vidente traduction, quand bien mĂŞme les ultimes « Geistervariationen » (Variations sur le thème des Esprits) sont explicites Ă  ce sujet. Sur sa puissante ligne de basse, le bouillonnement de la première variation ouvre sur l’étrangetĂ© surnaturelle de la seconde, aux harmonies d’un autre monde. La pianiste nous y tient comme dans un rĂŞve Ă©veillĂ©, sa main gauche dans son ondoiement sonore offrant d’indĂ©finissables visions. E. LĂ©onskaja dĂ©ploie tout un art du dialogue dans les deux variations qui suivent, empreints de tendre passion, de soupirs, sans jamais d’excès. Si son jeu possède au fil des plages du disque une clartĂ© polyphonique, avantagĂ©e par la qualitĂ© de prise de son, il est d’une ineffable beautĂ© dans les mouvements lents. En tĂ©moigne la cinquième variation, rĂŞveuse, aux dĂ©licates suspensions, d’une touchante pudeur. Les douze variations n’en sont pas moins attachantes. Ce que Schumann explore dans ces Ă©tudes qui n’étaient pas selon lui destinĂ©es Ă  ĂŞtre jouĂ©es en public, E. Leonskaja le transcende, en extrait l’essence profonde, l’énergie intrinsèque, dans le tragique de la deuxième variation notamment, la course palpitante de la septième et la triomphale douzième, les secrètes confidences Ă©changĂ©es dans le merveilleux legato de la onzième. Schumann ne composera plus rien après les Geistervariationen, Ă©crites en 1854 sur une mĂ©lodie qu’il aurait reçu des esprits de Schubert et Mendelssohn. Ce bouleversant tĂ©moignage apparaĂ®t après l’opulence des variations, dans son Ă©mouvant dĂ©pouillement, si loin de la fantaisie de l’opus 1.

Les Sonates n°1 et n°2 composées, comme les Études symphoniques, en 1837-1838 sont elles aussi tenues de main ferme, reposant sur une assise rythmique inébranlable, la caractérisation des voix, et une lecture d’une netteté impeccable. Mais un peu trop. La passion est tenue en bride, dans le finale de la sonate n°1, mais surtout dans la sonate n°2, dont le tempo indiqué par Schumann « So rasch wie möglich » (aussi vite que possible) trop retenu fait entendre une main gauche très articulée. On aurait aimé entendre chant plus enflammé. La fougue est absente du scherzo, sans grain de folie, et la fin du Rondo pourrait être davantage tempétueuse. L’andantino, assez allant, est le mouvement le plus réussi: écoutez sa voix intérieure, magnifiquement timbrée et chantante! La sonate n°1 convainc davantage. Comme la pianiste fait respirer la musique dans son premier mouvement, et quelle vision orchestrale! La pédale est soigneusement dosée, les timbres et les attaques finement étudiés. Le deuxième mouvement est pure rêverie, tendrement coloré par la main gauche. Le scherzo, théâtral, est un mini carnaval à lui tout seul, avec ses accentuations à contrepied. Le dernier mouvement, quoique dépourvu du vertige de la passion, touche par l’intériorité de ses passages recueillis.

Elisabeth Leonskaja signe ici un somptueux album, dont les Études symphoniques forment la clĂ© de voĂ»te. Il vient apporter une pierre nouvelle et essentielle Ă  lâ€Ă©difice d’une discographie  dĂ©jĂ  riche, qui compte parmi ses plus emblĂ©matiques personnalitĂ©s Nat, Arrau et Richter pour, par exemple, ce qui est du passĂ©, Pollini et Argerich (sonate en sol mineur d’une impudique et incandescente passion! – aux antipodes de cette version), et plus rĂ©cemment Bianconi (Papillons, et Études symphoniques au complet, d’une grande poĂ©sie et Ă  la beautĂ© racĂ©e).

 

 

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CD, critique. Album Schumann, par Élisabeth Leonskaja, piano (2 cd, label eaSonus 2020)

 

CD, critique. Un moment chez les Schumann : Sonates pour violoncelle et piano de Robert, Georg, Camillo SCHUMANN. Cyrielle Golin (violoncelle) / Antoine Mourlas (piano) – 1 cd KLARTHE records.

moment-musical-chez-les-schumann-golin-mourlas-cd-klarthe-records-critique-cd-review-cd-classiquenewsCD, critique. Un moment chez les Schumann : Sonates pour violoncelle et piano de Robert, Georg, Camillo SCHUMANN. Cyrielle Golin (violoncelle) / Antoine Mourlas (piano) – 1 cd KLARTHE records. Ce « moment musical chez les Schumann » façonne un salon romantique qui rĂ©unit 3 Schumann, non pas membres d’une fratrie, en rien parents de la famille de Robert, mais plutĂ´t colonie de sensibilitĂ©s au mĂŞme nom patronymique, ayant chacun Ĺ“uvrĂ© Ă  Leipzig. Les deux instrumentistes Cyrielle Golin (violoncelle) et Antoine Mourlas (piano) font acte de complicitĂ© et d’audace ans un cycle particulièrement original et dĂ©fricheur. Camillo dont la Sonate violoncelle / piano ouvre le rĂ©cital est le plus rĂ©cent nĂ© en 1872 Ă  Konigstein (comme Georg), semble prolonger l’exemple de l’illustre Schumann nĂ© en 1810. Son Ă©criture est plus lisztĂ©enne que Schumanienne et brahmsienne, en cela moins profonde et captivante que celle de Georg. Moins grave et viscĂ©rale que les autres pièces, la Sonate n°1 opus 59 dĂ©veloppe cependant un bel esprit chantant, fluide, habitĂ© par l’ardeur complice des deux musiciens.

Premier Romantique et modèle de cette trinité inédite, Robert, apparaît par comparaison comme le génie des humeurs ; au verbe ciselé, caractérisé avec une sensibilité très affûtée, particulièrement vive et contrastée (« Vanitas vanitatum » qui ouvre les Fünf stücke im Volkston opus 102). Ce qui touche dans cette série de 5 pièces, c’est la profondeur et la justesse du caractère de chacune : à l’esprit bravache, voire parodique du I, répond immédiatement la rêverie pudique du II : « Langsam », traversé par une gravité tout à fait étrangère au début. La divagation schumanienne se déploie ensuite, maîtrisant ses deux orientations non pas antinomiques mais complémentaires: autodétermination / doute, errance / construction. Ce que comprennent parfaitement les deux interprètes, jouant sur la souplesse, la rondeur d’une fusion accomplie, secrète, harmoniquement voluptueuse.

 

 

Georg Schumann révélé

 

 

La révélation reste celle de l’écriture de Georg, très proche de Robert : ardente et vive, nerveuse et presque sanguine dans l’approche, très brahmsienne des deux instrumentistes : la Sonate opus 19 n’a rien à envier aux plus renommés, Robert et Johannes. Notée « con Molto espressione », la Sonate s’embrase dès son premier mouvement, mais sans force ni pathos, dans une flexibilité de moyens et d’accents fondés sur l’écoute et l’entente réciproque : ce qui fonde la valeur de ce dernier triptyque. La profondeur, l’activité, l’urgence, la vivacité intérieure convainquent sans réserve. Né à Konigstein en 1866, soit bien après la mort de Schumann, Georg semble recueillir l’ardente flamme passionnelle de son prédécesseur, comprenant ses délicats équilibres, ses éclairs comme ses replis des plus intimes ; Georg (1866-1952) fut un proche de Richard Strauss fondant avec lui la société des auteurs en Allemagne GEMA ; Georg joue le Concerto de Robert et comprend toutes les composantes de son écritures qu’il fusionne avec celle de Brahms. L’opus 19 écrit en 1897 en témoigne : la référence aux Anciens romantiques, Robert et Johannes est vivifiée ici par une rigueur constante des modulations ; une intelligence de l’harmonie aux changements parfois vertigineux. Excellent programme, enivrant, révélateur.

 

 

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CD, critique. Un moment chez les Schumann : Sonates pour violoncelle et piano de Robert, Georg, Camillo SCHUMANN. Cyrielle Golin (violoncelle) / Antoine Mourlas (piano) – 1 cd KLARTHE records – enregistrement rĂ©alisĂ© Ă  Paris, Temple Saint-Marcel, janvier 2019). 

  

 

CD, critique. SCHUMANN : L’Hermaphrodite. Laurianne Corneille, piano (1 cd Klarthe records)

KLA094-CORNEILLE-LAURIANNE-cd-KLARTHE-robert-schumann-piano-kreisleriana-critique-cd-classiquenewsCD, critique. SCHUMANN : L’Hermaphrodite. Laurianne Corneille, piano (1 cd Klarthe records) – On ne soulignera jamais assez la fascination des mondes doubles de Robert Schumann, ses masques jaillissants, Ă  l’insolente Ă©nergie dont la volubilitĂ© versatile, changeante comme une onde insaisissable, semble tout synthĂ©tiser de la psychĂ© humaine. Parce qu’il a choisi de s’inscrire au cĹ“ur de ses contradictions mĂŞmes, le piano de Schumann semble offrir le miroir le plus complet de l’âme humaine… Le prĂ©sent programme en tĂ©moigne et s’intitulant « L’Hermaphrodite », Ă  la fois masculin et fĂ©minin, il Ă©claire l’ambivalence captivante schumannienne / « doppelgänger » (sosie / double); Ă  la fois EusĂ©bius et Florestan, telles deux sensibilitĂ©s non pas contradictoires mais complĂ©mentaires. A l’interprète d’en comprendre les enjeux, manifester l’activitĂ©, rĂ©aliser l’unitĂ©.

Sur les traces et dans les sillons de la pensée critique de Roland Barthes (Rasch dont elle lit aussi un extrait en bonus), la pianiste Laurianne Corneille exprime d’abord les « coups » fragiles, ténus, passionnés du fougueux et sombre Florestan, dans les Kreisleriana : « un corps qui bat » ; la lutte de Robert contre lui-même ? , puis sait polir la courbe moins explicite d’une première écoute ; celle de la douceur d’Eusebius (sa tendresse calme et même énigmatique), conçue comme le négatif du tumulte premièrement décelé.

 

 

Les doubles réconciliés

 

 

Un cheminement qui nous conduit à la clé, sommet de cette libération émotionnelle qui va par étapes : le Widmung (chant de l’amour) et qui dévoile le 3è terme de la trinité Schumanienne : « Raro », rébus amoureux qui fusionne ClaRA et RObert Schumann, l’un des rares couples parmi les plus légendaires de l’histoire de la musique. Ici, lumineuses et sincères, leurs deux âmes fusionnent. Widmung ici joué dans sa transcription pour piano seul de Liszt, ravive intacte, la magie du sentiment amoureux le plus pur, tout en se rapprochant de l’indicible nostalgie schubertienne.

Comme deux pôles fascinants, la pianiste aborde d’abord Les Chants de l’aube, une toute autre confession / contemplation personnelle, frappée par l’épaisseur grave de la maturité, élaborée quelques temps avant son suicide dans le Rhin.
Puis, miroir de la jeunesse de Robert, ses élans et sa déclaration d’amour pour Clara : les Kreisleriana ; ce sont moins les secousses chaotiques d’une pensée confuse, au bord de la folie (comme on le joue trop souvent, comme on les présente aussi systématiquement), que la manifestation éclatante d’un tempérament divers, pluriel, étonnamment riche qui a affronté la peur et le rêve ; les espoirs et la désillusion. Les 8 épisodes caressent l’intranquille et tenace activité schumanienne, comme une série de crépitements ardents, semés de coups et de chocs, physiques comme cérébraux. Schumann a tout vécu, tout senti, tout mesuré. L’interprète embrasse le flux pianistique dans sa sauvage complexité sans jamais perdre son fil.

Comme leur aboutissement logique, Les Chants de l’aube en sont la réalisation finale, l’aveu du renoncement et de la mort. 5 sections conçues comme un lent mais inexorable effondrement progressif, énoncé comme un chant doux et liquide (le dernier en particulier, envisagé comme un océan qui se retire : « Im Anfange ruhiges… »).
En recueillant pour elle-même les disparités faussement confuses du chant schumanien, Laurianne Corneille trouve ce « fil d’or » qui unifie les directions, équilibre les tensions, enrichit toujours sa propre expérience intérieure ; voilà qui rend les œuvres de Schumann, révélatrices d’un cheminement, en rien instinctif et précipité, plutôt réfléchi et magistralement contrôlé, conscient et assumé. L’éprouvé, brisé, saisi est réunifié… voire « sublimé » selon l’esthétique japonaise du kintsugi, cet art qui répare les céramiques cassées et leur offre une nouvelle vie (cf la notice très personnelle qui accompagne le cd). Chez Schumann, ce voyage entre deux rives, devient bénéfique. A la fois, salvateur et réparateur. Lumineuse et intime réalisation.

 

 

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CD, critique. SCHUMANN : L’Hermaphrodite. Kreisleriana, Les Chants de l’aube… Laurianne Corneille, piano (1 cd Klarthe records – enregistrement rĂ©alisĂ© en fĂ©v 2019).

https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/lhermaphrodite-detail

Robert Schumann
Gesänge der FrĂĽhe / Chants de l’aube, opus 133
“Kreisleriana” opus 16
Liebeslied aus Myrthen, opus 25  (transcription de Franz Liszt)

Laurianne Corneille, piano

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CONCERT
Soirée Klarthe records
Lundi 2 mars 2020, PARIS, salle Colonne, 20h.
SCHUMANN par Laurianne Corneille, piano
BRAHMS : Florent Héau, clarinette et le Quatuor Voce.
Réservez vos places directement auprès de Klarthe :
https://www.billetweb.fr/schumann-brahms-klarthe

 

 

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ENTRETIEN avec Laurianne Corneille

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KLA094-CORNEILLE-LAURIANNE-cd-KLARTHE-robert-schumann-piano-kreisleriana-critique-cd-classiquenewsENTRETIEN avec Laurianne Corneille, à propos de son album Schumann : “L’Hermaphrodite” (1 cd Klarthe records). « Doubles réconciliés », c’est ainsi que notre rédacteur Hugo Papbst résumait la réussite du dernier album de la pianiste Laurianne Corneille, interprète des personnalités mêlées, complémentaires de Robert Schumann. A l’appui de sa critique développée, voici l’entretien que nous a réservé la pianiste pour laquelle l’écriture Schumanienne revêt des significations singulières et personnelles. Un engagement intime qui scelle la valeur de son regard sur Robert Schumann… Explications. LIRE notre entretien avec Laurianne Corneille à propos de Robert Schumann

  

 

Ode Ă  Clara Schumann par l’Orchestre Symphonique d’OrlĂ©ans

clara-schumann-piano-robert-schumann-concerto-pour-pianoORLEANS, ODE à CLARA, les 15 et 16 juin 2019. L’Orchestre Symphonique d’Orléans célèbre le génie de la pianiste et compositrice Clara Schumann, figure majeure de l’histoire romantique allemande. Moins parce qu’elle fut l’épouse et la muse de Robert Schumann (et aussi de Brahms), qu’en raison de sa sensibilité et son esprit : un phare humain et artistique qui affirme l’intelligence au féminin. Marius Stieghorst, directeur musical de l’orchestre orléanais propose un nouveau programme prometteur qui rétablit la place et la dimension du génie de Clara à son époque. Clara parmi ses pairs et ses proches… Il s’agira moins d’écouter les œuvres de Clara Schumann que celles qui lui sont dédiées .. par les plus grands auteurs romantiques du siècle, des hommes qui ont reconnu sont immense valeur morale, humaine, artistique (dont ses dons de pianiste).
Avec « Ode Ă  Clara », l’Orchestre Symphonique d’OrlĂ©ans clĂ´t sa saison 2018 – 2019, avec souffle et sensibilitĂ©, sous la direction de son chef et directeur artistique Marius Stieghorst. Pour l’occasion, le ChĹ“ur Symphonique du Conservatoire d’OrlĂ©ans se joint aux 50 musiciens de l’OSO pour le plus vibrant hommage Ă  Clara Schumann…
Schumann, rassemblant trois compositeurs qui ont gravité autour de la compositrice : son mari Robert Schumann; Félix Mendelssohn, qui connaissait Clara.

 

  

 

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CONCERT « ODE A CLARA »ode a clara orchestre symphonique orleans concert presentation review classiquenews juin 2019 Juin-depuis-plaquette-170x170
Samedi 15 juin 2019 – 20h30
Dimanche 16 juin 2019 – 16h
Théâtre d’OrlĂ©ans – Salle Touchard
http://www.orchestre-orleans.com/concert/ode-a-clara/

Orchestre Symphonique d’Orléans
Chœur Symphonique du Conservatoire d’Orléans
Direction : Marius Stieghorst
Chef de Chœur : Élisabeth Renault

 

 

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Programme :

 

 

ROBERT SCHUMANN
Nachtlied, op. 108 (Hymne Ă  la nuit)

FÉLIX MENDELSSOHN
Ouverture du Songe d’une nuit d’été, op. 61

JOHANNES BRAHMS
Schicksalslied, op. 54 (Chant du Destin)

JOHANNES BRAHMS
Liebeslieder Waltzer, op. 52 et 65
(Chants d’amour en forme de valses)

ROBERT SCHUMANN
Symphonie n°3 en mi bémol majeur,
dite « Rhénane », op. 97

 

 

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ROBERT SCHUMANN
Nachtlied, op. 108 (Hymne Ă  la nuit)
En novembre 1849, Schumann vient d’accepter le poste de Directeur de la Musique à Düsseldorf, lorsqu’il compose cette très belle pièce pour orchestre et chœur, écrite d’après un poème de Friedrich Hebbel. L’hymne à la nuit est empreint d’un lyrisme profond et envoûtant, dont le chœur contemplatif rappelle les Scènes de Faust qu’il compose à la même période.

 

 

FÉLIX MENDELSSOHN
Ouverture du Songe d’une nuit d’été, op. 61
Mendelssohn rencontre Clara Wieck bien avant qu’elle n’épouse Robert Schumann. Il ne tarit pas d’éloge quant à son talent et l’invite plusieurs fois à se produire sur la scène du Gewandhaus qu’il dirige. Mendelssohn compose l’Ouverture du Songe d’une nuit d’été en 1826, après avoir lu la traduction du chef-d’œuvre éponyme de Shakespeare. Il en saisit toute la dimension féerique et traduit avec un génie précoce de l’orchestration les mystères de la nuit et les bruissements de la forêt.

 

 

JOHANNES BRAHMS
Schicksalslied, op. 54 (Chant du Destin)
Brahms commence l’écriture du Chant du Destin la même année que la création de son Requiem allemand, hommage à son grand ami Schumann disparu en 1856 et à sa mère morte en 1865. Après une gestation difficile, elle est créée en 1871. Brahms met en musique un poème en trois strophes de Hölderlin, extrait de son œuvre Hypérion. Une partition émouvante et injustement méconnue, qui joue sur les contrastes entre les misères terrestres et les sphères célestes.

 

 

JOHANNES BRAHMS : 
Liebeslieder Waltzer, op. 52 et 65 (Chants d’amour en forme de valses). 
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, la valse fait son entrée sur la scène lyrique. Brahms sous-titre d’ailleurs l’opus 52 « valses pour pianoforte (et voix ad libitum) ». Ces pièces courtes cultivent la tradition de la valse viennoise et du Ländler (danse populaire à trois temps). L’ombre de la famille Schumann plane sur les deux cycles de chants d’amour Liebeslieder opus 52 et Neue Liebeslieder opus 65. Brahms compose d’ailleurs l’opus 52 au piano, aux côtés de Clara Schumann.

 

 

ROBERT SCHUMANN
Symphonie n°3 en mi bémol majeur, dite « Rhénane », op. 97
Fasciné depuis l’enfance pour le Rhin, Robert Schumann compose en un jaillissement fluvial, la matière impétueuse et flexible de sa Symphonie n°3, lorsqu’il s’installe à Düsseldorf avec son épouse en 1850. En cinq mouvements, festive et chargée d’une grande densité émotionnelle, la « Rhénane » évoque la vie au bord du fleuve, ses paysages, ses légendes.

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INFORMATIONS PRATIQUES

Lieu : Salle Touchard – Théâtre d’OrlĂ©ans
Tarifs : Cat.1 : 28/25€ ; Cat. 2 : 25/23/13€
Horaires des Concerts : Samedi 15 juin Ă  20h30 – Dimanche 16 juin Ă  16h00
RĂ©servations : Théâtre d’OrlĂ©ans :
du mardi au samedi de 13h Ă  19h,
tel 02 38 62 75 30 Ă  partir de 14h
Billetterie en ligne (Cat.2 uniquement) :
https://www.helloasso.com/associations/orleans-concerts
TOUTES les infos et modalités de réservation sur le site Web : www.orchestre-orleans.com/

  

  

 

ENTRETIEN AVEC… MARIE VERMEULIN : Ă  propos des Schumann, Clara & Robert Schumann…

CLIC D'OR macaron 200ENTRETIEN AVEC… MARIE VERMEULIN : à propos des Schumann, Clara & Robert. A l’occasion de la sortie de son nouvel album dédié au couple Schumann, Clara et Robert Schumann (1 cd PARARY, CLIC de classiquenews de mars 2019), la pianiste française Marie Vermeulin nourrit sa propre réflexion sur l’écriture et le sens des oeuvres pour piano de chacun des auteurs. Deux sensibilités, lumineuses, ardentes, spécifiques… qui plus est, complémentaires et en affinité, qui ont formé de leur vivant un seul cœur ; et sur le plan musical, continuent de composer comme les deux faces d’une même personnalité. A partir de leurs messages secrets, décryptables d’eux seuls, dans leur musique, la pianiste dévoile les aspects d’une conversation unique, singulière… où la musique, accomplie en « formes brêves », est une mystique de l’amour, le flux naturel d’une complicité à deux voix. Dans cette constellation où les œuvres de Robert sont mieux connues, jaillit le gemme de la Romance en la mineur de Clara, déclaration et confession bouleversante… Entretien exclusif pour CLASSIQUENEWS.

 
 
 

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CLASSIQUENEWS / CNC : Quelle image avez-vous du couple SCHUMANN, humainement et artistiquement ?

Marie Vermeulin : Les écrits des deux époux sont assez éloquents, et révèlent un couple fort et uni quelques soient les évènements tragiques qu’ils aient pu traverser. Ils éprouvaient l’un pour l’autre une très grande admiration et un amour solide, qui les inspiraient et nourrissaient leurs énergies créatrices. Je pense notamment à cette phrase célèbre de Robert Schumann : « La postérité doit nous regarder comme un seul cœur et une seule âme. »
Depuis qu’est né ce projet de disque, j’ai du mal à imaginer l’un sans l’autre. Les dissocier serait finalement les amputer d’une partie d’eux-mêmes. Je crois que la musique a été pour eux le lieu d’une infinité d’échanges les plus intimes, ouvrant sur un accomplissement de leur couple, encore plus intense.

 
 
 

Clara et Robert : une conversation imaginaire…

 
 
 

CLASSIQUENEWS / CNC : Comment avez-vous conçu les pièces de ce programme ? Sur quels critères ? Comment avez-vous réalisé les enchaînements ?

Marie Vermeulin : On connait les messages voilés que s’adressaient constamment Clara et Robert Schumann à travers la musique, et il m’est apparu intéressant de recréer une conversation imaginaire entre ces deux immenses musiciens.
J’ai sélectionné des œuvres avec lesquelles j’avais eu des affinités particulières en concert, et qui me paraissaient correspondre au propos du projet. La forme brève m’a parue idéale pour souligner l’intimité de ce dialogue entre les deux époux.
Quant au choix de l’ordre des pièces, j’avais pensé à une alternance régulière, mais j’ai préféré respecter la chronologie afin d’être fidèle à leur histoire, et mieux entendre les évolutions de leurs langages.
Le dialogue se joue sur deux périodes, de jeunesse d’abord, entre les Soirées musicales de Clara, dont certains éléments thématiques seront repris par Robert plus tard, et les Scènes d’enfants de Robert , réponse des plus poétiques à un message de Clara : « Tu me fais parfois l’effet d’un enfant ! »
Après les premiers échanges de jeunesse, le dialogue se poursuit au sein de pièces plus tardives, qui mettent en évidence l’évolution de leurs styles respectifs : les Scènes de la forêt de Robert qui, dans la forme, constituent le plus merveilleux des échos aux Scènes d’enfants, augurent déjà dans le fond les heures les plus sombres du compositeur. Mais l’évolution de langage est surtout remarquable dans la Romance en la mineur, composée par Clara pour Robert, véritable chef-d’œuvre de maturité qui vient ici clôturer l’échange tel un adieu.

 
 
 
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CLASSIQUENEWS / CNC : Distinguez-vous des spĂ©cificitĂ©s entre l’Ă©criture de Robert et de Clara ? Des influences, des filiations entre les deux ?

Marie Vermeulin : Malgré leur proximité intellectuelle et physique, on perçoit bien deux esthétiques très différentes. Le style de Clara Wieck-Schumann est assez original, se distinguant par un grand lyrisme, souvent teinté de nostalgie. On sent aussi une grande force, une autorité et une aisance naturelles, révélées tantôt par une virtuosité affirmée, tantôt par des modulations audacieuses.
Le langage de Robert me semble quant à lui nourri par un imaginaire poétique et littéraire, animé de « personnages » contrastés, qu’il met en scène avec une simplicité dont lui seul a le secret.
Mais chez les deux époux, on retrouve une énergie créatrice de même nature et de même importance, un besoin vital d’être tout entier dans la musique.
Les filiations et influences sont réciproques ; ainsi, lorsque l’on écoute une œuvre d’un des deux compositeurs, le second n’est jamais très loin, figurant en filigrane dans la musique, par des citations, des allusions, des messages cachés…
On pense souvent au couple Schumann en se reprĂ©sentant Robert en compositeur et Clara en muse pianiste. J’ai pris le parti dans ce projet de considĂ©rer les deux musiciens comme deux compositeurs pianistes, se dĂ©finissant chacun par un univers musical spĂ©cifique, mais enrichi de la proximitĂ© et de la complicitĂ© de l’autre et de la force du couple.

 
 
 

CLASSIQUENEWS / CNC : Comment caractĂ©riser le flux musical de Robert Schumann ? Entre Florestan et EusĂ©bius ? Comment l’interprète rĂ©ussit-il Ă  concilier les deux directions et caractères ?

Marie Vermeulin : L’œuvre de Schumann est une musique de l’instant, qui se lit comme un poème jaillissant directement de l’imaginaire du compositeur. Souvent d’ailleurs tout est dit en quelques notes, et c’est pour cette raison que la forme brève lui va si bien.
Mais c’est toute la difficulté de l’interprétation que d’entrer immédiatement dans la justesse du ton, en lui donnant le cadre propice, et de savoir changer instantanément d’ambiance et de climat.
J’ai imaginé ces petites scènes en essayant d’être à la fois l’acteur qui joue la scène, en se mettant dans la peau de différents personnages, et le metteur en scène qui leur donne un cadre. Ce dédoublement de personnalité est finalement assez Schumannien !

 
 
 

CLASSIQUENEWS / CNC : On sait que Clara Ă©tait une pianiste – plus cĂ©lèbre encore que Robert. Comment dĂ©finiriez-vous le pianisme de Clara (technique, inspiration, dĂ©veloppement formel… ?

Marie Vermeulin : On sent indéniablement en jouant l’œuvre de Clara Schumann que celle-ci était pianiste, et une pianiste extrêmement douée, virtuose et passionnée. On relève clairement la difficulté d’exécution de certains passages, des audaces dans les déplacements notamment, qu’elle réussissait sans doute à jouer. Cela laisse supposer qu’elle était dotée de grandes mains, alliées d’une souplesse et d’une agilité hors du commun.
Formée par son père, grand pédagogue qui lui inculque toutes les ressources de l’harmonie,
Clara ose dans ses compositions des accords hardis, et des modulations inattendues.
Ses œuvres pianistiques de jeunesse notamment semblent s’inspirer beaucoup de Mendelssohn, et plus encore de Chopin : avec son thème « rubato » à trois temps, son expressivité pudique et tragique à la fois, la mazurka en sol mineur des Soirées musicales pourrait même être considérée comme un superbe hommage à Frédéric Chopin.

Propos recueillis en avril 2019.

Illustrations : © William Beuacardet

 
 
   
 
 

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SCHUMANN clara cd critique review cd annonce classiquenews Paraty_219218_Vermeulin_Schumann_HM_COUVLIRE aussi notre critique du cd CLARA et ROBERT SCHUMANN par Marie Vermeulin, piano (1 cd PARATY) – CLIC de CLASSIQUENEWS de mars 2019. « L’acuitĂ© du propos, l’enivrement poĂ©tique, la courbure rythmique, cette passion qui coule comme une eau trĂ©pidante et nerveuse… s’entendent ici de l’une Ă  l’autre crĂ©ateur/trice. Marie Vermeulin exploite et explore les resources expressives du piano viennois Bösendorfer 280. Le couple incarne un idĂ©al artistique et humain, malheureusement fauchĂ© par la maladie psychique de l’époux et complice… »

https://www.classiquenews.com/cd-annonce-clara-robert-schumann-marie-vermeulin-piano-1cd-paraty-2018/

 
 
   
 
 

CD, annonce. Clara & Robert Schumann : Marie Vermeulin, piano (1cd PARATY – 2018)

SCHUMANN clara cd critique review cd annonce classiquenews Paraty_219218_Vermeulin_Schumann_HM_COUVCD, annonce. Clara & Robert Schumann : Marie Vermeulin, piano (1cd PARATY). Enregistré par Hugues Deschaux, le présent album confirme la sensibilité suggestive de la pianiste Marie Vermeullin qui signe ici son 2è cd chez le label Paraty. Symptôme de notre époque en mal (justifié) d’égalité et de parité, l’interprète inspirée, met dans la balance à égalité, l’écriture pianistique de Clara et de Robert Schumann, couple à la ville comme à la scène… mais à la différence de maintenant, c’est la pianiste renommée Clara qui était plus connue que son mari de compositeur. Voilà un programme qui pourrait être repris dans tous les festivals de France et de Navarre pour répondre à la question délicate de la parité et du …talent, car Clara (Soirées musicales opus 6 de 1836) est loin de démériter face à l’éloquence ambivalente, une face Eusébius, l’autre Florestan / entendez contemplative / fougueuse-, de Robert.

Marie Vermeulin retrouve la complicité et l’entente du jeu dialogué entre Clara et Robert

Le couple SCHUMANN, en conversation

 

 

 

Ses Soirées conçues par une jeune compositrice interprète de 15 ans, sont jouées par un Liszt aussi engagé qu’admiratif. Lui « répond » en un dialogue retrouvé deux ans après (1838), les Scènes d’enfants / Kinderszenen opus 15 de Robert, père manifestement enchanté, inspiré… qui s’adresse aux petits enfants, étant lui-même un « grand enfant »… ces mêmes pièces, jaillissement et chant fiévreux de l’innocence, que joue Liszt pour sa propre fille de 3 ans. 9 ans séparent Robert de Clara ; et toujours dans leur correspondance, leur journal surtout écrit à 4 mans surgit la claire activité de deux écritures portées par le respect et la connivence.

L’acuité du propos, l’enivrement poétique, la courbure rythmique, cette passion qui coule comme une eau trépidante et nerveuse… s’entendent ici de l’une à l’autre créateur/trice. Marie Vermeulin exploite et explore les resources expressives du piano viennois Bösendorfer 280. Le couple incarne un idéal artistique et humain, malheureusement fauché par la maladie psychique de l’époux et complice, lequel laisse une œuvre inouïe par sa lumière et son inspiration dramatique. Mais le piano est ce lieu des confessions et des conversations que Marie Vermeulin sait questionner et éclairer d’une vitalité personnelle, passionnante.

Robert Schumann, d’une inspiration bouillonnante et spontanĂ©e, Ă©crit en 1838: “Vois-tu, j’ai quelquefois l’impression que je vais finir par Ă©clater de musique, tant les idĂ©es se pressent et bouillonnent en moi quand je songe Ă  notre amour.
Avant son mariage avec Robert, Clara Wieck note dans son journal en 1839: “Une femme ne doit pas prĂ©tendre composer, aucune n’a Ă©tĂ© encore capable de le faire, pourquoi serais-je une exception?”. Cette phrase est terrible car elle souligne les prĂ©jugĂ©s de cette Ă©poque, auxquels font Ă©chos les prĂ©conçus de la nĂ´tre. Les chemins de l’égalitĂ© sont encore sinueux. Mais le progrès avance. Ce programme intelligent et cohĂ©rent en tĂ©moigne. A suivre.

 

 

 

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CD, annonce. Clara & Robert Schumann : Marie Vermeulin, piano (1cd PARATY – enregistrement dĂ©c 2018, PARIS).

 

 

 

 

 

 

Entretien avec Philippe André, à propos de Robert Schumann (Folies et musiques)

schumann_robertSchumann : folie et musique. Damné, condamné à une (double) et lente destruction psychique, Schumann renaît pourtant chaque jour que l’une de ses Symphonies miraculeuses ou son opéra Genovea ou l’une de ses nombreuses partitions chambristes est jouée. Difficile de concilier la chute personnelle et physique d’un homme et l’édifice musical de son œuvre de compositeur. Folie et création sont-ils conciliables ? Comment percer le mystère Schumann ? Entretien avec Philippe André, auteur remarquablement inspiré : « Robert Schumann, folies et musiques » (éditions Le Passeur).

 

 

 

Comment expliquer que Schumann ait pu à la fois développer sa maladie et pourtant composer avec cette diversité et cette intensité ?

Pour répondre à cette question, il faut tenir compte du fait que la « folie » de Robert Schumann fut double. Le compositeur était doté depuis son enfance d’une personnalité névrotique d’où naquirent très tôt des crises dépressives et anxieuses. Il s’agit là d’une folie privée, royaume d’illusion inhérent à chacun, mais qui est aussi à l’origine de la Phantasie, et donc de l’œuvre musicale dans son ensemble. En quelque sorte, états d’âme et élan musical procèdent d’un fond commun. Mais à partir de l’âge de 34 ans, Robert Schumann fut touché par une autre folie, celle-ci venue de l’extérieur : une paralysie générale d’origine syphilitique contractée douze ans auparavant mais qui ne s’était pas manifestée jusqu’alors. Cette paralysie générale est une démence accompagnée d’un délire. De toute l’efflorescence constitutive de sa Phantasie, Schumann luttera à partir de là contre la détérioration de son esprit. Et cette désertification ne s’opérant que progressivement, le compositeur, véritable héros tragique combattant de toute son énergie contre la fatalité, parviendra encore à poursuivre son œuvre durant une dizaine d’années. Il ira ainsi jusqu’au bout de ses forces et de ses capacités qui s’amenuisent de jour en jour. Et quand composer ne sera plus possible, il tentera de se noyer dans le Rhin. Alors viendra le silence musical des deux années passées avant sa mort dans la clinique d’Endenich.

Pensez-vous que Schumann aurait pu écrire différemment s’il n’avait pas été psychiquement diminué ?

Tant que nous demeurons sous l’égide de la Phantasie névrotique, la réponse est non, puisqu’à proprement parler Schumann n’était pas diminué, bien au contraire ! Par contre à partir de ses 34 ans, la détérioration et le délire s’insinuant au fil des dix années qui suivent, Schumann voit peu à peu se réduire son efflorescence musicale, ses capacités à écrire une musique en prise directe avec la pulsion dionysiaque qui anime l’appareil psychique. La différence avec l’œuvre qu’il aurait composée s’il n’avait pas été amoindri psychiquement ira donc en augmentant durant cette dernière décennie. Schumann avance de plus en plus au dessus d’un gouffre et il doit se garder en permanence de perdre l’équilibre, ce qui se ressent forcément dans ses formes musicales, sans doute moins audacieuses. Ecrits durant l’année ultime où il put encore composer (1853), les Chants de l’aube sont le témoignage bouleversant d’une inspiration poussée le plus loin qu’il est possible, mais tout de même très attaquée à ses racines mêmes. Et pour finir, il va sans dire que sans la paralysie générale, le silence d’Endenich n’aurait pas eu lieu d’être.

De quelle façon en quelque sorte, sa folie a-t-elle pu inspirer ses pages les plus sublimes ?

S’il s’agit de la première période, celle de la Phantasie, le vertige existentiel, les angoisses, la mélancolie (Eusebius) succédant à l’excitation (Florestan), toutes ces composantes ne peuvent que colorer, ouvrir sur des abîmes, provoquer les mouvements effrénés et surtout favoriser, dans une sorte d’urgence vitale, la transfusion directe des couches les plus profondes du psychisme (Kreisleriana !). Se défendre contre l’angoisse ou la mélancolie et s’exprimer par la musique procèdent de la même source. Schumann est le compositeur de la transfusion de soi. Toutes les composantes du romantisme, si superbement exprimées dans les lieder (mais aussi dans la musique pour piano, la musique de chambre, les oratorios…), affleurent d’autant plus qu’une pulsion originaire des plus éruptive fait advenir dans l’espace de la pensée, les contenus mêmes de l’inconscient.
Pour la seconde période, la réponse est en grande partie la même (la Phantasie perdure) si ce n’est que l’insécurité (Schumann ignore totalement de quoi il est atteint) ainsi que la détérioration engendrées par la paralysie générale poussent de plus en plus le compositeur à réduire l’amplitude de son geste créateur. Ici la folie n’est plus directement inspiratrice, mais elle engendre une lutte poignante et des projections douloureuses d’autant plus sublimes qu’elles sont arrachées à la désertification. Le périple de la Péri, la mort de Faust ou l’agonie théâtrale de Manfred en sont parmi les plus beaux exemples.

 

 

 

LIRE notre critique complète du livre de Philippe André, auteur remarquablement inspiré : « Robert Schumann, folies et musiques » (éditions Le Passeur).

 

 

 

Propos recueillis par Alexandre Pham en novembre 2014

 

 

LIVRES. “Robert Schumann, folies et musiques” de Philippe AndrĂ© (Le Passeur Ă©diteur)

schumann-robert-folies-et-musiques-le-passeur-editeur-philippe-andre-robert-schumannLIVRES. “Robert Schumann, folies et musiques”  de Philippe AndrĂ© (Le Passeur Ă©diteur). Folie et musique, dĂ©sĂ©quilibre psychique et crĂ©ation romantique … Les cas d’autres artistes frappĂ©s comme Robert Schumann (1810-1856) par la menace de la dĂ©mence et de l’inĂ©luctable destruction psychique (Ă  cause de la Syphilis, tels Poussin, Nietzsche, Baudelaire, Flaubert…) saisit car l’Ă©quation du gĂ©nie jaillissant et la dĂ©raison destructrice simultanĂ©e, Ă©chafaude une contradiction spectaculaire…  le sujet pourrait agacer tant elle peut vĂ©hiculer d’aprioris fastidieux et stĂ©riles. Il n’en est rien ici car l’auteur aime passionnĂ©ment son sujet, prĂ©cisĂ©ment la musique de Schumann. En mĂ©lomane affĂ»tĂ©, averti (toujours très accessible), le psychiatre et psychanalyste Philippe AndrĂ© reprend un prĂ©cĂ©dent texte Ă©ditĂ© en 1982 mais qu’il a totalement restructurĂ© et réécrit en majoritĂ© : il signe ainsi un remarquable essai qui Ă©claire, pourtant sans illustrations, toutes les zones d’ombre d’une vie dĂ©diĂ©e Ă  la musique, oĂą l’acte crĂ©ateur exprime la volontĂ© d’une conscience qui se savait malade et certainement condamnĂ©e. En rĂ©action, l’acte de composition affirme une volontĂ© viscĂ©rale prĂŞte Ă  en dĂ©couvre avec le poison intĂ©rieur. Le lecteur apprend des Ă©lĂ©ments prĂ©cieux sur la vie du jeune Schumann, son angoisse de la mort, sa lente et inĂ©luctable destruction intĂ©rieure, et pourtant, une volontĂ© viscĂ©ralement accrochĂ©e Ă  l’esprit pour rompre la spirale terrifiante de la fatalitĂ©.

CLIC_macaron_2014Il recompose le puzzle d’une vie martelĂ©e par les Ă©preuves intimes, les deuils et aussi des pĂ©ripĂ©ties plus imprĂ©visibles dans une Ă©poque oĂą la science mĂ©dicale Ă©tait embryonnaire : ainsi sa Syphilis (cause principale et fatale) soignĂ©e (vainement) par l’arsenic dont les effets seront eux aussi destructeurs… La figure originelle de l’adolescent lumineux, positif est rĂ©tablie, bientĂ´t dĂ©passĂ©e par les Ă©vĂ©nements tragiques dont il est le tĂ©moin.
Ainsi de Dresde Ă  Dusseldorf, le compositeur de plus en plus estimĂ© doit reconnaĂ®tre peu Ă  peu la perte de son contrĂ´le, abandonner la direction (en 1853), mais composer toujours, Ă©crire… dans ce combat contre l’inĂ©luctable, l’annĂ©e 1849 fait figure de cap Ă©difiant, sommet de ses facultĂ©s crĂ©atrices (l’annĂ©e des grands accomplissements dont les Scènes de Faust, après son chef-d’oeuvre lyrique toujours Ă  réévaluer Genoveva de 1848). Après Dresde, le sĂ©jour Ă  DĂĽsseldorf de 1850 Ă  1854, oĂą il se lie avec le jeune Brahms, marque l’Ă©croulement final jusqu’Ă  sa tentative de suicide du 27 fĂ©vrier 1854 dans le Rhin Ă  43 ans… Schumann meurt deux ans plus tard hospitalisĂ© en 1856.

schumann robert clara essai Philippe andreC’est en filigrane une description très fine de l’Ă©criture d’un Schumann originellement solaire et exaltĂ©, envahi (et portĂ©) par la pulsion crĂ©atrice, l’Ă©clatement, la diffraction mais aussi l’absolue libertĂ© d’une pensĂ©e qui sait a contrario de l’existence chaotique et difficile, essentiellement marquĂ© par la rupture et l’angoisse, construire, et mĂŞme dĂ©ployer une langage personnel d’une Ă©vidente cohĂ©rence. Le mystère Schumann tient Ă  cette constante contradiction : une lente destruction interne et psychique Ă  laquelle rĂ©pond une Ĺ“uvre Ă©nergique voire Ă©chevelĂ©e d’un raffinement instrumental souvent irrĂ©sistible. Bouillonnante surtout Ă  ses dĂ©buts, puis de plus en plus canalisĂ©e, contrainte mais stimulĂ©e aussi dans un cadre classique (ses Symphonies), l’Ă©criture est investie comme chez Brahms et plus tard Mahler, d’une indiscutable profondeur autobiographique.

Schumann Ă©tait-il schizophrène, maniaco dĂ©pressif ? Est-il aussi anxieux et angoissĂ© qu’on le dit ? Et comment son entourage, surtout son Ă©pouse la divine Clara nĂ©e Wieck – l’amour de sa vie -, a-t-elle rĂ©agi face Ă  l’inĂ©luctable affaissement de son mari ? A toutes ses questions essentielles pour qui veut comprendre le “cas Schumann”, l’auteur apporte en plusieurs chapitres des Ă©clairages  aussi pertinents que documentĂ©s (les dernières annĂ©es dans la clinique sont prĂ©cisĂ©ment Ă©voquĂ©es jusqu’Ă  la fin). Le bilan panoramique de l’Ĺ“uvre schumanienne est aussi constructif et Ă©loquent : on y perçoit très clairement le cheminement du crĂ©ateur Ă  travers ses choix formels : piano jusqu’en 1840, puis lieder, musique de chambre, Ă©criture symphonique et concertante et aussi Ĺ“uvres dramatiques (dont tĂ©moignent son opĂ©ra Genoveva et les oratorios Le paradis et la PĂ©ri, Le pèlerinage de la rose…). Esprit double, hantĂ© par le pĂ©ril d’anĂ©antissement comme la pulsion vitale recrĂ©atrice, Schumann Ă  la fois Eusebius et Florestan, gagne ici une manière d’hommage sincère et analytique. Entre Phantasie et Ă©vĂ©nements extĂ©rieurs, le combat de Schumann et son Ĺ“uvre musicale n’en ont que plus d’Ă©clat. Un essai passionnant qui suscite l’envie de tout réécouter pour mieux mesurer les Ă©preuves et les dĂ©fis de toute une vie.

LIVRES. “Robert Schumann, folies et musiques”  de Philippe AndrĂ© (Le Passeur Ă©diteur). Collection « Sursum Corda ». Date de parution : 23 octobre 2014. 21,00 €. 304 p. Livre numĂ©rique : 10,99 €

Autre ouvrage de Philippe André, critiqué, apprécié par la Rédaction Livres de classiquenews :  Nuages gris, le dernier pèlerinage de Franz Liszt, Le Passeur, 2014).

LIRE aussi notre entretien avec Philippe André à propos de Robert Schumann, Folies et musiques

Concerto pour hautbois de R. Strauss et RhĂ©nane de Schumann par l’Orchestre de chambre de Paris

schumann_robertParis, TCE. Orchestre de chambre de Paris. Strauss, Schumann : le 26 avril 2014, 20h. Suisse, Automne 1945 : au moment de la capitulation nazie, Strauss un temps instrumentalisé par le régime hitlérien, exprime son chant personnel, regrettant les dommages infligés par la guerre. Pour l’orchestre de la Tonhalle de Zürich, le compositeur écrit son Concerto pour hautbois (créé le 26 février 1946), réminiscence du style classique viennois, à la fois mesuré et rococo. L’instrument soliste y dialogue en batifolant avec l’orchestre en effectif réduit. Les trois mouvements s’enchaînent : dès le commencement, le hautbois est particulièrement sollicité, alliant fantaisie, humeur burlesque, vraie élégance de ton (Allegro moderato) ; l’Andante, de forme lied, déploie un chant cantabile d’une tranquillité (alliant tendresse et parfois gravité) toute mozartienne ; dans le dernier épisode (Vivace-allegro), le soliste est invité à démontrer toute sa brillante élocution, versatilité et liberté étant de mise, en particulier dans la Sicilienne finale.

Symphonie n°3 Rhénane de Robert Schumann. L’Orchestre de chambre de Paris poursuit son cycle Schumann avec la Rhénane, l’une de plus lyrique et exaltante du corpus des 4 Symphonies composées par le Romantique. Créée en février 1851, la partition s’écoule comme un fleuve impétueux, riches en images et en couleurs qui affirme encore et toujours, un esprit rageur et combattif. Celui d’un Schumann démiurge à l’échelle de la nature. Les indications en allemand soulignent la germanité du plan d’ensemble dont la vitalité revisite Mendelssohn, et l’ambition structurelle, le maître à tous : Beethoven. Paysages d’Allemagne honorés et brossés avec panache et lyrisme depuis les rives du Rhin, la Rhénane doit s’affirmer par son souffle suggestif. En particulier, le Scherzo : la houle généreuse des violoncelles, aux crêtes soulignées par les flûtes, y évoquerait (selon Schumann lui-même) une « matinée sur le Rhin », comme l’indique le superbe contrechant des cors dialoguant avec les hautbois aux couleurs élégantes dont l’activité gagne les cordes. Le Nicht schnell baigne dans une tranquillité pastorale qui met en lumière le très beau dialogue dans l’exposition des pupitres entre eux, surtout cordes et vents. Le point d’orgue de la Rhénane demeure le 3ème épisode « Feierlich » (maestoso): Schumann inscrit comme un emblème la grave noblesse et la solennité majestueuse de l’ensemble. L’ampleur Beethovénienne de l’écriture impose une conscience élargie comme foudroyée … et ce n’est pas les fanfares souhaitant renouer avec l’aisance triomphale par un ample portique qui effacent les langueurs éteintes comme décomposées. Le caractère du mouvement est celui d’un anéantissement, aboutissement d’un repli dépressif exténué… avant que ne retentissent, comme l’indice d’un salut recouvré, les accents haletants, dansants, irrépressibles du Lebahft final.

Orchestre de chambre de Paris
saison 2013-2014

Samedi 26 avril 2014, 20h
Paris, Théâtre des Champs Elysées TCE

Philippe Manoury: Strange Ritual
Strauss : Concerto pour hautbois et orchestre en ré majeur
Schumann : Symphonie n°3 «  Rhénane » en mi bémol majeur

Thomas Zehetmair, direction
François Leleux, hautbois

illustration : Robert Schumann

CD. Symphonies de Schumann par Yannick Nézet-Séguin

schumann robert schumann nezet seguin  chamber orchestra of europe symphonies deutsche grammophon cdCD. Schumann : 4 Symphonies (Chamber orchestra of Europe, Nézet Séguin, 2013). Le chef Yannick Nézet Séguin publie chez Deutsche Grammophon les 4 Symphonies de Robert Schumann. Le feu bouillonnant du chef québécois Yannick Nézet-Séguin (36 ans en 2014) nouvellement arrivé chez Deutsche Grammophon (pour lequel il a gravé une intégrale de la trilogie mozartienne en cours : ne manque plus que Les Nozze di Figaro à paraître d’ici fin 2014) s’est réalisé auparavant au concert en octobre 2012 à Paris lors d’une intégrale des Symphonies de Schumann. L’enregistrement de Deutsche Grammophon qui paraît en mars 2014 reflète ce travail sur la texture orchestrale et la vitalité d’une écriture exaltée, volcanique qui dit assez outre l’autobiographie qui s’écrit alors, la volonté radicale d’un être passionné, déterminé à s’inscrire dans la lumière, l’antithèse de ses dérèglements psychiques qui ne tarderont pas à poindre. Exaltation, juvénilité, feu et embrasement, voire excitation des finales, Yannick Nézet-Séguin pourrait bien bouleverser la donne discographique en place (car les épisodes plus intérieurs et introspectifs : adagio de la 2, Feierlich de la 3, Romanze de la 4… y gagnent en mystère et en sombres questionnements). La direction affûtée se montre proche d’un cœur ardent dont le diapason versatile incarne toute la complexité et l’ambivalence de la sensibilité romantique… Doué d’une baguette vive et articulée, disposant d’un collectif ductile et énergique, la lecture du chef montréalais s’impose très honorablement par sa générosité sensible, si proche du jeu incessant des humeurs d’un Schumann ambivalent, imprévisible, contrasté. Du pain béni pour un orchestre qui souhaite en découdre comme galvanisé par l’appétit scintillante du maestro. Compte rendu détaillé de chaque symphonie pour mieux identifier l’apport de Yannick Nézet-Séguin. Le double cd Schumann par Yannick Nézet Séguin est «  CLIC » de CLASSIQUENEWS.COM.

Versatilité schumanienne

CD1. Symphonies n°1 et 4
CLIC_macaron_2014Symphonie n°1. Dès le premier mouvement, chef et instrumentistes réussissent à affirmer une étonnante motricité. Le voile se déchire et répond à la proclamation des trompettes qui célèbre une ère nouvelle, les horizons illimités du compositeur qui ici déclare pour la première fois sa complète maîtrise de l’écriture symphonique. Le soin narratif du chef s’électrise idéalement, travailleur du détail comme défenseur d’un éclat collectif avec une nette et franche volonté affirmée dans cet élan primordial qui dès la fin du premier énoncé (fanfare introductive), laisse jaillir l’exaltation trépidante des cordes. Ce feu bouillonnant dont a témoigné Schumann lui-même. Il s’agit bien de recueillir les moments d’ivresse personnelle, de les porter très haut comme l’étendard de sa joie de vivre.

Puis, la tendresse souveraine du 2ème mouvement installe un climat d’extase apaisĂ©e, vĂ©ritable tour de force dans la comprĂ©hension des dynamiques ; c’est de loin dans cette frĂ©nĂ©sie maĂ®trisĂ©e, ce feu qui brĂ»le aussi et d’une plĂ©nitude toute extatique, le mouvement le mieux ciselĂ© par le chef. On ne dira jamais assez son intelligence musicale ici magistrale. Avec le motif voilĂ©, brumeux et dĂ©jĂ  lointain des fanfares de l’ouverture de Tannhäuser (dĂ©jĂ  citĂ© dans le premier mouvement) : tout s’achève en un songe bienheureux que l’on quitte avec regret et presque comme une blessure. Si dans sa prĂ©sentation globale, le chef nous parle de versatilitĂ© Ă©motionnelle (le double visage Florestan et Eusebius d’un Schumann bipolaire), le 3ème mouvement est le plus complexe avec sa sĂ©quence syncopĂ©e, outrageusement rythmique puis la succession des deux trios d’une beautĂ© irrĂ©sistible. Du 4ème mouvement, se distinguent finesse et fragilitĂ©, – tendresse scintillante de l’allant rythmique; la direction est dĂ©taillĂ©e, dĂ©liĂ©e, articulĂ©e mĂŞme… sans pourtant porter un vrai souffle liĂ© au sentiment de jaillissement et d’exaltation voire d’excitation qui doit emporter toute la structure… cependant, – baisse de tension, le geste est parfois serrĂ© et petit… surtout les trompettes et les cuivres en gĂ©nĂ©ral manquent d’éclat.

Yannick Nézet-Séguin : Les 4 symphonies de SchumannSymphonie n°4 : Yannick Nézet-Séguin y réalise la cohésion d’un tout organique dont l’enchaînement des parties parfaitement assemblées, dit l’unité et la circulation d’un bout à l’autre. Dès son amorce, le chef fait retentir comme un jaillissement irrépressible aux résonances cosmiques, le chant d’un glas : l’expression d’une tragédie. Nézert-Séguin garde la transparence, un énoncé toujours clair… puis ce sont les accents d’une exaltation reconquise et d’un allant irrépressible : bois, cordes, cuivres se distinguent très nettement révélant les qualités expressives de l’Orchestre de chambre d’Europe. Portés par les cors, violons et violoncelles redoublent d’activité exaltée. Voici, le point le plus positif de la lecture. Pourtant, des épisodes trop lents diluent la tension, abaissent la pulsion qui doit aller crescendo sans s’affaisser. L’élan devient palpitation inquiète, frémissante à la réexpédition du motif de conquête. Le chef martèle avec raisons, jusqu’à l’ivresse instrumentale révélée par une vision qui prend enfin forme dans la dernière partie du mouvement. L’intelligence de la vision d’ensemble captive ; ce qui a paru dilué était assumé pour nourrir un regard global qui se dévoile alors.
Enchaîné le 2è mouvement diffuse au hautbois/violoncelle, le caractère de rêverie plus intérieure, d’extase mystique et flottante… Totale réussite. Le 3ème mouvement résonne comme une résolution déterminée, dont Nézet Séguin rétablit la fraternité avec la fougue Beethovénienne, colorée par le sens du rythme et de la mélodie d’un Schumann, immense symphoniste. L’irrépressible et l’exalté refont ici surface mais le geste paraît encore court et sec. Le début du 4ème mouvement, ascension ultime aux cimes de la délivrance (fanfares de trompettes et cors somptueux il est vrai) est comme emporté par un élan vital d’une exaltante trépidation : le sentiment de joie et d’ivresse sonore est ici un peu atténué par des phrases courtes et sèches, un épaisseur du trait, la densité jamais vraiment nuancée des basses. On ne saurait demeuré insensible cependant à cette lecture très investie qui dans ses finales surtout délivre une excitation première, enfin manifeste et libérée.

CD2. Symphonies n°2 et 3
Symphonie n°2. (Premier mouvement) Le chef est ici Ă  son aise, communiquant son Ă©nergie dĂ©taillĂ©e Ă  tous les musiciens. Nerf et vivacitĂ© et aussi prĂ©sence d’un voile initial d’oĂą peu Ă  peu Ă©merge la force primitive d’un esprit de conquĂŞte d’une irrĂ©sistible dĂ©termination, assĂ©nĂ©e de façon organique et viscĂ©rale aux cordes dans ce mouvement originel, Ă©noncĂ© comme un feu volcanique. En sousjacence, le maestro sait exprimer aussi versatilitĂ© et grande fragilitĂ© de l’Ă©lĂ©ment moteur, liĂ© Ă  la complexitĂ© psychique de Schumann. NĂ©zet SĂ©guin joue Ă©videmment sur la juvĂ©nilitĂ© et la grande cohĂ©sion collective des musiciens, avec cette fougue beethovĂ©nienne aux cordes (ils ont jouĂ© avec Harnoncourt la 9ème de Beethoven, au cours d’une intĂ©grale enregistrĂ©e, et ont gardĂ© dans leurs gènes, cette prĂ©cieuse expĂ©rience viscĂ©rale). Bois hautbois et basson, flĂ»tes et clarinettes sont d’un prodigieux accents. TrĂ©pidation, frĂ©nĂ©sie, Ă©clairs de fulgurance qui emportent et menacent aussi, … le style est prĂ©cis, l’intonation juste, entre griserie ivre et dĂ©flagration destructrice. Tout cela est magnifiquement exprimĂ©. Rien n’entrave plus la sauvagerie organique et prodigieuse Ă  l’Ă©chelle d’un orchestre totalement soudĂ©, palpitant d’un mĂŞme coeur, aspiration vers les cimes pour une finale libĂ©ration.

Du Scherzo, NĂ©zeet SĂ©guin dĂ©livre la vitalitĂ© encore mais ici de nature chorĂ©graphique: Ă  la fois dionysiaque et promĂ©thĂ©en. On se dĂ©lecte de la pulsation inquiète et fragile lĂ  encore, comme un ballet presque dĂ©rĂ©glĂ© : Ce pourrait ĂŞtre Mendelssohn Ă©chevelĂ©, proche de la folie et aussi Beethoven comme hystĂ©risĂ© : oĂą le feu promĂ©thĂ©en originel est transmis irradiant aux hommes. Franchise de ton et somptueuse fluiditĂ© Ă©nergique saisissent. Avec des cordes d’une motricitĂ© Ă©tonnante, et cette gradation du chef qui veut nous dire quelque chose Ă  chaque mesure. Un bonheur infini.

MĂŞme accomplissement pour l’Adagio expressivo : quand tellement de compositeurs manquent ici de vĂ©ritable inspiration. La tendresse infinie s’écoulent en larmes d’une profondeur qui sonne comme une tristesse comme un adieu, une rĂ©vĂ©rence avec bois et cordes en fusion Ă©motionnelle. L’énoncĂ© Ă  la clarinette, flĂ»te/basson, hautbois… accorde pudeur et sensibilitĂ©… puis l’alliance cordes/cor dit l’ascension et ce dĂ©sir des cimes, d’oubli et d’anĂ©antissement. C’est le retour rĂŞvĂ© Ă  l’innocence simultanĂ©ment Ă  des blessures secrètes. Pudique, secret, la chef finit comme la fin d’un songe, en un pianissimo touchant la grâce. Le contraste est total avec le Finale : oĂą s’affirme la reprise de conscience, la vitalitĂ© conquĂ©rante : l’ivresse d’un crescendo progressif d’une irrĂ©sistible effervescences (quelle motricitĂ© des cordes lĂ  encore) : finesse, prĂ©cision, mordant, attention et facultĂ© aux nuances… avec une dernière affirmation assĂ©nĂ©e aux timbales. L’esprit est en pleine possession de ses forces vitales. Et le chef très convaincant.


seguin_yannick_nezet_chef_maetroSymphonie n°3
: pour finir notre compte rendu, la Symphonie n°3 « RhĂ©nane » (créée en fĂ©vrier 1851) s’écoule comme un fleuve impĂ©tueux, riches en images et en couleurs qui affirme encore et toujours, un esprit rageur et combattif. Celui d’un Schumann dĂ©miurge Ă  l’échelle de la nature. La vitalitĂ© dĂ©taillĂ©e du chef assure lĂ  encore l’Ă©coulement organique du tout… elle permet au compositeur d’affirmer une Ă©vidente maĂ®trise dans l’effusion souvent Ă©chevelĂ©e qui l’a fait naĂ®tre. Les indications en allemand soulignent la germanitĂ© du plan d’ensemble dont la vitalitĂ© revisite Mendelssohn, et l’ambition structurelle, le maĂ®tre Ă  tous : Beethoven. Paysages d’Allemagne honorĂ©s et brossĂ©s avec panache et lyrisme depuis les rives du Rhin, la RhĂ©nane doit s’affirmer par son souffle suggestif. Le geste du maestro montrĂ©alais y pourvoit sans compter.

Le premier mouvement Lebhaft (vivace) n’est pas le mieux Ă©crit : son caractère rĂ©pĂ©titif gĂŞne d’autant plus manifeste quand on Ă©coute les quatre symphonies en un cycle d’écoute continu. Seules les cuivres formidables emblèmes de la victoire finale apportent Ă©videmment une coloration spĂ©cifique : l’ivresse frĂ©nĂ©tique et les promesses d’un banquet festif et entraĂ®nant.
Scherzo : la houle gĂ©nĂ©reuse des violoncelles, aux crĂŞtes soulignĂ©es par les flĂ»tes, Ă©voquerait (selon Schumann lui-mĂŞme) une « matinĂ©e sur le Rhin » : NĂ©zet SĂ©guin impose un tempo tranquille oĂą triomphe le superbe contrechant des cors dialoguant avec les hautbois aux couleurs Ă©lĂ©gantes dont l’activitĂ© gagne les cordes. Tout cela ne manque pas de panache ni de belle allure portĂ©s par la rutilance des cuivres, fruitĂ©s et gĂ©nĂ©reux. Le chef sait en exprimer le climat d’insouciance rĂŞveuse.

Le Nicht schnell baigne dans une tranquillitĂ© pastorale qui met en lumière le très beau dialogue dans l’exposition des pupitres entre eux, surtout cordes et vents. Le point d’orgue de la RhĂ©nane demeure le 3ème Ă©pisode « Feierlich » (maestoso): NĂ©zet-SĂ©guin capte la grave noblesse et la solennitĂ© majestueuse. Ici, règne le chant presque douloureux et plaintif de l’harmonie des bois auxquels rĂ©pondent violoncelles et cors… en couleurs dĂ©chirĂ©es semant un voile de dĂ©vastation. L’ampleur BeethovĂ©nienne de l’écriture impose une conscience Ă©largie comme foudroyĂ©e … et ce n’est pas les fanfares souhaitant renouer avec l’aisance triomphale par un ample portique qui effacent les langueurs Ă©teintes comme dĂ©composĂ©es. Le caractère du mouvement est celui d’un anĂ©antissement, aboutissement d’un repli dĂ©pressif extĂ©nuĂ©. LĂ  encore, comme dans l’Adagio expressivo de la 2, chef et instrumentistes atteignent un sommet de profondeur et d’intĂ©rioritĂ©.

Homme des contrastes, Schumann revient au Lebhaft initial : retour Ă  la conquĂŞte sur un mode plus insouciant… en une ronde pastorale de plus en plus entraĂ®nante Ă  laquelle le chef apporte des accents haletants. La vision est celle d’un crescendo d’essence dionysiaque dont Yannick NĂ©zet-SĂ©guin suggère avec beaucoup d’articulation l’Ă©lan chorĂ©graphique comme aspirĂ© vers son inĂ©luctable rĂ©solution. Le relief des timbres, l’élan collectif, la justesse des intentions expressives remportent l’adhĂ©sion. Un très grand cycle orchestral qui dĂ©voile la versatilitĂ© maladive mais si expressive d’un Schumann ambivalent.

Robert Schumann : Intégrale des Symphonies 1-4. Orchestre de chambre d’Europe (Chamber Orchestra of Europe, COE). Yannick Nézet-Séguin, direction. Deutsche Grammophon. Enregistrement réalisé en novembre 2012 à Paris. Coup de cœur, CLIC de CLASSIQUENEWS.COM de mars 2014.

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CD. Nézet Séguin publie chez Deutsche Grammophon les 4 Symphonies de Robert Schumann.

Schumann--symphonies-Nr--1-4, Yannick Nézet-SéguinCD. Nézet-Séguin publie chez Deutsche Grammophon les 4 Symphonies de Schumann. Le feu bouillonnant du chef québécois Yannick Nézet-Séguin  (36 ans en 2014) nouvellement arrivé chez Deutsche Grammophon (pour lequel il a gravé une intégrale de la trilogie mozartienne en cours) s’est réalisé auparavant au concert en octobre 2012 à Paris lors d’une intégrale des Symphonies de Schumann. L’enregistrement de Deutsche Grammophon qui paraît en mars 2014 reflète ce travail passionnant sur la texture orchestrale et la vitalité d’une écriture exaltée, volcanique qui dit assez outre l’autobiographie qui s’écrit alors, la volonté radicale d’un être passionné, déterminé à s’inscrire dans la lumière, l’antithèse de sa déchéance psychique qui ne tardera pas à poindre. Exaltation, juvénilité, feu et embrasement, voire excitation des finales, Yannick Nézet-Séguin pourrait bien bouleverser la donne discographique en place. La direction affûtée se montre proche d’un cœur ardent dont le diapason versatile incarne toute la complexité et l’ambivalence de la sensibilité romantique… Prochaine critique intégrale des Symphonies de Schumann par Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre de chambre d’Europe (Chamber Orchestra of Europe, COE).

CLIC D'OR macaron 200Robert Schumann : Intégrale des Symphonies 1-4. Chamber Orchestra of Europe. Deutsche Grammophon. Coup de cœur, CLIC de CLASSIQUENEWS.COM de mars 2014. Grande critique à venir dans le mag cd,dvd,livres de classiquenews.com