COMPTE-RENDU, critique opéra. MARSEILLE, le 22 février 2020. OFFENBACH : La Périchole. Membrey / Lepelletier

COMPTE-RENDU, critique opéra. MARSEILLE, le 22 février 2020. OFFENBACH : La Périchole. Membrey / Lepelletier. Dans un flamboiement de rouges Second Empire, un encadrement de cage de scène souligné de rampes lumineuses encadre un autre cadre pareillement illuminé qui enchâsse à son tour une petite scène avec rideaux, chapeautée en fronton d’une clinquante enseigne : « Cabaret ».

 

 

TOUT FEU TOUT FLAMME

 

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Théâtre dans le théâtre : travestissements. C’est la première réussite des décors et de la mise en scène d’Olivier Lepelletier, dans l’espace exigu du plateau de l’Odéon, cet agencement gigogne (en termes savants, cette « mise en abyme »), théâtre dans le théâtre pour la plaisante théâtralité globale de l’histoire et de ces personnages, deux pauvres petits comédiens de profession, ou de métier inavoué des courtisans, déguisés ou non, dans le théâtre politique et hypocrite de la cour, haute par les perruques des grands, basse par leurs œuvres, manœuvres et bassesse morale.
En fond de cette scène, le rideau s’ouvrira, découvrira dans le palais du libidineux Vice-roi du Pérou, symboliquement derrière son trône, un grand tableau d’érotisme à l’alibi mythologique du XVIIIesiècle libertin : sur un nébuleux décor de forêt sombre trouée d’un ciel bleu, l’éclat nacré du nu de la nymphe Callisto défaillant entre les bras de Diane (identifiée par le croissant de lune de son diadème) indiquant, d’un doigt érigé, un phallique objet rouge prêt à pénétrer le mol envol rose satiné du triangle d’un voile vaginal, bientôt plus virginal,sur lequel folâtrent deux amours témoins de la scène saphique alors que Cupidon, à bonne place sexuelle, semble titiller de sa flèche la déesse, en fait le dieu comédien, Jupiter, métamorphosé en Diane pour séduire sa suivante qui en est amoureuse. Malgré le fauteuil qui en offusque un pan et les mouvements des personnages qui l’occultent, je l’identifie comme un tableau de 1759 de Boucher, La Nymphe Callisto, séduite par Jupiter sous les traits de Diane (visible dans la photo ci dessus).

Déguisements
Tout, d’une mise en scène, n’est pas forcément ni obligatoirement perceptible de la salle ni du spectateur moyen, mais ses références culturelles, sensibles ou non, font sens interne, l’enrichissent globalement et j’apprécie ce choix subtil et plaisant, exact historiquement et cohérent dans cette histoire où abondent les travestissements pour assouvir la luxure luxueuse du Vice-roi, qui apparaît d’abord déguisé. Les seuls à n’être jamais masqués ni travestis sont les deux héros comédiens, même s’ils semblent déguisés en costumes de cour qu’on leur imposera avec le mariage imposé, mais ils les portent avec une telle élégance naturelle de vraie noblesse populaire que ce sont les nobles qui semblent travestis : ce sont eux la populace moutonnante d’étonnantes perruques montées comme des pièces de pâtisserie, barbes à papa aussi bouffies que leurs prétentions et leurs noms et titres à rallonge : une temporellement proche mais géographiquement lointaine guillotine française tranchera dans le vif du col de cette aristocratie trop montée du collet avec ces rouges sanglants prémonitoires. Bien que gesticulant, complices complaisants des caprices et déguisements inutiles du Vice-roi et des serviles dignitaires, ils sont momifiés dans leur morgue et drapés dans leur fausse dignité alors que les deux pauvres hères de héros saltimbanques drapent leur même pas hautaine misère chantante et le métissage racial (« Il grandira car il est Espagnol… ») dans le glorieux et déjà trop grand drapeau espagnol d’un empire bientôt aussi réduit comme peau de chagrin dans la proche décolonisation, intermittents du spectacles d’hier réduits à faire la quête tout en chantant la conquête (« Le conquérant dit à la jeune Indienne… »).
Pour l’heure, à la grisante et rassasiante fête (pour les uns quand les héros meurent de faim) on admire la beauté des robes des dames, les soies, satins, taffetas, velours qui mettent en valeur contrastante les déguisements burlesques du couple de grands ministres, Don Pedro de Hinoyosa en blanc boulanger (Éric Vigneau) et le Comte de Panatellas (Jacques Lemaire) en vieille gitane, sinon beaux lurons, bons larrons en foire avec leurs plans foireux, mettant toute leur rouerie à faire la roue devant le maître, bêtes de scène duettistes, l’un tonnant, l’autre chuchotant, mais en parfait unisson comique. La palme du déguisement dissonant du rouge ambiant, c’est celui, en bonne sœur à cornette, cornes de diable, du vicelard Vice-roi lui-même, errant dans Lima, dans un incognito transparent, pour épier son peuple et vérifier sa popularité mais, hors détracteurs, parmi un choix d’adulateurs à cet effet payés : digne d’un candidat politique dans un béat bain de foule, mais à l’inverse du flot du fleuve où l’on ne se baigne qu’une fois, il s’y baigne, imbibe et imprègne, sous le masque qui le camoufle pour s’éviter le camouflet, campé, grandiose et grotesque, par un Olivier Grand, impérial en voix et truculence tonitruante. Autres plaisants déguisements, le couple de notables notaires cardinaux campés avec toute la drôlerie qu’on leur connaît par Michel Delfaud, plus tard inénarrable vieux prisonnier digne de l’Abbé Faria s’évadant du Château d’If, l’espoir chevillé au corps, et Antoine Bonelli par ailleurs Grand Chambellan chamboulé par la favorite.
Un beau brin de trio de cousines, à la cuisine et au bar du cabaret, plus tard dames d’atours de la cour, l’accorte et onctueuse Kathia Blas, la succulente Marie Pons et l’avenante Lorrie Garcia excellente et souriante trilogie, image diffractée en trois du charme et de l’intelligence féminines que résume et condense l’héroïne singulière dans cette Histoire toujours faite par les hommes où la femme est réduite aux histoires, à l’historiette : mais où elle règne finalement.
Tout feu, tout flamme, tout femme aussi, toutes voiles dehors, danses toujours à propos, habilement agencée sans gêner ni ralentir l’action, bien dans le temps musical et scénique, dans cet espace étroit mais jamais encombré, danseuses devenant une garde de rêve, fusil à l’épaule, irrésistibles et martiales mousquetaires en jupette et jolies gambettes aux pas, ni de l’oie ni de l’oiselle, bien réglés par Esméralda Albert. Un remarquable Valentin le Désossé viendra se joindre à elles dans un ébouriffant finale de french cancan péruvien, peut-être retour aux origines hispaniques de la danse, le chahut-cancan inspiré de la cachucha andalouse et dansé dès 1836 par la fameuse danseuse autrichienne Fanny Essler. Les chœurs, bien mouvants aussi, sont aux premières loges et leur plaisir à chanter, contagieux, gagne la salle. Le chef, toujours sacrifié, invisible sur scène aux saluts, qui sont toujours des interminables bis, bis, bis d’un air étourdissant de verve qui le tiennent dans sa fosse, est le bien vif, vivant, vibrant Bruno Membrey que l’on salue.

 

 

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Âges et rôles
Sans invoquer de théories contradictoires sur l’art et le paradoxe du comédien, qui ne peut l’être que s’il joue ce qu’il n’estpas, ou ne joue bien que ce qu’il est(où est le jeu, alors ?), notre point de vue égoïste et jouisseur de spectateur, doublé du devoir de critique, trouve du bonheur à constater une adéquation physique entre un personnage et l’acteur et chanteur qui l’incarne. Certes, l’opéra, et même l’opérette sont des genres où l’on accepte forcément la convention à son degré extrême de conventionalité : opposé au naturel, tout art est artifice et même dans le supposé retour à la nature du vérisme, le vrai n’y est guère vraisemblable ne serait-ce que par le fait que ses héros expriment leurs douleurs en chantant. Bien sûr, on a connu une époque sans les exigences terribles des gros plans du cinéma ou de la télé qui les retransmettent, où le physique et l’âge des chanteurs ne correspondaient guère à ceux des héros lyriques qu’ils étaient supposés représenter, d’autant qu’une voix doit mûrir avec le temps tandis que les personnages demeurent en leur éternel printemps : on n’a jamais vu une Cio-Cios San de quinze ans incarner Madame Butterfly. Mais c’était alors la voix seule, et la technique du chanteur, qui exprimait la jeunesse du personnage incarné : ainsi, je tiens que Montserrat Caballé, du moins dans le disque, a sans doute été l’une des chanteuses ayant incarné le mieux la jeunesse, l’ingénuité perverse de Salomé demandant doucement et cruellement, puis obstinément et rageusement, la tête de Jokanaan, Jean le Baptiste. Hortense Schneider n’était plus dans la fleur de l’âge lorsqu’elle donna vie à la Périchole, œuvre tardive des auteurs génialement blagueurs. C’est donc un bonheur bien grand de la vue et de l’oreille que de trouver ici un couple de chanteurs crédibles en physique, voix proportionnée et jeu, pour ces deux rôles.
On connaît Samy Camps, habitué de l’Odéon, récemment encore un Orphée mémorable : au physique et claire voix de jeune premier, il joint un air fragile d’adolescent où perce encore l’enfance boudeuse parfois et, sous ses noirs sourcils froncés, on ne sait quelle mélancolie de victime d’une vie injuste. Dans le couple, c’est la Périchole qui semble l’homme fort de la tradition machiste, elle protège ce « nigaud ». Mais sous l’apparente faiblesse du jeune ingénu,c’est la dignité morale qu’il est le seul à exprimer parmi tous ces corrompus en dédaignant les bénéfices que pouvait lui procurer le statut très, envié par les courtisans, de mari complaisant, non « récalcitrant », consentant à son infortune conjugale pour assurer sa fortune matérielle et sociale. Sa pureté contraste avec la duplicité perverse du chœur des courtisans entonnant le quatrain parodiant le second acte deLa Favoritede Donizetti :

« Quel marché de bassesse !
C’est trop fort, sur ma foi,
D’Ă©pouser la maĂ®tresse,
La maîtresse du roi ! »
C’est un vrai sens de lâ€honneur qu’il exprime dans son air : « On me proposait d’ĂŞtre infâme » et, au-delĂ  des allusions grivoises du couplet,
« Ma femme, avec tout ça, ma femme,
Qu’est-ce qu’elle peut fair’ pendant c’temps-lĂ  ? »,
c’est une vraie détresse amoureuse qu’exprime ce chanteur comédien sensible.

Avec son cotillon Ă  volants sur sa cotte ou jupe rouge de danseuse HĂ©loĂŻse Mas est une PĂ©richole de rĂŞve : grave veloutĂ© sous un aigu facile, agile, gracile, dansante, yeux grands et vifs d’écureuil, câ€est une poupĂ©e qui n’est pas une marionnette. C’est le personnage essentiel et tout repose sur ses jolies Ă©paules qui portent avec Ă©lĂ©gance le spectacle. Son intelligence l’élève au-dessus de la bĂŞtise des hommes (« Mon Dieu, que les hommes sont bĂŞtes ! »), du Vice-roi vaincu par sa subtilitĂ© et de son amant Piquillo qu’elle adore sans se leurrer sur son manque de qualitĂ©s qu’elle lui Ă©noncera avec une cruelle indulgence amoureuse mais protectrice :
« Tu n’es pas beau, tu n’es pas riche,
Tu manques tout à fait d’esprit ;
Tes gestes sont ceux d’un godiche,
D’un saltimbanque dont on rit.
Et pourtant… »

Elle saura hoqueter sa griserie pour le côté badin de l’histoire mais sa lettre de rupture, reprise de celle de Manon Lescaut à des Grieux, elle l’aura détaillée avec le lucide cynisme fatal de sa conscience de classe et la pauvreté qui condamne l’amour sans pain, abandonné comme un dessert de luxe pour les repus repas des possédants de la terre. Le joli couple n’aura eu la capiteuse coupe aux lèvres des vins espagnols prestigieux de la vie, n’aura goûté au luxe qu’à l’occasion d’une manipulation, d’une farce forcée par le caprice luxurieux des privilégiés.
Créée en 1868 à l’apogée de la folle fête impériale qui va sombrer en 1870, sous ses dehors folâtres et drolatiques, remaniée en 1874 sous la IIIeRépublique et après la Commune, La Périchole n’est pas une opérette ni un simple opéra-bouffe mais, par le nombre de numéros musicaux, un véritable opéra-comique(au vrai sens théâtral du mot), de demi-caractère par le soin attaché aux deux héros principaux.
On me permettra de rappeler des éléments historiques que j’ai évoqués dans d’autres productions de l’œuvre, qui en éclairent les contours.

 
 

Une turbulente et troublante artiste
DE LA « PERRI CHOLI » PÉRUVIENNE À LA PÉRICHOLE
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Il était une fois, dans le fastueux Pérou espagnol de la seconde moitié du XVIIIesiècle, une jolie et piquante comédienne, danseuse et chanteuse, comme l’exigeait le genre sûrement de latonadillahispanique, souvent centré sur une femme. Elle sait lire, écrire privilège pour une femme de son temps. À Lima, Micaela Villegas y Hurtado de Mendoza (1748-1819) est déjà célèbre lorsque débarque le nouveau Vice-roi d’origine catalane, Don Manuel Amat y Junient. Antérieurement gouverneur du Chili, grand administrateur, réformateur et bâtisseur, il lance des missions d’explorations vers les îles du Pacifique. Il a cinquante-sept ans, elle, dix-huit. Il en tombe amoureux, en fait sa maîtresse, sa favorite, l’installe au palais, au grand dam de la noblesse espagnole et créole qui n’a pas, sur ce chapitre, la largeur de vues de l’aristocratie française habituée aux incartades officielles, pratiquement institutionnelles, de ses monarques.
Mieux, ou pire que cela, il fait de sa belle métisse le centre mondain de Lima, la laisse inspirer des constructions nouvelles dont une magnifique fontaine, reflétant la lune qu’elle lui a demandé de mettre à ses pieds et, scandale, va jusqu’à lui offrir un carrosse somptueux, prestigieux privilège exclusif de la noblesse, dans lequel elle se pavane dans la capitale, pour le grand bonheur du peuple de voir l’une des siennes ainsi intronisée, et le dépit et mépris des nobles qui honnissent l’intruse tout en étant forcés de la saluer bien bas, et de l’applaudir très haut au théâtre qu’elle n’a pas abandonné. La gifle qu’administre, en pleine scène à l’un de ses partenaires l’impulsive vedette, lui vaudra une disgrâce de deux ans. Mais les amants socialement inégaux mais égalisés par l’amour et le désir qui renversent toujours les classes sociales, renouent une liaison finalement heureuse de près de quatorze ans, malgré des hauts et des bas de ménage passionné. Le fruit en sera un fils auquel le Vice-roi donne même son propre nom.

 

 

« Perricholi », â€cho’ comme chocolat et non « cocolat »
Donc, Péri chole à prononcer comme « chochotte », comme devait bien dire Mérimée, savant hispanophile et ami intime de l’Impératrice espagnole Eugénie de Montijo, et non Péri cole, par une tradition linguistique erronée.
Micaela avait un nom : elle va gagner un surnom : « la Perricholi ». Dans l’intimitĂ©, le Vice-roi l’appelait tendrement « petit xol » (prononcĂ© « petichol »), â€petit bijou’ en catalan, ou, familièrement « pirri xol », â€ma petite mĂ©tisse’ ; il n’est pas exclu aussi que le Vice-roi, âgĂ© comme un père, les jours de colère contre les frasques de la tumultueuse enfant, dans les alternances après tout conjugales du cĹ“ur, l’ai appelĂ©e « perra chola » en castillan, â€chienne de mĂ©tisse’, sonnant « perri choli » avec son accent catalan et le sifflement probable de sa bouchĂ© Ă©dentĂ©e. Toujours est-il que l’opinion publique s’empara plaisamment du terme affectueux ou injurieux selon que l’on fĂ»t admirateur ou dĂ©tracteur de la belle devenue pour tous, en des sens opposĂ©s, « la Perricholi » de la lĂ©gende.

 

 

Histoire et légende
Actrice et favorite, ce n’est pas la légende mais l’histoire qui conte aussi sa générosité. Un jour, narguant la noblesse dans son célèbre carrosse, elle aperçut un modeste curé portant à pied le Saint-Sacrement pour l’administrer à un mourant. Ému et honteuse, telle déjà une Tosca pieuse, elle descendit du luxueux véhicule, s’agenouilla, et en fit cadeau au prêtre pour qu’il pût exercer confortablement son pieux ministère.
C’est de ce geste célèbre que Prosper Mérimée, à Grenade en 1830 chez les Montijo, tira sa comédie en un acte Le Carrosse du Saint-Sacrement, publiée pour la première fois dans la Revue de Paris en 1829, ajoutée en 1830 à la seconde édition du supposé Théâtre de Clara Gazuldont il est l’auteur caché, jouée sans succès en 1850. Mais, hors du Pérou et de l’Espagne, la Perricholi, avait déjà inspiré La Périchole, vaudeville de Théulon et Deforges (1835) avant l’opéra-bouffe d’Offenbach et ses compères (1868). Puis, en 1893, vint la pièce en vers de Maurice Vaucaire, adaptateur de Puccini en français (au théâtre de l’Odéon de Paris), ensuite Le Carrosse du Saint-Sacrement, opéra en un acte, livret et musique d’Henri Büsser 1948) et, enfin, le célèbre film de Jean Renoir, Le Carrosse d’or (1953) avec Anna Magnani. Belle postérité pour notre belle, que l’on retrouve, naturellement chez le grand écrivain péruvien Ricardo Palma (1833-1919) qui recueille traditions, anecdotes et histoires du Pérou dans ses inépuisables Tradiciones peruanas.

 

 

 

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COMPTE-RENDU, critique opéra. MARSEILLE, le 23 février 2020. OFFENBACH : La Périchole. Membrey / Lepelletier

Marseille, théâtre de l’Odéon, La Périchole de Jacques Offenbach, le 22 février 2020.
Livret de d’Henri Mailhac et Ludovic Halévy, d’après Le Carrosse du Saint-Sacrement de Prosper Mérimée,

A l’affiche les 22 et 23 février 2020
NOUVELLE PRODUCTION

 

 

Direction musicale : Bruno MEMBREY
Mise en scène : Olivier LEPELLETIER
Chorégraphe :Esméralda ALBERT
La Périchole :Héloïse MAS
1ère Cousine / Guadalena :Kathia BLAS
2ème Cousine / Berginella :Lorrie GARCIA
3ème Cousine / Mastrilla :Marie PONS
Piquillo :Samy CAMPS
Vice-Roi :Olivier GRAND
Panatellas :Jacques LEMAIRE
Hinoyosa : Éric VIGNAU
Tarapote / Un Notaire : Antoine BONELLI
Le Vieux Prisonnier / Un Notaire : Michel DELFAUD

Chœur Phocéen
Orchestre de l’Odéon
Décors et costumes Opéra de Marseille

Photos © Christian Dresse

CD, critique. OFFENBACH : Maître Petronilla (2 cd Pal Bru Zane / collection Opéra français, 2019)

cd offenbach peronilla gens huchet cd critique orch national de france poschner classiquenews cd critique classiquenewsCD, critique. OFFENBACH : Maître Petronilla (2 cd Pal Bru Zane / collection Opéra français, 2019). Maître Péronilla d’Offenbach tint l’affiche une cinquantaine de représentations après sa création aux Bouffes-Parisiens le 13 mars 1878 ; puis disparut comme il était apparu. Sa résurrection par le disque, fixant sa recréation en 2019 est-elle justifiée ? Tenons nous là un nouveau joyau de l’opéra romantique français ? Qu’en pensez ? Offenbach fait évolué son style après la Chute du Second Empire et l’avènement de la IIIè République, dans le contexte nationaliste des années 1870 et plutôt antiboch comme en témoigne la création de la Société Nationale de musique, destinée à promouvoir les créateurs français.
Tout cela n’allait pas empêcher la wagnérisme de prendre racines en France et surtout à Paris grâce à l’activité du chef exemplaire Charles Lamoureux au début des années 1890…

Plus concentrée et redoutablement efficace, la plume d’Offenbach a gagné en épaisseur voire en noirceur alors ; deux ans avant sa mort (1880), Offenbach voit grand à l’égal de son grand œuvre inachevé Les Contes d’Hoffmann : ici Péronilla renouvelle la leçon des ensembles de Rossini, nécessite 16 solistes pour 26 rôles (avec un excellent finale au II). Après Carmen de Bizet (1875), portée aussi par Manet en peinture, l’Espagne inspire les artistes et Offenbach cède à la sirène ibérique (en témoigne la fameuse et inoubliable trouvaille musicale de la malagueña) ; le compositeur renouvelle une vieille ficelle héritée du buffa le plus classique : une femme acariâtre (Léona), jalouse de sa (belle) nièce (Manoela) force cette dernière à épouser le vieux Don Guardona. Mais la belle Manoela aime le bel Alvarès. Aidée de Ripardos et Frimouskino, Manoela parvient à épouser aussi Alvarès ; l’héroïne est bigame. La situation réserve quelques belles scènes et quiproquos dans le pur esprit boulevard, cocasse voire égrillard. Mais s’affirme Péronilla, maître chocolatier à Madrid qui endosse la robe d’avocat, son ancien emploi, défend sa fille et son époux de coeur (Alvarès) : les deux jeunes amants seront reconnus mari et femme, et Leona épousera le vieillard Guardona.
Comme chez Rossini, il faut particulièrement soigner le choix des solistes et réussir la galerie de portraits hauts en couleurs, ici réunie. Faux naïf bienveillant, Péronilla (Eric Huchet) sonne juste en défenseur (un rien tardif) de sa fille et d’Alvarès ; la Leona de Véronique Gens (plus connue comme tragédienne blessée et aristocratique) fait valoir ses saillies hispaniques plutôt cocasses, en duègne qui a des visées sur le jeune Alvarès… Cependant, les deux chanteurs peinent à atteindre cette élégance délirante que requiert l’invention d’Offenbach. Ils contrastent néanmoins à souhaits avec la tendresse de Manoela (Anaïs Constans). Distinguons aussi l’impeccable Frimouskino d’Antoinette Dennefeld ; le Ripardo, bien chantant et le mieux articulé du baryton Tassis Christoyannis tandis que François Piolino, professionnel du double registre, sait préserver au rôle de Guardona, sa finesse bouffonne. Plusieurs profils percutant dans la veine grotesque et délirante sont idéalement incarnés, tels Philippe-Nicolas Martin (Felipe, Antonio, deuxième juge), ou le ténor ailleurs parfait rossinien, Patrick Kabongo (en Vélasquez major, descendant direct du peintre baroque !), sans omettre Yoann Dubruque (Don Henrique) et Jérôme Boutillier (le Corrégidor, entre autres…). Voilà qui accrédite davantage l’inspiration parodique, sarcastique avec une pointe d’humaine tendresse cependant propre à Offenbach. Du Daumier riche en fantaisie et complicité. Ce Péronilla, qui troque le chocolat sévillant pour la robe noire, offrant un croustillant tableau au Tribunal (là on pense au talent mordant du caricaturiste), mérite évidemment d’être ainsi ressuscité.

Tapis orchestral surdimensionné pour ce qui devrait être une délicieuse fantaisie, l’Orchestre national de France associé à l’excellent Chœur de Radio France, peinent à respirer, colorer, en demi mesures et nuances. Le son est souvent épais et trop dense, allouant à la comédie des prétentions d’opéra. D’autant que le chef Markus Poschner, étranger aux subtilités et réglages de l’opéra comique français, manque de légèreté. Ceci n’ôte rien à la valeur de la réecréation et l’on rêve déjà d’une autre distribution, jeune et rafraîchissante, portée évidemment par un orchestre sur instrument d’époque.

CD, critique. Offenbach : MaĂ®tre PĂ©ronilla, enregistrĂ© Ă  Paris, Théâtre des Champs-ElysĂ©es, en juin 2019 – Éditions Palazzetto Bru Zane – Livre 2 cd

COMPTE-RENDU, opéra, critique. MARSEILLE, Opéra, le 3 janv 2020. OFFENBACH : Barbe Bleue. Pelly

COMPTE-RENDU, opéra, critique. MARSEILLE, Opéra, le 3 janv 2020. OFFENBACH : Barbe Bleue. Laurent Pelly. Pas la veuve, Barbe-bleue, mais le veuf joyeux comme il se définit lui-même : « O gué, jamais veuf ne fut plus gai ! » mais étrange mono-manique du mariage qui semble ne pouvoir accéder à la femme que dans le cadre de l’institution matrimoniale.

 

 

 

Monogame en série

thumbnail_3 P1200061  photo Christian DRESSE 2019 

 

Comme Don Juan, épouseur à toutes mains, que j’ai défini ailleurs comme un serial monogame, Barbe-bleue, même pas polygame, s’il les cumule, n’a jamais qu’une femme à la fois, « Una a la volta, per carità ! », dirait Figaro : à chaque coup, on ne sait si c’est l’amour avec un grand A, en tous les cas, sûrement pas avec un grand tas. Même s’il a de la culture picturale (« C’est un Rubens ! », apprécie-t-il Boulotte), il ne cultive pas un harem, ne sait pas jouir des collections avec le plaisir comparatif, ni de celui de la séduction donjuanesque, ni même, pervers, du viol : Barbe-bleu mande un émissaire pour lui choisir une femme en bonne et due forme légale, vite informée létale pour la belle, consumée dès que consommée. Il ne jouit donc, ou guère, apparemment, ni de la femme, ni du mariage mais du veuvage, comme il le chante et danse : mais ne supporte pas le vide de la viduité. Qu’il faut vite combler, comme une fosse, commune pour ses épouses.

 

 

 

Actualités et actuel : féminicide

 

Après Orphée aux Enfers (1858), La Belle Hélène (1864), et la même année que La Vie parisienne (1866) ce Barbe-Bleue d’Offenbach, Meilhac et Halévy, est tiré du conte de Perrault mais tiré, sinon par les cheveux, par sa pilosité abondante vers les sommets du burlesque qui décoiffe sans raser. Mais, par ces sombres et tristes temps de harcèlement sexuel, de violences faites aux femmes, de féminicide, de révolte féminine enfin de @metoo, ce Barbe-Bleue, parodiant et détournant le conte éponyme de Perrault, non seulement n’a pas perdu un poil de sa vive verve satirique d’autrefois mais recouvre une vivante veine dans notre actualité.
Dans une lumière blême (Joël Adam), le rideau se lève sur un livide décor guère décoratif de Chantal Thomas qui défrise les fées des contes : pas de cadre bucolique,  pas de chaumière et deux cœurs de la pastorale où deux étourdis tourtereaux, sur un air de bergerette XVIIIesiècle, n’effeuillant même pas la marguerite, se content fleurette, même si Fleurette, la délicieuse et délicate Jennifer Courcier ne s’en laisse pas conter par l’agile et habile Saphir, l’élégant Jérémy Duffau à la mèche folle en salopette, guère salopée, de travail de prince travesti. Mais la rudesse rurale d’un hangar en tôle au lieu d’un agreste toit de chaume et, s’il y a de la paille, c’est en ballots et, en tas, du fumier, du purin où s’embourbe le pied. Du pauvre linge étendu, une bicyclette, une niche délabrée désertée de chien, un abris-bus guère abritant d’un lieu en déshérence, par le comte Barbe-bleue laissé pour compte, qui y cherche pourtant le sien, les siennes, ses proies, après avoir envoyé en préliminaire mission de chasse à la vierge, à la rosière, son frêle mandataire tourmenté Popolani, en imperméable, perméable par le bas à sa blouse blanche d’officiant médical occulte de la clandestine morgue comtale.
Allures et figures de dégénérés par la consanguinité sans doute, une rustaude population rustique, aux ternes costumes de rustres mal payés, ne payant pas de mine, aux trognes renfrognées, aux gestes à l’unanimisme saccadé de pauvre culture mécanique agricole. Atmosphère de poisse, poissarde de malaise rural, d’occultes drames, alourdie des manchettes placardées de journaux à sensation, sur cinq colonnes, tronquées à nos yeux pour que l’angoisse soit plus grande qui, évoquant des disparitions mystérieuses de femmes, planent, pèsent et plombent le moral.
En somptueuse et silencieuse limousine (mode actuelle des scènes devenues vraies garages), marque Jaguar pour le prédateur, longue et noire comme un corbillard, manteau de cuir noir, œil charbonneux et raides cheveux aile de corbeau funèbre, gominés de danseur de tango sur barbe taillée bleuissante, déboule Barbe-Bleue. Commence son lamento éploré, son récitatif accompagné d’opéra tragique entre Gluck et Verdi, sur les malheureux accidents répétés qui lui arrachent successivement ses femmes et, après une cadence cascadante, hoquetante, virtuose, une puissante envolée lyrique  aux aigus éclatants et tranchants comme des lames, le voilà tout guilleret, « o gué !, le veuf le plus gai » et dansant avec une souplesse étonnante et détonante par rapport à son corps massif : loin de détonner en passant avec naturel du parlé au chanté (exercice dont on ne souligne jamais assez la difficulté et le danger pour la voix), en rien laconique, Florian Laconi déploie une généreuse prolixité vocale de ténor lumineux dans l’aigu, sombrant dans des graves sépulcraux (« Je suis Barbe-bleue »), repris par le chœur frissonnant (Emmanuel Trenque) dans une admirable unanimité d’automates entre le respect et la crainte.
La rosière couronnée, l’affaire enlevée, c’est l’élèvement, l’élévation et l’enlèvement, sur une remorque de tracteur, de la belle Boulotte au rang d’épouse, sur l’ironique refrain à l’orchestre : « Il pleut, il pleut, bergère ». Barbe-bleue proclamera en haut lieu sa révolution : le prince épouse la bergère à la barbe des nobles aïeux.

 

 

 

La barbante barbe

 

 

 

 

On n’y songe pas forcément en se rasant tous les jours, ou en ne se rasant pas selon la rasante mode actuelle qui transforme les jeunes gens en visages pâles ou sales, la barbe ne fait pas le mâle. Elle le défait plutôt : trop affirmer la virilité, c’est l’infirmer puisque cela prouve qu’elle n’allait pas de soi, mais de poils et si c’est affaire de poils, elle ne tient pas à grand-chose. Dans un pamphlet ancien, je me demandais ce qui poussait les hommes jeunes à laisser pousser leurs poils, à passer pour des barbons, avec tout ce que connote la barbe de barbant, barbifiant. Doutent-ils de leur masculinité au point de se rassurer, comme des adolescents, par le poil au menton ? On n’affiche jamais de signe sexuel que ce qui manque à sa place, comme dit Lacan. Mais sans être psy, on vous dira, machos barbus, que loin d’affirmer la virilité, la moustache laisse inconsciemment parler la féminité : elle transforme la masculine bouche en sexe féminin, en sourire non vertical, mais horizontal.
Sur la foi foisonnante de cette barbe, on prête voracité sexuelle et férocité à Barbe-Bleue. Mais on pourrait se demander si, en fait, il n’épouse et tue ses femmes que pour trouver celle qui lui permettra enfin d’éveiller ou réveiller une libido défaillante, de dissiper les angoisses de l’épouseur à toutes mains, auquel il manque la troisième main, disons le membre essentiel de la réalisation sexuelle. On comprend ainsi le sursaut de désir qui le secoue à la vue de la bien roulée Boulotte à boulotter : « Un Rubens ! », donc, s’écrie et s’extasie le connaisseur en esthétique mais non éthique en découvrant la pas étique ni pathétique, mais la plus allurée et délurée des bergères, incarnée en belle et bonne chair et voix par la pulpeuse sinon palpable Héloïse Mas, pas morne plaine paysanne comme les autres mais saine et plantureuse plante pleine en ronde-bosse, bel abattage et beaux abattis, irrésistible Bernadette Laffont campagnarde, propre à vivifier un mort. Mais notre Barbe-bleue est peut-être frappé par le syndrome de Stendhal qui avouait rester sans arme virile face à une femme trop belle et trop désirée.
En tous les cas, intronisée comtesse dans le somptueux palais, Boulotte, boule follette dans le raide jeu de quilles de la cour, timbre voluptueux et langue bien pendue de Madame Sans Gêne, gêne aussitôt son époux. Qui, lui préférant la princesse Hermia qui se marie, manie du mariage, aspire aussitôt à épouser cette dernière et voue sa femme à la morgue où sont méthodiquement rangées en leur tiroir réfrigéré ses précédentes moitiés. Se mettant à table (d’autopsie), scène terrifiante, Barbe-Bleue vante avec fierté à Boulotte son palmarès conjugal et mortuaire, ce caveau de famille, et lui montre, ricanant de sadisme, le casier à son nom qui lui est déjà destiné. Il commet le soin de la tuer à son médecin spécialisé affecté à (par) ce service.

 

 

thumbnail_2  P1190969  photo Christian DRESSE 2019

 

 

Popolani, en imper mastic trop court, silhouette de détective inachevé tombé des faits divers criminels des journaux, sous lequel pointe le médecin appointé aux basses œuvres du comte, c’est l’excellent Guillaume Andrieux, modeste petit moustachu, apparemment souffreteux, souffre-douleur souffrant mal les caprices cruels du maître. Mais, à la barbe de Barbe-Bleue, l’avisé Popolani, y retrouvant les couleurs qu’il perd dans la morgue, sans morgue aucune, s’y retrouve en menus plaisirs avec ces dames reconnaissantes, qu’il a endormies et non empoisonnées ! Bref, le petit homme célibataire cocufie le multiple marié, on dirait post-mortem si ces belles n’étaient grâce à lui bel et bien vivantes.
Et c’est le beau dĂ©filĂ© chantant de ces beautĂ©s chorales sorties du placard, du rancart sans rancard, poulettes mises non au frigo mais au chaud du bordel personnel ou du poulailler par l’homme de l’ombre Popolani qui, sans ĂŞtre le coq du village, est un coq en pâte dans son caveau sĂ©pulcral ! Il a sa revanche et offre aux femmes maltraitĂ©es la vengeance contre le brutal barbu : « @metoo » peuvent-elles chanter, pardon, â€Moi aussi’, chacune y allant de son couplet sur le temps que dura sa romance conjugale avec Barbe-Bleue. S’il les a eues une Ă  une entre les bras, il les aura toutes sur le dos ! BrĂ»lante actualitĂ©.
Des basses fosses du château du comte, on repasse aux fausses risettes et vraies bassesses de la cour, de la basse-cour tant le revêche roi Bobèche fait baisser l’échine souple de ses courtisans, rangés en rang d’oignons de légumes en série par le comte Oscar, féru d’étiquette (s) qu’on dirait marchande tant ces gens-là sont prêts à se vendre, tournant au doigt et à l’œil du protocole infligé sadiquement. C’est l’occasion, pour Francis Dudziak, aux mines d’enquêteur espion, sanglé dans sa gabardine au premier acte, d’un superbe numéro éclatant de vitalité ironique dans ses couplets sur le bon courtisan, l’air le plus célèbre de l’œuvre.Satire de toute cour, certes, mais il serait un peu court de n’y voir pas des pointes aux fastes impériaux extravagants de celle de Napoléon III et d’Eugénie de Montijo, monarques parvenus d’une gloire usurpée.
Certes, nous avons perdu des codes, des clés des pamphlets d’une œuvre trop ancrée dans son temps, par ailleurs bien contrôlée par la censure. Ce grand et clair salon du palais, fauteuils et canapé rococo pour parois déjà néo-classiques, n’est pas dans le style Napoléon III, cossu et rebondi, aux rouges et violets caractéristiques, aux lourds brocarts et velours. Mais, sans vendre la mèche, dans les scènes de ménage entre le roi Bobèche rageur exécuteur des galants de sa femme (chauve ébouriffant, décoiffant, ricanant Antoine Normand) et sa guère clémente Clémentine de femme, Cécile Galois, voix royale, plutôt impériale et impérieuse, majestueuse sur canapé trônant, tiare en tête chez les tarés, dans ce couple aigri, en guerre, il n’est pas interdit de voir la mésentente cachée du couple impérial, par plaisante inversion —sinon sexuelle— de sexe : ici, c’est elle l’infidèle, contrairement à Eugénie, puritaine et glaciale, tandis que Napoléon III, à l’inverse, avait un appétit sexuel bien connu, priape impérieux plus qu’impérial visiblement ému sous l’étroite culotte (on ne portait pas de discrets pantalons) à la moindre vue d’un jupon, à la vue de tous, de toute la cour, ce qui lui valut nombre de sobriquets sexuels.
Mais c’est aussi d’autres palais d’aujourd’hui, avec leurs scandales jamais secrets grâce à la presse people, à romance et scandale, qui orne des murs qui ont des oreilles et des yeux pour la joie des paparazzi, avec, sur le couplet détourné du cartel de Robert le Diablede Meyerbeer, le défi chevaleresque en duel du Prince charmant au burlesque Barbe-bleue perfide.
À la tête de l’Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille, Nader Abbassi, dont on sent la jubilation, mène son monde tambour battant, battue souple et précise, dans la respiration vive de la musique sans jamais la presser ni en oppresser les chanteurs sous prétexte de comique. Et le dira-t-on jamais assez ? L’équilibre exact entre la parole et le chant sans qu’on sente de longueur et l’aisance de tous ces acteurs chanteurs à passer de l’une à l’autre.
Subtile et utile mise en scène de Laurent Pelly, qui règle son compte au conte en en soulignant, révélant, sous l’irrésistible drôlerie de l’œuvre bouffe, la noirceur de sa matière, réglée en mouvements et jeu comme une partition de musique. Un Barbe-Bleue au poil, pas barbant, poilant, désopilant, etc.

 

 

thumbnail_6 8palais P1200245  photo Christian DRESSE 2019 (1)

 
 

 
 

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COMPTE-RENDU, critique, opéra. Opéra de Marseille, le 3 janvier 2020. OFFENBACH : Barbe-Bleue. Laurent Pelly.

 

 

 

LE VEUF JOYEUX OU LE SERIAL MONOGAME
BARBE-BLEUE
Opéra-bouffe (1866) de Jacques Offenbach
Livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy

A l’affiche de l’Opéra de Marseille,
Les 28, 29, 31 décembre 2019, 3 et 5 janvier 2020

Coproduction Opéra de Marseille / Opéra National de Lyon


Assistante à la direction musicale : Clelia CAFIERO
Mise en scène et costumes : Laurent PELLY
Adaptation des dialogues : Agathe MÉLINAND
Décors : Chantal THOMAS
Lumières : Joël ADAM
Collaborateur à la mise en scène : Christian RÄTH
Collaborateur aux costumes : Jean-Jacques DELMOTTE

Boulotte : Héloïse MAS
Princesse Hermia, Fleurette : Jennifer COURCIER
Reine Clémentine : Cécile GALOIS
Barbe-Bleue : Florian LACONI
Popolani : Guillaume ANDRIEUX
Prince Saphir : Jérémy DUFFAU
Comte Oscar : Francis DUDZIAK
Roi Bobèche : Antoine NORMAND

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Direction musicale : Nader ABBASSI

Photos Christian Dresse

Boulotte et le prédateur (Mas, Laconi) ;
Popolani et Oscar (Andrieux, Dudziak);
Madame Sans-Gêne à la cour du roi Bobèche (Laconi, Mas, Gallois, Normand)

COMPTE-RENDU, critique, opéra. PARIS, le 8 déc 2019. OFFENBACH : Les Géorgiennes. L Zaïk / R Boutin.

Compte-rendu critique, opéra. Paris. Auditorium Saint-Germain, le 8 déc 2019. Jacques Offenbach : Les Géorgiennes. Marine Gueuti, Mathieu Guigue, Hombeline Thome, Didier Chalu. Laurent Zaïk, direction musicale. Renaud Boutin, mise en scène. Né en 1936, le Groupe Lyrique des PTT de Paris monte chaque année une opérette, devenue au fil des ans une véritable institution parisienne.

 

 

 

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RenommĂ©e sobrement « Le Groupe Lyrique », la compagnie, composĂ©e uniquement de chanteurs amateurs de haut niveau, se lance cette fois dans un dĂ©fi sans prĂ©cĂ©dent : fĂŞter le bicentenaire de la naissance d’Offenbach en redonnant vie Ă  un opĂ©ra-bouffon inĂ©dit du “Petit Mozart des Champs-ElysĂ©es”. Créé en 1864 au Théâtre des VariĂ©tĂ©s, Les GĂ©orgiennes connaĂ®tra un beau succès, jusqu’Ă  l’Allemagne, Vienne et mĂŞme New-York lors de la tournĂ©e amĂ©ricaine du compositeur. Et puis plus rien… jusqu’Ă  aujourd’hui.
Grâce Ă  Jean-Christophe Keck, l’infatiguable Laurent ZaĂŻk, directeur artistique et musical du Groupe Lyrique, a pu mettre la main sur le matĂ©riel d’orchestre et mĂŞme le rĂ©arranger pour treize musiciens. Avec, en prime, deux passages vraisemblablement coupĂ©s avant la crĂ©ation, et donc jouĂ©s en public sans doute pour la première fois.

 

 

Les Géorgiennes d’Offenbach,
redécouverte musclée

 

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C’est dire l’importance de l’Ă©vènement, et il est regrettable que la planète lyrique, pourtant toujours friande de raretĂ©s, n’ait pas fait le dĂ©placement pour pareille redĂ©couverte.
Car cette deuxième et dernière reprĂ©sentation procure bien du plaisir. Dans cette sorte de Lysistrata lyrique, les femmes prennent le pouvoir pour donner une leçon Ă  leurs pleutres Ă©poux. Un retournement de situation qui souffle un vent de folie permettant tous les travestissements, jusqu’Ă  l’inoubliable entrĂ©e, Ă  la fin de l’œuvre, des maris dĂ©guisĂ©s… en bohĂ©miennes pour pĂ©nĂ©trer dans la ville dont ils ont Ă©tĂ© chassĂ©s.
Faisant de nĂ©cessitĂ© vertu, Renaud Boutin laisse Ă  l’œuvre tout son pouvoir comique et sait admirablement varier les atmosphères avec des moyens rĂ©duits, permettant ainsi au public de goĂ»ter pleinement cette intrigue rocambolesque dont l’ambiguĂŻtĂ© rĂ©sonne de façon particulière Ă  nos esprits contemporains. Ainsi que pour le Mikado l’an dernier, CĂ©cilia Delestre a imaginĂ©, outre une scĂ©nographie simple et ingĂ©nieuse, de très beaux costumes, colorĂ©s et loufoques, rĂ©alisĂ©s avec le concours des Ă©tudiants en DMA Costumier-rĂ©alisateur du LycĂ©e La Source de Nogent-sur-Marne. On admire particulièrement ceux de la fière Feroza et du fĂ©rocement dĂ©bonnaire Rhododendron.
Avec son allure de Bonaparte en jupons, Marine Gueuti assume avec panache son rĂ´le de meneuse de femmes et triomphe crânement d’une partition longue et difficile, Ă  cheval entre la Belle HĂ©lène et la Grande-Duchesse, dont elle se tire avec les honneurs. A ses cĂ´tĂ©s, Mathieu Guigue incarne un Pacha qu’on adore dĂ©tester, plus naĂŻf que mĂ©chant, et lui prĂŞte sa riche voix de baryton qui parait se couler dans cette Ă©criture Ă  mi-chemin entre le GĂ©nĂ©ral Boum et Robert dans La Fille du Tambour-Major. Tous deux forment un duo explosif qu’on applaudit des deux mains.
Plus secondaire mais pourvu du seul air rĂ©ellement Ă©mouvant de la partition, l’Alita tendre d’Hombeline Thome emporte l’adhĂ©sion, tandis que le dĂ©licat Dider Chalu, aussi lunaire qu’attachant, propose de l’eunuque Boboli un portrait tout en finesse irisĂ© de voix de tĂŞte. Tous les seconds rĂ´les ainsi que le chĹ“ur seraient Ă  citer, tant tous les membres du Groupe Lyrique semble donner le meilleur d’eux-mĂŞme.
Autour d’eux virevolte l’Ă©trange crĂ©ature dansĂ©e par GaĂ«l Rougegrez, Ă  la fois hermaphrodite burlesque et ange de la mort, pas forcĂ©ment indispensable au bon dĂ©roulement de l’action mais par instants fascinant.
Chapeau bas Ă©galement pour les excellents musiciens de l’Orchestre Bernard Thomas, dont l’entrain fait plaisir Ă  entendre, dirigĂ©s avec passion par Laurent ZaĂŻk qu’on sent fier d’avoir rĂ©ussi Ă  mener Ă  bien cette aventure un peu folle mais tellement passionnante.
Une magnifique recrĂ©ation que ces insoupçonnĂ©es GĂ©orgiennes. On espère les retrouver bientĂ´t, tant il semble Ă©vident que les maisons d’opĂ©ra de France et de Navarre ne resteront pas longtemps insensibles Ă  leur charme.

 

 

 

 

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Paris. Auditorium Saint-Germain, 8 dĂ©cembre 2019. Jacques Offenbach. Les GĂ©orgiennes. Livret de Jules Moinaux. Avec Feroza : Marine Gueuti ; Rhododendron : Mathieu Guigue ; Alita : Hombeline Thome ; Boboli : Didier Chalu ; Jol-Hiddin : Alain Giron ; Nani : Agnès Maulard ; Poterno : Bernard Zakia ; Cocobo : Yann Brett ; Tabaco : JĂ©rĂ´me Deltour ; Varvara : Daniel Faure ; Danseur : GaĂ«l Rougegrez. ChĹ“ur du Groupe Lyrique. Orchestre Bernard Thomas. Direction musicale : Laurent ZaĂŻk. Mise en scène : Renaud Boutin ; ScĂ©nographie et costumes : CĂ©cilia Delestre ; Lumières : Pierre Daubigny; ChorĂ©graphies : GaĂ«l Rougegrez – Illustrations : © service de presse Orch B Thomas.

 

 

 

 

L’OdyssĂ©e OFFENBACH, spĂ©cial anniversaire 2020

arte_logo_2013ARTE. L’Odyssée Offenbach : dim 29 déc 2019, 15h35. À l’occasion du bicentenaire de la naissance de Jacques Offenbach en 2919 (lire notre grand dossier Offenbach 2029), ARTE lui dédie un portrait, soulignant le génial inventeur de l’opérette. La chaîne diffuse ensuite deux de ses plus grands succès: La Belle Hélène et La grande-duchesse de Gerolstein.

doustrac-offenabch-ortense-schnieder-arte-odyssee-offenbach-arte-critique-annonce-opera-classiquenewsNé en 1819 en Allemagne, le jeune Jacob Offenbach devient vite un virtuose du violoncelle en cachette de son père, chantre de la synagogue de Cologne. En outre, le jeune interprète révèle à 13 ans des dons de compositeur tout aussi inspirés. Jacob devenu Jacques, rejoint Paris dès 1833, quittant la Prusse. En 1858, il s’impose sur la scène parisienne et précisément en renouvelant le genre de l’opérette (déjà développé par Hervé son rival et collaborateur) grâce à la réussite musicale et dramatique du chef d’oeuvre néoantique Orphée aux enfers, critique visionnaire de l’académisme et de la société décadente du Second Empire. Evidemment, le talent d’Offenbach suscite la jalousie du milieu parisien. Offenbach fusionne musique raffinée et délire poétique, truculent, satirique, expérimental. Ses opéras bouffes cultive toutes les ressources d’un esprit fantaisiste, libre, humoristique dont la subtilité doit beaucoup à sa grande culture lyrique.
offenbach-jacques-concerts-opera-presentation-par-classiquenews-Jacques_Offenbach_by_NadarDivertissant, Offenbach l’est absolument comme il sait tisser à demi mots une critique acerbe et très argumentée sur la société de son temps, fustigeant l’armée et la guerre, le pouvoir et ses turpitudes maffieuses, l’empire de l’amour qui inféode le cœur des hommes et la coquetterie des femmes. Il y a bel et bien du Balzac chez Offenbach ; cet aspect d’un Offenbach psychologue méritait un développement supérieur. Le documentaire-fiction éclaire les nombreuses facettes d’un compositeur prolifique. Des chanteurs d’opéra et des comédiens donnent vie à une évocation dramatisée d’Offenbach : la mezzo rennaise Stéphanie d’Oustrac qui a chanté la Périchole entre autres, incarne ici notamment Hortense Schneider, diva et muse capricieuse, virtuose fantasque et davantage encore dans le cœur du compositeur. De nombreux extraits de spectacles attestent de l’époustouflante richesse du répertoire d’Offenbach et de son génie. Il a révélé aux parisiens, la grâce du rire.

 

 

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offenbach-violoncelle-jacques-offenbach-anniversaire-2019-par-classiquenews-dossier-OFFENBACH-2019ARTE. L’Odyssée Offenbach : dim 29 déc 2019, 15h35. Documentaire-fiction de François Roussillon (France, 2019, 1h33mn) – Auteurs : François Roussillon, Jean-Claude Yon – Collaboration à la mise en scène : Mariame Clément – Avec : Robert Hatisi (Jacques Offenbach), Stéphanie d’Oustrac (Hortense Schneider), Marianne Crebassa (Célestine Galli-Marié), Jodie Devos (Adèle Isaac), Michel Fau (Hippolyte de Villemessant) – Coproduction : ARTE France, François Roussillon & Associés

15h35 L’odyssée Offenbach
et en replay jusqu’au 29 avril 2020

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VOIR aussi deux opéras d’OFFENBACH

 

 

 

 

 

 

17h10. La Belle Hélène
et en replay jusqu’au 29 janvier 2020
À l’Opéra de Lausanne, l’extravagant Michel Fau s’empare du plus populaire des opéras-bouffes d’Offenbach dans une mise en scène très attendue, chaussant pour l’occasion les sandales du roi Ménélas.

 

 

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Ă€ Sparte, la reine HĂ©lène, Ă©pouse de MĂ©nĂ©las, a eu vent, comme toute la Grèce, de la promesse faite par VĂ©nus au prince troyen Pâris de lui offrir l’amour de la plus belle femme du monde. PrĂ©tendant au titre, HĂ©lène tremble de voir “cascader sa vertu” face au jeune et beau guerrier. Quand celui-ci survient pour se mesurer aux rois de la Grèce lors de joutes pacifiques, le coup de foudre a bien lieu, annonçant la guerre entre rois grecs menĂ© par Agamemnon et Troyens, appelĂ©e Ă  devenir fameuse…

Les poux de la reine et autres dĂ©lices. Créée en 1864, cette virevoltante satire a obtenu un succès immense et immĂ©diat. Sous couvert de pasticher les mythes de la Grèce antique, Offenbach et son librettiste fĂ©tiche, Ludovic HalĂ©vy, y pourfendent joyeusement les mĹ“urs frivoles du Second Empire. La belle HĂ©lène a inaugurĂ© pour le compositeur des annĂ©es fastes, et reste la plus reprĂ©sentĂ©e de ses Ĺ“uvres lyriques. La fantaisie du metteur en scène Michel Fau exploite les inusables trouvailles verbales et musicales d’une partition qui sait, aussi, faire place Ă  l’Ă©motion. Sa verve d’acteur est Ă©galement très attendue, puisque le metteur en scène s’est rĂ©servĂ© le rĂ´le de “l’Ă©poux de la reine, poux de la reine, poux de la reine : le roi MĂ©nĂ©las !“. L’un des derniers feux de l’annĂ©e Offenbach. Et quel feu !

Opéra-bouffe en trois actes de Jacques Offenbach – Livret : Ludovic Halévy et Henri Meilhac – Réalisation : Andy Sommer (Suisse/France, 2019, 2h30mn) – Direction musicale : Pierre Dumoussaud – Mise en scène : Michel Fau – Avec : Julie Robard-Gendre (Hélène), Julien Dran (Pâris), Paul Figuier (Oreste), Marie Daher (Bacchis), Michel Fau (Ménélas), Jean-Claude Saragosse (Calchas), Christophe Lacassagne (Agamemnon), Jean-Francis Monvoisin (Achille), Pier-Yves Têtu (Ajax Premier), Hoël Troadec (Ajax Deuxième), le Sinfonietta et le Chœur de l’Opéra de Lausanne – Chef de chœur : Jacques Blanc – Coproduction : Opéra de Lausanne, Opéra royal de Wallonie-Liège, Théâtre nationale de l’Opéra-Comique, ARTE/SSR

 

 

 

 

 

 

00h35. La grande-duchesse de Gerolstein
La mezzo-soprano Jennifer Larmore triomphe dans cette production enlevée de l’opéra de Cologne, qui fête en majesté l’enfant du pays Offenbach.
Opéra-bouffe en trois actes de Jacques Offenbach – Livret : Ludovic Halévy et Henri Meilhac – Réalisation : Marcus Richardt (Allemagne, 2019, 2h44mn) – Direction musicale : François-Xavier Roth – Mise en scène : Renaud Doucet – Avec : Jennifer Larmore (la grande-duchesse), Emily Hindirchs (Wanda), Dino Lüthy (Fritz), Miljenko Turk (le baron Puck), John Heuzenroeder (le prince Paul), Vincent Le Texier (le général Boum), le Gürzenich-Orchester et le Chœur de l’Opéra de Cologne – Chef de chœur : Rustam Samedov – Coproduction : Oper Köln, ARTE/WDR

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COMPTE-RENDU, critique, opéra. AVIGNON, le 10 nov 2019. OFFENBACH : La Périchole. E Chevalier / S Jean.

COMPTE-RENDU, critique, opéra. AVIGNON, le 10 nov 2019. OFFENBACH : La Périchole. E Chevalier / S Jean. LA PÉRICHOLE, COULEUR PASTEL… Genre délicat que l’opérette, diminutif d’opéra, mais en rien diminué si on le traite avec la délicatesse que requiert son ensemble hétérogène d’éléments, parlé, chanté, théâtre comique, musique. Un rien qui pèse ou pose et l’ensemble implose plus qu’il n’impose sa réelle dignité de genre spécifique, en rien mineur. C’est pourquoi on saluera cette nouvelle production de l’Opéra Grand Avignon à laquelle Éric Chevalier, qui signe mise en scène, décors, costumes et lumières, avec la complicité du chef Samuel Jean, donne une fine cohérence esthétique, sans préjudice de la drôlerie verbale et musicale que l’on attend d’Offenbach et de ses compères librettistes. On me permettra de rappeler des éléments historiques évoqués dans d’autres productions de l’œuvre, qui en éclairent les contours.

 

 

 
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DE LA « PERRI CHOLI » PÉRUVIENNE À LA PÉRICHOLE
Une turbulente et troublante artiste

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Il était une fois, dans le fastueux Pérou espagnol de la seconde moitié du XVIIIesiècle, une jolie et piquante comédienne, danseuse et chanteuse, comme l’exigeait le genre sûrement de latonadillahispanique, souvent centré sur une femme. Elle sait lire, écrire privilège pour une femme de son temps. À Lima, Micaela Villegas y Hurtado de Mendoza (1748-1819)est déjà célèbre lorsque débarque le nouveau Vice-roi d’origine catalane, Don Manuel Amat y Junient. Antérieurement gouverneur du Chili, grand administrateur, réformateur et bâtisseur, il lance des missions d’explorations vers les îles du Pacifique. Il a cinquante-sept ans, elle, dix-huit. Il en tombe amoureux, en fait sa maîtresse, sa favorite, l’installe au palais, au grand dam de la noblesse espagnole et créole qui n’a pas, sur ce chapitre, la largeur de vues de l’aristocratie française habituée aux incartades officielles, pratiquement institutionnelles, de ses monarques.
Mieux, ou pire que cela, il fait de sa belle métisse le centre mondain de Lima, la laisse inspirer des constructions nouvelles dont une magnifique fontaine, reflétant la lune qu’elle lui a demandé de mettre à ses pieds et, scandale, va jusqu’à lui offrir un carrosse somptueux, prestigieux privilège exclusif de la noblesse, dans lequel elle se pavane dans la capitale, pour le grand bonheur du peuple de voir l’une des siennes ainsi intronisée, et le dépit et mépris des nobles qui honnissent l’intruse tout en étant forcés de la saluer bien bas, et de l’applaudir très haut au théâtre qu’elle n’a pas abandonné. La gifle qu’administre, en pleine scène à l’un de ses partenaires l’impulsive vedette, lui vaudra une disgrâce de deux ans. Mais les amants socialement inégaux mais égalisés par l’amour et le désir qui renversent toujours les classes sociales, renouent une liaison finalement heureuse de près de quatorze ans, malgré des hauts et des bas de ménage passionné. Le fruit en sera un fils auquel le Vice-roi donne même son propre nom.

 

 

 

« Perricholi », â€cho’ comme chocolat et non « cocolat »
Donc, Péri chole à prononcer comme « chochotte », comme devait bien dire Mérimée, savant hispanophile et ami intime de l’Impératrice espagnole Eugénie de Montijo, et non Péri cole, par une tradition linguistique erronée.
Micaela avait un nom : elle va gagner un surnom : « la Perricholi ». Dans l’intimitĂ©, le Vice-roi l’appelait tendrement « petit xol » (prononcĂ© « petichol »), â€petit bijou’ en catalan, ou, familièrement « pirri xol », â€ma petite mĂ©tisse’ ; il n’est pas exclu aussi que le Vice-roi, âgĂ© comme un père, les jours de colère contre les frasques de la tumultueuse enfant, dans les alternances après tout conjugales du cĹ“ur, l’ai appelĂ©e « perra chola » en castillan, â€chienne de mĂ©tisse’, sonnant « perri choli » avec son accent catalan et le sifflement probable de sa bouchĂ© Ă©dentĂ©e. Toujours est-il que l’opinion publique s’empara plaisamment du terme affectueux ou injurieux selon que l’on fĂ»t admirateur ou dĂ©tracteur de la belle devenue pour tous, en des sens opposĂ©s, « la Perricholi » de la lĂ©gende.

 

 

 

Histoire et légende
Actrice et favorite, ce n’est pas la légende mais l’histoire qui conte aussi sa générosité. Un jour, narguant la noblesse dans son célèbre carrosse, elle aperçut un modeste curé portant à pied le Saint-Sacrement pour l’administrer à un mourant. Ému et honteuse, telle déjà une Tosca pieuse, elle descendit du luxueux véhicule, s’agenouilla, et en fit cadeau au prêtre pour qu’il pût exercer confortablement son pieux ministère.
C’est de ce geste célèbre que Prosper Mérimée, à Grenade en 1830 chez les Montijo, tira sa comédie en un acte Le Carrosse du Saint-Sacrement, publiée pour la première fois dans la Revue de Paris en 1829, ajoutée en 1830 à la seconde édition du supposé Théâtre de Clara Gazuldont il est l’auteur caché, jouée sans succès en 1850. Mais, hors du Pérou et de l’Espagne, la Perricholi, avait déjà inspiréLa Périchole, vaudeville de Théulon et Deforges (1835) avant l’opéra-bouffe d’Offenbach et ses compères (1868). Puis, en 1893, vint la pièce en vers de Maurice Vaucaire, adaptateur de Puccini en français (au théâtre de l’Odéon de Paris), ensuite Le Carrosse du Saint-Sacrement, opéra en un acte, livret et musique d’Henri Büsser(1948) et, enfin, le célèbre film de Jean Renoir, Le Carrosse d’or(1953) avec Anna Magnani. Belle postérité pour notre belle, que l’on retrouve, naturellement chez le grand écrivain péruvien Ricardo Palma(1833-1919) qui recueille traditions, anecdotes et histoires du Pérou dans ses inépuisables Tradiciones peruanas.

 

 

 

RÉALISATION ET INTERPRÉTATION

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Un grand et clair rideau rectangulaire en quatre panneaux surmontés eux-mêmes de festonnants rideaux rouges, court le long du vaste plateau de la salle de l’Opéra Confluence, provisoire et grande salle dans l’attente des travaux de rénovation de l’Opéra historique du centre-ville. La douceur de sa teinte entre jaune et rose très pâle, doucement verdâtre, éclaire, auréole, pastellise les beaux costumes anciens du peuple, beige, marron clair, rose des femmes, même quelques ponchos à motifs géométriques péruviens, plus foncés, sous des chapeaux, tricornes noirs en cuir ou en paille claire. Une irisation délicate imprégnera de diaprures la moire de la robe de la Périchole grise, élevée ou rabaissée au rang de favorite, la soie des costumes de cour, plus sombres, roux, marrons, dorés mais éclairés des perruques à frimas, jouera harmonieusement avec le fond lie de vin.
Grand mur de l’acte I, sur cet Ă©cran se projettent insensiblement d’imposantes fenĂŞtres grillĂ©es de style colonial espagnol, de quelque palais, voisinant avec une simple fenĂŞtre Ă  persiennes avec du pauvre linge Ă©tendu au soleil, signe plus de coexistence parallèle que de mĂ©lange de classes sociales. Des arcades hispaniques s’étireront aussi figurant une place. Avec des affiches dĂ©lavĂ©es de spectacles, les murs parlent, en espagnol naturellement :vivats au Vice-roi prudemment et prĂ©cipitamment peints par ses thurifĂ©raires ministres en prĂ©vision d’une visite incognito de son Altesse courant le guilledou —contemporains des flatteurs et menteurs « villages Potemkine » idylliques montĂ©s Ă  l’intention de voyages de Catherine II de Russie visitant son peuple— fardant Ă  la va vite des graffitis le vitupĂ©rant et des protestations du peuple excĂ©dĂ© du pouvoir pourri : « Este paĂ­s es una pocilga », â€Ce pays est une porcherie’, ce qui prĂ©figure plaisamment, après la galerie du tableaux du palais, collection reproduisant comme Ă  l’infini possible d’Andy Warhol les portraits auto-satisfaits du Vice-roi vicelard, mutant en une sĂ©rie lardĂ©e de porcs (#balancetonporc ?) libidineux.
Pendant l’ouverture, une invisible trappe sur le mur ouverte, laissera passer un personnage couleur muraille, le Prisonnier, retrouvé à la fin. Au tableau final, techniciens et choristes, en tenue de travail d’aujourd’hui, jeans et tee-shirts, se mêleront aux costumes anciens sur fond surplombé de ville moderne qu’on imagine Lima, avec, un fond estompé de brouillard jaune qu’on dirait de toxique pollution. On n’en sait trop le sens, allusion à l’actualité sociale qui agite les pays andins ? Sans exclure cette hypothèse, on se risquera aussi à dire, que sous le rire de l’opérette se cache la réalité moins riante du monde exploité du travail et des artistes, pour ne pas mourir de faim réduits à la quête, à faire la roue devant la rouerie des conquérants, des puissants, des possédants : hier et aujourd’hui.
Et c’est bien ce qu’exprime l’héroïne dans sa lettre tendre et cruelle, contrainte d’abandonner celui qu’elle aime pour la perspective, d’abord, d’un simple repas : peut-on être bien tendre quand on n’a même pas un morceau de pain dur à manger ? Cette amertume est sensible dans la voix grave, caressante, de Marie Karall, dure et digne dans cette lettre, inspirée de celle de Manon à Des Grieux. Grande, distinguée, elle campe une Périchole de belle allure, racée mais plus aristocratique que plébéienne chanteuse des rues, même avec son tricorne et sa robe d’Arlequine rappelant celle de la Magnani dans le film de Jean Renoir, Le Carrosse d’Or. Sa voix lyrique est belle, large, souple, aisée, d’un sombre velours très raffiné mais, sans doute pour ne pas fatiguer son timbre chanté, elle parle trop dans le masque, ce qui donne un ton un tantinet sophistiqué à cette femme du peuple. Certes singulière, que son intelligence élève au-dessus de la bêtise des hommes, du Vice-roi vaincu par sa subtilité et de son amant Piquillo qu’elle adore sans se leurrer sur son manque de qualités qu’elle lui énonce avec une cruelle indulgence amoureuse :
« Tu n’es pas beau, tu n’es pas riche,
Tu manques tout à fait d’esprit ;
Tes gestes sont ceux d’un godiche,
D’un saltimbanque dont on rit.
Et pourtant… »

 

 

 

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Ce dernier, voix facile, ample, chaleureuse, est le sympathique Pierre Derhet, ténor belge jouant gentiment un jeune ingénu, un grand dadais dédaignant les grandeurs que pouvaient lui procurer le statut très, envié par les courtisans, de mari complaisant, consentant à son infortune conjugale pour assurer sa fortune matérielle et sociale. Son ingénuité contraste avec la duplicité perverse du chœur des courtisans entonnant a cappella le quatrain parodiant le second acte deLa Favoritede Donizetti :

Quel marché de bassesse !
C’est trop fort, sur ma foi,
D’Ă©pouser la maĂ®tresse,
La maîtresse du roi !

Mais en réalité, on voit le Marquis de Tarapote défaillir car il comptait placer sa nièce Manuelita comme favorite, népotisme institutionnel, alors que le Vice-roi a choisi une saltimbanque. Et Piquillo, marié de force et forcé de laisser sa femme au maître, contrairement aux « maris qui courbaient la tête », se lamente sur les infortunes de l’honnêteté, exprimant sa dignité à laquelle Derhet confère la noblesse de la simplicité :
On me proposait d’ĂŞtre infâme,
Je fus honnĂŞte… et me voilĂ  !

Et le jeune ténor, par la grâce de ses nuances sensibles, de ses demi-teintes délicates, arrache le refrain, aux allusions vaudevillesques égrillardes pour lui donner une vraie détresse humaine :
Ma femme, avec tout ça, ma femme,
Qu’est-ce qu’elle peut fair’ pendant c’temps-lĂ  ?
On est dans les clichés de la triviale tradition culturelle du cul(te) de la femme, vantée et vilipendée,
Les femmes, il n’y a que ça !
Tant que la terre tournera,
tournant la tête des hommes, et en bourrique. Mais à la différence de la Belle Hélène fixée dès la mythologie en adultère, de l’Eurydice délurée et détournée d’Orphée aux Enfers, la Périchole n’est ni facile ni infidèle, mettant toute sa finesse à sauver son amour Piquillo, moins rusé mais d’une droiture égale, un couple pauvre mais digne. Ce sont des personnages de demi-caractère dans un opéra-bouffe où le côté loufoque est dévolu au Vice-roi et, dans ce rôle, le charisme comique de Philippe Ermelier fait merveille. Déguisé, voyant incognito, en docteur à grande fraise blanche sur robe noire, à la fin en joli geôlier tintinnabulant ses clés, se pavanant et paradant en coq dans sa haute cour de volatiles emplumés, il est irrésistible de rage vengeresse en envoyant Piquillo
Dans le cachot qu’on rĂ©serve
Aux maris ré-
Aux maris cal-
Aux maris ci-
Aux maris trants,
Aux maris récalcitrants !
On retrouve sa grande voix de baryton entre autres parodies d’opéras italiens et leurs répétitives paroles (« Felicità, felicità » des deux amants) dans son air puissant :

La jalousie et la souffrance

Déchirent mon cœur tour à tour ;

J’ai la fortune et la puissance,

Tout cela ne vaut pas l’amour.

Il est irrésistible. Ses assidus et asservis acolytes, le gouverneur de Lima et le Premier gentilhomme de la chambre, forment un couple hilarant par la taille et voix, le grand escogriffe prolongé de perruque Ugo Rabec, poil et voix sombres et le blondinet et petit Don Miguel de Panatellas Enguerrand de Hys,ténor passant presque à castrat par la poigne émasculatrice du violent et vicieux Vice-roi. Grand Chambellan chamboulé par la favorite, Alain Iltis est un drôlatique Marquis de Tarapote et un drôle d’oncle donneur de leçons d’étiquette et de morale, mais félicitant sa nièce Manuelita de sa générosité à être candidate à évincer la Périchole quand le Vice-roi s’en lassera. Et on croit dans les chances de cette dernière quand elle a le port élégant et la voix plus pure que ses intentions de Ludivine Gombert. Avec une paire de rôles, elle est aussi du trio des cousines en Guadalena, joliment étagées en taille et jolies voix, Roxane Chalard (Berginela / Banililla), Christine Craipeau (Mastrilla/ dame d’honneur, Frasquinella), Marie Simoneau jouant Ninetta, une honorable dame d’honneur.
Vieux Prisonnier digne de l’Abbé Faria de Monte-Cristo, Jean-Claude Calon, est inénarrable son basson et couteau à la main, l’espoir de liberté chevillé au corps délabré. Autre couple : Olivier Montmory
 et Pierre-Antoine Chaumien sont deux notables notaires tandis qu’il suffit de deux couplets à Xavier Seince et son refrain à clés, pour mettre la salle dans sa poche sinon dans sa geôle. Tous les autres comparses (Saeid Alkhouri, Pascal Canitrot, Julien Desplantes, Thibault Jullien) sont bien en place dans cette minutieuse production.
On admire d’autant plus les chanteurs que l’atmosphère sèche de cette salle en bois chauffĂ©e dessèche dangereusement nos gorges et sĂ»rement leurs prĂ©cieuses cordes vocales.
Les brefs passages dansés (Éric Bélaud) sont bien venus. On admire les chœurs, traités aussi avec délicatesse, du chuchotis à la chantante liesse par Aurore Marchand. L’Orchestre Régional Avignon-Provence est conduit avec une alacrité électrique par Samuel Jean et un sens des nuances que l’on salue, en harmonie parfaite avec la finesse et de la partition et de cette production à l’élégance joyeuse.
Invité à partager les derniers couplets avec la troupe, le public s’en donne à c(h)œur joie, entonnant :
« Il grandira, il grandira car il est espagnol… »
 

 

 

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OFFENBACH : La Périchole
Livret d’Henri Mailhac et Ludovic Halévy,
d’après Le Carrosse du Saint-Sacrement de Prosper MĂ©rimĂ©e,
musique de Jacques Offenbach
Avignon, le 10 novembre 2019.
Nouvelle production de l’Opéra Grand Avignon
Opéra Confluence

Direction musicale : Samuel Jean
 / Études musicales : Hélène Blanic
 / Mise en scène, décors, costumes et lumières : Éric Chevalier / Chorégraphie: Éric Belaud / 
Costumes : Opéra Grand Avignon
La Périchole :Marie Karall

Guadaléna / Manuelita : Ludivine Gombert ;
Berginela / Banililla : Roxane Chalard ;
Mastrilla / Frasquinella : Christine Craipeau ;
Ninetta : Marie Simoneau
Piquillo :Pierre Derhet
Le vice-roi
Don Andrès de Ribeira : Philippe Ermelier
Don Miguel de Panatellas : Enguerrand de Hys

Don Pedro de Hinoyosa : Ugo Rabec

Le Marquis de Tarapote : Alain Iltis

Le vieux Prisonnier : Jean-Claude Calon

Le premier notaire : Olivier Montmory

Le deuxième notaire : Pierre-Antoine Chaumien

Le geôlier : Xavier Seince

Un gros buveur : Saeid Alkhouri

Un maigre buveur : Pascal Canitrot

Un courtisan : Julien Desplantes

L’huissier : Thibault Jullien

Chœur de l’Opéra Grand Avignon 
(Direction : Aurore Marchand)
Ballet de l’Opéra Grand Avignon / Direction Éric : Belaud
Orchestre Régional Avignon-Provence

 

 

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Photos :Cédric Delestrade/ACM-Studio

En costume d’Arlequine, Périchole grisée (Karall) ;
“Tu n’es pas beau, tu n’es pas riche… »
Tableau général

 

 
 

 

COMPTE-RENDU, opéra. NICE, le 2 nov 2019. OFFENBACH : La Vie parisienne. Serge Menguette / Bruno Membrey.

COMPTE-RENDU, OpĂ©ra. NICE, Théâtre de l’OpĂ©ra, le 2 novembre 2019. Jacques Offenbach : La Vie parisienne. Serge Menguette / Bruno Membrey. Pour sa 18ème Ă©dition, le Festival d’opĂ©rette de la Ville de Nice – toujours pilotĂ© par l’inĂ©narrable et infatigable Melcha Coder –  a optĂ© pour une comĂ©die musicale (La Cage aux folles) en hors d’œuvre et, en dessert, La Vie parisienne de Jacques Offenbach (en cette annĂ©e de bicentenaire de sa naissance). L’on y retrouve les deux mĂŞmes maĂ®tres d’œuvres pour servir les deux ouvrages : Serge Manguette pour la mise en scène et Bruno Membrey pour la direction musicale. Le premier a fait avec les moyens du bord et, en rĂ©cupĂ©rant des costumes de la compagnie d’opĂ©rette Elena d’Angelo  et des Ă©lĂ©ments de dĂ©cors dans la caverne d’Ali-Baba de l’OpĂ©ra de Nice (qui accueille le spectacle), il a rĂ©ussi avec trois bouts de ficelles Ă  monter un spectacle efficace qui tient toujours la route, l’humour Ă©tant ici le mot d’ordre. Certains dialogues ont Ă©tĂ© réécrits, comme le veut la tradition, pour faire rĂ©fĂ©rence Ă  notre actualitĂ© (Macron et les Gilets jaunes etc.), et le Baron Gondremarck – s’il garde bien sa nationalitĂ© suĂ©doise – s’exprime ici avec un accent suisse Ă  couper au couteau !

 

 

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Bref, la soirée reste à chaque instant divertissante et rondement menée, avec des interprètes qui savent donner vie à leurs personnages. Malgré l’âge, le vétéran Michel Vaissière reste un Bobinet alerte, servi par la limpidité d’une émission et une diction parfaite. Voix bien projetée, et accents délicats, Frédéric Diquero séduit en Gardefeu attendrissant parfois, roué ce qu’il faut. Comédien-né, Jean-François Vinciguerra campe un impayable Baron de Gondremarck, tandis que Cécile Lo Bianco est une belle découverte tant l’ampleur des moyens fait forte impression. Aussi hautaine au I qu’enjôleuse eu II, Laeticia Goepfert donne à Métella une épaisseur rare. De son côté, la talentueuse Amélie Robins campe une Gabrielle de haute tenue, tant pour son chant – où les aigus ravissent – que pour son allant scénique. Assumant à la fois le Brésilien et Frick, Gilles San Juan fait un sort à chacun de ses airs, dont un hilarant « Je suis le major ! ». Enfin, Julie Moragne offre une Pauline tout en grâce et légèreté, et Richard Rittelmann un sémillant Prosper. Mais il faut nommer aussi l’excellente équipe de danseurs et danseuses du Ballet Arte Danza University, qui se dépense sans compter pour assurer le show dans les nombreuses parties chorégraphiées (assurées également par Serge Manguette).

A la tête de l’Orchestre Philharmonique de Nice et du Chœur de l’Opéra de Nice, Bruno Membrey se montre particulièrement attentif au plateau, avec une battue qui laisse à la phalange méditerranéenne, sa liberté. La réussite de cette Vie parisienne est aussi là, dans cette lecture débridée et joyeuse !

 
 

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Compte-rendu, Opéra. Nice, Théâtre de l’Opéra, le 2 novembre 2019. Jacques Offenbach : La Vie parisienne. Serge Menguette / Bruno Membrey. Illustration : DR Opéra de Nice.

 
 

LIVRE événement. OFFENBACH mode d’emploi (Avant Scène OPERA, oct 2019)

offenbach-mode-d-emploi critique annonce livre classiquenewsLIVRE Ă©vĂ©nement. OFFENBACH mode d’emploi (Avant Scène OPERA). Pour le bicentenaire de sa naissance, l’éditeur Avant Scène opĂ©ra lui consacre un numĂ©ro spĂ©cial de sa collection MODE D’EMPLOI et montre combien l’amuseur du second empire, Jacques Offenbach (1819 – 1880) est inclassable : allemand devenu l’un des plus cĂ©lèbres reprĂ©sentants de l’« esprit français », violoncelliste virtuose muĂ© en compositeur de musique lĂ©gère, Offenbach règne dans la capitale des spectacles et des plaisirs en roi de l’opĂ©ra-bouffe parisien (OrphĂ©e aux enfers, La Belle HĂ©lène, La Vie parisienne, c’est lui !) ; sans omettre son chef-d’œuvre posthume : l’« opĂ©ra fantastique », Les Contes d’Hoffmann.
OFFENBACH se dévoile ainsi de comédies en opérettes; sa joie de vivre qui fait vertiges ; il aura marqué le genre opérette dont il est le créateur avec le récemment redécouvert Hervé. L’auteur souligne quelques caractères distinctifs d’un génie de la scène au second empire : sa dérision permanente, sa délicatesse en embuscade ; son intelligence à communiquer, son pragmatisme, entre espièglerie et sagesse… En réalité, comme Rossini ou Mozart, le théâtre musical et lyrique d’Offenbach offre un galerie de portraits finement caractérisés, une « comédie humaine en musique ».

offenbach-jacques-concerts-opera-presentation-par-classiquenews-Jacques_Offenbach_by_NadarCe Mode d’emploi s’offre comme un guide permettant de découvrir l’univers d’Offenbach au travers de chapitres clairs, abondamment illustrés. 30 ouvrages sont ainsi présentés et analysés ; Ses grands interprètes sont évoquées, d’Hortense Schneider à … l’Olympia déjantée de Natalie Dessay (Bastille en 2000 qui fait le visuel de couverture de l’ouvrage) ; et quelques productions majeures sont commentés. Le tour d’horizon agit comme un « vade-mecum » destiné à tous les mélomanes… Incontournable.

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CLIC D'OR macaron 200LIVRE Ă©vĂ©nement. OFFENBACH mode d’emploi (Avant Scène OPERA) – Date de parution : 10/2019 – ISBN : 978-2-84385-493-4 – 224 pages.
https://www.asopera.fr/fr/modes-d-emploi/3692-offenbach-mode-d-emploi.html

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SOMMAIRE

Avant-propos

I. Points de repères

1. Offenbach dans l’histoire de la musique
2. Jacques Offenbach : une vie (1819-1880)
3. Un homme en son temps

II. Études

1. Une nouvelle venue : l’opérette
2. Une comédie humaine en musique
3. Un artiste en quĂŞte de reconnaissance

III. Regards : 30 œuvres incontournables

Les Deux Aveugles
Robinson Crusoé
Ba-Ta-Clan
L’Île de Tulipatan
Le Mariage aux lanternes
La Périchole
Mesdames de la Halle
La Princesse de Trébizonde
Orphée aux Enfers
Les Brigands
Geneviève de Brabant
Le Roi Carotte
La Chanson de Fortunio
Fantasio
Le Pont des soupirs
Pomme d’Api
M. Choufleuri restera chez lui le…
Madame l’Archiduc
Les Bavards
Le Voyage dans la Lune
Les Fées du Rhin
Le Docteur Ox
La Belle Hélène
Maître Péronilla
Barbe-Bleue
Madame Favart
La Vie parisienne
La Fille du tambour-major
La Grande-Duchesse de Gérolstein
Les Contes d’Hoffmann

IV. Écouter et voir

1. Chanter Offenbach / 20 grandes voix
2. Diriger Offenbach / 10 grands chefs
3. Mettre en scène Offenbach / 10 grandes productions

V. Repères pratiques
Discographie
Vidéographie
Bibliographie

Chronologie des œuvres lyriques
Table des extraits audio
Index des noms
Index des titres

POITIERS. OpĂ©rettes d’OFFENBACH au TAP

offenbach-concert-melanis-boisvert-operas-poitiers-TAP-582POITIERS, TAP. le 10 octobre 2019. OFFENBACH, le Strauss français et le petit Mozart des Champs Elysées… Quel regard portez vous sur Jacques Offenbach, l’amuseur du Second Empire, capable de mélodies envoûtantes et de facéties très insolentes ? Né en Allemagne (à Cologne), Jacques Offenbach respire et rêve d’abord auvioloncelle dont il est virtuose (cf ses duos pour deux violoncelles, aussi méconnus que divins) ; mais très vite, ce génie de l’opéra, excelle et brille dans le genre opéra comique et opérette dont il devient le chantre de son siècle.

Délices d’Offenbach
Un âge d’or de l’opérette romantique en France

Il est né à Cologne cinq ans après le roi de la valse (Johann Strauss, son contemporain et ami), mais devient français d’adoption dès son entrée au Conservatoire. Après la guerre de 1870, le sentiment antiallemand ne l’épargnant pas, Offenbach perdra de sa superbe dans l’Hexagone. Popularité revivifiée pourtant de nos jours, tant ses opérettes, d’Orphée aux enfers (son plus grand succès) à La Belle Hélène ou à La Périchole… ont séduit et continuent d’enivrer les spectateurs en France et en Allemagne. Soutien du chant flexible et virtuose de la soprano Mélanie Boisvert, l’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine, offrent un feu d’artifice de ses airs et ensembles célébrissimes, mais aussi de savoureuses raretés exhumées à l’occasion de son 200ème anniversaire.

Laurent Campellone, direction
Mélanie Boisvert, soprano colorature
Luca Lombardo, ténor
Delphine Haidan, mezzo-soprano
Olivier Grand, baryton

Jacques Offenbach
Extraits des opérettes : La Grande Duchesse de Gérolstein, Les Contes d’Hoffmann, Pepito, Lischen et Fritzschen, Pomme d’Api, La Gaîté parisienne, La Périchole, Tromb-Al-Ca-Zar, Les Brigands, Orphée aux enfers

boutonreservationJeudi 10 octobre 2019
POITIERS, TAP, 20h30
RESERVEZ VOTRE PLACE
https://www.tap-poitiers.com/spectacle/offenbach/

Durée : 1h30 avec entracte

LA BELLE HELENE (Paris, 1864) / Jacques Offenbach : vaudeville sublimé

offenbach jacques portrait opera operette 1704981-vive-offenbachLA BELLE HELENE (Paris, 1864) / Jacques Offenbach : vaudeville sublimé. Davantage encore qu’Orphée aux enfers (18580 véritable triomphe qui assoit sa célébrité et son génie sur les boulevards parisiens, La Belle Hélène est plus encore symptomatique de la société insouciante, flamboyante, un rien décadente du Second Empire : créé au Théâtre des Variétés le 17 déc 1864, l’ouvrage sous couvert d’action mythologique, est une sévère et délirante critique de la société d’alors, celle des politiques corrompus (ici le devin Calchas vénal), des cocottes alanguies, des sbires insouciants, irresponsables et doucereux (Oreste, Agamemnon)… l’humour voisine souvent avec le surréalisme et le fantasque, mais toujours Offenbach sait cultiver un minimum d’élégance qui fait basculer le fil dramatique dans l’onirisme et une certaine poésie de l’absurde ; même ses profils, pour caricaturaux qu’ils sont, ont une certaine profondeur : le berger Pâris rencontre l’épouse du roi de Sparte, Ménélas : Hélène ; les deux sont foudroyés par l’amour et fuient à Troie : l’Iliade a commencé et la guerre des grecs contre les troyens est déclenchée. Les deux rôles tendres de Paris et d’Hélène ont été abondamment incarnés par de grands chanteurs d’opéra. Sur les traces d’Hortense Schneider, diva adulée (et plus) par Offenbach, Jessye Norman a chanté le rôte-titre, révélant sous la charge comique et parodique, une grâce et un raffinement délectables. Parmi les personnages hauts en couleurs, citons Achille en héros niais, Agamemnon (roi de Mycènes et frère de Ménélas), goujat bien épais, d’une conformité ennuyeuse ; Ménélas, petit bourgeois étriqué, très lâche, d’une niaiserie phénoménale ; Oreste en prince dispendieux et futile… La vacuité et l’arrogance sont à tous les étages…idéalement manipulée par le couple de complices inattendus : Jupiter et Pâris. En somme une critique de la société parisienne, toujours aussi respectable aujourd’hui. La verve du geste critique, l’élégance et la séduction des mélodies (d’une rare sensualité…nostalgique), la place du choeur, souvent mordant, sagace, l’esprit d’Offenbach pour l’action millimétrée (il n’a jamais lésiné sur le temps des répétitions de son vivant pour régler la réalisation en détail) font ce chef d’oeuvre qui unit exceptionnellement satire et poésie, profondeur et délire cocasse, tendresse et absurde. Subtile comme peu, le compositeur renouvelle le vaudeville, transplante en milieu lyrique, sa séduction linguistique, sa conversation fluide dans le chant revivifé. Cultivé, Offenbach sait son affaire : Rossini, Gluck et même Wagner (qu’il connaît totalement dont Tannhaüser) sont tous épinglés, parodiés méticuleusement : l’hymne à la nuit de Pâris et Hélène plonge dans les eaux extatiques et nocturnes de Tristan und Isolde (quasi contemporain : 1865). Les flons flons et la mécanique comique souvent mis en lumière chez lui, sont les moindres effets d’un Offenbach particulièrement expert. L’opéra bouffe français gagne ses lettres de noblesse avec l’écriture d’un Offenbach, fin connaisseur, maître des genres.

LIRE aussi notre dossier L’ILIADE Ă  l’opĂ©ra : Monteverdi, Berlioz, Gluck, …

Les Contes d’Hoffmann (bicentenaire Offenbach 2019)

Bicentenaire OFFENBACH 2019FRANCE MUSIQUE, sam 17 août 2019. OFFENBACH : Les Contes d’Hoffmann. BARCAROLLE FEERIQUE AMOUREUSE… « Belle nuit, ô nuit d’amour, souris à nos ivresses. Nuit plus douce que le jour, ô belle nuit d’amour » En 1864, pour son opéra Les Fées du Rhin, Offenbach avait composé une mélodie qu’il utilisera de nouveau pour ouvrir le troisième acte des Contes d’Hoffmann, dans une célébrissime barcarolle interprétée par Nicklausse et Giulietta. Le personnage principal poursuit le récit de ses aventures sentimentales et fantastiques ; il nous entraîne à Venise pour cet acte final, mais aussi sur les pas de la mystérieuse Antonia, dans le bouleversant deuxième acte où cette jeune chanteuse frappée d’un terrible mal, meurt épuisée de ses propres vocalises. Le chant la consume. Elle sera incarnée en 1951 par Anne Ayars dans l’adaptation cinématographique de Michael Powell et Emeric Pressburger.

France Musique, samedi 17 août 2019, 13h. Offenbach, un frétillant bicentenaire
/ François-Xavier Szymczak / Episode 7 – Les Contes d’Hoffmann (Actes II, III et épilogue)

 

 

 

Approfondir

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Jacques Offenbach (1819-1880)
D’origine allemande, Jacques Offenbach est d’abord un violoncelliste virtuose qui a laissé des pièces remarquables pour l’instrument dont plusieurs duos particulièrement inspirés… Comme chef d’orchestre, il dirige ses propres œuvres et devient le maître incontesté de l’opéra-bouffe français. Avec Hervé, Offenbach fixe les règles et la forme du genre, à la fois délirant et poétique, dans son propre théâtre sur les Champs-Elysées, le Théâtre des Bouffes-Parisiens. Au mérite de son inspiration miraculeuse, se distinguent de nombreux chef d’œuvres tels Orphée aux Enfers (1858), La Belle Hélène (1864), La Vie parisienne (1866), La Grande Duchesse de Gérolstein (1867), La Périchole (1868), Les Brigands (1869), La Fille du tambour-major (1879) et donc Les Contes d’Hoffmann (1881). Avec ses complices librettistes Henri Meilhac et Ludovic Halévy, Offenbach a édifié une œuvre spécifique, emblématique de la société du Second Empire dont il tend un miroir critique, épinglant sa fantaisie comme son esprit de décadence. L’imagination et la liberté du geste m^me s’ils sont critiques, renouvellent aussi le genre comique.

GENESE… Les Contes fantastiques d’Ernst Theodor Amadeus Hoffmann sont traduits dès 1850. Presque qu’immédiatement (1851), Jules Barbier et Michel Carré adaptent le texte pour la scène sous le titre : « Les Contes d’Hoffmann » qui regroupe trois contes : L’Homme au sable (Acte I), Le Reflet perdu (Acte II), Le Violon de Crèmone (Acte III) et s’inspirant de sa propre vie, ils font de l’auteur, Hoffmann, un personnage central (celui qui raconte au début ses avatars amoureux.)… Offenbach voit la pièce à l’Odéon en 1851. 25 années passent et il demande en 1876, à Barbier (Carré étant mort) l’autorisation d’exploiter le texte de la pièce.
La matière dramatique et son fort potentiel expressif, permettent à Offenbach de réaliser son grand œuvre et dernier opéra, au carrefour des genres, entre grand opéra (comprenant chœur et orchestration riche et raffinée), comédie, opéra bouffe et opéra comique (c’est à dire avec dialogues parlés), surtout fantastique féerique (comme l’était d’ailleurs son premier grand opéra Les Fées du Rhin, créé en Autriche).

VERSIONS… Offenbach a commencé la composition des Contes d’Hoffmann en 1877 ; il s’agit d’abord dans sa première version d’un opéra-comique (avec dialogues parlés) ; avisé, Offenbach compose aussi des récitatifs chantés afin que l’ouvrage puisse être produit dans toutes les maisons d’opéra. Il présente ensuite en 1879, une version réduite pour Léon Carvalho, directeur de l’Opéra-Comique de Paris, et à Franz von Jauner directeur du Ringtheater de Vienne. Car Offenbach ambitionne la double création de son sommet lyrique. Les répétitions commencent quand Offenbach meurt à Paris en octobre 1880 … la partition n’étant pas totalement terminée. Pour assurer la création, Ernest Guiraud accepte de l’achever et de l’orchestrer.

CRÉATION… Les Contes d’Hoffmann sont créés le 10 février 1881 salle Favart à l’Opéra-Comique : c’est un succès. L’acte III (Giuletta), « trop long » pour Carvalho, est coupé. Ce n’est qu’à la création viennoise le 7 décembre 1881 qu’est jouée la partition intégrale. Vienne porte en triomphe l’ultime opéra d’Offenbach.

COMPTE-RENDU, opéra. MONTPELLIER, le 12 juillet 2019. OFFENBACH : POMME D’API,Carpentier,Droy, J-C Keck.

offenbach-jacques-concerts-opera-presentation-par-classiquenews-Jacques_Offenbach_by_NadarCOMPTE-RENDU, opérette, MONTPELLIER, Festival Radio-France Occitanie Montpellier, Opéra-Comédie, le 12 juillet 2019. Hélène Carpentier, Lionel Peintre, Sébastien Droy, Anne Pagès, Jean-Christophe Keck. Outre les circonstances dramatiques que rappelait le titre, on se souvient encore du Ba-Ta-Clan joyeux que nous offraient Jean-Christophe Keck et ses complices, ici même, en juillet 2016. Ils récidivent à la faveur de l’année Offenbach, avec Pomme d’Api, savoureuse opérette où la fantaisie et la tendresse font bon ménage, pour un dénouement heureux. En 1873, les temps sont révolus de la satire sociale et politique, pour une comédie bourgeoise, drôle, romanesque et sentimentale. Marginale ? Peut-être par sa faible diffusion, certes, mais essentielle parmi les œuvres en un acte d’Offenbach dont elle constitue un sommet, cette opérette – opéra-bouffe à la française, avec le triangle amoureux – est ravissante d’invention, de drôlerie comme de tendresse.

 

 

L’homme à la pomme…d’Api

 

 
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Symbole de la tentation, le surnom de Pomm’ d’Api pouvait-il mieux convenir à la jeune et jolie Catherine, dont Gustave a dû se séparer, à son vif regret, sous la pression de son oncle, rentier et bon vivant ? Le neveu tentera de la reconquérir, mais elle feindra de répondre aux avances du barbon, qui, touché enfin par la sincérité de leur amour, consentira à leur mariage.

Le programme signale, justement, que seuls Mozart, Rossini et Offenbach supportent aisément la réduction au piano, par la grâce de l’invention rythmique renouvelée, comme de l’intérêt mélodique. Anne Pagès, au clavier, le confirme pleinement : l’humour, la vivacité, mais aussi les épanchements lyriques sont parfaitement illustrés.

Jean-Christophe Keck, homme-orchestre de cette réalisation sera tour à tour présentateur, chef, et récitant, nous donnant les indications scéniques qui accompagnent la partition. L’engagement et les qualités des comédiens, des chanteurs nous font oublier que c’est une version de concert qui nous est offerte. Au premier chef, l’inénarrable Rabastens, ici campé par Lionel Peintre, excellent baryton à l’émission sonore, parfaitement articulée, et bien timbrée dans tous les registres. Son neveu, Gustave est chanté par Sébastien Droy, solide ténor, sensible et ardent. Hélène Carpentier est Catherine, alias Pomme d’Api. Cette jeune et prometteuse soprano, voix ample et libre, fait preuve de qualités dramatiques qui nous ravissent également. Donc un trio équilibré, complice, qui nous fait partager son entrain comme ses passions. Chacun des huit numéros mériterait un commentaire, tant leur qualité est égale. Contentons-nous de signaler l’excellence du trio des côtelettes, parodique à souhait, sur un texte insensé, et le duo où Gustave et Pomme d’Api évoquent leurs amours passées, d’une incontestable émotion.
Vive Offenbach ! Que nos scènes lyriques cessent enfin de mépriser, pour beaucoup d’entre elles, ses petits chefs-d’œuvre d’humour, pour le plus grand bonheur du public !

 

 

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COMPTE-RENDU, opérette, MONTPELLIER, Festival Radio-France Occitanie Montpellier, Opéra-Comédie, le 12 juillet 2019. Hélène Carpentier, Lionel Peintre, Sébastien Droy, Anne Pagès, Jean-Christophe Keck. Illustrations : © Victor Garcia

 

  

 

COMPTE-RENDU, critique, opéra. LYON, le 24 juin 2019. OFFENBACH : Barbe-Bleue. Orchestre et chœur de l’opéra de Lyon, Michele Spotti

offenbach-jacques-concerts-opera-presentation-par-classiquenews-Jacques_Offenbach_by_NadarCOMPTE-RENDU, critique, opéra. LYON, le 24 juin 2019. OFFENBACH : Barbe-Bleue. Orchestre et chœur de l’opéra de Lyon, Michele Spotti. La collaboration entre Laurent Pelly et Offenbach est désormais une valeur sûre. Cette production qui clôt la saison lyonnaise, s’inscrit avec bonheur dans le sillon qui a vu les succès de la Belle Hélène ou d’Orphée aux enfers et de huit autres merveilles du « Petit Mozart des Champs-Elysées ». Tout est marqué du sceau de l’excellence, de la distribution, aux décors, au jeu d’acteurs, et à la musique virevoltante, qui nous permet de découvrir une partition trop rarement donnée.

 

 

 

BARBE-BLEUE désopoilant !

 

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Illustration : © Stofleth / Opéra de Lyon 2019

 

 

La scénographie est d’abord un régal pour les yeux. Malgré une transposition moderne sans outrance, avec des clins d’œil à la presse à scandale et aux émissions de télé-réalité, l’esprit parodique est parfaitement conservé, qui joue sur l’opposition entre une certaine ruralité (la chaumière, le tracteur et le foin, la vie paysanne en général, superbement restituée) et les ors des palais du pouvoir (le faste des festivités du dernier acte, avec un couple royal irrésistible de drôlerie). Le décalage caustique est constamment présent, et pour une fois, les dialogues ont été à peine raccourcis et très peu réécrits. Le conte horrifique de Perrault sert ici de toile de fond pour une lecture d’une drôlerie constante, magnifiée par un rythme endiablé, tant musical que scénique.

Tout y est, du couple de jeunes premiers (le prince Saphir et Fleurette, fille du roi, qui se comptent… fleurette), la jeune paysanne nymphomane, Boulotte, comparée à une « Rubens », qui tapera dans l’œil de Barbe-Bleue et l’emmènera dans sa jaguar noire, avant qu’il ne tombe sous le charme de Fleurette et ne prépare, avec l’aide de son fidèle alchimiste Popolani, un plan diabolique, dans le sous-sol macabre de son château, pour supprimer Boulotte. Mais ce sera sans compter sur les cinq femmes de Barbe-Bleue qui n’étaient qu’endormies et qui interviendront, déguisées en bohémiennes, lors d’un bal mémorable au Palais royal.

Malgré une forme en demi-teintes, Yann Beuron est magistral dans le rôle-titre, au look de Kim le coréen, nuque rasée, blouson en cuir et barbe bleutée. Sa présence scénique, qu’on avait pu déjà observer avec bonheur la saison dernière dans le Roi Carotte, fait toujours merveille. Et s’il peine parfois dans le registre aigu, sa prestation compense toutes les faiblesses dues à son état.
Carl Ghazarossian est un prince Saphir idéal, dont le timbre, bien projeté, a des accents parfois stridents qui lui confèrent un côté niais non dénué de charme ; la Fleurette au timbre fruité de Jennifer Courcier lui donne habilement la réplique. Dans le rôle exigeant de Boulotte, la mezzo très en verve d’Héloïse Mas émerveille par la puissance de son timbre et son jeu de scène sans temps mort ; dès son air d’entrée (« Y’ a des bergèr’s dans le village ») elle donne parfaitement le ton. Le Popolani de Christophe Gay mérite également tous les éloges, et dans la voix, comme dans son jeu, on devine la duplicité de ce serviteur de l’ogre, grâce à qui les femmes de Barbe-Bleue auront la vie sauve. Le couple royal est superbement agencé, le Roi Bobèche a les traits goguenards et ridicules de Christophe Mortagne, couronne de travers et démarche dégingandée, voix flûtée délicieusement surannée, qui trouve en Aline Martin une Reine Clémentine non moins irrésistible, dont l’apparent maintien altier ne trompe personne et fait en revanche rire toute l’assistance. Dans les rôles plus marginaux du comte Oscar et d’Alvarez, Thibault de Damas et Dominique Beneforti tirent parfaitement leur épingle du jeu, de même que les cinq femmes de Barbe-Bleue (superbe apparition dans leur couche lors du dernier tableau du IIe acte).
Il faut enfin rendre hommage à la direction à la fois précise et souple du jeune chef italien Michele Spotti, qui met magnifiquement en valeur les subtilités de la musique d’Offenbach (superbes préludes du 2e acte, avec ses miaulements caractéristiques, ainsi que du 3e acte avec ses leitmotive entêtants). Les forces et les chœurs de l’Opéra de Lyon sont une fois de plus excellents ; on ne pouvait décidément faire un meilleur choix pour fêter le bicentenaire du compositeur.

 

 

 

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COMPTE-RENDU, critique, opéra. LYON, Opéra de Lyon, le 24 juin 2019. OFFENBACH : Barbe-Bleue. Yann Beuron (Barbe-Bleue), Carl Ghazarossian (Prince Saphir), Jennifer Courcier (Fleurette), Héloïse Mas (Boulotte), Christophe Gay (Popolani), Thibault de Damas (Comte Oscar), Christophe Mortagne (Roi Bobèche), Aline Martin (Reine Clémentine), Dominique Beneforti (Alvarez), Sharona Aplebaum  (Héloïse), Marie-Eve Gouin (Eléonore), Alexandra Guérinot (Isaure), Pascale Obrecht (Rosalinde), Sabine Hwang-chorier (Blanche), Laurent Pelly (Mise en scène et costumes), Agathe Mélinand (Adaptation des dialogues), Chantal Thomas (Décors), Joël Adam (Lumières), Jean-Jacques Delmotte (Collaboration aux costumes), Christian Räth (Collaboration à la mise en scène), Karine Locatelli (Cheffe des chœurs), Orchestre et chœur de l’Opéra de Lyon, Michele Spotti (direction).

 

 

 

SOUSTONS, du 14 – 24 juillet 2019. La Belle HĂ©lène d’Offenbach par l’OpĂ©ra de Landes

Landes-opera-critique-opera-offenbach-belle-helene-olivier-tousis-philippe-forget-opera-critique-annonce-soustons-offenbach-2019SOUSTONS, du 14 – 24 juillet 2019. L’OpĂ©ra des Landes anniversaire Offenbach oblige prĂ©sente La Belle HĂ©lène, relecture dĂ©capante de la mythologie grecque, Ă  la fois farce dĂ©lirante et comĂ©die fine et onirique. S’il aime les situations cocasses, Offenbach n’en est pas moins sensible et profond. La Belle HĂ©lène avec OrphĂ©e aux enfers (1858) renouvelle l’opĂ©ra antique dont il fait une fusion très aboutie de la comĂ©die et de l’hĂ©roĂŻque, sur le mode bouffe.
Au moment où Napoléon III met fin aux privilèges des théâtres (1864), : n’importe qui peut désormais ouvrir une salle et y jouer le genre qu’il souhaite, Offenbach compose une nouvelle satire parodie d’après l’Antiquité, La Belle Hélène? Sur un livret de ses fidèles librettistes Meilhac et Halévy, et destiné à la scène des Variétés, l’ouvrage bénéficie d’une distribution solide ; sa muse Hortense Schneider tient le rôle-titre (mezzo), le ténor José Dupuis (formé à l’école de son rival Hervé), celui de Pâris, … la création du 17 décembre 1864 est un triomphe. Les connaisseurs de la mythologie y retrouvent les fondamentaux d’une histoire qui croise amour et devoir. Le berger Paris arrive à Sparte pour y courtiser la belle Hélène ; avec l’augure Calchas, Paris s’arrange pour éloigner le mari d’Hélène, Ménélas (acte I). Dans un rêve supposé (superbe duo onirique Hélène / Paris), les deux amants se retrouvent ; Hélène sacrifiant ses derniers assauts d’épouse fidèle, pour les délices d’une nouvelle sensualité. Ménélas les surprend : Paris doit partir (acte II).
Plus facétieux et libre que jamais, en épigone d’Hermès voleur, astucieux, Paris déjoue les pronostics, se déguise en « Grand Augure de Cythère » et enlève sa belle proie, à la barbe des rois offusqués.
L’amour triomphe toujours : Amor vincit omnia (Amour vainc tout, selon l’adage des sensuels). Tout le luxe et l’imaginaire flamboyant du Second Empire se déploie dans la verve et l’esprit parodique de Jacques Offenbach.

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La BELLE HELENE, 1864
Opéra bouffe de Jacques Offenbach
Durée 3 h

SOUSTONS, Espace Culturel Roger Hanin
Les 15, 16, 23, 24 juillet Ă  20h30
Le 21 juillet Ă  18h

Tarifs de 16 à 46€

RESERVEZ VOTRE PLACE
https://www.opera-des-landes.com/labellehelenesoustons2019

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Hélène: Frédérique Varda
Pâris: Matthieu Justine
Calchas: Matthieu Toulouse
Ménélas: Jean Goyetche
Oreste: Maela Vergnes
Agamemnon: Marc Souchet
Parthenis: Clémence Lévy
Lehena: AnaĂŻs de Faria
Achille: Thomas Marfoglia
Ajax 1: Fabio Sitzia
Ajax 2: Fabrice Foison

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ChĹ“ur de lâ€OpĂ©ra des Landes, direction: FrĂ©dĂ©ric Herviant
Pianiste du choeur: Maurine Grais
Orchestre de l’Opéra des Landes
Philippe Forget, direction

Mise en scène: Olivier Tousis
Chorégraphies: Clémence Lévy
Décor: Kristof t’Siolle

Costumes: Olivier Tousis et Kristof t’Siolle
Lumières: Frédéric Warmulla

Compte-rendu critique, opéra. PARIS, Opéra-Comique, le 22 juin 2019. OFFENBACH, Madame Favart. Lebègue, Gillet… L Campellone.

Compte-rendu critique. Opéra. PARIS, OFFENBACH, Madame Favart, 22 juin 2019. Orchestre de Chambre de Paris, Laurent Campellone. Jamais représenté dans la salle qui porte son nom, Madame Favart est pourtant l’une des partitions les plus abouties du « petit Mozart des Champs-Élysées ». La production de l’Opéra-Comique est une réussite exemplaire qui rend justice à l’art du comédien, dans un rythme effréné, sans temps mort ; une drôlerie de tous les instants, magnifiée par une distribution et une direction électrisante.

 

 

 

 

Madame Favart enfin chez elle

 

 

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Sur scène le dispositif peut surprendre : nous sommes dans l’atelier de couture de l’opéra-comique, distribué par deux galeries latérales élégantes où se situent également les chambres de l’auberge qui sert de cadre à l’intrigue de la pièce. Le thème du travestissement, omniprésent dans ce qui fut le dernier grand succès d’Offenbach, justifie pleinement cette transposition somme toute efficace. On se réjouit que, pour une fois, le livret n’ait pas subi les coupes souvent de mise dans les adaptations modernes : les dialogues parlés, essentiels pour la bonne intelligibilité de l’œuvre, sont respectés. Il en ressort une parfaite cohérence du propos, même si le texte d’Alfred Duru et Henri Chivot peut sembler à des moments quelque peu… « décousu ». Madame Favart est bien un concentré du génie d’Offenbach, en même temps qu’un magnifique hommage rendu au genre même de l’opéra-comique. Justine Favart, l’une des plus célèbres comédiennes du XVIIIe siècle, est convoitée par le Maréchal de Saxe (qui n’apparaît pas sur scène), puis par le libidineux gouverneur Pontsablé ; ingénieuse et espiègle, elle finit par devenir tour à tour servante du gouverneur, fausse épouse d’Hector, amant de Suzanne, qui brigue le poste de lieutenant de police, vieille rombière et vendeuse tyrolienne. Ses talents de comédienne lui feront obtenir du roi, venu assister à une représentation théâtrale, le châtiment de Pontsablé et la nomination de son époux à la tête de l’Opéra-comique. Les scènes de quiproquo sont légion et les morceaux musicaux irrésistibles : airs campagnards plutôt lestes, duo tyrolien, arias onomatopéiques (l’air de la sonnette à l’acte II), on succombe à la légèreté de l’air de Favart (« Quand du four on le retire »), dont l’accompagnement orchestral semble suggérer un aérien soufflé au fromage, et surtout au sublime menuet de Madame Favart (« Je pense sur mon enfance »), dont le thème apparaît dans l’ouverture, sans doute le plus bel air de l’opéra, qui est un peu le « menuet antique d’Offenbach, et, cette fois, un superbe hommage à la musique du XVIIIe siècle.
Bien qu’annoncée souffrante ce soir-là, Marion Lebègue incarne le rôle-titre avec la fougue et la subtilité nécessaires (elle donne admirablement le change en composant une fausse comtesse de Montgriffon), et si l’on pouvait attendre un chant plus nuancé, notamment dans le magnifique menuet, sa présence scénique, son engagement dramatique et sa diction exemplaire, compensent les quelques faiblesses vocales. Anne-Catherine Gillet campe une merveilleuse Suzanne, tout en légèreté, au timbre flûté, délicieusement acidulé. Chez les hommes, la distribution est plus inégale : François Rougier est un Hector pas très raffiné, mais là encore, la diction et le jeu théâtral rattrapent largement le manque de nuances dans le chant. Et si Christian Helmer incarne un Charles-Simon Favart idéalement en retrait eu égard à son épouse, la voix bien projetée semble parfois en difficulté quand la tessiture est sollicitée dans l’aigu (mais dans le duo tyrolien, ce défaut accentue le comique de la situation). Toutefois, la palme revient incontestablement au Pontsablé d’Éric Huchet. Il joue avec verve ce personnage infatué à souhait sans jamais sacrifier la fluidité et même une certaine noblesse du chant, essentielle dans ce répertoire. Dans les deux rôles moins développés de Cotignac et Biscotin, Franck Leguérinel et Lionel Peintre remplissent parfaitement leur mission et nous livrent des personnages hautement truculents.

 

 

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Dans la fosse, Laurent Campellone dirige l’Orchestre de Chambre de Paris comme un cocher fouettant ses poulains : le rythme est grisant, parfois décalé, et le manque de nuance apparaît notamment dans les passages plus élégiaques (dans la section centrale de l’ouverture notamment), mais son sens du théâtre, jamais pris en défaut, nous vaut une captatio benevolentiae du public de tous les instants. Une mention spéciale au chœur de l’Opéra de Limoges, très souvent sollicité, d’une intelligibilité constante. Les festivités du bicentenaire d’Offenbach peuvent s’enorgueillir de cette nouvelle pépite.

 

 

 

 

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Compte-rendu. Paris, Opéra-comique, Offenbach, Madame Favart, 22 juin 2019. Marion Lebègue (Madame Favart), Christian Helmer (Charles-Simon Favart), Anne-Catherine Gillet (Suzanne), François Rougier (Hector de Boispréau), Franck Leguérinel (Le major Cotignac), Éric Huchet (Le marquis de Pontsablé), Lionel Peintre (Biscotin), Raphaël Brémard (Le sergent Larose), Agnès de Butler (Babet), Aurélien Pès (Jeanneton), Anne Kessler (Mise en scène), Guy Zilberstein (Dramaturge), Andrew D. Edwards (Scénographie), Bernadette Villard (Costumes), Arnaud Jung (Lumières), Glyslein Lefever (Chorégraphie), Jeanne-Pansard-Besson (Assistante à la mise en scène), Marie Thoreau La Salle (Cheffe de chant), Orchestre de Chambre de Paris, Laurent Campellone (direction). Illustrations : © Stefan Brion / Opéra Comique 2019

 

 

 

 

CD, critique. OFFENBACH : La PĂ©richole. Extremo, Barbeyrac, Mauillon (2 cd Bru Zane, Bordeaux – oct 2018).

perichole offenbach cd bru zane bordeaux minkowski extremo critique opera classiquenewsCD, critique. OFFENBACH : La PĂ©richole. Extremo, Barbeyrac, Mauillon (2 cd Bru Zane, Bordeaux – oct 2018). La production prĂ©sentĂ©e Ă  Bordeaux en oct 2018 avait suscitĂ© Ă©moi et fureur : l’orchestre maison associĂ© ordinairement aux productions lyriques de l’OpĂ©ra de Bordeaux ayant Ă©tĂ© remerciĂ© alors au profit de l’ensemble fondĂ© par le chef et directeur en place : Les Musiciens du Louvre… triste action aux tristes effets, affrontant des musiciens les uns contre les autres en raison d’une mauvaise dĂ©cision. Comment les spectateurs bordelais allaient-ils accueillir un collectif qui n’était pas leur cher ONBA – Orch National Bordeaux Aquitaine ?

Plutôt bien malgré une lecture tonitruante et en verve, plus sonore que raffinée, faisant en 2018, sonner un Offenbach rien que… divertissant. Et ce n’était pas la mise en scène, vulgaire et premier degré qui allégeait ce parti de projection musicale parfois caricaturale. Mais ne prenons en compte ici que le registre audio puisqu’il s’agit d’une captation sur le vif.
Bientôt Carmen à Lille (juillet 2019 sous la direction d’Alexandre Bloch), la mezzo Aude Extrémo qui nous avions appréciée dans L’Heure Espagnole de Ravel à l’Opéra de Tours, joue dans le rôle-titre, de son timbre rond et grave, doté d’une articulation qui rend son chant d’une parfaite intelligibilité, quelle que soit la situation et le caractère. Disons que la cantatrice montre davantage de nuances et d’allusives connotations que l’orchestre plutôt mécanique… lequel reste énergique certes mais efficace, sans plus. Extremo captive par son timbre grave, toujours finement caractérisé, surtout compréhensible : sa « chienne créole » a effectivement de quoi troubler et séduire. Une prise de rôle réussie qui place la chanteuse dans le sillon de Hortense Schneider, créatrice du rôle (et certainement davantage dans le cœur d’Offenbach).

Les hommes sont aussi convaincants : Alexandre Duhamel fait un Vice-roi (Ribeira) épatant, moins grossier superficiel comme souvent, que réfléchi et interrogatif : intelligible lui aussi, qualité de plus en plus rare chez les voix françaises. Mais la version retenue écourte beaucoup sa prestation qui en appelle davantage : de toute évidence, l’inteprète aurait aimer développer son personnage auquel il donne, fait rare, de la…profondeur. De même on savoure le charme raffiné et le jeu juste du ténor Stanislas de Barbeyrac qui en Piquillo fringuant, maîtrise l’humour d’un Offenbach, capable d’élégance et de sincérité (tendresse naturelle malgré ses aigus parfois peu assurés). Piliers de la distribution qui étincelle par le choix heureux des rôles secondaires (si essentiels en réalité) : les chanteurs français à la gouaille nationale des mieux finies, Marc Mauillon et Eric Huchet (Hinoyosa et Panatellas), comme les deux notaires Enguerrand de Hys et François Pardailhé. Le Choeur maison reste convaincant lui aussi jusqu’à la fin de l’action.

Sur le plan scientifique, le choix de la version retenue ici pose problème. La PĂ©richole version 1874 (la plus rĂ©cente, versus celle de 1868) est donc privilĂ©giĂ©e mais avec des amĂ©nagements pour le moins contestables : ici sont retirĂ©s (pourquoi au juste ?) de nombreux airs du dernier tableau (2è trio de la prison, chĹ“ur des patrouilles, air des trois couronnes…). Ouf, quoique…, on gagne au change, quelques musiques d’entracte (très peu conservĂ©es ailleurs : c’est dĂ©jĂ  ça). Centre de musique Romantique Française, le Palazzo Bru Zane aurait gagnĂ© Ă  proposer une version idĂ©ale, mĂŞlant Ă©lĂ©ments de 1868 et de 1874 : Ă  chaque auditeur, la libertĂ© de choisir ses morceaux prĂ©fĂ©rĂ©s, tout en disposant de toute la musique d’Offenbach. Bizarre, bizarre… En bref malgrĂ© l’excellence des chanteurs, on reste sur une note de frustration. Dans ce mi servi, mi recomposĂ©, Offenbach ne sort pas totalement valorisĂ©. Dommage. D’autant plus que ce volume sort au moment de l’annĂ©e OFFENBACH 2019.

 

 

 

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CD, critique. OFFENBACH : La PĂ©richole. Extremo, Barbeyrac, Mauillon – OpĂ©ra de Bordeaux / M Minkowski (2 cd Bru Zane, Bordeaux – oct 2018)

La Périchole : Aude Extrémo
Piquillo : Stanislas de Barbeyrac
Don Andrès de Ribeira : Alexandre Duhamel
Le comte de Panatellas : Eric Huchet
Don Pedro de Hinoyosa : Marc Mauillon
Première cousine / Première dame d’honneur : Olivia Doray
Deuxième cousine / Deuxième dame d’honneur : Julie Pasturaud
Troisième cousine / Troisième dame d’honneur : Mélodie Ruvio
Quatrième dame d’honneur : Adriana Bignagni Lesca
Premier notaire / Le marquis de Tarapote : Enguerrand de Hys
Deuxième notaire : François Pardailhé

Choeur de l’OpĂ©ra National de Bordeaux
Les Musiciens du Louvre / M Minkowski, direction.

EnregistrĂ© Ă  l’OpĂ©ra National de Bordeaux, en octobre 2018

2 CD Palazzetto Bru Zane BZ 1036 – 51mn + 51mn
Collection OpĂ©ra Français – volume 21

 

 

 

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SEMAINE JACQUES OFFENBACH

Bicentenaire OFFENBACH 2019FRANCE MUSIQUE, SEMAINE OFFENBACH, 15 – 23 juin 2019. Semaine Offenbach sur France Musique, du samedi 15 au dimanche 23 juin. 200 ans après sa naissance, Jacques Offenbach continue de nous enivrer : c’est que l’amuseur des Boulevards fut aussi un excellent violoncelliste, capable de profondeur et de vertiges crĂ©pusculaires (cf concert de StĂ©phane TĂ©treault au Festival CLASSICA au QuĂ©bec : programme rĂ©vĂ©lateur qui le 6 juin 2019 a ressuscitĂ© le violoncelle et l’âme de Jacques…), et tout autant un gĂ©nie de la lyre tragique et fantastique : une tentation onirique et sombre abordĂ©e au dĂ©but de sa carrière dans l’opĂ©ra de jeunesse Les FĂ©es du Rhin (rĂ©vĂ©lĂ© / créé en français par l’OpĂ©ra de Tours et Benjamin Pionnier), puis dĂ©veloppĂ©, amplifiĂ©, sublimĂ© dans l’œuvre ultime laissĂ©e inachevĂ©e Les Contes d’Hoffmann…. NĂ© Ă  Cologne le 20 juin 1819, Offenbach sĂ©duit l’audience et fait danser les parisiens au dĂ©but du Second Empire, … ainsi Ba-ta-clan, qui donne son nom Ă  la salle de spectacle ; il embrase le public en 1858 avec son opĂ©ra parodique onirique nĂ©o antique, OrphĂ©e aux enfers dont le galop infernal fait naĂ®tre le French cancan. Offenbach s’impose surtout avec La Belle Helene, La Vie Parisienne, La Grande-Duchesse de Gerolsteimn, La PĂ©richole,enfin Les Contes d’Hoffmann, son ultime chef-d’œuvre.

Pour le bicentenaire de la naissance de Jacques Offenbach le 20 juin prochain, les émissions de France Musique abordent toutes les figures et les écritures du compositeur. LIRE aussi notre DOSSIER OFFENBACH 2019…

 

 

 

PROGRAMMES

 

Samedi 15 juin 2019
11h > 12h30 : ETONNEZ-MOI BENOĂŽT.
Madame Favart, à l’Opéra Comique de Paris du 20 au 30 juin 2019

Dimanche 16 juin
16h > 18h : LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES.
Les Contes d’Hoffmann (prologue et acte I)

Du lundi 17 au vendredi 21 juin 2019 :
9h > 11h : EN PISTES !
22h > 23h : CLASSIC CLUB

Mercredi 19 juin 2019 :
7h > 9h : MUSIQUE MATIN / l’invité de 8h30 : Laurent Campellone (chef d’orchestre) et Anne Kessler (metteuse en scène) pour Madame Favart à l’Opéra Comique

Jeudi 20 juin 2019 :
13h30 > 13h55 : MUSICOPOLIS : Orphée aux enfers
16h > 18h : CARREFOUR DE LODÉON par Frédéric Lodéon

Dimanche 23 juin 2019 :
20h > 23h : DIMANCHE À L’OPÉRA : Maître Péronilla

 

 

PUIS cet été, tous les samedis du 6 juillet au 24 août 2019 : 13h > 14h :
OFFENBACH, “UN FRÉTILLANT BICENTENAIRE

 

 

COMPTE-RENDU, critique, concert. QUÉBEC, Festival CLASSICA 2019. Saint-Benoit de Mirabel, le 6 juin 2019. “Les chants du crĂ©puscule” : StĂ©phane TĂ©treault, Kateryna Bragina, violoncelles. Duos de JACQUES OFFENBACH

classica-festival-canada-logo-vignette-classiquenews-annonce-concerts-festivals-operaCOMPTE-RENDU, critique, concert. QUÉBEC, Festival CLASSICA 2019. Saint-Benoit de Mirabel, le 6 juin 2019. “Les chants du crĂ©puscule” : StĂ©phane TĂ©treault, Kateryna Bragina, violoncelles. Duos de JACQUES OFFENBACH. C’est un visage mĂ©connu d’Offenbach que nous dĂ©voile ce soir le violoncelliste StĂ©phane TĂ©treault, partenaire familier du Festival CLASSICA… Marc Boucher, directeur de CLASSICA, a le souci du compagnonnage et le respect sacrĂ© des itinĂ©raires artistiques ; qu’il s’agisse de prise de risques, de dĂ©frichement, d’évolution notoire : en tĂ©moigne l’accomplissement auquel nous assistons ce soir, celui du violoncelliste StĂ©phane TĂ©treault – trop peu connu en France hĂ©las, dont le tempĂ©rament sensible et expressif Ă©gale les plus grands noms du violoncelle. On savait le jeune interprète capable de fulgurances ; nous l’avions dĂ©couvert l’an dernier (CLASSICA 2018 dans plusieurs programmes : Tango, Mathieu et aussi Rolling Stones : transcriptions pour quatuor instrumental). Ici la diversitĂ© des formes et des rĂ©pertoires servis n’empĂŞchent pas la profondeur. C’est que l’artiste est prĂ©sent depuis ses dĂ©buts sur la scène de Classica : 9 annĂ©es d’un parcours sans fautes, qui affirme aujourd’hui une puissance Ă©motionnelle rare, irrĂ©sistible, originale. L’Ă©quivalent en France des gestes si percutants des Patrick Langot (dernier cd : Præludio), Christian-Pierre La Marca… sans omettre le jeune Edgar Moreau, lui aussi très inspirĂ© par Offenbach, ou de l’ambassadrice du Festival Menuhin Ă  GSTAAD, l’Ă©blouissante Sol Gabetta). Au QuĂ©bec, pour son festival CLASSICA, Marc Boucher a laissĂ© carte blanche ce soir au violoncelliste qui a choisi sa consĹ“ur ukrainienne Kateryna Bragina elle aussi violoncelliste, comme partenaire de ce fabuleux concert.

Bicentenaire OFFENBACH 2019Son mĂ©rite est de prĂ©senter en crĂ©ation un programme inĂ©dit, et de dĂ©voiler une facette mĂ©connue d’Offenbach : une dĂ©couverte mĂŞme pour beaucoup en cette annĂ©e du 200è anniversaire de la naissance de Jacques, lui aussi violoncelliste Ă  Paris, instrumentiste cachetoneur, dont la volontĂ© Ă  percer dans la Capitale française Ă©gale sa très grande culture lyrique : dans la fosse des théâtres parisiens, Jacques Offenbach apprend son mĂ©tier, se passionne pour le théâtre, suit l’actualitĂ© lyrique de la capitale… En dĂ©coulent ces pièces somptueuses que StĂ©phane TĂ©treault a sĂ©lectionnĂ© (parmi un myriade difficile Ă  dĂ©partager) : Offenbach en verve et en imagination, se rĂ©alise dans moult partitions pour deux violoncelles, c’est le cĹ“ur de cette soirĂ©e, qui lève le voile ainsi sur un compositeur Ă  la verve et au dramatisme aussi flamboyant qu’Ă©blouissant : l’opĂ©ra italien (Rossini), la vocalitĂ  ardente sont ici sublimĂ©s par une Ă©criture qui sait aussi colorer et nuancer, Ă  l’aulne des opĂ©ras français et germaniques que Offenbach, violoncelliste virtuose, connaĂ®t comme sa poche.

Fidèle au titre du concert, « les chants du crĂ©puscule », StĂ©phane TĂ©treault a sĂ©lectionnĂ© des climats plus schubertiens que weberiens, autant de perles qui lui permettent de creuser la sincĂ©ritĂ© de son instrument. Jamais le violoncelle n’a semblĂ© au plus prĂŞt de sa nature spirituelle et intime. Le violoncelliste nous rĂ©serve un Offenbach non pas lĂ©ger et insouciant, mais plutĂ´t douĂ© d’une conscience grave voire tragique, sensible aux Ă©panchements solitaires, au renoncement murmurĂ©, au vertige de l’introspection parfois inquiĂ©tante… ; un poète des nuances miroitantes et lunaires surgit en place de l’amuseur des boulevards. En jouant trois Duos (n°1 et 3 opus 52 ; n°3 opus 53), la dĂ©couverte s’avère splendide tant l’écriture du compositeur sait ĂŞtre virtuose, profonde et introspective; lyrique jusqu’à l’ivresse. Evidemment, la sensibilitĂ© et la sincĂ©ritĂ© de l’interprète permettent d’en recueillir la subtile vĂ©ritĂ© : autant de qualitĂ©s qui ressuscitent la quĂŞte d’Offenbach pour un chant franc et bouleversant, parfois dĂ©pouillĂ© et bouleversant. Celui des Contes d’Hoffmann, son grand Ĺ“uvre lyrique, fantastique et noir.

 

 

 

 

Pour CLASSICA 2019,
le violoncelliste Stéphane Tétreault rétablit
OFFENBACH, en poète crépusculaire…

 

 
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C’est bien toute la valeur de ce concert-primeur, que de s’intéresser au visage d’un Offenbach, proche des poètes saturniens et mélancoliques, volontiers introspectif, génie aussi des mélodies comme des variations et des surprises harmoniques. Stéphane Tétreault dévoile d’Offenbach, l’épaisseur insoupçonnée d’un romantique sombre et grave, mais capable aussi de finesse presqu’insouciante, totalement désarmante.

Le chant dont il est question, est celui des deux violoncelles, en fusion fluide et scintillante, en dialogue concertĂ©. StĂ©phane TĂ©treault s’il rĂ©alise souvent la partie mĂ©lodique, laisse parfois la première partie Ă  sa consĹ“ur qu’il connaĂ®t depuis plus d’une dĂ©cennie ; leur complicitĂ© et leur entente font miracle. Les timbres mĂŞlĂ©s Ă  la fois proches mais si distincts, n’en finissent pas de troubler comme s’il s’agissait du chant dĂ©doublĂ© d’un seul cĹ“ur. Le jeu les transporte aussi, en particulier dans les contrastes et les rĂ©ponses des variations du premier duo pour violoncelle (opus 52 n°3) jouĂ© en ouverture. L’Adagio, – lamento funèbre et mĂ©lancolique, est un volet central qui Ă©blouit par le chant somptueux et doloriste du violoncelle de StĂ©phane TĂ©treault dont on mesure l’infinie pudeur, le tact naturel, la souplesse articulĂ©e et accentuĂ©e, …cette Ă©lĂ©gance sombre qui saisit. Puis le galop du III (Mouvement de valse – Tempo di Marcia – Mouvement de valse) emporte et berce Ă  la fois, dans l’esprit de Johann Strauss ; Offenbach manie la finesse, l’élĂ©gance, la parodie avec un Ă©quilibre souverain. Le violoncelliste faisant chanter son violoncelle comme un acteur lyrique douĂ© d’une exceptionnelle articulation, comme s’il dĂ©fendait un texte.

On relève le même éclat mélancolique sous le masque de la virtuosité agile dans le Duo opus 53 n°1 ; l’Adagio là encore se distingue par sa solitude extrême qui tend au dénuement, à l’épure, au repli ultime. Autant d’éclairs profonds qu’Offenbach contrebalance par un jaillissement soudain d’un grande rêverie ou d’un allegro, pétillant (finale).

 

 

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Dans ce portrait d’Offenbach, en orfèvre de la matière mélancolique et lunaire, quelle belle idée d’inscrire ici, le chant crépusculaire et quasi hypnotique à deux voix, des Baroques français du début du XVIIIè ; d’abord François Couperin, souple et soyeux (Concert pour deux violoncelles, arrangement de Paul Bazelaire), d’une pudeur infinie (Chaconne) ; ensuite le moins connu encore, Jean-Baptiste Barrière (mort en 1747) à la verve opératique, quasi fantasque (Sonate pour deux violoncelles en sol majeur n°10), dramatiquement proche d’un … Rameau. C’est dire la qualité des choix défendus, et aussi la pertinence de la filiation d’Offenbach aux Baroques. La sensibilité particulière de Stéphane Tétreault, la complicité de sa consœur Kateryna Bragina font le miel de ce récital à deux voix qui vient fort opportunément renouveler notre perception d’Offenbach.

 

 

 

 

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PROCHAIN CONCERT…

classica-festival-quebec-2019-annonce-critique-presentation-sur-classiquenews-festival-CLASSICA-2019Voici Ă  coup sĂ»r, un autre concert majeur de CLASSICA 2019… Mardi 11 juin 2019,  les festivaliers retrouveront StĂ©phane TĂ©treault (Paroisse Our Lady of the Annonciation, MONT-ROYAL, 19h) dans un programme intitulĂ© « Les larmes de Jacqueline » (infos et rĂ©servation sur le site du Festival CLASSICA 2019) : Ĺ“uvres de Berlioz, Offenbach, Roussel, couplĂ© avec le Concerto pour piano n°2 du compositeur quĂ©bĂ©cois Jacques HĂ©tu (Jean-Philippe Sylvestre, piano). Avec l’Orchestre MĂ©tropolitain (Alain Trudel, direction). Billets, information : www.festivalclassica.com/programme ou au 450 912-0868.

Illustrations : © Étienne Boucher Cazabon / Festival CLASSICA 2019

 

 

  

 

 

DETAIL DU PROGRAMME :

 

 

Jacques Offenbach (1819 – 1880)

Duo pour deux violoncelles, opus 52, no 3

I. Tempo di marcia – 1ère variation – 2e variation
II. Adagio
III. Mouvement de Valse – Tempo di marcia – Mouvement de Valse

 

 

François Couperin (1668 – 1733)

Concert pour deux violoncelles

(arrangement par Paul Bazelaire)

I. PrĂ©lude – Vivement
II. Air – AgrĂ©ablement
III. Sarabande – Tendrement
IV. Chaconne – LĂ©gèrement
V. Le Je-Ne-Scay Quoy – GayĂ«ment

 

 

Jacques Offenbach

Duo pour deux violoncelles, opus 53, no 1

I. Allegro
II. Adagio
III. Rondo – Allegro

 

 

Jacques Offenbach

Duo pour deux violoncelles, opus 53, no 3

I. Allegro Moderato
II. Andante
III. Allegro

 

 

Jean-Baptiste Barrière (1707 – 1747)

Sonate pour deux violoncelles en sol majeur, no 10

I. Andante
II. Adagio
III. Allegro prestissimo

 

 

 

 

 

 

COMPTE RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, Odéon, le 25 mai 2019. OFFENBACH : La Grande Duchesse de Gerolstein.

COMPTE RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, Odéon, le 25 mai 2019. OFFENBACH : La Grande Duchesse de Gerolstein. Non pas fantastique et dramatique comme celle de John Ford, mais forte d’une équipe homogène, fosse, plateau, direction cavaleuse de scène (Jack Gervais) et chanteurs, c’est la chevauchée fantasque, fantaisiste, menée par Bruno Conti, sans cravache ni éperon brutal, la baguette pour badine badine, au grand galop d’un orchestre comme la cavalerie légère de la joie. Car on dirait que le Cheval blanc de l’Auberge a depuis fait des petits : sa hure hilare emmanchée d’un balai, c’est tout un bataillon de chevaux-légers qui défilera sur scène, des tuniques bleues, sans doute moins du western que de l’Est imaginaire de cette principauté qui semble guigner vers l’azur Monaco, avecson armée de soldats en shorts et casque colonial estival et un bataillon, avec leurs képis mimis sur leurs blanches jupettes, de gendarmettes aux jolies gambettes et le reste pas trop bête, comme dit Mistinguett, « c’est vrai ! »

 

 

 

 

LA CHEVAUCHÉE FANTAS(TI)QUE

 

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Sans se gendarmer, tout ce joli monde guerrier siglé GD, Grande Duchesse ou Gens D’arme, semble de pacifiques Casque Bleus onusiens, même sous cet énorme canon comme on les aime : en peinture et caricature, trônant plus que tonnant, sur ce camp militaire —ou de vacances— avec, surmontées de panaches, ses tentes invitant plus à la détente et au repos du guerrier avec ces canons féminins qu’à la guerre en dentelle d’amour : fleuries pour la fleurette à conter. Leurcontrepoint physique ironique anime plaisamment en chœur l’hymne du Général Boum à sa propre gloiremais, quand le verbalement belliqueux va-t-en- guerre monte sur ses grands chevaux claironnant le chant du départ au combat, cela ne les emballe guère, et ils freinent des quatre fers, tremblant sur leurs guiboles : rythme impeccable de guerre mais une armée guère implacable.
D’accord, la guerre mais ce n’est juste qu’un divertissement trouvé par le machiavélique ministre Puck pour occuper l’esprit mélancolique de la Grande Duchesse Dorothée à marier qui ne se marre pas, tricotant nerveusement dans un coin sous l’ombrelle de son chapeau comme une anglaise attendant le tea time, l’heure du thé et de vérité : le choix d’un époux. Et celui de la parade militaire, de la revue. On salue au garde à vous le génie de son ministre Puck et du Boum Général en chef, ingénieux à éviter les batailles et, si la noble dame déclame et proclame avec tout l’appétit gourmand de Marie-Ange Todorovitch « Ah, que j’aime les militaires ! », on voit vite que c’est bien vifs qu’elle les préfère, bien pourvus et non mutilés ni handicapés, même si Fritz (Kevin Lamiel ) le simple et simplet fusilier a un handicap du cap en ne comprenant pas les avances fort poussées de la belle souveraine qui l’invite au duo. Avant même sa grisante guerre éclair, c’est la promotion éclair : de simple soldat il monte, escalade tous les degrés de la hiérarchie, caporal, sergent, lieutenant, capitaine puis Général en chef, le chef sur le champ orné par la Grande Duchesse du plumet arraché illico presto au titulaire, au grand dam de Boum qui en fait un ramdam.

 

 

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Pauvre coq déplumé, rouge de colère éclipsé par le bleu, militairement et sentimentalement, car son cœur par ailleurs fait boum-boum pour la fiancée du fusilier, on comprend que, vert de rage, alors qu’il avait auparavant triomphalement chanté ses couplets avec toute l’énergie tonique et tonnante de Philippe Fargues loufoque, il suffoque d’avoir été humilié devant ses hommes : il passe à la conjuration avec l’insinuant et insidieux ministre, un Jacques Lemaire (« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? ») qui sait susurrer ses phrases d’assassine façon ; il n’est pas, pour rien nommé Puck, fantasque farfadet intrigant de Shakespeare, dont la follette apparence est aussi le revers du pervers. Troisième larron ou luron de la conjuration, on ne sait tant Dominique Desmons, en Prince Paul, futur consort ne s’en sort pas à tant attendre, constant, le mariage repoussé avec constance par la Grande Duchesse, a d’innocente ou inquiétante douceur à chanter —ou de sournoise habileté à manipuler des marionnettes. Il sera rejoint dans la conspiration contre Fritz par son conseiller, l’élégant Baron Grog (Jean-Luc Épitalon) en apparence très froid mais sûrement chaud lapin quand la pauvre Dorothée, entêtée de lui mais dépitée, découvrira qu’il a une portée d’enfants et un autre en préparation avec une épouse légitime.
Pas de chance en amour pour cette pauvre dame riche et noble si majestueusement et drôlement campée par Marie-Ange Todorovitch, pétulante, pétaradante d’ardeur dans son amour pour les militaires, solennelle à exalter la mystique «du sabre, du sabre, du sabre de papa » ; comment résister au velours sensuel de sa voix, invite envoûtante à la volupté dans son aveu : « Dites-lui qu’on l’a remarqué… ». On traiterait presque d’ignoble à tant ignorer ses avances amoureuses ce serin de Fritz qui, tout serein et imperméable, chante joliment dru et clair mais n’y voit guère dans ce jeu transparent. Bon, on ne comprend pas mais on lui pardonne quand même à voir et entendre sa belle modeste cantinière incarnée si brillamment par la souriante et chaleureuse Charlotte Bonnet.
Et Antoine Bonelli dans tout ça ? Il se taille un habituel succès sans même chanter, en Népomuc aussi fourni en cheveux que la scène en chevaux pour le galop musical final (« À cheval ! »),au pas (pas) militaire de ces plus fringants cavaleurs qu’arrogants cavaliers et agiles pouliches, dans une cavalcade folle qui dynamite la salle par son dynamisme énergisant. Oui, à cette image : que la guerre est jolie !

 

 

 

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COMPTE RENDU, critique, opéra. MARSEILLE, Odéon, le 25 mai 2019. OFFENBACH : La Grande Duchesse de Gerolstein.

La Grande Duchesse de Gérosltein
Opéra-bouffe en 3 actes et 4 tableaux
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy ,
musique de Jacques Offenbach
Marseille, théâtre Odéon, les 25 et 26 mai

Direction musicale: Bruno CONTI
Mise en scène: Jack GERVAIS
La Grande Duchesse:Marie-Ange TODOROVITCH
Wanda: Charlotte BONNET
Fritz: Kévin AMIEL
Général Boum: Philippe FARGUES
Baron Puck: Jacques LEMAIRE
Prince Paul: Dominique DESMONS
Baron Grog: Jean-Luc ÉPITALON
Népomuc: Antoine BONELLI

Chœur Phocéen, Orchestre de l’Odéon

Photos Christian Dresse
1. La Grande Duchessse s’ennuie (Todorovitch, Desmons);
2. Dorothée et son armée;

 

 

 

 

COMPTE-RENDU, opĂ©ra. EINDHOVEN (Pays-Bas), Opera Zuid; le 19 mai 2019. OFFENBACH : Fantasio – B. PRINS / E. Delamboye

offenbach-jacques-concerts-opera-presentation-par-classiquenews-Jacques_Offenbach_by_NadarCOMPTE-RENDU, opĂ©ra. EINDHOVEN Parktheater (Pays-Bas), Opera Zuid; le 19 mai 2019. OFFENBACH : Fantasio – B. PRINS / E. Delamboye. La lumière contrastĂ©e du moi de Mai aux Pays-Bas tend a virer au dorĂ© sous un fond de gris qui a Ă©tĂ© au coeur de l’inspiration de Vermeer, de Hals ou Rembrandt van Rijn. On aperçoit de Rotterdam Ă  Eindhoven, ces villes qui traversèrent les siècles par leur mĂ©moire militaire et artistique, telle Breda ou Tilburg. Le soleil, entre deux voiles, irise les jonquilles qui se mouillent leur longues extrĂ©mitĂ©s dans les canaux nourriciers de leurs champs limoneux.

 

 

 

 

Ils ont le mal du siècle et l’ont jusqu’Ă  cent ans
Autrefois de ce mal, ils mouraient Ă  trente ans.

LĂ©o FerrĂ© – Les Romantiques

 

 

Eindhoven, siège historique de Philips et petite ville calme du Brabant Septentrional aux ruelles en briques et les verdoyants ormeaux des rues rĂ©sidentielles près du Théâtre du Parc oĂą, ce dimanche de giboulĂ©es, les lumières chromatiques du gai Paris allaient dĂ©barquer au coeur de l’après-midi.
Fantasio, contrairement Ă  ce que l’on a vu ces dernières annĂ©es en France, n’est pas simplement une myriade de musiques lĂ©gères et dansantes ou une histoire de clowns et d’autres circassiens qui n’apportent qu’une lecture superficielle de cette oeuvre multiple.

Fantasio est inspirĂ© directement de la pièce posthume d’Alfred de Musset, une comĂ©die au Romantisme exacerbĂ© de l’enfant du siècle par excellence. Alors que Musset dĂ©crit Fantasio comme ayant “le mois de mai sur les joues et le mois de janvier dans le coeur”, malgrĂ© l’adaptation du grand compositeur lĂ©ger que fut Offenbach, nous retrouvons dès l’ouverture l’esprit lunaire et mĂ©lancolique de cette partition.

 

 

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En 1872 la France et le Paris sortent Ă  peine du chaos et des traumatismes de la Guerre Franco-Prussienne et de la Commune de Paris. La fĂŞte chatoyante du Second Empire est dĂ©finitivement terminĂ©e et le pays, exsangue, ruinĂ© et vaincu peine Ă  se reconstruire. Offenbach, malgrĂ© une reprise de l’activitĂ© théâtrale, n’aura pas autant d’influence que la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente et demeurera un compositeur dont l’Ă©tiquette NapolĂ©on III et de divertissement lui colle encore et toujours. CrĂ©er Fantasio Ă  ce moment prĂ©cis est un message fort. Non seulement pour ses contemporains brisĂ©s par la guerre et le conflit social, mais aussi pour la jeunesse qui, dĂ©boussolĂ©e et rĂ©voltĂ© a pĂ©ri sur le champ de bataille ou dans les rues de Paris. Avec Fantasio, Offenbach, tout comme Tchaikovsky dans Eugen Onegin (1879), tend un miroir Ă  la jeunesse aux rĂŞves perdus et qui tend Ă  les retrouver dans un amas de ruines de la grandeur passĂ©e.

Cette oeuvre finalement nous parle directement. MalgrĂ© le siècle et trois-quarts qui sĂ©pare la crĂ©ation de Fantasio, des Millenials et autres jeunes trentenaires en 2019, on a l’impression que ce miroir tendu en 1872, reflète notre propre sentiment de solitude et d’ennui, une poĂ©sie de la mĂ©lancolie des gĂ©nĂ©rations errantes dans un labyrinthe technologique et global qui nous condamne Ă  suivre le cours d’un monde qui demeure Ă©tranger et vaste. La philosophie dans les mots de Musset et l’adaptation de son frère Paul, pourrait ĂŞtre retranscrite dans un compte facebook ou un fil twitter sans mal, frĂ´lant un Ă©gotisme et une rĂ©volte sans objet, nous sommes tous les bouffons de notre siècle, des dĂ©cadents sublimes en recherche d’absolu. #JesuisFantasio.

 

 
 

 

Fantasio Ă  Eindhoven
Production idéale entre émotion et humour

 

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Benjamin Prins, en puisant au coeur du message ultra moderne de l’opĂ©ra d’Offenbach et de la pièce originelle de Musset, compose une mise en scène exceptionnelle. On sent d’emblĂ©e cette expression du mal d’exister tout en Ă©tant vivant d’une jeunesse qui traverse les siècles. En contrastant le monde des puissants, hommes mĂ»rs caricaturĂ©s en eux-mĂŞmes sous les cheveux gris ou les perruques peroxydĂ©es, avec la jeunesse dĂ©braillĂ©e mais libĂ©rĂ©e du carcan des apparences. Il nous offre Ă  la fois une vision tout Ă  fait en accord avec l’humour caustique d’ Offenbach et l’Ă©motion subtile de chaque tableau. On remarque notamment la qualitĂ© de sa direction d’acteurs, prĂ©cise, dynamique et inventive. Benjamin Prins signe ici, avec le concours de son assistants PĂ©nĂ©lope Driant, une des meilleures mises en scène qui soient pour un spectacle d’opĂ©ra. La scĂ©nographie et les costumes de Lola Kirchner avec le concours de FASHIONCLASH, sont beaux et modernes, mĂŞlant les influences mĂ©diĂ©vales, chères Ă  l’Ă©poque de l’oeuvre, et les sweatshirts et capuches de notre dĂ©cennie crĂ©pusculaire.

Le dispositif scĂ©nique principal, une couronne brisĂ©e est un symbole fort, que l’on comprend comme la fragilitĂ© du pouvoir et la folie qui lui est voisine voire nĂ©cessaire pour exister. Une idĂ©e non loin de l’Ă©pisode final de Game of Thrones, retransmis quelques heures après la première de Fantasio Ă  Eindhoven. De cette mise en scène, plusieurs tableaux sont sublimes et inoubliables, tels, l’arrivĂ©e de Elsbeth Ă  l’acte II avec son voile de mariĂ©e pendu aux cintres, Ă©voquant Ă  la fois le poids du devoir et le joug du mariage. Cette belle image nous rappelle le vers de la chanson Mexicaine, El amor acaba (1985) :”Porque se vuelven cadenas, lo que fueron cintas blancas” (“Parce maintenant les rubans blancs du passĂ© sont devenus des chaĂ®nes”). Chaque tableau nous interpelle, nous Ă©meut. Nous saluons l’initiative de Waut Koeken d’avoir programmĂ© Fantasio et l’avoir confiĂ© Ă  une telle Ă©quipe artistique.

Dans le rĂ´le titre de Fantasio-Henri, la mezzo-soprano Française Romie Estèves a un naturel histrionique Ă©merveillant. Tour Ă  tour pantin adolescent et polichinelle, elle dĂ©ploie une Ă©nergie scĂ©nique impressionnante. Elle nous a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e par ses multiples mĂ©tamorphoses dans le spectacle “Vous qui savez ce qu’est l’amour”, mis en scène par Benjamin Prins, au Théâtre de l’AthĂ©nĂ©e en FĂ©vrier 2019 et repris la saison prochaine, oĂą Romie Estèves incarne tous les rĂ´les des Noces de Figaro sur fond des 24 heures de la vie d’une chanteuse lyrique, courrez la dĂ©couvrir dans ce spectacle en Avril-Mai 2020. Dans son rĂ´le de Fantasio, elle surpasse de loin Marianne Crebassa, elle incarne bien mieux ce personnage androgyne et a une voix bien plus solide que la coqueluche des mezzi Françaises. MalgrĂ© parfois quelques instants qui manquent un peu d’Ă©motion, nous avons Ă©tĂ© conquis par ce grand talent et souhaitons vivement la retrouver sur les scènes Françaises oĂą elle incarnerait de Cherubino Ă  Urbain en passant par Lazuli.

Face Ă  elle, l’incomparable Elsbeth est la jeune soprano russe Anna Emelianova. D’un timbre très fruitĂ©, elle nous offre une princesse mĂ©lancolique, mi-Ophelia mi-Tatiana, une figure fantomatique mais au coeur de feu. Nous avons aussi rĂŞvĂ© avec son incarnation Ă  la fois drĂ´le et lĂ©gère, notamment dans des dialogues franco-russes (“sa mère aimait beaucoup DostoĂŻevski”) qui sont dĂ©sopilants, mais aussi des moments touchants et dignes de l’Ă©gĂ©rie romantique qu’elle interprète divinement. Les airs et duos très exigeants sont battus en brèche avec une voix stable, Ă  l’aigu puissant et prĂ©cis, au medium riche et contrastant. Un talent Ă  suivre absolument.

Dans les rĂ´les bouffons, nous remarquons Ă  la fois l’Ă©quilibre entre une belle exĂ©cution vocale et un aplomb histrionique de tous les interprètes. Les monarques aux timbres contrastĂ©s de Huub Claessens et Roger Smeets. Le Marinioni Ă  se tordre de rire de Thomas Morris, tĂ©nor de caractère d’anthologie. Les trois Ă©tudiants Ivan Thirion, Jeroen de Vaal et Jacques de Faber, tour Ă  tour punks et junkies, ils nous offrent une belle photographie de ce qu’est notre jeunesse. Dans le rĂ´le parlĂ© d’un aide de camp Peter Vandemeulebroecke est dĂ©sopilant, notamment quand il organise, avant l’entrĂ©e en salle, une audition pour les candidats au poste de bouffon du roi dans le foyer du théâtre.

L’orchestre Philharmonie Zuidnederland restitue une partition aux couleurs chatoyantes, notamment saluons les vents dans la Ballade Ă  la lune. La direction dynamique, brillante et prĂ©cise du maestro Enrico Delamboye retrouve chaque pĂ©pite de la partition d’Offenbach et nous les offre avec une passion communicative.

A la fin de ce fabuleux spectacle de la compagnie Opera Zuid, nous sortons avec la certitude que la folie peut ĂŞtre une solution certaine Ă  la perte de repères de notre temps, mais Ă©videment non pas l’insanitĂ© psychiatrique ou le dĂ©lire pervers, mais la folie d’aimer avec dĂ©raison ce qui est beau et ce qui nous fait ressentir la folie que tous les auteurs et artistes romantiques nous apportent ainsi sur un plateau d’argent.

 

 
 

 
 

 

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COMPTE-RENDU, opĂ©ra. EINDHOVEN Parktheater (Pays-Bas), Opera Zuid; le 19 mai 2019. OFFENBACH : Fantasio – B. PRINS / E. Delamboye

Jacques OFFENBACH
Fantasio (1872)

Fantasio – Romie Estèves
Elsbeth – Anna Emelianova
Le Roi de Bavière – Huub Claessens
Le Prince de Mantoue – Roger Smeets
Marinoni – Thomas Morris
Sparck – Ivan Thirion
Facio – Jeroen de Vaal
Flamel – Francis van Broekhuizen
Hartmann – Rick Zwart
Max – Jacques de Faber
Le Passer-By – Benjamin Prins
RĂ´les parlĂ©s – Peter Vandemeulebrocken

Danseurs – Zora Westbroek, Isaiah Selleslaghs, Sandy Ceesay, Iuri Costa

Mise en scène – Benjamin Prins
ScĂ©nographie et costumes – Lola Kirchner
Costumes  – FASHIONCLASH
ChorĂ©graphie – Dunja Jocic
Lumières – AndrĂ© Pronk
Assistante Ă  la mise-en-scène – PĂ©nĂ©lope Driant

Theaterkoor Opera Zuid
Philharmonie Zuidnederland

Direction – Enrico Delamboye

Production OPERA ZUID – Maastricht

Illustrations : © Joost Milde

 

 

 

 

CD, critique. OFFENBACH : Concerto militaire (Edgar Moreau, 1 cd Erato, 2017)

edgar moreau violoncelle concerto OFFENBACH cd erato offenabch 2019 clic de classiquenews critique cd concerto actualite musique classique classiquenews j63fladcb5xyc_600CD, critique. OFFENBACH : Concerto militaire (Edgar Moreau, 1 cd Erato, 2017). il joue de la soie de son foulard Ă©charpe en couverture comme son chant au violoncelle est souple, fin, d’une exceptionnelle Ă©lĂ©gance. Le jeune violoncelliste Edgar Moreau Ă©blouit littĂ©ralement par son naturel et sa musicalitĂ©. Quelle belle rĂ©vĂ©lation que ce Concerto “militaire” pour violoncelle en sol majeur (composĂ© en 1847 par un Offenbach, âgĂ© de 28 ans), auquel le jeune concertiste soliste sait prĂ©server l’éloquence en diable et la sensibilitĂ© raffinĂ©e viennoise. Le premier mouvement est portĂ© par une Ă©nergie conquĂ©rante, celle d’une troupe en armes, fière et gavĂ©e d’un sain panache (n’est il pas militaire, comme son titre l’indique ?). La verve et le brio font toute la valeur de cette Ă©criture dĂ©monstrative et fine ; deux qualitĂ©s qui s’exaltent sous l’archet et sous les doigts magiciens d’Edgar Moreau dont l’agilitĂ© souple et très articulĂ©e fait merveille, sachant … et souligner le lyrisme tendre et l’appel au dĂ©lire le plus dĂ©boutonnĂ© ; ses phrasĂ©s sont prĂ©cis et nuancĂ©s, d’une flexibilitĂ© unique, douĂ©e de grande finesse dans le jeu des caractĂ©risations incessantes et contrastĂ©es. L’instrument est proche du chant le plus facile, Ă©perdu, Ă©chevelĂ© (premier Allegro maestoso). La carrure des phrases, leur sens dĂ©lurĂ© de la parodie, l’ivresse des vocalises annoncent cette joie irrĂ©pressible du gĂ©nie de la pantalonnade.
Le violoncelle n’est pas seulement hyperbavard qui semble jouer toutes les parties et toutes les voix : il exprime la frénésie de cet Offenbach hyper sensible, racé, élégantissime. Le jeu crépitant et nuancé du soliste suit mesure à mesure, l’écriture opératique, où se succède une série de cadences, variations, fantaisies les plus fantasques (« bouffes ») d’un esprit hanté par la grâce du délire. Quel premier mouvement!

 

 

 

Génie foudroyant, survolté mais nuancé
d’Offenbach et du jeune Edgar Moreau

 

 

 

Bicentenaire OFFENBACH 2019Dévoilant toute la maestrià d’un dramaturge né, capable de cette partition délurée, délirante, 10 ans avant Orphée aux enfers. S’y ressuscite et s’incarne idéalement par son insolence magnifique, l’esprit d’Offenbach : cet oiseau moqueur si délectable dans ses délires et sa fantaisie souveraine. L’amuseur du Second Empire ose déjà en 1847, une cascade d’idées déjantées, de verve en diable qui se joue de tous les registres : l’art est libre, et avec Offenbach, composant pour son propre instrument, non pas la voix mais le violoncelle, totalement explosif ; car, juvénile, sincère, quasi instinctif, c’est d’abord un bain bouillonnant d’énergie. Le feu intact du jeune violoncelliste Moreau permet cet acte d’appropriation, naturel et foudroyant.
Dommage que l’orchestre, style grosse caisse, en fasse trop contradictoirement dans ce passage qui est une formidable entrée, un lever de rideau maestoso et pétaradant. Le violoncelle solo est à peu près aussi volubile et ciselé que l’orchestre, épais, démonstratif, et sans guère de nuances. On veut bien comprendre qu’il regroupe des individualités (collectif de chambristes), certes, mais où sont les nuances ?

Le second mouvement (Andante de presque 10 mn) sonne l’aria d’une diva de bel canto : andante chantant lui aussi mais en demi, ultra teintes, où le dosage et la nuance suppléent la volonté de bravade brute et de pure virtuosité. Car Edgar Moreau sait aussi colorer et ciseler une sonorité qui « paraît » certes, et gonfle les muscles, mais sait surtout « être » : intérieure et introspective. Ce jeu des arrières plans est délectable voire superlatif. On trouvera là encore la tenue de l’orchestre bien terre à terre en comparaison.

Voilà qui rétablit le génie facétieux d’un Offenbach très cultivé qui pense par son violoncelle tout l’opéra de son époque : Rossini, Bellini et Verdi ; les Italiens évidemment dont il aime parodier toutes les facettes. Mais Offenbach aime moquer surtout l’orgueil et la vanité du militaire, comme en témoignent les nombreux éclats comiques du final qui annonce La Grande Duchesse de Gerolstein (écrite 20 ans après son Concerto).  Une belle offrande discographique pour le bicentenaire de la naissance de Jacques Offenbach, de surcroît dans la version complète reconstituée par Jean-Christophe Keck en 2004.

D’une Ă©gale facĂ©tie parodiant les styles les plus divers (jazz et rock dans le premier mouvement), le Concerto du pianiste viennois Friedrich Gulda (dĂ©cĂ©dĂ© en 2000) surprend dans son Concerto pour violoncelle (créé en 1980) lui aussi par sa facilitĂ© parodique ; si le premier mouvement sonne rock (le violoncelle empruntant rĂ©solument la voie de la guitare Ă©lectrique), les second (Idylle) et dernier mouvement, sont d’un lyrisme Ă©clectique impeccable, d’une finesse de ton qui retrouve la grâce d’inspiration du Concerto d’ Offenbach. La Cadence contraste par sa quĂŞte Ă©perdue, froide, interrogative ; elle semble rentrer dans le mystère en un dĂ©lire que certains trouveront… bavard, autocentrĂ© (avec pastiche alla Chostakovitch : aciditĂ© et vertiges d’un questionnement sans rĂ©ponse). Qu’importe, le soliste captive par la disparitĂ© de sa palette expressive, ; l’Ă©tonnante prĂ©cision de ses nuances les plus tĂ©nues.
Gulda fut ce « poil à gratter de la société bourgeoise conservatrice, le prince du cross over » est-il indiqué dans la notice du livret. Son sens de la provoc demeure bien polissé, jouant sur le choc aimable des styles différents, un éclectisme qui se moquant des frontières et de la bienséance « catégorisante », avait alors (en 1980) valeur de sédition musicale : il est vrai que Vienne concentre une pensée bien conformiste et un ordre hiérarchisé qui ignore tous ceux qui n’ont pas le titre ronflant de « doktor ». Le mentor de Marta Argerich cultivait la liberté lui aussi, résolument provocatrice pour remettre les cerveaux dans le bon sens.
CLIC_macaron_2014Talentueux dans l’infini nuancé, comme dans la bravade empanachée la plus débridée, Edgar Moreau cisèle un jeu idéal : à la fois introspectif et sincère, comme éloquent, articulé, subtil, virtuose. Magistrale approche. Gulda est revivifié ; le jeune (violoncelliste) Offenbach illumine par une telle intelligence. Malgré la faiblesse peu inspirée de l’orchestre, le cd est « CLIC de CLASSIQUENEWS » de février 2019.

 

 

 
 

 

 

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CD, critique. OFFENBACH : Concerto militaire – couplĂ© avec le Concerto pour violoncelle de Gulda(1980). EDGAR MOREAU, violoncelle. Les Forces Majeures / RaphaĂ«l Merlin, direction – 1 cd ERATO / Warner classics – durĂ©e 1h13mn – enregistrement rĂ©alisĂ© en aoĂ»t 2017, Limousin).

 

 

 
 

 

 

CD, critique. Offenbach colorature. Jodie Devos, soprano. Airs d’opéras (1 cd Alpha, 2018).

OFFENBACH coloratoure cd opera concert critique cd review cd classiquenewsCD, critique. Offenbach colorature. Jodie Devos, soprano. Airs d’opĂ©ras (1 cd Alpha, 2018). BOF… Le programme Ă©laborĂ© ne manque pas de diversitĂ© mais il pĂŞche par un manque de cohĂ©rence. Quel est au juste le fil thĂ©matique qui justifie la succession “hasardeuse” des pièces ainsi collectĂ©es ? Evidemment pour s’assurer un certain impact auprès du consommateur landa, il fallait nĂ©cessairement afficher la Barcarolle des Contes d’Hoffmann… Pour des surprises on repassera ; cependant Vert-Vert, Les Bergers, Les Bavards, Le Roi Carotte, et aussi Robinson CrusoĂ© et Fantasio (dont deux magnifiques sĂ©quences de la princesse Elsbeth), … pour ne citer que quelques Ĺ“uvres, mĂ©ritent le dĂ©tour et suscitent l’envie d’en Ă©couter davantage. Ce qui est mĂ©ritant quand mĂŞme. La coloratoure chez Offenbach promettait une face cachĂ©e du compositeur : Ă  torts rĂ©duit Ă  ses pantalonades burlesques et fantasques, le compositeur fĂŞtĂ© en 2019, s’est souciĂ© comme un rĂ©el auteur sĂ©rieux, des voix et du beau chant romantique français. En tĂ©moigne l’engagement de la soprano belge Jodie Devos – prĂ©cĂ©demment distinguĂ©e par CLASSIQUENEWS pour sa superbe et irradiante incarnation dans LakmĂ© Ă  l’OpĂ©ra de Tours (janvier 2017). Somptueuse production oĂą la jeune diva se montrait particulièrement convaincante, donc troublante.
Dans cet album finalement Ă©parpillĂ©, la fĂ©erie dont il est question, servie par une voix souple et bien timbrĂ©e, agile et articulĂ©e (oui, oui : et c’est plutĂ´t un bon point) s’écoute ainsi avec plaisir, Ă  dĂ©faut d’une Ă©coute captivĂ©e. Pourtant quelques perles rares (l’air « Je suis nerveuse » du Voyage dans la lune), ou des poncifs hier bien dĂ©fendus (la Valse-Tyrolienne d’Un mari Ă  la porte prĂ©cĂ©demment portĂ©e par la soprano fĂ©tiche de Karajan Sumi Jo)… peinent Ă  maintenir l’Ă©coute.
Reine de la nuit chez Mozart, Jodie Devos Ă©blouit par la tenue ronde de ses aigus en cascades, toujours nets et prĂ©cis, sans sĂ©cheresse ni tension. Mais oĂą est la farce, la verve, cet esprit dĂ©jantĂ© mais toujours subtile et Ă©lĂ©gant propre au Mozart des Champs ElysĂ©es ? De coloratoure il est question certes, mais … trop sage.
Il y manque un zeste de délire ou de fantaisie délurée, jamais bien éloignées chez Offenbach l’espiègle, l’amuseur des boulevards, bien sûr dans les emplois plus comiques où le 3è degré (quasi surréaliste, porté par le sens du pastiche et de la parodie facétieuse) sont de mise.
PortĂ© par de très sĂ©rieuses institutions partenaires, pourtant spĂ©cialistes du rĂ©pertoire XIXè, de l’opĂ©ra romantique français en particulier, on s’étonne de l’imprĂ©cision voire des erreurs commises dans certaines liaisons linguistiques… un coach rĂ©ellement exigeant aurait-il manquĂ© lors des rĂ©pĂ©titions et des sĂ©ances de prĂ©paration ? De grâce messieurs les producteurs, respectez davantage notre français : langue dĂ©licate, langue espiègle dont Offenbach avait de son vivant la maĂ®trise exemplaire (cf sa correspondance et son sens de la formule publicitaire)… En tout cas cela ajoute au comique des situations (la petite fruitière dans Mesdames de la Halle). Dommage d’autant que le chef, malgrĂ© un orchestre sirupeux et Ă©pais (oĂą sont les instruments d’époque, lĂ©gers, subtilement timbrĂ©s, sautillants, nuancĂ©s…?) dĂ©fend avec cĹ“ur et nerf, la vitalitĂ© dĂ©licieuse, c’est Ă  dire, très raffinĂ©e d’un orchestre scolaire, qui heureusement dans l’ensemble, ne se limite Ă  l’accompagnement. Pour le premier cd dĂ©diĂ© au bicentenaire OFFENBACH 2019, ce recueil a un goĂ»t d’inachevĂ© et d’imprĂ©cis.

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Offenbach, rĂ©cital lyrique. JODIE DEVOS : Offenbach coloratoure – MĂĽnchner Rundfunkorchester – L. Campellone, direction (1 cd Alpha) / Enregistrement rĂ©alisĂ© Ă  MĂĽnich en juillet 2018 – 1 CD Alpha 437 – 1h

Programme / tracklisting :

« Je suis du pays vermeil » (Boule de Neige),
« Les plus beaux vers sont toujours fades… J’ai parcouru toute la France »
(Vert-Vert),
« La mort m’apparaît souriante » (Orphée aux enfers),
« J’entends, ma belle » (Un mari à la porte),
« Cachons l’ennui de mon âme… Ah ! Dans son cœur qui donc peut lire ? » (Fantasio),
« Ce sont d’étranges personnages » (Les Bavards),
« Quel bruit et quel tapage… Je suis la petite fruitière » (Mesdames de la Halle),
« Le voilà… Petites fleurs que j’ai vues naître » (Le Roi Carotte),
Ouverture (Les Bergers),
«  Voilà toute la ville en fête » (Fantasio),
« Les oiseaux dans la charmille » (Les Contes d’Hoffmann),
« Conduisez-moi vers celui que j’adore » (Robinson Crusoé),
« Souvenance de l’enfance », « Allons ! Couché » (Boule de Neige),
« Belle nuit, ô nuit d’amour » (Les Contes d’Hoffmann),
« Je suis nerveuse » (Le Voyage dans la lune)

 

 

LIRE aussi notre grand dossier OFFENBACH 2019, pour le bicentenaire de Jacques Offenbach né le 20 juin 1819

LIVRE événement. Jean-Philippe Biojout : OFFENBACH (Bleu Nuit éditeur)

offenbach jacques biographie bleu nuit editeur jean philippe biojout critique annonce classiquenewsLIVRE événement, critique. Jean-Philippe Biojout : OFFENBACH (Bleu Nuit éditeur). Pour l’année OFFENBACH, en 2019 pour le bicentenaire de sa naissance (1819), Bleu Nuit dégaine une biographie complète et très accessible qui rappelle combien au sujet du Mozart des Boulevards (parisiens), il reste de nombreuses et dommageables imprécisions et contre vérités. Ainsi, parmi d’autres, Jacques Offenbach n’a pas écrit d’opérettes (il faut les restituer à l’inventeur du genre : Hervé qui sera son concurrent dans les années 1850), mais des opéras-bouffes, ou selon ses propres termes, des « pastiches d’opéras à la mode »… où rayonnent délire, fantasque, surréalisme avant l’heure, humour débridé, comique loufoque, arlequinades et pantomimes en tous genres…). Il a connu aussi les honneurs de l’Opéra de Paris, non pour son grand opéra Les Fées du Rhin, récemment restituées en français par l’Opéra de Tours (création mondiale en sept 2018), mais grâce au génie de sa musique chorégraphique (Les Papillons, ballet-pantomime joué in loco pendant 2 années!).

 
 

Offenbach : génie du pastiche

 

 

offenbach-violoncelle-jacques-offenbach-anniversaire-2019-par-classiquenews-dossier-OFFENBACH-2019Voici un portrait d’Offenbach, le magnifique, génie du divertissement (ce qui n’exclut pas la profondeur et la poésie trouble de certains personnages), dépensier jusqu’à la faillite, influençant Strauss, Lehar, Gilbert et Sullivan… A Cologne, sa ville natale, le carillon de l’Hôtel de ville marque les 15h avec le galop final d’Orphée aux enfers… Offenbach doit sa fortune à sa verve galopante elle aussi, répondant à la société consommatrice du genre bouffe au Second Empire.
Le texte rĂ©capitule tous les jalons de sa formation et de la genèse de sa sensibilitĂ© et culture musicale. Dont l’Ă©volution du jeune prodige du volucelle ; arrivĂ©e Ă  Paris dans les annĂ©es 1830, oĂą règne les Ă©trangers Ă  Paris, Cherubini au Conservatoire depuis 1822, Meyerbeer Ă  l’OpĂ©ra de Paris, affirmant un souffle hors du commun dans le genre du grand opĂ©ra romantique total, avec HalĂ©vy (qui comme le jeune Jacques est juif allemand, et rĂ©gĂ©nère l’opĂ©ra avec L’Eclair et La Juive (1835)… lequel favorise la carrière d’Offenbach dont il a dĂ©tectĂ© le gĂ©nie lyrique. Violoncelliste dans l’orchestre de l’OpĂ©ra-Comique, Jacob/Jacques qui n’a pas 20 ans, retrouve Flotow, autre allemand venu faire fortune Ă  Paris qui l’aide lui aussi Ă  percer dans le système des concerts Ă  bĂ©nĂ©fice. La « Sauterelle » Offenbach sĂ©duit ainsi les salons parisiens (1839 grâce au soutien de la Comtesse de Vaux)…
Le portrait ainsi rétabli souligne combien il reste difficile pour un allemand (avec un fort accent de Cologne) de percer en France, à Paris où le public et les journalistes sont à l’affût de chaque percée prussienne, fût elle indirecte. Offenbach est l’objet d’un soupçon permanent sur son œuvre et ses origines.
Très vite, Jacob devient Jacques, converti au catholicisme pour épouser Herminie (1844). Après la chute de Louis Philippe et l’avènement croissant du Prince Louis Napoléon, Offenbach obtient un poste enfin stable : directeur musical à la Comédie Française (à partir d’octobre 1850). Il devient véritablement celui que l’on connaît lorsqu’il fonde son propre théâtre (à l’été 1855) pour y faire jouer ses œuvres pour un parterre nombreux, venu s’encanailler à l’époque de la 2è Exposition Universelle, vitrine de l’art de vivre flamboyant du Second empire.
Toutes les œuvres et partitions de Jacques le conteur y sont évoquées, présentées ou analysées, des premiers actes loufoques (Une nuit blanche, Les deux aveugles, Arlequin Barbier… le compositeur sait divertir comme il sait s’acoquiner avec les medias de l’époque pour relayer ses pastiches divertissants.
CLIC D'OR macaron 200En 9 chapitres de plus documentĂ©s, se prĂ©cise le profil bondissant de « la grande sauterelle », dĂ©jantĂ©e, allumĂ©e, ce « Jettatore », jeteur de sort, – Ă  Paris, l’oranger talentueux est forcĂ©ment suspect-, un rien inquiĂ©tant voire diabolique, auteur de 100 pièces lyriques dont la verve mĂ©lodique, l’audace dramatique, le goĂ»t parodique et comique, le sens du lyrisme (et de la valse) sont Ă©clairĂ©s par la prose d’un biographe sincèrement Ă©mu et maĂ®tre de son sujet. Il est temps de reconsidĂ©rer l’étoffe et la richesse esthĂ©tique d’un compositeur dont l’oeuvre ne se limite pas Ă  ce fameux « french cancan », terme impropre car il dĂ©signe en vĂ©ritĂ© le galop final de son OrphĂ©e aux Enfers (1858). Lecture passionnante et donc nĂ©cessaire pour 2019, l’annĂ©e du bicentenaire Offenbach. CLIC de CLASSIQUENEWS de janvier 2019. Un premier bel hommage au gĂ©nie des boulevards.

 

 

 

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Sommaire

1 – Le jeune prodige du violoncelle :
une famille de Cologne, arrivée à Paris, rencontre avec Halévy, Flotow, Revoir Cologne, Concert dans les salons Herz

2 – Devenir un auteur dramatique reconnu :
L’Alcôve, La Duchesse d’Albe, A la Comédie Française (1849), Hervé le concurrent ?, Pépito (1853)

3 – J’ai l’idĂ©e d’un petit théâtre… : Folies-Nouvelles (1855), « Pantomimes et Arlequinades » au Petit Théâtre Lacaze, Les Bouffes-Parisiens : Les Deux Aveugles, Arlequin barbier… / Faire savoir (amitiĂ© d’Hippolyte de Villemessant, fondateur du Figaro lancĂ© en 1854), quartiers d’hiver / nouvelle salle des Bouffes-Parisiens du passage Choiseul (1855) : Ba-ta-clan,

4 – Le petit Mozart des Champs-ElysĂ©es
Travailleur acharné, Tromb Al Ca Zar, Compositeurs illustres (programmer Adam et Mozart) ; Un été difficile sur les Champs Elysées, La rose de Saint Flour (1856) ; Le 66, Le Financier et le savetier ; Promouvoir l’opérette : le concours d’opérettes aux Bouffes-Parisiens (Le docteur Miracle de Lecocq) ; Les 3 baisers du diable (genre féerique, fantastique) ; Les premières tournées (Le mariage aux lanternes, les deux pêcheurs), Mesdames de la Halle (opéra bouffe, 1858); La chatte métamorphosée en femme

5 – Sous la lyre d’OrphĂ©e
Création d’Orphée aux Enfers (21 oct 1858), à l’époque du Faust de Gounod (1859), de Dinorah de Meyerbeer. Toujours de la nouveauté (la villa Orphée à Etretat, 1859) ; Geneviève de Brabant (nov 1859) ; Brouille avec Wagner (La Tyrolienne de l’Avenir…) ; Daphnis et Chloé ; Une œuvre qui a du chien, le sultan Barkouf (déc 1860) ; Ballet à l’Opéra (triomphe du Papillon, ballet-pantomime, créé le 1er déc 1860) ; Morny en coulisse (un allié amateur de bouffes), Mr Choufleuri restera chez lui; 1861 : année morose ; La Chanson de Fortunio (1861) ; Le pont des soupirs (opéra bouffon, mars 1861)

6 – Libre !
Aller de l’avant : tournĂ©e Ă  Berlin, Ă  Vienne. CrĂ©ation en allemand des FĂ©es du Rhin / Rheinnixen Ă  Vienne (4 fĂ©v 1864) – crĂ©ation mondiale de la version française Ă  l’OpĂ©ra de Tours, sept 2018 / Vers d’autres scènes : la Belle HĂ©lène (Les VariĂ©tĂ©s, le 17 dĂ©c 1864) ; Coscoletto ; Barbe-Bleue (fĂ©v 1866) ; Un auteur très demandĂ© ; La Vie parisienne, opĂ©ra bouffe (Palais-Royal, le 31 oct 1866)

7 – Dans les mailles de la satire
« En très bon ordre nous partîmes… », La Grande Duchesse de Gerolstein (avril 1867); Main mise sur Paris ; Robinson Crusoé (nov 1867); Le château à toto, suite de La Vie parisienne (Palais-Royal, mai 1868) ; Quand le ciel s’assombrit… Les Brigands (oct 1868). Retour aux Bouffes : Île de Tulipan ; Un perroquet nommé Vert-Vert (mars 1869) ; décembre 1869 très rempli ; La princesse de Trébizonde (7 déc 1869)

8 – Une gaietĂ© perdue ?
De l’eau dans le gaz… ; Boule de neige (déc 1871) ; Un monde fantastique : Le Roi Carotte, opéra bouffe féerie avec Sardou (janvier 1872) ; Le corsaire noir (Vienne, 21 sept 1872) ; Les Braconniers (janv 1873) ; De nouveau directeur… La permission de dix heures ; Pomme d’api ; Reprises en toujours plus grand… Retour aux Bouffes : Bagatelle, Madame l’Archiduc (oct 1874) ; Une deuxième saison difficile, Composer encore… La boulangère a des écus (oct 1875) ; Le voyage dans la lune (La Gaîté) ; La Créole (Bouffes Parisiens, nov 1875) ; Exportation anglophone : Whittington (déc 1874)

9 – Un dernier conte
Contretemps et désillusions… Maître Péronilla (mars 1878) ; Anna Judic aux Variétés… Le docteur Ox (Variétés, janv 1877) ; DU côté des Bouffes ; Aux Folies-Dramatiques : La Foire saint-Laurent (10 fév 1877), Madame Favart (28 déc 1878) ; La Fille du tambour major (13 déc 1878). Du côté de Vienne… Le Requiem d’Offenbach : Les contes d’Hoffmann (écoute des 9 grands extraits finalisés le 18 mai 1879 ; création posthume Salle Favart, le 7 fév 1881.

 

 

 

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CLIC D'OR macaron 200LIVRE Ă©vĂ©nement, critique. Jean-Philippe BIOJOUT : Jacques OFFENBACH - Bleu Nuit Ă©ditions / collection horizons – en complĂ©ment au texte biographique : tableau synoptique (les oeuvres et la vie d’Offenbach contextualisĂ©s), bibliographie sĂ©lective, discographie sĂ©lective – 176 pages – parution : janvier 2019 – ISBN 978 2 35884 075 0.

 

 

 

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Compte-rendu, opéra. Nancy, le 14 déc 2018. Offenbach : La Belle Hélène. L Campellone / B Ravella.


Compte-rendu, opéra. Nancy, le 14 décembre 2018. Offenbach : La Belle Hélène. Laurent Campellone / Bruno Ravella
. Quelques jours après la rĂ©crĂ©ation de Barkouf (1860) Ă  Strasbourg : LIRE ici : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-strasbourg-le-7-dec-2018-offenbach-barkouf-jacques-lacombe-mariame-clement/, c’est au tour de l’OpĂ©ra de Nancy de s’intĂ©resser en cette fin d’annĂ©e Ă  Offenbach, en prĂ©sentant l’un de ses plus grands succès, La Belle HĂ©lène (1864). Toutes les reprĂ©sentations affichent dĂ©jĂ  complet, preuve s’il en est de la renommĂ©e du compositeur franco-allemand, dont on fĂŞtera le bicentenaire de la naissance l’an prochain avec plusieurs raretĂ©s : Madame Favart Ă  l’OpĂ©ra-Comique ou MaĂ®tre PĂ©ronilla au Théâtre des Champs-ÉlysĂ©es, par exemple. A Nancy, toute la gageure pour le metteur en scène tient dans sa capacitĂ© Ă  renouveler notre approche d’un “tube” du rĂ©pertoire, ce que Bruno Ravella rĂ©ussit brillamment en cherchant avec une vive intelligence Ă  rendre crĂ©dible un livret parfois artificiel dans ses rebondissements.

offenbach-violoncelle-jacques-offenbach-anniversaire-2019-par-classiquenews-dossier-OFFENBACH-2019Son idĂ©e maĂ®tresse consiste d’emblĂ©e Ă  donner davantage d’Ă©paisseur au personnage de Pâris, dont les apparitions et les travestissements rocambolesques relèvent, dans le livret original, du seul primat divin. Pourquoi ne pas lui donner davantage de prĂ©sence en le transformant en un agent secret chargĂ© d’infiltrer la RĂ©publique bananière d’HĂ©lène et son Ă©poux ? Pourquoi ne pas faire de lui un mythomane, dès lors que son attachement autoproclamĂ© Ă  Venus n’est jamais confirmĂ© par la DĂ©esse, grande absente de l’ouvrage ? Ce pari osĂ© et rĂ©ussi conduit Pâris, dès l’ouverture, Ă  endosser les habits d’un James Bond d’opĂ©rette, plutĂ´t savoureux, d’abord Ă©bahi par les gadgets prĂ©sentĂ©s par “Q”, avant de se faire parachuter en arrière-scène. C’est lĂ  le lieu de tous les dĂ©lires visuels hilarants de Bruno Ravella, qui enrichit l’action au moyen de multiples dĂ©tails d’une grande pertinence dans l’humour – mais pas seulement, lorsqu’il nous rappelle que la guerre se prĂ©pare pendant que tout ce petit monde s’amuse.
La transposition survitaminĂ©e fonctionne Ă  plein pendant les trois actes, imposant un comique de rĂ©pĂ©tition servi par une direction d’acteur qui fourmille de dĂ©tails (chute du bellâtre Pâris dans l’escalier, prosodie de la servante façon ado bourgeoise de Florence Foresti, etc). De quoi surprendre ceux qui n’imaginait pas Bruno Ravella capable de renouveler, en un rĂ©pertoire diffĂ©rent, le succès obtenu l’an passĂ© avec Werther – un spectacle aurĂ©olĂ© d’un prix du Syndicat de la critique. On mentionnera enfin la modernisation fĂ©roce des dialogues rĂ©alisĂ©e par Alain Perroux (en phase avec l’esprit du livret original tournĂ© contre NapolĂ©on III), qui dirige logiquement la farce contre le pouvoir en place aux cris d’”En marche la Grèce !” ou de “Macron, prĂ©sident des riches ! ».

 

 

 

Farce délirante contre le pouvoir

 

 

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Autour de cette proposition scĂ©nique rĂ©jouissante, le plateau vocal brille lui aussi de mille feux, Ă  l’exception du rĂ´le-titre problĂ©matique. Rien d’indigne chez Mireille Lebel qui impose un timbre et des phrasĂ©s d’une belle musicalitĂ© pendant toute la soirĂ©e. Qu’il est dommage cependant que la puissance vocale lui fasse Ă  ce point dĂ©faut, nĂ©cessitant Ă  plusieurs reprises de tendre l’oreille pour bien saisir ses interventions. Pour une chanteuse d’origine anglophone, sa prononciation se montre tout Ă  fait satisfaisante, mais on perd lĂ  aussi un peu du sel que sait lui apporter Philippe Talbot en comparaison. C’est lĂ , sans doute, le tĂ©nor idĂ©al dans ce rĂ©pertoire, tant sa prononciation parfaite et son timbre clair font mouche, le tout avec une finesse théâtrale très Ă  propos.

Autour d’eux, tous les seconds rĂ´les affichent un niveau superlatif. On se rĂ©jouira de retrouver des piliers du rĂ©pertoire lĂ©ger, tout particulièrement Franck LeguĂ©rinel et Eric Huchet – tous deux irrĂ©sistibles.

On mentionnera Ă©galement le talent comique de Boris Grappe, Ă  juste titre chaleureusement applaudi en fin de reprĂ©sentation, dont le style vocal comme les expressions lui donnent des faux airs de …Flannan ObĂ©, un autre grand spĂ©cialiste bouffe. Enfin, Laurent Campellone dirige ses troupes avec une tendresse et une attention de tous les instants, donnant une transparence et un raffinement inattendus dans cet ouvrage. Un grand spectacle Ă  savourer sans modĂ©ration pour peu que l’on ait su rĂ©server Ă  temps ! A l’affiche de l’OpĂ©ra national de Lorraine, Ă  Nancy, jusqu’au 23 dĂ©cembre 2018.

 

 

 

offenbach belle helene 2 critique opera par classiquenews

 

 

 

 

 

 

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Compte-rendu, opéra. Nancy, Opéra national de Lorraine, le 14 décembre 2018. Offenbach : La Belle Hélène. Mireille Lebel (Hélène), Yete Queiroz (Oreste), Philippe Talbot (Pâris),  Boris Grappe(Calchas), Franck Leguérinel (Agamemnon), Eric Huchet (Ménélas), Raphaël Brémard (Achille). Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Lorraine, direction musicale, Laurent Campellone / mise en scène, Bruno Ravella.

/ illustrations : © Opéra national de Nancy 2018

 

 

 

Compte-rendu, opéra. Strasbourg, le 7 déc 2018. Offenbach : Barkouf. Jacques Lacombe / Mariame Clément.

offenbach-jacques-concerts-opera-presentation-par-classiquenews-Jacques_Offenbach_by_NadarCompte-rendu, opĂ©ra. Strasbourg, le 7 dĂ©cembre 2018. Offenbach : Barkouf. Jacques Lacombe / Mariame ClĂ©ment. Jamais repris depuis sa crĂ©ation parisienne en 1860, l’opĂ©ra-bouffe Barkouf renaĂ®t aujourd’hui grâce aux efforts conjuguĂ©s des opĂ©ras du Rhin et de Cologne (qui seul nous offrira un enregistrement discographique, avec les dialogues en allemand), tout autant que du spĂ©cialiste mondial d’Offenbach, le chef et musicologue Jean-Christophe Keck, Ă  qui l’on doit la reconstruction de la partition et du livret. L’ouvrage fut en effet plusieurs fois remis sur le mĂ©tier avant la crĂ©ation houleuse, effectuĂ©e dans un parfum de scandale du fait de sa satire du pouvoir en place. AurĂ©olĂ© de l’immense succès d’OrphĂ©e aux enfers (1858), Offenbach parvenait enfin Ă  pĂ©nĂ©trer le graal que reprĂ©sentait pour lui l’OpĂ©ra-Comique, tout en accĂ©dant dans le mĂŞme temps au non moins prestigieux OpĂ©ra de Paris (alors appelĂ© Théâtre national de l’OpĂ©ra), avec le ballet Le Papillon (1860). C’est très certainement ce prestige reconnu qui le conduisit, avec son librettiste Scribe, Ă  oser rire de la valse du pouvoir en France depuis la RĂ©volution de 1789, tout en moquant le fait que n’importe qui semblait dĂ©sormais accĂ©der Ă  la fonction suprĂŞme – un chien pourquoi pas ?

 

 

 

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Echec à sa création, l’ouvrage pâtit certainement de ce sujet sulfureux, difficile à défendre pour tous ceux qui craignait Louis-Napoléon Bonaparte, dictateur redouté depuis son coup d’Etat sanglant en 1851 et la chasse aux sorcières qui s’en suivit. Malgré la censure, Barkouf pousse la satire aussi loin que possible, ce que les auditeurs de l’époque ne manquèrent pas de savourer, en faisant de nombreuses allusions à la jeunesse du futur Napoléon III, dont la suite rocambolesque de coups d’Etat manqués (Rome en 1831, Strasbourg en 1836 ou encore Boulogne-sur-Mer en 1840), tout autant que son appétit jamais assouvi pour les conquêtes féminines, en font un véritable personnage d’opérette. De même, les allusions au mariage forcé de Périzade et Saëb ressemble furieusement au choix épineux que dû résoudre Napoléon III en 1853 : épouser une femme aimée ou bien l’héritière d’une famille régnante ? On peut ainsi voir la figure de l’Empereur en deux personnages distincts et complémentaires de l’ouvrage, le révolutionnaire Xaïloum et le bellâtre amoureux Saëb.

Las, on comprend aisément que présenter un tel ouvrage sans le contexte historique et les codes nécessaires à sa compréhension n’a pas de sens de nos jours : la modernisation nécessaire des dialogues a de fait conduit Mariame Clément à restreindre ces aspects, ne gardant de l’allusion à Napoléon III que l’image finale des deux tourtereaux enfin couronnés, afin de lui préférer une pochade certes sympathique, mais somme toute moins savoureuse que Le Roi Carotte (voir notamment la reprise lilloise en début d’année : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-lille-opera-le-11-fevrier-2018-offenbach-le-roi-carotte-schnitzler-pelly/). A sa décharge, le livret ainsi vidé de sa charge personnalisée, étale sa pauvreté d’action autour des mystifications improbables de Maïma, propriétaire du chien proclamé gouverneur. Fallait-il y voir, là aussi, une allusion à l’influence considérable d’Eugénie, l’épouse de Napoléon III, une des plus belles femmes de son temps ? Dès lors, Clément fait le choix de présenter une société totalitaire envahie par les faux-semblants et l’apparence (I), avant l’avènement et la chute de la bureaucratie complotiste (II et III) : la scénographie splendide de Julia Hansen est un régal pour les yeux. Pour autant, le choix d’une illustration bon enfant, moquant l’absurdité d’un travail répétitif par l’adjonction d’un mime entre les actes, minore la charge potentielle de la farce au profit de seuls gags visuels. On aurait aimé, par exemple, davantage d’insistance sur la cruauté des rapports de domination entre le Vizir et son valet, et plus encore sur les personnages secondaires au nom pittoresque (porte-épée, porte-tabouret, porte-mouchoir, etc). De même, il aurait sans doute été préférable d’exploiter davantage le fort original thème canin, ici traité de façon discrète.

 

 

 

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Autour de cette mise en scène agréable mais sans surprise, on se félicite du plateau vocal réuni à Strasbourg, très convaincant. Ainsi de l’irrésistible abattage comique de Rodolphe Briand (Bababeck) dont on notera seulement quelques décalages avec la fosse au niveau vocal, ici et là. Un détail tant ses qualités théâtrales forcent l’admiration. A ses côtés, Pauline Texier (Maïma) endosse le rôle le plus lourd de la partition avec une belle vaillance vocale pour une voix au format si léger, tour à tour gracieuse et charmante. Il faudra cependant encore gagner en agilité dans l’aigu et en force d’incarnation pour rendre plus crédible le virage autoritaire de son personnage en deuxième partie. Fleur Barron (Balkis) ne manque pas de puissance en comparaison, autour d’une émission d’une rondeur admirable. On aimerait l’entendre dans un rôle plus important encore à l’avenir. Son français est fort correct, à l’instar de l’autre non francophone de la distribution, Stefan Sbonnik (Xaïloum). Autre belle révélation, avec les phrasés ensorcelants du très musical Patrick Kabongo (Saëb), idéal dans ce rôle, tandis que Nicolas Cavallier compose un superlatif Grand-Mogol.

On conclura en regrettant la direction trop analytique et allégée de Jacques Lacombe, qui peine à donner l’électricité et l’entrain attendu dans ce type d’ouvrage. Même si ce parti-pris a, au moins pour avantage, de ne pas couvrir les chanteurs, on aimerait donner davantage de folie et d’emphase à ce geste trop policé.

 

 

 

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A l’affiche de l’Opéra du Rhin, à Strasbourg jusqu’au 23 décembre 2018, puis à Mulhouse les 6 et 8 janvier 2019.
Compte-rendu, opéra. Strasbourg, Opéra du Rhin, le 7 décembre 2018. Offenbach : Barkouf. Rodolphe Briand (Bababeck), Nicolas Cavallier (Le Grand-Mogol), Patrick Kabongo (Saëb), Loïc Félix (Kaliboul), Stefan Sbonnik (Xaïloum), Pauline Texier (Maïma), Fleur Barron (Balkis), Anaïs Yvoz (Périzade). Orchestre et chœurs de l’Opéra du Rhin, direction musicale, Jacques Lacombe / mise en scène, Mariame Clément.

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Compte-rendu, opéra. Strasbourg, le 7 décembre 2018. Offenbach : Barkouf. Jacques Lacombe / Mariame Clément.

Illustrations : Klara BECK / Opéra national du Rhin 2018.

 

 

 

TEASER. OPERA DE TOURS : création mondiale des Fées du Rhin de J OFFENBACH (1864)

offenbach-les-fees-opera-de-tous-annonce-presentation-crtiique-sur-classiquenewsTEASER. TOURS, OpĂ©ra. Offenbach : Les FĂ©es. Les 28, 30 septembre, 2 oct 2018. Dans Les FĂ©es, Offenbach dĂ©voile dĂ©jĂ  son gĂ©nie de la mĂ©lodie, sa puissante inspiration, un talent de dramaturge qui sait traiter le genre “noble” du grand opĂ©ra, avec chĹ“ur omniprĂ©sent, duos amoureux, trios cyniques et diaboliques, confrontations multiples entre soldats crapuleux et villageois sans dĂ©fense, sans omettre le ballet et aussi, sujet oblige, un tableau onirique et fantastique, surnaturel et magique (le Rocher des Elfes au III). La crĂ©ation de la version française (car Les fĂ©es n’ont jamais Ă©tĂ© jouĂ©es en France du vivant de l’auteur), est en soi un Ă©vĂ©nement lyrique, rĂ©alisĂ© par l’OpĂ©ra de Tours. L’ouvrage ainsi dĂ©voilĂ©, devrait rĂ©vĂ©ler avant Les Contes d’Hoffmann, le talent d’un Offenbach dĂ©jĂ  en 1864, passionnĂ© par la fĂ©erie, les mondes parallèles, humains et purement poĂ©tiques, d’une exceptionnelle intensitĂ© expressive… Il Ă©tait temps de mesurer le gĂ©nie d’Offenbach, hors des sempiternels opĂ©ras comiques qui se sont affirmĂ©s depuis au risque de le cataloguer dans un seul genre. © studio CLASSIQUENEWS 2018 – RĂ©alisation : Philippe-Alexandre PHAM

LIRE aussi notre COMPTE RENDU détaillé de la production (TOURS, Opéra. Le 28 sept 2018) :
http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-tours-opera-le-28-sept-2018-offenbach-les-fees-du-rhin-version-francais-originale-creation-mondiale-rousseau-pionnier/

VIDEO, reportage. OPERA DE TOURS : création mondiale des Fées du Rhin de J OFFENBACH (1864)

offenbach-les-fees-opera-de-tous-annonce-presentation-crtiique-sur-classiquenewsVIDEO, reportage. TOURS, OpĂ©ra. Offenbach : Les FĂ©es. Les 28, 30 septembre, 2 oct 2018. Dans Les FĂ©es, Offenbach dĂ©voile dĂ©jĂ  son gĂ©nie de la mĂ©lodie, sa puissante inspiration, un talent de dramaturge qui sait traiter le genre “noble” du grand opĂ©ra, avec chĹ“ur omniprĂ©sent, duos amoureux, trios cyniques et diaboliques, confrontations multiples entre soldats crapuleux et villageois sans dĂ©fense, sans omettre le ballet et aussi, sujet oblige, un tableau onirique et fantastique, surnaturel et magique (le Rocher des Elfes au III). La crĂ©ation de la version française (car Les fĂ©es n’ont jamais Ă©tĂ© jouĂ©es en France du vivant de l’auteur), est en soi un Ă©vĂ©nement lyrique, rĂ©alisĂ© par l’OpĂ©ra de Tours. L’ouvrage ainsi dĂ©voilĂ©, devrait rĂ©vĂ©ler avant Les Contes d’Hoffmann, le talent d’un Offenbach dĂ©jĂ  en 1864, passionnĂ© par la fĂ©erie, les mondes parallèles, humains et purement poĂ©tiques, d’une exceptionnelle intensitĂ© expressive… Il Ă©tait temps de mesurer le gĂ©nie d’Offenbach, hors des sempiternels opĂ©ras comiques qui se sont affirmĂ©s depuis au risque de le cataloguer dans un seul genre. REPORTAGE VIDEO, avec Benjamin Pionnier, directeur de l’OpĂ©ra de Tours et directeur musical ; Pierre-Emmanuel ROUSSEAU, metteur en scène… © studio CLASSIQUENEWS 2018 – RĂ©alisation : Philippe-Alexandre PHAM – durĂ©e : 12 mn : Tout savoir des FĂ©es du Rhin de Jacques Offenbach : la prĂ©sence de la Nature et du Fantastique, les Elfes, les deux personnages clĂ©s (Hedwig et Laura), l’Ă©criture d’Offenbach…

LIRE aussi notre COMPTE RENDU détaillé de la production (TOURS, Opéra. Le 28 sept 2018) :
http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-tours-opera-le-28-sept-2018-offenbach-les-fees-du-rhin-version-francais-originale-creation-mondiale-rousseau-pionnier/

PARIS, exposition : Spectaculaire Second Empire au MusĂ©e d’Orsay

spectaculaire second empire catalogue presentation compte renduPARIS, EXPOSITION : MusĂ©e d’Orsay, Spectaculaire Second Empire, 1852-1870 / du 27 septembre 2016 au 16 janvier 2017. Ne vous fiez pas au visuel gĂ©nĂ©rique de l’exposition Ă©vĂ©nement du MusĂ©e d’Orsay (illustration ci contre) : la pose tranquille, rĂŞveuse, et presque absente de Madame Moitessier par le peintre Ingres (1856), incarne bel et bien un âge d’or de la fĂŞte, orchestrĂ©e par NapolĂ©on III et ses cĂ©lĂ©brations collectives, d’un luxe et d’un retentissement uniques dans l’histoire de France. De 1852 Ă  1870, la France se reprĂ©sente donc et s’affirme en Europe gra^ce Ă  son image impĂ©riale, rĂ©alisant de somptueux travaux (nouvel urbanisme parisien, amorce de l’OpĂ©ra Garnier…), dynamisant tous les arts pour la seule gloire internationale du style impĂ©rial.

Le Second Empire expose ainsi au MusĂ©e d’Orsay, ses plus beaux joyaux, oĂą la famille impĂ©riale n’hĂ©site pas Ă  se mettre en scène. L’époque est celle d’un Ă©clectisme forcenĂ© qui Ă©rudit et foisonnant, se joue des rĂ©fĂ©rences puisĂ©es dans les styles passĂ©s (nĂ©o grec, nĂ©o gothique, nĂ©o Renaissance, nĂ©o Baroque, etc…), la photographie, les RĂ©fusĂ©s du Salon qui se regroupent et inventent l’art moderne, c’est Ă  dire aux cĂ´tĂ©s de Manet et de Degas, l’impressionnisme, jouent leur propre partition, affirmant de façon parfois provocatrice, l’essor et la justesse de leur approche, quand GĂ©rĂ´me – après Gleyre, rĂ©cemment exposĂ© Ă  Orsay, revendique un art total, acadĂ©mique et rĂ©aliste.

Exposition Ă©vĂ©nement au Palais Garnier : Verdi et Wagner Sur le plan musical, PARIS s’affirme en capitale incontournable, temple inespĂ©rĂ©, parfois inaccessible, toujours passionnĂ©ment envisagĂ© : pour les compositeurs de l’Europe entière, faire crĂ©er son opĂ©ra Ă  l’OpĂ©ra de Paris – AcadĂ©mie impĂ©riale de musique, indique la consĂ©cration. Ainsi le genre du grand opĂ©ra Ă  la française (inventĂ© par Rossini dans Guillaume Tell, puis Meyerbeer et HalĂ©vy) attire inĂ©vitablement les deux plus grands crĂ©ateurs romantiques de la seconde moitiĂ© du siècle : Wagner et Verdi dont respectivement TannhaĂĽser (1861), ou Don Carlos (créé en 1867, conçu en français, après Les VĂŞpres Siciliennes de 1855) sont les offrandes spectaculaires pour le coup, Ă©laborĂ©s par leurs auteurs, au genre parisien (avec l’obligation codifiĂ©e des ballets, mais pas au premier acte, comme a osĂ© le faire Wagner en guise de critique acerbe du milieu français)… Les grands triomphateurs restent cependant, Ambroise Thomas (Hamlet, 1868) et Charles Gounod (Faust, 1869), gĂ©nie de l’opĂ©ra français au XIXè, dont la valeur attend toujours une juste reconnaissance.

exposition spectaculaire second empire vignette meissonier madame par ingres portrait second empire vignette classiquenewsL’exposition, riche en correspondances et approfondissements thĂ©matiques comble les attentes, celle des amateurs ou des curieux que l’art musical Ă  la fin du XIXè intĂ©resse particulièrement : une large section est rĂ©servĂ©e Ă  l’autre foyer de crĂ©ation lyrique et musicale, aux cĂ´tĂ©s de l’OpĂ©ra : le Théâtre Lyrique et Les Bouffes Parisiens. La veine dĂ©lirante, comique, proche de l’OpĂ©ra comique et de l’esprit des Foires, trouve en Offenbach, son gĂ©nie le plus riche et profond. C’est une seconde scène, plus libre, plus inventive sur le plan de la forme dont sortira triomphale mais après la mort de son auteur (et après la chute du rĂ©gime), Carmen de Bizet (1875). Le Second Empire est une cĂ©lĂ©bration collective (pour les nantis) mais aussi une pĂ©riode aux Ă©volutions tragiques car le rĂŞve s’achève brusquement en un double traumatisme, en 1870, avec la dĂ©faite française contre la Prusse, et dans le sang patriote des Communards.
La société du Second Empire est le première à diffuser et cultiver sa propre image (le portrait s’y renouvelle totalement, forcé à un nécessaire toilettage sous la pression de la photographie) : le spectacle, donc l’opéra et le théâtre musical y règnent sans partage : l’exposition événement au Musée d’Orsay le dévoile grâce à de nombreux témoignages : gravures d’époque, peintures, sculpture, maquettes, … Parcours incontournable.

 

PARIS, MusĂ©e d’Orsay. Spectaculaire Second Empire, 1852 – 1870. Jusqu’au 15 janvier 2017.

 

 

 

OpĂ©ra, rĂ©citals, bals et films d’opĂ©ras…

SPECTACLES au Musée d’Orsay… En complément à l’exposition, le Musée d’Orsay propose aussi un cycle d’événements musicaux :
- l’opéra « Un dîner avec Jacques », compilation truculente d’après les opéras de Jacques Offenbach (les 29 septembre puis 6, 8, 9 octobre 2016 / EN LIRE +),
- Récitals lyriques, le 20 octobre (Marie-Nicole Lemieux), le 17 novembre 2016 (Karine Deshayes), à 20h,
- Les « Lunchtime », cycle de 7 concerts à 12h30, du 11 octobre au 13 décembre 2016 (les sœurs Bxzjak, pianistes ; le Trio Dali; Edgar Moreau, Deborah Nemtanu, Natacha Kudritskaya, Chiara Skerath…)
- Les Opéras filmés : cycle de projection d’opéras, du 5 novembre au 27 novembre 2016, soit 4 séances à 15h : L’Africaine de Meyerbeer, Roméo et Juliette de Gounod, Donc Carlos de Verdi (en version originelle française), Tannhaüser de Wagner (lopéra qui frappa Baudelaire lequel en écrivit un commentaire mémorable qui lança la vogue inépuisable et toujours actuelle du wagnérisme en France…)
- Bals dans la Salle des fĂŞtes, les dimanches de 11h Ă  17h, les 16 octobre et 13 novembre 2016

Toutes les infos et les modalitĂ©s de rĂ©servations sur le site du MusĂ©e d’Orsay

PARIS, MusĂ©e d’Orsay… Dinez avec Jacques (Offenbach)

offenbach jacques portrait musee orsayPARIS, MusĂ©e d’Orsay. Un dĂ®ner avec Jacques (Offenbach). 29 septembre puis 6, 8 et 9 octobre 2016. PrĂ©rentrĂ©e OpĂ©ra Comique Ă  Orsay sur le thème du Second Empire. L’OpĂ©ra Comique (en travaux) et le MusĂ©e d’Orsay prĂ©sentent de concert, une nouvelle production autour de l’exposition « Spectaculaire Second Empire. 1852 -1870 » (du 27 septembre 2016 au 16 janvier 2017). Car ils ont en commun leur pĂ©riode de conception (en pleine esthĂ©tique Ă©clectique fin XIXè) illustrant une combinaison heureuse entre architecture industrielle et essor des arts dĂ©coratifs. Cet Ă©clectisme, Ă©crin des « nĂ©o » (nĂ©o gothique pour le sacrĂ©, nĂ©oclassique pour les administrations, nĂ©obaroque cĂ´tĂ© meuble… ) règne sans partage au sein de l’exposition prĂ©sentĂ© dans l’ancienne Gare d’Orsay, et aussi Ă  travers un spectacle rĂ©solument pluriel, propre Ă  l’art officiel dĂ©fendu par NapolĂ©on III. Au programme, des oeuvres du Mozart des boulevards, dont le dĂ©lire mordant, la fantaisie faussement insouciante (en cela frère jumeau de Johann Strauss Ă  Vienne) : Jacques Offenbach. Son opĂ©ra Fantasio est abordĂ© Ă  Orsay (avant d’ouvrir la prochaine nouvelle saison de l’OpĂ©ra Comique en 2017)

ingres-madame-moitessier-582-390-second-empire-exposition-orsay-presentation-annonce-resume-review-critique-classiquenewsIntrigue du spectacle au MusĂ©e d’Orsay : « Un dĂ®ner avec Jacques », opĂ©ra bouffe d’après Jacques Offenbach  :  au cours d’un souper dans un salon de la haute sociĂ©tĂ© du Second Empire, le jeu des apparences s’exacerbe puis les masques tombent grâce aux dĂ©lices du repas servi (influence / inspiration d’un Festin de Babette ?) – mĂ©tamorphose Ă  l’œuvre, oĂą le paraĂ®tre s’efface Ă  la faveur des chants dĂ©liĂ©s, qui osent exprimer leurs fantasmes les plus dĂ©lirants, excitĂ©s par la verve musicals du dieu Offenbach, maĂ®tre Bacchus des jeux et plaisirs de la bonne sociĂ©tĂ© d’empire…

Extraits des opĂ©rettes : Geneviève de Brabant, Madame l’Archiduc, La Rose de Saint-Flour, La Princesse de TrĂ©bizonde, … Julien Leroy dirige le collectif de nouveaux instrumentistes Ă  tempĂ©raments, Les FrivolitĂ©s Parisiennes dans une mise en scène de Gilles Rico. Programme repris au Théâtre de Bastia le 7 janvier 2017, au Théâtre ImpĂ©rial de Compiègne, le 20 janvier suivant, dans le cadre des Folies Favart.

PARIS, MusĂ©e d’Orsay. Un dĂ®ner avec Jacques (Offenbach). Auditorium du MusĂ©e d’Orsay, les 29 septembre puis 6, 8 octobre 2016  Ă  20h et le 9/10 Ă  16h.

Renseignements, rĂ©servations : MusĂ©e d’Orsay ; tĂ©l.: 01 53 63 04 63 ou www.musee-orsay.fr/fr/info/contact/demande-concernant-lauditorium.html

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Paris, MusĂ©e d’Orsay : Un dĂ®ner avec Jacques (Offenbach)

offenbach jacques portrait musee orsayPARIS, MusĂ©e d’Orsay. Un dĂ®ner avec Jacques (Offenbach). 29 septembre puis 6, 8 et 9 octobre 2016. PrĂ©rentrĂ©e OpĂ©ra Comique Ă  Orsay sur le thème du Second Empire. L’OpĂ©ra Comique (en travaux) et le MusĂ©e d’Orsay prĂ©sentent de concert, une nouvelle production autour de l’exposition « Spectaculaire Second Empire. 1852 -1870 » (du 27 septembre 2016 au 16 janvier 2017). Car ils ont en commun leur pĂ©riode de conception (en pleine esthĂ©tique Ă©clectique fin XIXè) illustrant une combinaison heureuse entre architecture industrielle et essor des arts dĂ©coratifs. Cet Ă©clectisme, Ă©crin des « nĂ©o » (nĂ©o gothique pour le sacrĂ©, nĂ©oclassique pour les administrations, nĂ©obaroque cĂ´tĂ© meuble… ) règne sans partage au sein de l’exposition prĂ©sentĂ© dans l’ancienne Gare d’Orsay, et aussi Ă  travers un spectacle rĂ©solument pluriel, propre Ă  l’art officiel dĂ©fendu par NapolĂ©on III. Au programme, des oeuvres du Mozart des boulevards, dont le dĂ©lire mordant, la fantaisie faussement insouciante (en cela frère jumeau de Johann Strauss Ă  Vienne) : Jacques Offenbach. Son opĂ©ra Fantasio est abordĂ© Ă  Orsay (avant d’ouvrir la prochaine nouvelle saison de l’OpĂ©ra Comique en 2017)

ingres-madame-moitessier-582-390-second-empire-exposition-orsay-presentation-annonce-resume-review-critique-classiquenewsIntrigue du spectacle au MusĂ©e d’Orsay : « Un dĂ®ner avec Jacques », opĂ©ra bouffe d’après Jacques Offenbach  :  au cours d’un souper dans un salon de la haute sociĂ©tĂ© du Second Empire, le jeu des apparences s’exacerbe puis les masques tombent grâce aux dĂ©lices du repas servi (influence / inspiration d’un Festin de Babette ?) – mĂ©tamorphose Ă  l’œuvre, oĂą le paraĂ®tre s’efface Ă  la faveur des chants dĂ©liĂ©s, qui osent exprimer leurs fantasmes les plus dĂ©lirants, excitĂ©s par la verve musicals du dieu Offenbach, maĂ®tre Bacchus des jeux et plaisirs de la bonne sociĂ©tĂ© d’empire…

Extraits des opĂ©rettes : Geneviève de Brabant, Madame l’Archiduc, La Rose de Saint-Flour, La Princesse de TrĂ©bizonde, … Julien Leroy dirige le collectif de nouveaux instrumentistes Ă  tempĂ©raments, Les FrivolitĂ©s Parisiennes dans une mise en scène de Gilles Rico. Programme repris au Théâtre de Bastia le 7 janvier 2017, au Théâtre ImpĂ©rial de Compiègne, le 20 janvier suivant, dans le cadre des Folies Favart.

PARIS, MusĂ©e d’Orsay. Un dĂ®ner avec Jacques (Offenbach). Auditorium du MusĂ©e d’Orsay, les 29 septembre puis 6, 8 octobre 2016  Ă  20h et le 9/10 Ă  16h.

Renseignements, rĂ©servations : MusĂ©e d’Orsay ; tĂ©l.: 01 53 63 04 63 ou www.musee-orsay.fr/fr/info/contact/demande-concernant-lauditorium.html

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Compte rendu, festivals 2016. Montpellier, festival Radio France. Les 11 et 12 juillet 2016. Karine Deshayes, Bataclan…

Compte rendu, festivals 2016. Montpellier, festival Radio France. Les 11 et 12 juillet 2016. Terre de fantasmes multiples le grand Sud à Montpellier déploie sa formidable lyre allusive. Notre correspondant et envoyé spécial Pedro Octavio Diaz était présent pour plusieurs événements artistiques mémorables, les 11 et 12 juillet derniers. Compte rendu et bilan de l’édition montpeliérenne du Festival Radio France décentralisé, hors de la Maison ronde parisienne… Compte rendu en 3 étapes, 3 programmes diversement évalués… sous le filtre impertinent, critique de notre rédacteur globe trotter.

FESTIVAL RADIO-FRANCE MONTPELLIER – OCCITANIE. Du 11 au 26 JUILLET 2016. LES VOI(X)ES DE L’ORIENT. Le Sud est dans l’imaginaire de bien de cultures, synonyme d’un indĂ©nombrable fantasme. A la fois redoutable et Ă©merveillant, le Sud tout comme l’Orient, sont des Ă©pigones de la fascination. Le voyage vers le MĂ©ridion de la France et enivrant. Dès que le train file parmi les champs verts d’Ile de France, passant dans le feuillage enchâssĂ© des forĂŞts Bourguignonnes ou les collines mordorĂ©es du Lyonnais, on aperçoit dĂ©jĂ  une toute autre lumière. La coupe du soleil se renverse totalement sur les garrigues quasi-dĂ©sertiques du Vaucluse, et les mĂ©andres turquoises du RhĂ´ne, juste avant de tourner vers NĂ®mes et arriver au coeur de la ville de pierre blanche et palmiers qu’est Montpellier.

L’histoire a gâtĂ© Montpellier, des Ă©tudiants de mĂ©decine du Moyen-Ă‚ge Ă  la citĂ© ultra-dynamique de l’ère digitale, la ville des Ă©tangs est devenue un centre culturel nĂ©vralgique et musical en particulier. Après 31 annĂ©es de passion, le Festival Radio France Ă  Montpellier s’engage encore une fois dans la redĂ©couverte et la diffusion des talents prometteurs. Cette Ă©dition, Jean-Pierre Rousseau et son Ă©quipe ont pris les routes de l’Orient pour des voyages surprenants avec des escales dans toutes les nuances du spectre musical.

 

 

 

Ă©tape 1 : LUNDI 11 JUILLET 21h, OPERA BERLIOZ – LE CORUM
LES MILLE ET UNE NUITS

KARINE DESHAYES, mezzo-soprano
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Michael Schønwandt, direction
Lambert Wilson – rĂ©citant

MAURICE RAVEL  1875-1937
ShĂ©hĂ©razade –  Asie
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV  1844-1908
Shéhérazade, La mer et le vaisseau de Sinbad
Le récit du prince Kalender
CARL NIELSEN 1865-1931
Aladin, Le rêve d’Aladin
Danse de la brume matinale
La Flûte d’Aladin
MAURICE RAVEL  1875-1937
Shéhérazade, La flûte enchantée
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV  1844-1908
Shéhérazade, Le jeune prince et la jeune princesse
CARL NIELSEN  1865-1931
Aladin, La place du marché à Ispahan
MAURICE RAVEL  1875-1937
Shéhérazade, L’Indifférent
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV  1844-1908
ShĂ©hĂ©razade, FĂŞte Ă  Bagdad – La mer – Le Vaisseau se brise sur un rocher

 

 

L’Ouverture du livre d’images

Comme dans une estampe, les couleurs d’Ă©tĂ© envahissent les places et esplanades de Montpellier. Parmi les feuilles et les fontaines, la fraĂ®cheur se faufile doucement. On se plairait Ă  ressentir la brise de la toute proche MĂ©diterrannĂ©e et qui gonfla jadis les voiles des navires qui partaient pour cet Orient aux cieux parfumĂ©s d’encens et Ă©toilĂ©s tels des voiles de soie.

Ce soir, les pages de la merveille littéraire des Mille et Une Nuits allait prendre place pour introduire le 31ème Festival. Un incipit qui incite à redécouvrir les contes enchanteurs de la belle Shéhérazade et les aventures inachevées de ses personnages.

La musique a souvent fait appel Ă  ces fables persanes pour s’essayer Ă  l’Ă©vocation de l’Orient. Tant par la force de la parole, comme Ravel et les poĂ©sies de Klingsor et les rĂŞveries enivrantes de Rimski-Korsakov, la sensualitĂ© des Mille et Une Nuits en musique portent le trĂ©sor de l’exotisme et de la beautĂ©. Ajoutant tant du mĂ©rite que de la magie Ă  ce programme, la redĂ©couverte en France des pages de l’Aladdin de Carl Nielsen sont une surprise de taille. Le gĂ©nie Danois ne pouvait pas ĂŞtre Ă©cartĂ© d’une si belle Ă©vocation.

En effet, ce programme est composĂ© avec adresse, nous offrant Ă  la fois des pièces et musiques qui nous sont familières, mais aussi une dĂ©couverte qui, sans doute, passionnera les mĂ©lomanes pour Nielsen, un des grands compositeurs Danois. Pour certains, il est connu par son opĂ©ra Maskerade ou ses symphonies. Cependant son Aladdin prouve ĂŞtre un rĂ©el chef d’oeuvre de la musique narrative et allĂ©gorique. Nous recommandons notamment au lecteur le mouvement “La place du marchĂ© Ă  Ispahan”, avec ses quatre orchestres spatialisĂ©s, on se croirait au coeur des souks et des ruelles d’une mĂ©dina.

Karine Deshayes, cantatesPour ce concert, le voile s’est ouvert avec Karine Deshayes, au timbre riche de nuances et des contrastes essentiels Ă  Ravel. MalgrĂ© un manque de prosodie manifeste, nous sommes embarquĂ©s dans les rĂ©cits enivrants de ShĂ©hĂ©razade et des volutes de la musique de Maurice Ravel. Soliste Ă  son tour aussi, Lambert Wilson nous offre une voie ponctuĂ©e de poĂ©sie. Avec une dĂ©clamation enchanteresse et limpide, il dĂ©peint avec finesse une introduction allusive Ă  ce rĂŞve. Ses interventions nous rappellent Ă  la genèse littĂ©raire de ces nuits oĂą l’on survit par la passion du rĂ©cit et la soif de l’aventure.

Saluons vivement l’Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon et bien Ă©videmment ses chefs de pupitre. On y dĂ©couvre des phalanges aux mille et une couleurs. Dans Rimski-Korsakov et Nielsen il est Ă©vident que nous sommes face Ă  un orchestre manifestement au sommet. Le parcours de l’ONMLR, chaotique Ă  cause de la crise rĂ©cente, a survĂ©cu tel le phĂ©nix aux promesses des rĂ©cifs. Tel le navire de Sinbad il franchit les mers et nous mène vers une multitude de dĂ©couvertes que nous souhaitons partager encore et encore. Nous remarquons notamment la sublime prestation de Dorota Anderszewska, premier violon super soliste de l’Orchestre, elle incarne la voix de ShĂ©hĂ©razade avec clartĂ© et sensualitĂ©. Grâce Ă  ces formidables musiciens on a plaisir Ă  parcourir les belles pages de ce livre d’images que le programme nous propose. EspĂ©rons retrouver bientĂ´t cet orchestre au pinacle dans les plus grandes pages du rĂ©pertoire et aussi dans des redĂ©couvertes.

A sa tĂŞte, le chef Danois Michael Schønwandt fait un travail fascinant d’orfèvre, notamment chez Nielsen. On y retrouve des sonoritĂ©s inattendues, et dans les pages de Rimski-Korsakov, il nous dĂ©voile des surprises bien cachĂ©es avec des tempi enthousiasmants.  A la fin, nous avons la joie de redĂ©couvrir en Bis, la “Grande Marche Orientale” de l’Aladdin de Nielsen, un salut musical qui promet des nouvelles surprises pour la suite du festival. En rentrant, au loin, perce d’une façade la lueur d’un abat-jour, serais-ce une moderne ShĂ©hĂ©razade qui se plaĂ®t Ă  la rĂŞverie ou Ă  l’Ă©vocation?

 

 

 

Ă©tape 2 : MARDI 12 JUILLET 2016 – 18h, SALLE PASTEUR – LE CORUM

Jacques Offenbach
BA-TA-CLAN

FĂ©-an-nich-ton – StĂ©phanie Varnerin – soprano
FĂ©-ni-han – RĂ©my Mathieu – tĂ©nor
KĂ©-ki-ka-ko – Enguerrand de Hys – tĂ©nor
Ko-ko-ri-ko – Jean-Gabriel Saint-Martin – baryton

Agnès Pagès-Boisset – piano
Jean-Christophe Keck – direction

 

 

Le voyage se poursuit, après avoir passé par les encens de Bagdad, place à la chinoiserie rêvée des Boulevards parisiens.

KECK jean christophe keck operas offenbach les contes d hoffmann opera classiquenews 3_Offenbach_enchanteur_Jean-Christophe_KeckOn se plairait Ă  parler des concordances onomastiques sur le titre de l’oeuvre redĂ©couvertes ce 12 juillet Ă  Montpellier, mais que l’on nous excuse de passer sous silence toute corrĂ©lation. Ce n’est pas par les effusions que l’on rend hommage aux trĂ©passĂ©s, mais par le silence du recueillement.  Saluons l’enthousiasme et la vitalitĂ© du Festival Radio-France de Montpellier qui retrouve pour son public les trĂ©sors du passĂ© et les rend Ă  des nouvelles lumières. Aussi nous aimons Ă  voir jaillir, grâce Ă  la vision du Festival, des nouveaux talents.

Pour les retrouvailles de Ba-ta-clan, c’est une belle Ă©quipe qui s’offre Ă  nous, afin de donner une nouvelle vie Ă  ce petit opĂ©ra comique d’Offenbach, son premier grand succès. Ba-ta-clan a tout de la fantastique imagination du gĂ©nie comique du Second Empire. La musique est pĂ©tillante et le crescendo de l’intrigue nous mène tout droit vers un des dĂ©nouements les plus comiques de sa production. En effet, tous “les chinois” de cette partition s’avèrent ĂŞtre des Français dĂ©guisĂ©s.  De quoi alimenter la satyre politico-sociale pour une Ă©poque qui savait bien l’autodĂ©rision.

Finalement, comme dans l’intrigue, tous les chanteurs “chinois” sont bel et bien Français. Et c’est la fine fleur du chant Français qui nous offre une interprĂ©tation dĂ©sopilante et sensible au style. Incarnant le seul rĂ´le fĂ©minin, StĂ©phanie Varnerin nous rĂ©jouit par une voix claire, gĂ©nĂ©reuse, agile. Tout autant, le tĂ©nor Enguerrand de Hys, campe un KĂ©-ki-ka-ko, dĂ©sopilant de la première Ă  la dernière note. Ce jeune tĂ©nor, rĂ©vĂ©lation de l’ADAMI, se rĂ©vèle ĂŞtre un acteur complet et; il nous ravit lors du Ba-ta-clan final par une allĂ©gorie de trompette très rĂ©ussie. De mĂŞme son interprĂ©tation ne dĂ©mĂ©rite pas dans la richesse de son timbre qui est tour Ă  tour cristallin et veloutĂ©, un bel Ă©quilibre. Avec un accent de Brive-la-Gaillarde voulu par son personnage, le tĂ©nor RĂ©my Mathieu nous propose un FĂ©-ni-han aux couleurs multiples qui ajoutent une magie spĂ©ciale Ă  son personnage de souverain incompĂ©tent. Portant sur son visage le masque du terrible gĂ©nĂ©ral Ko-ko-ri-ko, Jean-Gabriel Saint-Martin est parfait et notamment dans le duo franco-italien avec FĂ©-ni-han. Le talent incontestable de cette joyeuse troupe nous fait constater encore une fois, que le chant Français a une relève certaine et qui nous ouvre des voies nouvelles dans l’interprĂ©tation. Avec un Ă©gal talent, nous sommes admiratifs par la formidable prestation de Anne Pagès-Boisset,qui interprète au piano la partition d’orchestre d’Offenbach sans perdre ni l’Ă©nergie, ni le rythme ni l’esprit.

A la tĂŞte de cette joyeuse troupe, le grand passionnĂ© d’Offenbach Jean-Christophe Keck nous propose un Ba-ta-clan rafraĂ®chi, incandescent, empli de joyaux inoubliables qui demeurent dans la tĂŞte bien après la fin de l’opĂ©ra comique.

Dans l’attente de la reconnaissance d’Offenbach comme l’un des grands gĂ©nies lyriques de la musique Française, continuons Ă  le redĂ©couvrir avec Jean-Christophe Keck. ambassadeur engagĂ©s, passionnant.

 

 

 

Ă©tape 3 : MARDI 12 JUILLET 2016 – 20h30
LA SYMPHONIE FANTASTIQUE 

MAURICE RAVEL 1875-1937
Concerto pour piano en sol Majeur 

HECTOR BERLIOZ 1803-1869
Symphonie fantastique opus 14
Épisode de la vie d’un artiste en cinq parties
Rêveries – Passions
Un Bal
Scène aux champs
Marche au supplice
Songe d’une nuit de sabbat

Lucas Debargue, piano
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Tugan Sokhiev direction, remplacé par Andris Poga

 

 

Les détours 

Un festival est l’occasion de rencontres et de dĂ©couvertes. La thĂ©matique d’un festival est aussi ce que serait une boussole pour l’explorateur dans une jungle infranchissable. Le Festival Radio-France de Montpellier s’est toujours dĂ©marquĂ© par le respect de sa thĂ©matique et de ses dĂ©clinaisons en propositions Ă  l’imagination passionnante. C’est pourquoi l’on s’Ă©tonne du programme du concert du soir du 12 juillet. S’il est vrai que faire une entorse au parcours thĂ©matique est souvent nĂ©cessaire pour faire une respiration dans la suite des programmes, un tel dĂ©tour Ă©tait-il pertinent?

Dans la nouvelle configuration rĂ©gionale, Toulouse et Montpellier sont les deux piliers et aussi les deux rivales culturelles du grand sud-ouest de la France. Le Capitole et l’OpĂ©ra ComĂ©die se font face mais sont tout aussi riches par les moyens et la programmation. Convier au grand Festival de Montpellier l’Orchestre du Capitole scelle la volontĂ© d’intĂ©gration culturelle de la nouvelle Occitanie.berlioz-hector-dessin-michael-leonard-1980De mĂŞme, ce concert offre l’occasion Ă  Montpellier d’accueillir la première interprĂ©tation du Concerto en sol de Ravel au jeune Lucas Debargue. Ce pianiste a suscitĂ© une vĂ©ritable passion auprès des mĂ©lomanes depuis son triomphe au concours Tchaikovsky. Depuis, on constate que son agenda doit se remplir avec un ressac incessant de sollicitations. Il est vrai que son Concerto en sol a Ă©tĂ© techniquement irrĂ©prochable. En admettant que la musique est un art plus qu’une exactitude scientifique, alors la muse Erato devait vaquer ailleurs. MalgrĂ© des gestes Ă  l’enthousiasme Ă©tudiĂ© qui ont davantage polluĂ© l’interprĂ©tation qu’ajoutĂ© un rĂ©el raffinement, nous remarquons que Monsieur Debargue semble plutĂ´t vouloir gesticuler comme une “cĂ©lĂ©britĂ©” du piano que partager une Ă©motion. Tel est, hĂ©las, souvent le lot de la perfection technique, la beautĂ© froide, l’univers impĂ©nĂ©trable mais un dĂ©faut de partage, de gĂ©nĂ©rosité…. osons dire : de simplicitĂ© musicale ?

Après les applaudissements, “pour les fauteuils au fond de la salle”, M. Debargue nous propose un Menuet sur le nom d’Haydn en “bis”. Cette sublime pièce de Ravel devient ainsi une sorte de prĂ©texte aux ovations.

En deuxième partie, l’Orchestre du Capitole nous propose une Symphonie Fantastique aux accents de dĂ©jĂ  vu. Le rĂ©chauffĂ©, heureusement comporte des saveurs intĂ©ressantes grâce Ă  la direction incandescente et prĂ©cise d’Andris Poga. Finalement, l’indisposition du maestro Sokhiev, nous fait dĂ©couvrir un chef Ă  l’esprit narratif perçant et aux multiples facettes de coloriste. Que ce soit dans Ravel ou dans Berlioz, Andris Poga se fond dans la musique et offre au Capitole une belle occasion de nous surprendre.

Ce dĂ©tour des routes de l’Orient semble un peu surprenant et finalement dĂ©cevant. MalgrĂ© tout, nous poursuivons la route des Orientales promesses en quittant Toulouse et ses briques roses sans regret.

31ème fĂŞte de Radio France dans cette citĂ© de pierre blanche et de soleil, la leçon de l’Orient nous rĂ©jouit. On se plait Ă  ouvrir mentalement le coffret de santal des musiques inconnues murmurĂ©es par les sables et les dunes. Ou bien en imaginant des fables sous les arpèges des musiques insoupçonnĂ©es.
Et le train qui prend le cap vers les plaines de l’ĂŽle de France traverse encore et toujours un pays qui a toujours rĂŞvĂ© des contrĂ©es oĂą le soleil ne se couche pas.

 

 

 

Montpellier. Ba-ta-clan d’Offenbach, hommage aux victimes du terrorisme

offenbachMontpellier, mardi 12 juillet 2016. Offenbach: Ba-ta-clan. La culture et l’opéra engagés, tels qu’on les aime. Passionnément. BA-TA-CLAN, ou trois syllabes, rempart contre la barbarie, ou manifeste pour le vivre ensemble résistant, résolument, viscéralement pacifiste, fraternel et humaniste. Un nouveau triptyque qui inscrit la musique et l’opéra, le chant et le travail collectif du spectacle tel l’appel à vaincre le terrorisme… BA-TA-CLAN ou liberté, égalité, fraternité : même combat. Jamais Offenbach n’aurait imaginé pareil destin pour son œuvre dont la conjonction du titre avec la récente actualité, fait aujourd’hui la brûlante expressivité. Le festival de Montpellier ose cet été un hommage musical pourtant juste : « Ba-ta-clan, en hommage à toutes les victimes du terrorisme ». Car il ne faut pas oublier ce qui a été commis. Car il faut absolument s’élever contre toute atteinte à notre démocratie et faire de notre culture, une action concrète de résistance. Voilà pourquoi classiquenews souligne la pertinence de cette production au sein de l’agenda plutôt copieux de l’été 2016.

Offenbach: Ba-ta-clan
Montpellier, mardi 12 juillet 2016, 18h
Le Corum, salle Pasteur

Entrée libre dans la liste des places disponibles
Diffusion en directe sur France Musique
Billetterie, réservations recommandées :
AU +33 (0) 4 67 02 02 01
Du lundi au vendredi de 10h Ă  12h et de 14h Ă  18h.

Synopsis. L’action se dĂ©roule dans une chine des plus fantaisistes – Pays de ChĂ©-i-no-or – dans les jardins du palais de l’Empereur FĂ©-ni-han dit ” Roi en son palais ” . Ko-ko-ri-ko, chef de la garde conspire contre l’Empereur. Offenbach imagine d’emblĂ©e une scène d’ouverture oĂą le chinois de mise s’élève tel un galimatias incomprĂ©hensible, source d’onomatopĂ©es redoutables pour les chanteurs…

La princesse FĂ©-an-nich-ton, lectrice de romans français, est visitĂ©e par le mandarin KĂ©-ki–ka-ko, tous deux s’aperçoivent qu’ils sont français : KĂ©-ki-ka-ko est en rĂ©alitĂ© le Vicomte Alfred de CĂ©risy qui fit un jour naufrage sur les cĂ´tes chinoises et FĂ©-an-nich-ton est une chanteuse lĂ©gère c’est Ă  dire Virginie Durand capturĂ©e par les soldats de FĂ©-ni-han lors d’une tournĂ©e en ExtrĂŞme-Orient. Ils Ă©voquent avec nostalgie la vie parisienne Ă  jamais perdue…

L’Empereur Fé-ni-han chasse les conspirateurs ; il est lui aussi en proie au spleen car il partage le sort de la princesse et du mandarin : lui aussi est français, natif de Brive-la-Gaillarde … il s’appelle en réalité Anastase Nourrisson et décide lui aussi de rejoindre la France et Paris.

Les fuyards Fé-an-nich-ton et Ké-ki-ka-ko sont arrêtés par Ko-ko-ri-ko qui exige en italien à l’Empereur leur exécution. Mais Virginie et Alfred chantant La Ronde de Florette, Fé-ni-han s’en émeut et reconnaissant des compatriotes, enjoint pour les sauver à Alfred de prendre sa place comme Empereur afin de lui permettre de rejoindre Paris illico.
Mais KĂ©-ki-ka-ko / Alfred, refuse et chante le Ba-ta-clan, l’Hymne des conjurĂ©s. MĂŞme l’Empereur entonne le chant qui est Ă©crit contre lui. Sur ces entrefaits, on apprend que Ko-ko-ri-ko est lui aussi d’origine française : nĂ© rue Mouffetard, maison de la blanchisseuse ; il est prĂŞts Ă  les aider dans leur fuite pourvu qu’il puisse ” fĂ©-ni-hantiser ” Ă  la place de I’ Empereur.

Bientôt des escales / relais, de Pékin à Pantin sont organisés ; dans leur bonheur, les fuyards chantent une dernière fois le motif du Ba-ta-clan : hymne fraternel pour la liberté et l’émancipation; marquant le retour à la vraie vie.

Le chant du Ba-ta-clan, hymne à la liberté et à la révolte

Sous couvert de comĂ©die fantaisiste, Ba-ta-clan Ă©gratigne le pouvoir et la sociĂ©tĂ© française, en 1855, soit 3 ans après le coup d’Etat qui a instituĂ© l’Empire après la RĂ©publique. Virage dĂ©mocratique des plus brutal qu’Offenbach n’oublie pas de dĂ©noncer avec une subtilitĂ© musicale et poĂ©tique que Ba-ta-clan illustre avec dĂ©lire et aplomb dramatique. L’Empereur FĂ©-ni–han (« faineant ou fait hi-han ? ») cible la figure emblĂ©matique de ce Second Empire fantĂ´che, le Prince Louis NapolĂ©on. Pour se faire Ă©lire PrĂ©sident de la RĂ©publique française, Louis NapolĂ©on sut paraĂ®tre masquĂ© sous le masque du parfait benĂŞt, neutre et sans relief. Comme le prĂ©cise le texte de prĂ©sentation de cette production Ă  Montpellier : « Victor Hugo, lui-mĂŞme ne cachait pas ses prĂ©fĂ©rences pour ” un fainĂ©ant, un automate qui soit leur crĂ©ature ».

Dans leur livret Offenbach et Halevy dilue davantage leurs pics satiriques en rĂ©servant au personnage du jeune coq français, Ko-ko-ri-ko ce chant italiano-chinois, mixte propre Ă  dĂ©router lĂ  encore les esprits affĂ»tĂ©s et critiques. Cour nonchalante et molle (aboutissant au dĂ©sastre de 1870), la Cour de NapolĂ©on III, FĂ©-ni-han, Ă©pingle un Second Empire oublieux, et nĂ©gligent : en particulier Ă  l’endroit du demi-frère de Louis NapolĂ©on, le Duc de Morny, ainsi que pour ceux qui l’aidèrent Ă  rendre possible le Coup d’Etat de 1852.

Irresponsables et plutôt individualistes, les personnages de Ké-ki-ka-ko et Fé-an-nich-ton incarnent deux parisiens du boulevard qui se détachent des contingence de politique générale pour mieux réussir leur propre fuite.
C’est pourtant le chant de la révolte qui est aussi appel à la liberté, le Ba-ta-clan qui les réunit tous, y compris l’empereur, prêt à entonner l’hymne qui lui est directement hostile. C’est peut-être cette absence de conscience et de responsabilité qu’Offenbach et Halévy dénoncent en profondeur.
Une responsabilité et une conscience démocratique qui font défaut aussi en ce début du XXIème siècle.
Ba-ta-clan est une farce chinoise aux enjeux politiques plus affûtés qu’il n’y paraît. Production lyrique événement à Montpellier.

Festival de Radio France et Montpellier 2016

JACQUES OFFENBACH (1819-1880)
Ba-Ta-Clan
Chinoiserie musicale en 1 acte (1855)

Livret de Ludovic Halévy
Version de concert
Édition critique de Jean-Christophe Keck

Stéphanie Varnerin, soprano,  Fé-an-nich-ton
Rémy Mathieu, ténor,  Fé-ni-han
Enguerrand de Hys, ténor,  Ké-ki-ka-ko
Jean-Gabriel Saint-Martin, baryton,  Ko-ko-ri-ko

Anne Pagès-Boisset, piano
Jean-Christophe Keck, direction
En hommage Ă  toutes les victimes du terrorisme

Dans le cadre de la journĂ©e “Ă€ pleines voix”

Compte rendu critique, opĂ©ra. Marseille, OdĂ©on, le 2 avril 2016. Offenbach : La PĂ©richole. Emmanuelle Zoldan…

Une turbulente et troublante artiste. Il était une fois, dans le fastueux Pérou espagnol de la seconde moitié du XVIIIe siècle, une jolie et piquante comédienne, danseuse et chanteuse, comme l’exigeait le genre sûrement de la tonadilla hispanique, souvent centré sur une femme. À Lima, Micaela Villegas (1748-1819) est déjà célèbre lorsque débarque en 1761 le nouveau Vice-roi d’origine catalane, Don Manuel Amat y Junient. Il a cinquante-sept ans, elle, dix-huit. Il en tombe amoureux, en fait sa maîtresse, sa favorite, l’installe au palais, au grand dam de la noblesse espagnole et créole qui n’a pas, sur ce chapitre, la largeur de vues de l’aristocratie française habituée aux incartades officielles, pratiquement institutionnelles, de ses monarques.

Mieux, ou pire que cela, il fait de sa belle métisse le centre mondain de Lima, la laisse inspirer des constructions nouvelles, et, scandale, va jusqu’à lui offrir un carrosse somptueux, prestigieux privilège exclusif de la noblesse, dans lequel elle se pavane dans la capitale, pour le grand bonheur du peuple de voir l’une des siennes ainsi intronisée, et le dépit et mépris des nobles qui honnissent l’intruse tout en étant forcés de la saluer bien bas, et de l’applaudir au théâtre qu’elle n’a pas abandonné.

De la “Perri Choli” pĂ©ruvienne Ă  la PĂ©richole…

La gifle qu’administre, en pleine scène à l’un de ses partenaires l’impulsive vedette, lui vaudra une disgrâce de deux ans. Mais les amants socialement inégaux mais égalisés par l’amour et le désir qui renversent toujours les classes sociales, renouent une liaison finalement heureuse de près de quatorze ans, malgré des hauts et des bas de ménage passionné. Le fruit en sera un fils auquel le Vice-roi donne même son propre nom.
« Perricholi », â€cho’ comme chocolat et non « cocolat »
Donc, Péri chole à prononcer comme « chochotte », comme devait bien dire Mérimée, savant hispanophile et ami intime de l’Impératrice espagnole Eugénie de Montijo, et non Péri cole, par une tradition linguistique erronée.
Micaela avait un nom : elle va gagner un surnom : « la Perricholi ». Dans l’intimitĂ©, le Vice-roi l’appelait tendrement « petit xol » (prononcĂ© « petichol »), â€petit bijou’ en catalan, ou, familièrement « pirri xol », â€ma petite mĂ©tisse’ ; il n’est pas exclu aussi que le Vice-roi, âgĂ© comme un père, les jours de colère contre les frasques de la tumultueuse enfant, dans les alternances après tout conjugales du cĹ“ur, l’ai appelĂ©e « perra chola » en castillan, â€chienne de mĂ©tisse’, sonnant « perri choli » avec son accent catalan et le sifflement probable de sa bouchĂ© Ă©dentĂ©e. Toujours est-il que l’opinion publique s’empara plaisamment du terme affectueux ou injurieux selon que l’on fĂ»t admirateur ou dĂ©tracteur de la belle devenue pour tous, en des sens opposĂ©s, « la Perricholi » de la lĂ©gende.

Histoire et légende. Actrice et favorite, ce n’est pas la légende mais l’histoire qui conte aussi sa générosité. Un jour, narguant la noblesse dans son célèbre carrosse, elle aperçut un modeste curé portant à pied le Saint-Sacrement pour l’administrer à un mourant. Ému et honteuse, telle déjà une Tosca pieuse, elle descendit du luxueux véhicule, s’agenouilla, et en fit cadeau au prêtre pour qu’il pût exercer confortablement son pieux ministère.
C’est de ce geste célèbre que Prosper Mérimée, à Grenade en 1830 chez les Montijo, tira sa comédie en un acte Le Carrosse du Saint-Sacrement, publiée pour la première fois dans la Revue de Paris en 1829, ajoutée en 1830 à la seconde édition du supposé Théâtre de Clara Gazul dont il est l’auteur caché, jouée sans succès en 1850. Mais, hors du Pérou et de l’Espagne, la Perricholi, avait déjà inspiré La Périchole, vaudeville de Théulon et Deforges (1835) avant l’opéra-bouffe d’Offenbach et ses compères (1868). Puis, en 1893, vint la pièce en vers de Maurice Vaucaire, adaptateur de Puccini en français (au théâtre de l’Odéon de Paris), ensuite Le Carrosse du Saint-Sacrement, opéra en un acte, livret et musique d’Henri Büsser (1948) et, enfin, le célèbre film de Jean Renoir, Le Carrosse d’or (1953) avec Anna Magnani. Belle postérité pour notre belle, que l’on retrouve, naturellement chez le grand écrivain péruvien Ricardo Palma (1833-1919) qui recueille traditions, anecdotes et histoires du Pérou dans ses inépuisables Tradiciones peruanas.

Réalisation et interprétation
2 PDu fameux carrosse, absent du livret, il n’en restera ici que son découpage en carton-pâte et le double clin d’œil des deux fenêtres dans lesquelles s’inscriront plaisamment, comme dans les photos de foire où l’on passe la tête, celle des deux héros partant à la fin pour être heureux et avoir beaucoup d’enfants qui grandiront car ils sont Espagnols, dans un univers de toiles peintes des décors de Laurent Martinel qui ravivent la nostalgie de notre esprit d’enfance, d’enfants du moins non encore blasés par les effets spéciaux contemporains. Les costumes (Maison Grout), hommes du peuple en blanc et chapeau de paille, femmes en jupes colorées à motifs indiens triangulaires et feutres, stylisent en souriant un Pérou d’opérette, piqué des notes de la commedia dell’Arte référant sans doute au film de Renoir dont les héros en sont des comédiens, Arlequin, Colombine, Pierrot. Au second acte, sous le tableau en pied à la Louis XIV du Vice-Roi, la Cour, très versaillaise en ses costumes élégants, bourgeonne de perruques poudrées et papillonne d’éventails. Tout ce monde, Chœur Phocéen (Rémy Littolff) et solistes, se meut en musique dans une vivacité sans heurt, une alacrité contagieuse, due à la battue tambour battant (sans être lourdement tambour-major) de Jean-Pierre Burtin et au dynamisme insufflé par Jean-Jacques Chazalet, qui signe une mise en scène très physique, attentionnée sans intentions métaphysiques hors de propos.
La connivence entre tous les acteurs, des premiers au seconds rôles ou plans, est aussi sensible que leur plaisir de jouer qu’ils communiquent à la salle. Ainsi, Michel Delfaud, en Marquis de Santarem éternel prisonnier, avec un accent marseillais qui lui donne des airs d’Abbé Faria issu de son trou creusé pendant des années, citant Shakespeare en l’attribuant à Cervantes. Une seule apparition, et c’est tout un personnage : Antoine Bonelli, joues bouffies des bouffées de son importance, bougon ou bouffon Grand Chambellan chancelant. La voix mielleusement fielleuse de Jacques Lemaire et amèrement douceâtre ou acérée de son compère Dominique Desmons font une hilarante paire : les Dupont et Dupont de la cabale et de la cavale face au danger, les traîtres au sourire grinçant sarcastiquement des dents à la joie du complot. Un joli trio de vipères vocales se partagent six rôles, le beau mezzo de Valentine Lemercier, le soprano incisif de Violette Polchi et celui de Virginy Fenu, déjà appréciée en fraîche fille-fleur de Madame Chrysanthème. Agatha Mimmersheim, Anne-Gaëlle Peyro, complètent les atouts des dames et, aux basses œuvres des basses-fosses du palais, Patrice Bourgeois, Yves Fleuriot et Damien Rauch sont les nécessaires geôliers et bourreaux pour rire.
Tout opéra-bouffe a ses vaincus et vainqueurs, évidemment rôles renversables, un couple d’amoureux et le baryton l’empêcheur d’aimer en rond, parce qu’il en a profusion, troisième larron qui fait du duo un trio, triomphant, tonitruant, truculent ici Alexandre Duhamel, grand gaillard de gaillardement paillard Vice-Roi, plus joyeusement vicieux que méchamment vicelard et pernicieux, dont le vice (qui n’a pas ainsi « vicié » lui jette la première pierre), n’est que celui, bien commun, d’aimer « les petites femmes » tel un Napoléon III en goguette échappé des Tuileries ou de Compiègne où il relègue son Eugénie d’Impératrice. Jouant les terreurs, il ne terrorise jamais, beau et bon chanteur et vrai personnage de comédie avec sa Cour, assurant le côté bouffe d’un opéra qui, de l’autre, est une comédie de demi-caractère, guère drôle dans le fond, même fondu dans la forme globale.

En effet, un couple de jeunes et beaux héros, malheureux en fortune et mourant de faim n’est pas du plus haut comique. En Piquillo, le juvénile ténor Rémy Mathieu, au timbre merveilleusement délicat, digne de Mozart, a une grâce touchante de victime malgré un sourire encore enfantin, enjôleur, opposant l’humour à la mauvaise humeur de la fortune. À ses côtés, voix de velours sombre à l’aigu aisé, sans aucun effet de grave vulgairement poitriné, la mezzo Emmanuelle Zoldan, morceau de roi et Vice-Roi mais fièrement et dignement préservée pour son amour, donne vie profonde, loin de la caricature, à une Périchole très humaine, qui joue le jeu sans être dupe, avec un regard lucide et désenchanté sur la société, protectrice de son inconscient compagnon. Sa lettre de rupture, spirituelle mais cruelle, elle la rend avec la gravité de la situation de femme déchirée entre la rudesse de son existence et la promesse d’un avenir meilleur, un sacrifice personnel de pauvre Traviata de l’injustice du monde, grande âme trahie par la vie. Même son air de la griserie ne tombe pas dans la grivoiserie et, si elle constate, ironique et triste, que « les hommes sont bêtes », c’est qu’ils le sont vraiment comparés à ces femmes qu’ils affrontent effrontément, moins lotis en intelligence pratique. Sa paradoxale déclaration d’amour, « Oui, je t’aime, brigand, j’ai tort de l’avouer… », en détaillant avec clarté les défauts de l’être aimé, dépassés mais non effacés par la puissance de l’amour, elle semble la faire avec la douceur fataliste d’une Carmen de comédie, mais en nous faisant sentir qu’on est près du drame. Dans la rassurante inhumanité comique du bouffe, c’est l’humanité vraie des sentiments qui passe. On peut alors, joyeusement et cyniquement, entonner encore l’hymne impertinent de l’œuvre, « Il grandira, il grandira car il est Espagnol… », visant malicieusement les préférences nationales de l’Espagnole Impératrice favorisant sans doute ses compatriotes, déjà instigatrice de la désastreuse projection d’un nouvel Empire au Mexique pour nouveaux conquistadors, à la veille de la lamentable guerre de 1870 contre la Prusse qui verra la fin du sien, pour la question, justement, de la Succession d’Espagne.

Compte rendu, opéra. Marseille, Odéon, le 2 avril 2016. Offenbach : La Périchole. Emmanuelle Zoldan. Jean-Pierre Burtin.

La PĂ©richole de Jacques Offenbach, au Théâtre de l’OdĂ©on, Marseille, les 2 et 3 avril 2016.
Livret d’Henri Mailhac et Ludovic Halévy,
d’après Le Carrosse du Saint-Sacrement de Prosper MĂ©rimĂ©e,

La Périchole : Emmanuelle ZOLDAN. Première Cousine : Virginy FENU Deuxième Cousine : Violette POLCHI. troisème Cousine : Valentine LEMERCIER.  Frasquinella : Agatha MIMMERSHEIM. Marchande : Anne-Gaëlle PEYRO.
Piquillo : Rémy MATHIEU.  Don Andrès de Ribeira (Vice-Roi) :  Alexandre DUHAMEL. Don Miguel de Panatellas : Dominique DESMONS. Don Pedro de Hinojosa : Jacques LEMAIRE. Le Marquis de Tarapote :Antoine BONELLI. Le Marquis de Satarem : Michel DELFAUD. Geôliers et bourreaux : Patrice BOURGEOIS, Yves FLEURIOT et Damien RAUCH.

Orchestre du théâtre de l’Odéon, Chœur phocéen.
Direction musicale : Jean-Pierre BURTIN
Mise en scène : Jean-Jacques CHAZALET

Photo © Christian Dresse

BRUNIQUEL : Nouvelle production de Mademoiselle Moucheron, inĂ©dit d’Offenbach

offenbach-moucheron-festival-bruniquel-2016-classiquenews-presentation-coup-de-coeur-festivals-2016-bruniquel-offenbach-mademoiselle-moucheron-festival2016BRUNIQUEL (Quercy). Festival Offenbach : Melle Moucheron : 28 juillet – 6 aoĂ»t 2016. C’est Ă  Bruniquel, citĂ© mĂ©diĂ©vale dans le Quercy : un château y propose son festival estival totalement dĂ©diĂ© au gĂ©nie lyrique d’Offenbach. Car le Mozart des boulevards Ă©crivit nombres d’ouvrages dont beaucoup demeurent encore Ă  redĂ©couvrir… ou ses ouvrage plus cĂ©lèbres attendent d’être recréés dans des versions plus respectueuses des volontĂ©s de l’auteur. En tĂ©moignent ainsi les dernières dĂ©couvertes s’agissant des Contes d’Hoffmann dont le PrĂ©lude (dont le choeur des Ă©tudiants) et le premier acte (Olympia) sont nouvellement confirmĂ©s dans leur dernières versions grâce aux partitions autographes (chant / piano) rĂ©cemment transmises. Le festival de Bruniquel peut ĂŞtre fier d’avoir dĂ©jĂ  ressuscitĂ© nombre d’ouvrages ainsi réévaluĂ©s Ă  la lumière des dernières recherches et dĂ©couvertes sur le sujet : après La Vie Parisienne (2013), Mesdames de la halle (2014), et L’île de Tulipan (2015), c’est au tour d’un inĂ©dit, bien peu connu mĂŞme des amateurs, Mademoiselle Moucheron, de tenir l’affiche des prochaines soirĂ©es estivales de juillet et aoĂ»t 2016 (au total 8 soirĂ©es de totale redĂ©couverte : les 28,29, 30 et 31 juillet puis 3, 4, 5 et 6 aoĂ»t 2016 Ă  21h30.
Cet été marque les 20 ans du Festival, qui depuis 1997, offre ainsi un festival Offenbach de premier intérêt. Les jeunes chanteurs le sous aguerris à l’articulation et la verve d’Offenbach s’y mesurent aux ouvrages du maître ; le spécialiste français, responsable de l’édition critique de référence des opéras d’Offenbach chez l’éditeur Boosey & Hawkes (Offenabch Keck Edition), Jean-Christophe Keck veille à l’intégrité et la cohérence de chaque production ainsi programmée et créée. Bonus pour les festivaliers spectateurs : tables d’hôtes après le spectacle, à partir de 23h en compagnie des artistes.

 

 

 

SYNOPSIS

LA REBELLION selon OFFENBACH : Les jeunes filles contre l’ordre moral

 

KECK jean christophe keck operas offenbach les contes d hoffmann opera classiquenews 3_Offenbach_enchanteur_Jean-Christophe_Keck

 

Le chef et musicologue, Jean-Christophe Keck, spĂ©cialiste d’Offenabch, dirige la recrĂ©ation de Mademoiselle Moucheron Ă  Bruniquel en juillet et aoĂ»t 2016

 

 

Mademoiselle Moucheron est un opéra bouffe en un acte. Le livret évoque la rebellion survenue dans un pensionnat de jeunes filles à Genève au XIXè. La nouvelle production présentée à Bruniquel transpose l’action séditieuse, explosive dans la France de mai 1968, dans un pensionnat de province. Les pensionnaires généreuses préparent le spectacle célébrant les 50 ans de la directrice, Mme Boulinard, veuve autoritaire et cassante, qui cependant pour les remercier, engage un professeur de gymnastique, afin d’éduquer le corps comme l’esprit.
Mais la Boulinard est excédé par les provocations d’une élève indisciplinée : Berthe, dite « Moucheron », elle-même initié à l’esprit de révolte et de rébellion par son ami révolutionnaire Boutefeu. Moucheron encourage la propre nièce de la directrice, Gabrielle qui pourtant attirée par le bel Anatole (étudiant venu la rejoindre depuis Paris), doit épouser un affreux quinqua (Lucien Bavolet), de surcroît bègue, selon les directives de sa tante. C’est compter sans l’espièglerie de Berthe Moucheron qui emporte une révolte générale dans le Pensionnat. D’autant que Madame Boulinard est loin d’être ce modèle de vertu qu’elle veut afficher : portée sur l’eau de vie, elle reçoit régulièrement son amant dans les murs de l’école privée…

 

 

 

Mademoiselle Moucheron de Jacques Offenbach Ă  Bruniquelboutonreservation
Bouffonnerie musicale, recréation
Création le 10 mai 1881 à Paris, Théâtre de la Renaissance
Les 28,29, 30 et 31 juillet puis 3, 4, 5 et 6 août 2016 à 21h30
Durée : 1h30

Jean-Christophe Keck, direction musicale
Frank T’Hézan, mise en scène

distribution :

Julia Jérosme : Melle Berthe alias Moucheron
Jeanne-Marie Lévy : Mme Boulinard
Emmanuelle Zoldan : Gabrielle
Dominique Desmons : Belphégor
Frank T’HĂ©zan : Lucien Bavolet
Xavier Mauconduit : Anatole
Thibaut T’HĂ©zan : Boutefeu
Ensemble orchestral du Festival des Châteaux de Bruniquel

Réservations, informations sur le site du festival des châteaux de Bruniquel 2016
http://www.bruniquel.fr/vie-locale/festival-des-chateaux-de-bruniquel/
Réservations au téléphone : 05 63 67 29 84

 

 

 

Geneviève de Brabant à Montpellier

genevieve_brabant_750Montpellier, OpĂ©ra Berlioz. Offenbach : Geneviève de Brabant. Les 16, 18, 20 mars 2016. ValĂ©rie Chevalier (directrice gĂ©nĂ©rale) et le chef principal Michael Schonwandt, choisissent une raretĂ© d’Offenbach, non Elizabeth de Brabant (comme dans Lohengrin de Wagner, 1845) mais “Geneviève”, protagoniste ainsi rĂ©vĂ©lĂ©e de la prochaine nouvelle production lyrique Ă  l’OpĂ©ra de Montpellier. L’opĂ©ra bouffe sur un livret de CrĂ©mieux et TrĂ©feu est créé aux Bouffes-Parisiens en 1859 et donnĂ©e Ă  l’OpĂ©ra Berlioz dans la version rĂ©visĂ©e critique de Jean-Christophe Keck (2015) lequel s’appuie essentiellement sur la version tardive de 1867.  Victimes de leur genèse difficiles voire rocambolesques, ou avortĂ©es (Les Contes d’Hoffmann), les ouvrages d’Offenbach peinent Ă  retrouver la cohĂ©rence originelle souhaitĂ©e par l’auteur. Espèrons que la version Keck 2015, saura prĂ©senter l’unitĂ© dramatique d’une pièce comique Ă  rĂ©estimer. En plein Second Empire, Offenbach s’empare du personnage de Geneviève de Brabant, “alter ego” de Jeanne d’Arc. Jamais content de ses Ă©crits ou toujours prĂŞt Ă  rĂ©gĂ©nĂ©rer l’opĂ©ra en fusionnant les genres, Offenbach rĂŞvait surtout d’une lĂ©gende mĂ©diĂ©vale d’essence fĂ©erique.

Qui est cette Geneviève méconnue ? Quelles facettes du personnage, Offenbach a t il souhaité nous dévoiler ? Le chef Claude Schnitzler et le metteur en scène Carlos Wagner se retrouvent ici (après entre autres une Carmen très convaincante, présentée à Metz et à Nancy). Justesse, sobriété, vraissemblance émotionnelle seront-elles au rendez vous de cette nouvelle production, événement lyrique à Montpellier en mars 2016 ?

boutonreservationGeneviève de Brabant d’Offenbach (version 1867) Ă  Montpellier
Montpellier, Opéra Berlioz / Le Corum
Les mercredi 16, vendredi 18 (Ă  20h) et dimanche 20 mars 2016 (Ă  15h)
Nouvelle production
Avec Jodie Devos, Geneviève

Carlos Wagner, mise en scène
Claude Schnitzler, direction

Conférence de Jean-Christophe Keck,
mardi 15 mars 2016, 18h30, Salle Molière
Enjeux et défis de la nouvelle production dans sa version critique
Entrée gratuite

 

La Belle Hélène à Tours

offenbach jacques Offenbach2Tours, OpĂ©ra. La belle HĂ©lène : Offenbach. 26 > 31 dĂ©cembre 2015. Offenbach et ses librettistes ont toujours soignĂ© leurs plaisanteries mythologiques, prĂ©textes Ă  satire politique et sociale, parodie sociĂ©tale, Ă  situations comiques. Cette belle HĂ©lène, sans laquelle la guerre de Troie n’aurait peut-ĂŞtre pas eu lieu, est l’un des grands personnages de la scène lyrique, qui, dans sa fantaisie dĂ©bridĂ©e, attire les grandes artistes. En 2015, pour les fĂŞtes de fin d’annĂ©e 2015, Karine Deshayes chante la dĂ©licieuse facĂ©tie de la blonde sĂ©ductrice qui mĂŞme si elle mariĂ©e Ă  MĂ©nĂ©las, se passionne corps et âme pour le beau ParĂ®s. Elle est entourĂ©e d’une vraie “troupe”, qui diffuse et cisèle la verve, l’humour, la tendresse dĂ©lirante et fraternelle du petit Mozart des boulevards : Jacques Offenbach. Et si vous aimez l’humour et la grâce dĂ©lirante du compositeur, allez aussi voir et applaudir la recrĂ©ation du Roi Carotte sur la scène de l’OpĂ©ra de Lyon, Ă©galement en dĂ©cembre 2015.

La Belle Hélène, opéra bouffe créé en décembre 1864 aux Variétés à Paris incarne cet esprit décalé impertinent et grivois du Second Empire, fastes décadents d’un régime condamné à disparaître avec le désastre de 1870. Les librettistes d’Offenbach, Meilhac et Halévy y parodient dieux et déesses de l’Olympe, c’est à dire le milieu politique en France dans les années 1860. En trois actes, l’ouvrage suit un plan précis : L’Oracle (I), Le jeu de l’oie (II) , La Galère de Vénus (III).
Oreste (rôle travesti pour soprano) est un jeune décadent et les rois de la Grêce rivalisent en devinettes, bouts-rimés et charades lors des fêtes d’Adonis au I : des têtes couronnés aux loisirs futiles quand Hélène, reine de Troie, fille de Léda et de Jupiter, se passionne pour son nouvel amant (Pâris). Pourtant mariée à Ménélas, elle est tout occupée à séduire Pâris dont elle est tombée amoureuse, et convainc l’augure de Jupiter, Calchas, d’user de ses pouvoirs pour arriver à ses fins. Au II, Ménélas de retour de Crête, surprend Pâris dans le lit de sa femme. Au III, le message politique est un peu plus explicite quand Agamemnon et Calchas reproche au roi Ménélas de faire passer dans l’exercice du pouvoir, le mari avant le souverain (trio patriotique : “lorsque la Grêce est un champs de carnage”). Rusé et astucieux, Pâris se faisant passer pour l’augure de Vénus, enlève la belle Hélène que lui a promis la divinité… Ménélas et les rois grecs découvrent la supercherie. La Guerre de Troie peut avoir lieu.

Galerie de portrait déjantée et situations résolument comiques, La Belle Hélène se moque des puissants sous son prétexte de parodie mythologique. Le rôle titre permet à la soprano vedette, Hortense Schneider de s’imposer sur la scène parisienne, celles des Boulevards parisiens, sous son masque insouciant délirant, en réalité, satirique et parodique sur la société contemporaine.

La Belle HĂ©lène d’Offenbach Ă  l’OpĂ©ra de Tours

Opéra bouffe en trois actes
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, adapté par Bernard Pisani
Création le 17 décembre 1864 à Paris
Edition Boosey and Hawkes (Jean-Christophe Keck)

boutonreservationSamedi 26 dĂ©cembre 2015 – 20h
Dimanche 27 dĂ©cembre 2015 – 15h
Mercredi 30 dĂ©cembre 2015 – 20h
Jeudi 31 dĂ©cembre 2015 – 20h

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène et chorégraphie : Bernard Pisani
Décors : Éric Chevalier
Costumes : Frédéric Pineau
Lumières : Jacques Chatelet

Hélène : Karine Deshayes
Oreste : Eugénie Danglade
Pâris : Antonio Figueroa
Calchas : Vincent Pavesi
Agamemnon : Ronan Nédélec
Ménélas : Antoine Normand
Achille : Vincent de Rooster
Ajax I : Yvan Rebeyrol
Ajax II : Jean-Philippe Corre

Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire / Tours
Choeurs de l’OpĂ©ra de Tours et Choeurs SupplĂ©mentaires

Grand Théâtre de Tours
34 rue de la Scellerie
37000 Tours

Billetterie
Ouverture du mardi au samedi
10h00 à 12h00  -  13h00 à 17h45

02.47.60.20.20
theatre-billetterie@ville-tours.fr

Offenbach : Le Roi Carotte, 1872

offenbach-jacques-la-belel-helene-classiquenews-2015DOSSIER. Le Roi Carotte, opĂ©ra fĂ©erique de Jacques Offenbach. En intitulant son ouvrage fĂ©erique et fantastique appelĂ© Ă  un immense succès en partie grâce Ă  sa diversitĂ© formelle flamboyante (et coĂ»teuse) : Le Roi Carotte, Offenbach souligne l’Ĺ“uvre de la magie, celle de la sorcière, ennemi jurĂ© du hĂ©ros Fridolin. Ce Roi lĂ©gume a bien de l’aplomb : il incarne mĂŞme la figure du despote le plus haĂŻssable : le portrait satirique de tous les tyrans terrestres ? … L’ouvrage créé au théâtre de la GaĂ®tĂ© le 15 janvier 1872 sous son titre d’opĂ©ra bouffe fĂ©erie ou d’opĂ©rette fĂ©erie est bien emblĂ©matique de l’engouement par le public parisien pour le rĂŞve et le loufoque dĂ©lirant, et dans le parcours d’Offenbach, de sa verve gĂ©niale dans le mĂ©lange des genres. Totalisant malgrĂ© le coĂ»t de sa production (6h de spectacle quand mĂŞme), près de 195 reprĂ©sentations, c’est un triomphe du boulevard. Pour sa première coopĂ©ration avec Offenbach, Sardou tenait absolument Ă  reprĂ©senter (en deux tableaux : les ruines actuelles / la citĂ© antique florissante) la PompĂ©i fastueuse d’avant l’irruption du VĂ©suve. C’Ă©tait sacrifier au goĂ»t spĂ©cifique des reconstitutions et du spectaculaire.

Le règne de la féerie

La composition de la musique et la collaboration avec Sardou sont interrompues par la guerre de 1870 : Offenbach se rĂ©fugie avec sa famille Ă  Etretat, et seul il part Ă  Bordeaux, Vienne et Milan. Mars 1871 : les deux compères reprennent la trame d’une fĂ©erie marquĂ©e de plus en plus par le signe du rythme, de la fantaisie et de la comĂ©die dĂ©lirante mais poĂ©tique. D’emblĂ©e les articles de presse qui annoncent la production comme un Ă©vĂ©nement de l’annĂ©e 1872, souligne le travail des dĂ©cors et le souci du spectaculaire fantaisiste.
A la crĂ©ation, toute la presse loue l’Ă©quilibre et la finesse règnant sur 6h d’Ă©blouissement visuel. Le public applaudit surtout les tableaux pompĂ©iens, la vivacitĂ© des Insectes, tableaux miraculeux en poĂ©sie et onirisme (prĂ©figurant L’Enfant et les sortilèges de Ravel), l’enchanteur Quiribibi (et ses “trucs” intĂ©grĂ©s dans l’action, c’est Ă  dire ses tours authentiques de magie), le duo du prince et de la princesse CunĂ©gonde, la kermesse et surtout sa farandole, le pays des singes… sans omettre le quatuor des ruines de Pompei (digne de Donizetti), la rondes colporteurs, le final des armures…

offenbachRoi de la finesse et de la subtilitĂ© (ce qu’on oublie souvent dans les productions actuelles), Offenbach mĂŞle mĂ©lancolie ou lĂ©gèretĂ© (comme Mozart : et d’ailleurs ne l’appelait-on pas le petit Mozart des boulevards): chansons populaire Ă  succès, duos enivrĂ©s, ensembles fiĂ©vreux, grand opĂ©ra et comĂ©die, Offenbach rĂ©ussit tout en mĂ©langeant ses composantes avec une habiletĂ© stupĂ©fiante. C’est le vrai pari des spectacles modernes que d’exprimer cette caractĂ©ristique importante de son style : variĂ©tĂ©, raffinement, profondeur. Car il n’est pas facile Ă  travers cette fĂ©erie qui ne cesse de multiplier effets et tableaux oniriques de maintenir la malice, la facĂ©tie, la vraisemblance sans tomber dans la caricature. Tous ses personnages mĂŞme esquissĂ©s rapidement dans une succession d’Ă©pisodes fĂ©eriques rĂ©clame de la finesse et de la profondeur : comment exprimer le profil loyal de la princesse RosĂ©e du soir, celui de Robin-Luron, le gĂ©nie protecteur de Fridolin, etc… Un dĂ©fi pour les interprètes et les metteurs en scène. Jusqu’Ă  l’acte II, l’action se passe autour ou dans la cour d’un château ; puis Ă  partir de l’intervention du mage Quiribibi, les Ă©pisodes se diversifient de façon spectaculaire : les deux tableaux de Pompei (surtout la reconstitution de la citĂ© romaine florissante, vĂ©ritable point d’orgue de l’acte II), puis la forĂŞt sombre, le dĂ©filĂ© des insectes, l’Ă®le des singes, le dĂ©sert, enfin la rĂ©volte finale et le triomphe de Fridolin, hĂ©ros Ă©prouvĂ© mais rĂ©compensĂ©.

Le Roi Carotte, synopsis

Acte Ier

La brasserie, premier tableau. AccompagnĂ© de ses ministres incompĂ©tents, le prince Fridolin visite incognito son royaume. Le prince frivole s’apprĂŞte Ă  Ă©pouser la princesse CunĂ©gonde, Ă  qui est promise une belle dot d’autant bienvenue qu’il est ruinĂ©. Dans une brasserie oĂą des Ă©tudiants fĂŞtent leurs pĂ©cules, Robin-Luron, un gĂ©nie, paraĂ®t sous l’aspect d’un Ă©tudiant. Il offre Ă  Fridolin une somme importante d’argent pour les vieilles armures conservĂ©es au château. Fridolin accepte. Robin-Luron annonce l’arrivĂ©e de sa promise dĂ©guisĂ©e incognito, sous les traits d’une bonne amie. Devant la description que Fridolin fait de lui-mĂŞme, la princesse CunĂ©gonde accepte de l’Ă©pouser. Pour enterrer sa vie de garçon, Fridolin invite les Ă©tudiants Ă  une petite sauterie dans la salle des armures du vieux-palais royal.

Rosée-du-Soir. Deuxième tableau. Dans le grenier d’une tour du vieux palais, la princesse Rosée-du-Soir rêve de Fridolin. La sorcière Coloquinte la retient prisonnière. grâce à un petit peloton de soie, le génie Robin-Luron lui permet d’échapper à sa captivité. Mais la sorcière Coloquinte les surprend : le geôlière pactise avec le génie : elle détrônera Fridolin, prince « paresseux, léger, libertin ».

Les Ă©tudiants accompagnĂ©s de Fridolin, Robin-Luron, Truck et Pipertrunck entrent dans la salle des armures et, alors qu’ils boivent moquant les armures, celles-ci s’animent par magie et insultent Fridolin qui s’enfuit immĂ©diatement avec ses invitĂ©s.
Les conjurations de Coloquinte. Pendant ce temps, Coloquinte qui a retrouvĂ© sa baguette de magicienne entend se venger de Fridolin (le fils de celui qui l’avait vaincue) : elle enchante le jardin potager royal et donne vie aux carottes, radis, betteraves, navets… C’est l’armĂ©e des lĂ©gumes.

Devant la Cour rĂ©unie en grande pompe, CunĂ©gonde attend son prince ; lequel paraĂ®t non sans retard : il s’apprĂŞte Ă  lui proposer une valse quand des invitĂ©s surprise se font entendre : c’est le Roi Carotte et sa suit dont la sorcière Coloquinte. EnvoĂ»tĂ©s par Coloquinte, les courtisans acclament le Roi carotte qui est reconnu comme leur nouveau souverain : Fridolin dont la tĂŞte est mise Ă  prix, doit fuir, accompagnĂ© par les armures vivantes, Robin-Luron et de Truck.

Acte II
La Farandole, premier tableau. Dans la cour d’une hĂ´tellerie, Fridolin, Robin-Luron et Truck se cachent, aidĂ©s de la princesse RosĂ©e-du-Soir (dĂ©guisĂ©e en page) : par amour, elle vient se mettre aux ordres de Fridolin. Tous fuient lorsque paraissent les ministres Koffre, Pipertrunck, Trac et des soldats qui viennent arrĂŞter Fridolin. Robin-Luron les attaquent en suscitant une farandole enragĂ©e : soldats et ministres s’Ă©chappent vaincus, mais Pipertrunck se rallie Ă  Fridolin.

Quiribibi, second tableau.
Robin-Luron emmène Fridolin et ses alliĂ©s chez l’enchanteur Quiribibi. Ce dernier les invite Ă  recourir au « talisman des talismans » : « l’Anneau de Salomon » qui se trouve Ă  PompĂ©i, chez un soldat romain, « qui s’en Ă©tait emparĂ© Ă  la prise de JĂ©rusalem » et qui eut « la fatale idĂ©e de s’arrĂŞter Ă  PompĂ©i, le jour mĂŞme de l’éruption ». Pour rejoindre PompĂ©i quelques heures avant l’irruption du VĂ©suve, Quiribibi utilise une petite lampe antique et magique.

Les ruines de Pompeï, troisième tableau.
A Pompei, les ruines leur inspirent le respect ; puis Robin-Luron sollicite le gĂ©nie de la lampe antique pour faire apparaĂ®tre Pompei Ă  l’Ă©poque de sa splendeur romaine. ImmĂ©diatement, par un effet spectaculaire, la scène ressuscite le bouillonnement urbain de la citĂ© antique romaine. Les visiteurs « modernes » s’emparent de l’anneau de fer, Fridolin invoque le « Djinn de Salomon » pour Ă©chapper Ă  la colère des pompĂ©iens, laquelle s’estompe bientĂ´t Ă  mesure que gronde le VĂ©suve….

Acte III
L’anneau de Salomon, premier tableau. Le Roi Carotte fait rĂ©gner la terreur dans son château : Robin-Luron, RosĂ©e-du-Soir, Truck et Pipertrunck dĂ©guisĂ©s en colporteurs, lui prĂ©sentent une Ă©toffe qui n’est « visible que pour les honnĂŞtes gens ». CunĂ©gonde avertit le Roi Carotte du retour dans la place de Fridolin qui grâce Ă  son anneau magique est prĂŞt Ă  reprendre la couronne : le Roi Carotte paniquĂ© s’enfuit avec sa suite. DĂ©guisĂ© en oiseau, Fridolin peut admirer CunĂ©guonde qui s’empare de l’anneau, le donne Ă  Coloquinte. La sorcière aurait envoĂ»tĂ© le prince trop naĂŻf s’il n’Ă©tait son bon gĂ©nie Robin-Luron pour le dĂ©fendre.

Le trèfle à quatre feuilles, deuxième tableau.
Dans une forĂŞt sombre, RosĂ©e-du-Soir grâce Ă  Robin-Luronpeut formuler 4 vĹ“ux : elle rejoint ainsi Fridolin chez les fourmis (troisième tableau dit des insectes) : dans la fourmilière oĂą ils Ă©taient maintenus captifs, Fridolin et Truck sont dĂ©livrĂ©s grâce Ă  l’intervention de Robin-Luron et de RosĂ©e-du-Soir. Pour la fĂŞte du printemps, tous les insectes dĂ©filent. Le dĂ©filĂ© s’achève, les abeilles capturent Coloquinte. Nos hĂ©ros accompagnant Fridolin le vainqueur s’Ă©chappent alors, grâce au char de la reine des abeilles qui les emmène jusqu’Ă  l’Ă®le des Singes.

Acte IV
Les Singes, premier tableau. Ayant utilisĂ© l’une des feuilles de son trèfle magique, RosĂ©e-du-Soir sauve Fridolin qui lui dĂ©clare sa flamme alors que Truck au milieu des singes tente de s’en prĂ©server. Mais Fridolin doit capturer le roi des singes pour l’utiliser contre le Roi Carotte. Le Roi des singes est capturĂ© dans une malle.

Le Désert, deuxième tableau. Mais la sorcière Coloquinte transforme le paysage en désert. Fridolin et Rosée-du-Soir, assoiffés, sont pétrifiés par la sorcière; heureusement pas rancunier, le Roi des singes les rend à la vie. Ils partent pour Krokodyne.

Une salle du Palais de Carotte, troisième tableau. Dans le palais du Roi Carotte, c’est la dĂ©bandade. Les ministres dĂ©noncent le Roi au peuple de plus en plus mĂ©content.

La révolte, quatrième tableau. Fridolin, Robin-Luron, Rosée-du-Soir et Truck déguisés en musiciens ambulants, observent la révolte du peuple, écrasé par les impôts dans un pays en déroute. Police, ministres et armée se joignent au peuple qui acclame à présent Fridolin, accueilli comme un sauveur. Le Roi Carotte est vaincu : il est terrassé par Robin-Luron et reprend sa forme de légume carotte. Dernier tableau : te triomphe de Fridolin. Sous les acclamations du peuple, Fridolin demande la main de Rosée-du-Soir et renvoie la princesse Cunégonde chez son père.

Nouvelle production du Roi Carotte Ă  Lyon

Lyon roi carotte offenabch opera presentation annonce classiquenews opera-spectacles-800x450-v210Lyon, Opéra. Offenbach: Le Roi Carotte, du 12 décembre 2015 au 1er janvier 2016. Féerie mozartienne. A la source du Roi Carotte, Offenbach s’inspire du conte fantastique d’Hoffmann, Klein Zaches, genannt Zinnober (Petit Zaches, surnommé Cinabre), héros hideux transformé par une fée en beau jeune homme… le compositeur reprendra d’ailleurs dans ses Contes d’Hoffmann la fameuse chanson de Kleinzach au début de l’ouvrage…

offenbachAprès le traumatisme de la guerre de 1970, déchirure profonde pour l’identité française, vaincue avec les conséquences à venir que l’on sait, Offenbach répond au besoin d’insouciance et de plaisir dont les spectateurs expriment le besoin. La magie, le mélange des genres, la féerie comme l’ivresse amoureuse, l’élan juvénile comme la gravité tragique. Dans cette tendance, le théâtre en France renoue avec une richesse formelle qui permet de nouvelles expériences poétiques.  Offenbach et Victorien Sardou (librettiste de Tosca et de Madame Sans Gêne) élaborent ainsi Le Roi Carotte dont l’invention fantasque et loufoque mais si onirique suscite immédiatement un triomphe dès sa création en janvier 1872.  L’acte II et sa reconstitution de la Pompéi antique et romaine flamboyante, l’île des Singes, la fourmilière, le potager magique, le char de la reine des abeilles,… sont autant d’épisodes hauts en couleurs et en péripéties, au cours desquels le jeune roi en devenir Fridolin apprend son métier et surtout reconnaît qui le soutient par loyauté, Ribon-Luron son bon génie et la belle princesse d’abord minimisée : Rosée du soir…

Paris, Londres, New York et Vienne assurent à l’ouvrage une reconnaissance européenne et mondiale. Mais ce délire visuel et scénographie impose des coûts pharaoniques qui emportent finalement le spectacle : malgré son triomphe, la production est retirée de l’affiche mais après une carrière très honorable qui en fait l’un des grands succès du boulevard.

résumé de l’action 

Saga à la star wars avant l’heure… Le Roi Carotte associe féerie et délire narratif, à la façon de Jules Verne ou d’Alexandre Dumas. Offenbach aime à varier les épisodes, les climats, les situations : toujours il s’agit de la lutte pour le pouvoir, celle qui oppose principalement la sorcière Coloquinte contre le jeune prince Fridolin. Chacun soutient les affrontés selon ses intérêts (masqués) : Cunéguonde sert les intérêts de la magicienne quand le génie Robin-Luron puis le mage Quiribibi soutiennent plutôt Fridolin. A travers les péripétie et obstacles en tous genres, surgit des figures complices ou fantasques : la princesse Rosée du soir (véritable amie pour Fridolin) ou ce Roi Carotte, né de l’enchantement créé par Coloquinte : roi de représentation qui fait les frais de la guerre qui se joue… Au coeur de cette féerie unique dan sl’histoire de la scène lyrique française, le tableau de Pompei (avant l’irruption du Vésuve !) à l’acte II.

Le Roi Carotte de Jacques Offenbach à l’Opéra de Lyon
Opéra-bouffe-féerie en 3 actes, 1872
Livret de Victorien Sardou d’après un conte d’Hoffmann
En français – nouvelle production

9 représentationsboutonreservation
Les 12, 14, 16, 18, 21, 23, 27, 29 décembre 2015 et 1er janvier 2016
3h30mn

Victor Aviat, direction
Laurent Pelly, mise en scène
Yann Beuron, Fridolin XXIV
Jean-Sébastien Bou, Piepertrunk
Felicity Lott, la sorcière Coloquinte
…

APPROFONDIR : Dossier spécial Le Roi Carotte de Jacques Offenbach

offenbach-jacques-la-belel-helene-classiquenews-2015DOSSIER. Le Roi Carotte, opéra féerique de Jacques Offenbach. En intitulant son ouvrage féerique et fantastique appelé à un immense succès en partie grâce à sa diversité formelle flamboyante (et coûteuse) : Le Roi Carotte, Offenbach souligne l’œuvre de la magie, celle de la sorcière, ennemi juré du héros Fridolin. Ce Roi légume a bien de l’aplomb : il incarne même la figure du despote le plus haïssable : le portrait satirique de tous les tyrans terrestres ? … L’ouvrage créé au théâtre de la Gaîté le 15 janvier 1872 sous son titre d’opéra bouffe féerie ou d’opérette féerie est bien emblématique de l’engouement par le public parisien pour le rêve et le loufoque délirant, et dans le parcours d’Offenbach, de sa verve géniale dans le mélange des genres. Totalisant malgré le coût de sa production (6h de spectacle quand même), près de 195 représentations, c’est un triomphe du boulevard. Pour sa première coopération avec Offenbach, Sardou tenait absolument à représenter (en deux tableaux : les ruines actuelles / la cité antique florissante) la Pompéi fastueuse d’avant l’irruption du Vésuve. C’était sacrifier au goût spécifique des reconstitutions et du spectaculaire. LIRE le dossier complet  Le Roi Carotte.

Compte rendu, opéra. Saint-Céré, le 7 août 2015. Offenbach : La Périchole. Opéra Eclaté, Jérôme Pillement

offenbach jacques Offenbach2Pour la seconde Ă©tape de notre pĂ©riple musical, nous nous retrouvons, pour la dernière annĂ©e (le futur théâtre de l’usine devant ĂŞtre livrĂ© dĂ©but 2016), Ă  la Halle des sports de Saint-CĂ©rĂ© pour une reprĂ©sentation de La PĂ©richole. Le petit bijou  lyrique de Jacques Offenbach (1819-1880) fut créé en 1868 puis re-créé en 1874 après que l’oeuvre ait Ă©tĂ© remise sur le mĂ©tier et corrigĂ©e pour partie par le compositeur; et c’est d’ailleurs la version de 1874 qui nous Ă©tait prĂ©sentĂ©e en cet Ă©touffant vendredi soir d’Ă©tĂ©. Cette nouvelle production est une coproduction du festival de Saint CĂ©rĂ©, alliĂ© pour la circonstance avec Les Folies d’O de Montpellier. Pour l’occasion, la mise en scène est rĂ©alisĂ©e Ă  quatre mains par Olivier Desbordes et Benjamin Moreau. Depuis 2013, Olivier Desbordes rĂ©gale son public avec des mises en scène plutĂ´t convaincantes dont nous avons dĂ©jĂ  rendu compte dans nos colonnes (Lost in the stars, Le voyage dans la lune). Lors de cette Ă©dition 2015, il remet Ă  l’honneur le fameux opĂ©ra bouffe de Jacques Offenbach : La PĂ©richole. L’oeuvre avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© donnĂ©e par le passĂ© et revient sur le devant de la scène en faisant peau neuve en une nouvelle production.

olivier-desbordesAvec Benjamin Moreau, Olivier Desbordes signe une mise scène dynamique et très cocasse, mais d’une certaine bridĂ©e manquant de dĂ©lire et de glissements dĂ©jantĂ©s qui auraient pu en faire une production idĂ©ale. Si les dĂ©cors sont dĂ©pouillĂ©s, les costumes eux sont bien adaptĂ©s aux personnages; ainsi le Vice Roi, censĂ© se promener incognito dĂ©barque sur scène grimĂ© en rappeur (dont il adopte le langage) provoquant l’hilaritĂ© du peuple de Lima, qui a bien compris Ă  qui il a affaire, et d’un public conquis. Il faut bien avouer aussi que voir Don Pedro de Hinoyosa et le comte Miguel de Panatellas arriver costumĂ©s en indiennes est tout aussi cocasse, voire franchement hilarant. Autant de costumes et d’accessoires qui remplacent avec bonheur les Ă©lĂ©ments de dĂ©cors Ă©liminĂ©s au profit du reste.

HĂ©loĂŻse-Mas-HDVocalement, la distribution convoquĂ©e sĂ©duit dès le dĂ©but de la soirĂ©e. La jeune HĂ©loĂŻse Mas est une PĂ©richole mutine, drĂ´le, sans complexes mais avec les pieds sur terre; pauvre chanteuse des rues, crevant la faim, le coup de foudre de Don Andrès de Ribeira est une aubaine pour elle, aubaine qu’elle compte bien utiliser Ă  son avantage. La voix est ferme, ronde, chaleureuse et dès la scène d’entrĂ©e, avec un Piquillo mordu de jalousie, elle s’impose comme une future grande titulaire du rĂ´le; les quatre airs dĂ©volus Ă  PĂ©richole sont chantĂ©s sans faiblesses. Marc Larcher est aussi dĂ©chainĂ© que sa partenaire : il incarne un Piquillo amoureux transi, Ă©prouvĂ© par sa compagne dont la forte personnalitĂ© le fait souvent tourner en bourrique. Larcher possède lui aussi une voix prometteuse Ă  la tessiture large qui donne au personnage de Piquillo, une assurance trempĂ©e, style beau tĂ©nĂ©breux, dont il se sert avec talent. C’est Philippe Ermelier qui campe Don Andrès de Ribeira, vice roi du PĂ©rou. En vieux briscard de la scène, Ermelier entre dans la peau de son personnage avec une aisance dĂ©concertante. ComĂ©dien de talent, il joue les rappeurs (costume sous lequel il pense pouvoir se promener dans les rues de Lima sans ĂŞtre reconnu) avec dĂ©lice. Cependant, c’est aussi un grand naĂŻf et il tombe, tel un fruit trop mĂ»r, dans le piège tendu par la PĂ©richole qui veut Ă  tout prix s’Ă©vader de la prison oĂą il l’a mise avec son cher Piquillo. La voix grave et parfaitement maitrisĂ©e de l’artiste sĂ©duit et ensorcelle pendant toute la soirĂ©e.

 

Parmi les piliers du festivals, on retrouve l’excellent tĂ©nor Éric Vignau, lequel, comme lors de l’Ă©dition 2014, a assurĂ© trois concerts d’affilĂ© (Falstaff le 5 aoĂ»t dernier et dont nous rendrons compte après le reprĂ©sentation du 10, puis un rĂ©cital de mĂ©lodies juives hĂ©braĂŻques le 6 aoĂ»t). L’artiste, familier du rĂ´le de Don Pedro de Hinoyosa, en fait un personnage hilarant tant il a peur de perdre la faveur de ses supĂ©rieurs; comĂ©dien consommĂ©, son Don Pedro reste une performance inclassable, convaincante et très personnelle. Saluons aussi les très belles performances de Yassine Benameur en comte de Panatellas et du trio de cousines constituĂ© de Sarah Lazerges, Flore Boixel et Dalilah Kathir, une autre habituĂ©e du festival de Saint CĂ©rĂ©. Ultime personnage de La PĂ©richole, le choeur d’OpĂ©ra ÉclatĂ© joue et chante avec gourmandise un oeuvre pĂ©tillante. Dans la fosse, ou plutĂ´t sur le cĂ´tĂ© de la scène, JĂ©rĂ´me Pillement dirige avec entrain l’orchestre d’OpĂ©ra ÉclatĂ©. Si la diffĂ©rence entre l’orchestre de Montpellier et la formation rĂ©duite du festival de Saint CĂ©rĂ© peut surprendre quiconque ne connait pas ou mal la structure OpĂ©ra ÉclatĂ©, l’orchestre n’a pas Ă  rougir de la prestation qu’il donne Ă  entendre au public venu nombreux. Le geste dynamique, lĂ©ger et aĂ©rien de JĂ©rĂ´me Pillement donne Ă  cette PĂ©richole la touche de folie indispensable pour parachever une production scĂ©nique plus mesurĂ©e mais globalement rĂ©ussie.

 

Compte rendu, opĂ©ra. Saint-CĂ©rĂ©. Halle des sports, le 7 aoĂ»t 2015. Offenbach : La PĂ©richole, opĂ©ra bouffe en trois actes sur un livret d’Henri Meilhac et Ludovic HalĂ©vy. HĂ©loĂŻse Mas, La PĂ©richole; Marc Larcher, Piquillo; Philippe Ermelier, Don Andrès de Ribeira, vice-roi du PĂ©rou … choeur et orchestre OpĂ©ra ÉclatĂ©; JĂ©rĂ´me Pillement, direction. Benjamin Moreau et Olivier Desbordes, mise en scène; Pascale PĂ©ladan, chorĂ©graphie; Jean Michel Angays, costumes; Elsa BĂ©lenguier, dĂ©cors.

 

 

 

Compte rendu, opéra. Pourrières, l’Opéra au village. Le 23 juillet 2015. Deux Vieilles gardes de Léo Delibes. La Bonne  d’enfant, d’Offenbach  

pourrieres-opera-au-village-2015-offenabch-delibesA Pourrières, opération transfert. On ne le répétera jamais assez, ce festival, né de la volonté d’un groupe d’actives personnes ou personnalités du village de Pourrières, aux confins des Bouches-du-Rhône et du Var, a su entraîner dans son dynamisme nombre de villageois qui le vivent désormais comme une expérience non seulement estivale, mais aussi annuelle, puisque l’année y est désormais jalonnée de concerts qui ponctuent patiemment en pointillés la ligne d’une activité musicale continue de qualité, qui enfin s’élargit en trois longues soirées festives d’été. Ce festival allie joyeusement la gastronomie, l’art de la bouche, et l’art de chanter : il mérite le nom d’opéra bouffe, à tous les sens plaisants des termes, lyrique et culinaire, qu’on arrose des généreux vins du cru généreusement offerts par des vignerons locaux. D’autant que la solide équipe qui le préside lui a donné l’identité de brèves saynètes comiques, bouffe donc, qui mêlent comédie et chant grâce à une troupe de jeunes artistes des plus talentueux.

 

 Ancien lieu

 Jusqu’à l’an dernier, il se nichait, se lovait dans le minuscule cloître du Couvent des Minimes, à l’abri d’un marronnier qui en couvrait amoureusement presque tout l’espace, sous la douce vigilance du joli clocher de l’église au porche d’entrée humblement gothique : humilité amicale des pierres pain d’épice patiemment entassées par quelques moines sans prétentions maximales, au modeste nom bien mérité de Minimes, au XIIIe siècle, pour en faire un petit lieu de méditation, barque de pierre arrimée à un cyprès entre le creux de la vague d’un vallon et la douce ondulation d’une crête, à ses pieds les vaguelettes tranquilles des sillons des labours de cultures en terrasses et les sages lignes parallèles des vignes. On n’oubliera pas, le long du mur aux vieilles pierres rousses de crépuscule, sous une allée de marronniers, les repas à thème lyrique, préparés par les gens du village, pris joyeusement en commun, qui précédaient les festivités musicales. Aujourd’hui, le cloître, le couvent des Minimes est classé monument national : pas besoin d’être un grandiose monument pour mériter ce titre, la modestie est aussi récompensée.

 

 Nouveau lieu : Place du Château

Ce n’est pas sans pincement de cœur qu’on s’apprêtait à découvrir l’un des nouveaux lieux et, comme un exorcisme et un salut nostalgique, on allait d’abord caresser encore du regard l’ancien cœur battant du festival, le petit couvent au creux d’un chemin vert, avant de grimper vers la hauteur du village, sous le fier clocher provençal couronné de son feston de fer, la Place du Château —qu’on chercherait en vain. De cette hauteur, le spectacle, le paysage couperait le souffle s’il n’y avait, dans sa beauté, une sérénité aimable et humaine de vieille terre de culture, j’entends aussi cultivée, civilisée. Du haut de cette vaste terrasse, on domine un large panorama, plus ouvert que limité par des montagnes : au sud-est, la ligne de crête de la chaîne de l’Étoile bleuie de lointain ; à l’est, la sainte Baume où, dit-on, se retira Marie Madeleine, fait un fond au Mont Aurélien de l’antique Voie aurélienne et, face à elle, en parallèle verticale, au nord-ouest, dans un apaisement de son relief, le versant sud de la grandiose Sainte Victoire chère à Cézanne finit en faisant le dos rond pour laisser un vaste espace à une plaine, un plateau adouci entre ces murs montagneux. Et Pourrières vit naître et mourir Germain Nouveau (1851-1920), poète maudit prisé des surréalistes, et non sans influence sur les Illuminations de son ami Rimbaud.

Sur la terrasse, des villageois d’affairent à dresser les tables du repas qui prélude au spectacle et servent avec diligence, simplement et sympathiquement, les convives et futurs spectateurs. Tous les responsables du festival et les bénévoles, et même la démocratique Présidente, cravatés de lumières comme autant de clins d’œil, mettent la main à la pâte avec une bonhomie efficace, qui ne dissimule pas, au regard averti, tout le travail d’intendance que suppose pareille organisation, installation des gradins de la scène et ce restaurant improvisé à l’air vraiment libre. On goûte le paysage et savoure les plats en conviviale compagnie, le soleil sculpte encore les reliefs sud de Sainte Victoire avant d’en faire une ombre chinoise bleue sur horizon rose et gris en passant derrière, incomparable fond de scène, à jardin du petit théâtre de tréteaux dressé sur la place. On retrouve, avec une souriante émotion, dans cette simplicité de bon aloi, quelque chose des modestes mais fortes fêtes de village, de quartiers, aujourd’hui disparues, qui, ne serait-ce qu’à la faveur d’un spectacle, par la grâce d’un bal, d’un concert partagés resserraient la cohésion d’une communauté, soudaient les groupes, les liens sociaux malheureusement si distendus de nos jours.

On se disait, sans préjuger du spectacle, que le pari était déjà gagné.

 

LES SPECTACLES

 

La suite le confirmait amplement. C’est un bonheur sensible, pour un critique, quand l’affect et l’intellect se rejoignent, sans que le jugement soit la dupe du cœur, que de saluer la réussite si évidente de ce spectacle constitué de deux opérettes. D’abord, l’équipe de Pourrières, son directeur artistique et metteur en scène, Bernard Grimonet, Luc Coadou, le directeur musical et chef, nous a habitués à des pièces rares, oubliées ou méconnues, exhumées et rendues à la vie et à leur verve pour nous. Ce travail premier de recherche tient d’une heureuse résurrection. Ce soir, des deux œuvres présentées, il n’existe que la partition piano chant, et il faut noter, justement, question notes, que tout ce travail de broderie instrumentale est une création dans cette recréation, un travail minutieux dû au chef Coadou et à Isabelle Terjan, pianiste, qui, des cordes percutée de son instrument, assure une sorte de continuo secondé des cordes frottées du violoncelle de Virginie Bertazzan, dans le chatoiement irisé de l’accordéon d’Angélique Garcia et les ironiques éclats de la clarinette d’Aurélia Céroni. Si l’on ajoute que tous ces excellents musiciens sont professeurs dans des écoles ou conservatoires de région, à l’exception de Luc Coadou, à la carrière internationale, on souligne l’originalité locale de qualité de ce festival qui permet à des artistes du cru de se produire chez eux en participant à cette belle aventure collective, où même costumes et décors sont conçus et créés sur place par ces habitants d’un petit village qui voit grand.

 

 Deux vieilles gardes 

C’est la première partie. Farce en un acte, musique de Léo Delibes,
 livret de Ferdinand de Villeneuve et Alphonse Lemonnier. L’opérette fut représentée pour la première fois à Paris,
en 1856, au Théâtre des Bouffes Parisiens d’Offenbach, commande d’Offenbach lui-mĂŞme qui avait senti toute la capacitĂ© de ce jeune homme de vingt ans, dont le maĂ®tre, Adolphe Adam, mourut l’annĂ©e mĂŞme oĂą il donnait, pour ce mĂŞme théâtre, Les Pantins de Violette donnĂ©s ici l’an dernier.  Pochade lĂ©gère et lourde par le sujet, situation inverse du nĂ©potisme bourgeois comme dans Don Pasquale de Donizetti, le jeune FortunĂ© est infortunĂ©, son oncle l’a dĂ©shĂ©ritĂ© au profit d’un intrigant, le privant de l’espoir d’Ă©pouser sa bien-aimĂ©e : pas de mariage sans hĂ©ritage, loi bourgeoise.


Pour fléchir son intraitable parent, il feint une grave maladie. Son oncle lui envoie deux garde-malades  ou gardes, guère anges gardiens, Mesdames Vertuchou et Potichon, rôles chantés ici par des hommes. Si l’on imagine que Fortuné est un rôle confié à une soprano on voit déjà le ressort bouffe de ces travestis, exacerbé par le malicieux traitement du metteur en scène Bernard Grimonet. Le seul personnage assumant son vrai sexe sera Mikhaël Piccone qui campe un apothicaire passager.

Le faux malade affecte tellement la maladie que le croyant Ă  l’agonie, les deux harpies, voraces rapaces, prises d’une fringale effrĂ©nĂ©e, pillent le logis tout en Ă©changeant des confidences, familière harangue de harengères, langage outrancier, truculent, truffĂ© d’involontaires jeux de mots par la Vertuchou :  cloĂ®tre pour goitre, cerceau pour sursaut, chapeaux en Espagne, la brise de la Bastille, la caniche (pour calife) de Bagdad, le nègre plus ultra, un ogre de barbarie, la reine Marie aux toilettes pour Marie-Antoinette, etc, etc. Cela ne vole pas très haut toujours mais le systĂ©matique excès n’en repose pas moins sur une observation subtile des mĂ©canismes du langage chez des gens simples Ă©pris de termes compliquĂ©s qu’ils entendent sans comprendre et rĂ©pètent, dĂ©calĂ©s, dĂ©calquĂ©s, phĂ©nomène très sensible aujourd’hui avec tant de termes savants tombĂ©s du haut de la tĂ©lĂ©vision, reproduits bĂ©atement par des ignorants innocents, rĂ©pĂ©tĂ©s approximativement Ă  l’oreille sans le contrĂ´le d’un Ă©crit qu’on ne possède plus sans la lecture. Cela ne manque pas d’intĂ©rĂŞt historique en ces annĂ©es 1856 d’un Second Empire qui sent poindre, malgrĂ© tout, ce bienheureux SMIG culturel rigoureux des futures lois Jules Ferry et son admirable et dĂ©mocratique Certificat d’Études primaires. Cela suppose aussi que le public, sĂ»rement bourgeois, savait capter ces dĂ©rapages langagiers. 

Tentation d’éclairer rétrospectivement cette opérette inconnue d’un jeune homme par le compositeur d’âge mur de Lakmé et de Coppélia, avec une ouverture pimpante, la musique, quelques numéros guillerets, des danses, un air tendre pour la soprano travestie (Anne-Claire Baconnet), au joli timbre si féminin, au petit vibrato bien perlé, nous semble d’une transparence d’aquarelle et de la plus délicate facture, qui relève même d’une aura de poésie légère la lourdeur du sujet, presque scatologique avec la purge infligée en punition aux deux commères aigres et amères, avides de douceurs. En tous les cas, les deux joyeuses luronnes larrones, campées de façon inénarrable par les deux comparses travestis, les ténors Denis Mignien, en ronde et oronde potiche Potichon, yeux ronds ou furibards, joues rebondies, bouffie en robe bouffante de crinoline et falbalas, affublé d’une charlotte ébouriffée, forte voix terrienne, et Guilhem Chalbos, affûtant de fausset son timbre clair de pimbêche maniérée,  pincée, nez pincé de bésicles, l’un(e) en largeur, accusée par les falbalas et fleurs de sa robe, l’autre en hauteur collet monté étriqué des lignes verticales de la sienne (Mireille Caillol et son équipe), rondeur et minceur, font une paire impayable dans le jeu, le chant et ce duo et duel, canne contre parapluie. C’est réglé, même dans la verbeuse prose du texte, comme du papier à musique par le metteur en scène Grimonet et le chef Coadou qui tient même la folie de la scène dans la rigueur musicale de la fosse.

 

 La bonne d’enfant 

Transformant Ă  vue le simple dĂ©cor de la première opĂ©rette, sur une musique de danse de Delibes et la prĂ©sentation des deux pièces par Bernard Grimonet, le lit de malade devient berceau, une belle frise Ă  liserĂ©s et liserons courant des cadres de portes au rebord de la cheminĂ©e et gagnant mĂŞme le tissu d’une chaise, d’une sobre Ă©lĂ©gance, un transparent figurant un cartel et des flambeaux (GĂ©rard Alain, Dominique, Yves, etc),  et nous voici dans un autre appartement bourgeois pendant que les chanteurs se dĂ©griment et habillent pour la seconde opĂ©rette de la soirĂ©e, dans des costumes toujours seyants, de la mĂŞme Ă©quipe d’une Ă©lĂ©gance Second Empire relevĂ©e de fantasques couleurs.  Musique de Jacques Offenbach, livret d’Eugène Bercioux, La Bonne d’enfant fut aussireprĂ©sentĂ©e pour la première fois en 1856 Ă©galement, dans ce Théâtre des Bouffes Parisiens qui confinait l’inspiration d’Offenbach Ă  des spectacles n’excĂ©dant pas quatre intervenants scĂ©niques. Ce n’est qu’en 1858 que sera levĂ©e l’interdiction de limiter de nombre de chanteurs qui permettra Ă  son gĂ©nie de s’épanouir et donnera lieu Ă  tant de ses chefs-d’œuvre. Pourquoi cette limitation ? Parce d’autres compositeurs mieux en cour, avaient ce privilège exorbitant de composer et d’écrire Ă  leur aise pour le nombre d’exĂ©cutants laissĂ© Ă  leur indiscrète discrĂ©tion et finances. Mais, mĂŞme rĂ©duit Ă  quelques comparses, notre facĂ©tieux Offenbach Ă©crit une multitude d’œuvres, plus d’une centaine sur ses près de sept cents compositions, une constellation d’opĂ©rettes brèves que l’OpĂ©ra au Village, comme autrefois le Festival Offenbach de Carpentras, nous permet aujourd’hui de dĂ©couvrir peu Ă  peu. 

L’intrigue est simple, simplette : Dorothée, bonne d’enfant chez un couple de bourgeois n’a qu’une idée en tête : devenir sa propre maîtresse en se mariant, le mariage (on parle de Mairie et non d’Église !) est gage de liberté. Elle hésite entre trois amoureux : le sérieux, bon parti, mais  « guère joli » un ramoneur aisé, le bel homme, sapeur de la garnison, mais « trop farceur », et Brindamour, le trompette des dragons, qu’on ne verra pas, dont elle ne sait pas s’il veut de l’hymen.

Le reste, c’est du vaudeville : entrée et sortie des amants postulants, cachette dans le placard, travesti, quiproquos, dont on peut imagine ce qu’en tire la veine et verve bouffe d’Offenbach.

Une ouverture plus fournie, avec en coda le thème de « Dodo, l’enfant do… » qui reviendra dans l’ensemble final, des airs plus consistants pour la belle Dorothée d’Anne-Claire Baconnet, dont une agréable valse à cocottes. Denis Magnien, vieille garde hagarde de la première partie, n’est ici que le bourgeois propriétaire et père. On retrouve avec bonheur Guilhem Chalbos, qui sait tout faire sur scène et en chant, en fumiste enflammé, amoureux transi et brûlant, plus séduisant de sa personne que séducteur aguerri face à sa belle, toujours convaincant dans son jeu très divers. Et l’on retrouve enfin, après son apparition fugace en première partie, le baryton Mikhaël Piccone, par ailleurs directeur de la Troupe lyrique méditerranéenne, remarquable metteur en scène, dont une production, Orphée aux Enfers dans laquelle Chalbos était un Pluton irrésistible, était digne d’un grand théâtre. Il a le rôle des plus drôles de l’officier des sapeurs, bien sapé dans son uniforme pantalon garance, flambant, fringant et frimeur, débitant magistralement avec une volupté verbale vertigineuse, avec une assurance et arrogance académiques, des tirades amoureuses à la syntaxe, au lexique et périphrases à rendre vertes de jalousie les précieuses de Molière et Monsieur Jourdain : « le liquide puéril » pour le lait de l’enfant, bordées et bardées d’épithètes centripètes, d’un cocotant vocabulaire cocasse et coruscant (intrinsèque, circonspect, subreptice, hypothèse, etc), où tout pèse et pose plaisamment, pompeux, pompier, mais jamais pompant.

Dans un tempo étourdissant sans solution de continuité, des gestes symétriques comiques réglés comme des danses, ce trio chante et joue à merveille, s’amuse visiblement malgré la terrible chaleur et les lourds costumes et communique généreusement au public une saine et heureuse gaîté.

Une réussite devenue un label de Pourrières, qui mériterait de tourner comme ses vins qui font tourner les têtes.

 

L’Opéra/au Village

Deux Vieilles gardes de Léo Delibes,

La Bonne  d’enfant, de Jacques Offenbach

Pourrières, Place du Château et château de Roquefeuille

 

23 et 25, 28 juillet, 21h30, repas à 20 h. tarif : 15 € pour le spectacle seul, 35 € avec le repas inclus. Renseignements :

mailto:contact@loperaauvillage.frcontact@loperaauvillage.fr,

www.operaauvillage.fr

06 98 31 42 06

 

 

 

Compte rendu, opéra.  Pourrières, l’Opéra au village. Le 23 juillet 2015. Deux Vieilles gardes de Léo Delibes. La Bonne  d’enfant, d’Offenbach

Isabelle Terjan, piano ; Virginie Bertazzan, violoncelle ; Angélique Garcia, accordéon ; Aurélia Céroni, clarinette. Direction musicale : Luc Coadou. Directeur artistique, metteur en scène, scénographe, Bernard Grimonet . Costumes : Mireille Caillol et son équipe. Décors : Gérard, Alain, Dominique, Yves, etc.  Régie : Sylvie Maestro et MDE Sound Live.

Avec : Anne-Claire Baconnais, soprano ; Denis Mignien, ténor ; Guilhem Chalbos, Mikhaël Piccone, baryton.