jeudi 28 mars 2024

Paris. Châtelet, le 6 février 2011. Festival Présences 2011. Esa Pekka Salonen: Helix, Concerto pour violon. Josefa Josefowicz, violon. Orchestre Philharmonique de Radio France. Esa-Pekka Salonen, direction

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Hédonisme symphonique

Le 7è concert du festival Présences 2011 est un véritable bain d’hédonisme symphonique. Salonen s’y révèle maître de la résonance symphonique grâce à une vitalité rythmique régénérée, des harmonies somptueuses, un sens original de la pulsation et, couronnant le tout, ce souci constant de l’unité et du développement organique malgré la disparité des idées et la vitalité des micro sections.
3 oeuvres en témoignent, 3 partitions époustouflantes par leur audace et leur …. accessibilité: formule gagnante dans le projet artistique du festival de Radio France. Ecoutez tout d’abord Wing on wing dont le titre fait référence à la voilure déployée d’un navire (2004): Salonen y développe un hymne poétique et même exubérant dans sa formulation lumineuse à l’architecture du vaste Walt Disney Concert Hall (édifié en 2004), dessiné par l’architecte Franck Gerhy dont même la voix est présente, retravaillée au sein de l’orchestre.
En plus d’une citation du Plainfin Midshipman, poisson crapaud du sud californien qui chante un mi naturel, le compositeur y mêle aussi deux voix de sopranos coloratoure qui surgissent comme solistes ou sont très finement associées à la matière sonore comme simples instruments: cette alliance entre le timbre sincèrement humain et la machine, y est magnifiquement réussie. Dans sa structure en 10 sections, l’oeuvre s’impose par son souffle, sa générosité (américaine), l’exaltation qui y règne, suscitant l’imaginaire et cette gaieté rythmique qui se révèle irrésistible. En outre Salonen, poète de l’eau et de l’air, semble faire éclater les formes traditionnelles de la musique de concert: comme une forme libre célébrant l’ouverture, Wing on wing place divers instruments et les chanteuses hors scène. Le public s’immerge dans la musique. Le résultat est captivant.

Dyonisiaque Helix…

En première partie de programme, deux autres oeuvres soulignent la diversité du génie symphonique de Salonen. Helix (2005) se rapproche de la vitalité croissante de Wing on Wing : c’est une partition qui prend peu à peu son envol mais à la façon d’une machine infernale dont le coeur rythmique et pulsionnel vire parfois à la sauvagerie, mais avec un swing d’une élégance inédite. L’orchestration y est particulièrement raffinée et les instrumentistes du Philharmonique de Radio France rendent justice à l’irisation constellée du début: à la solennité des timbales et des percussions répond le chant de la flûte-piccolo qui diffuse ce caractère d’étrangeté flottante, de pastorale émerveillée. Puis, après des cordes brumeuses qui marquent une extension saisissante de la sonorité, la machine décolle sur le thème de la spirale, figure ascendante, qui se développe en cercles concentriques en un accellerendo de neuf minutes: précision des rythmiques changeantes, diversité des climats enchaînés, souci du timbre, Helix est bien l’une des oeuvres les plus personnelles de Salonen. On regrette que l’Orchestre français manque de fantaisie débridée, de délire instrumental à l’image de leurs confrères californiens dans une prise live réalisée au Walt Disney Concert Hall en 2006 (DG concerts: Helix de Salonen, LA Philharmonic, Esa-Pekka Salonen, live from Walt Disney Concert Hall)

Après la frénésie dyonisiaque d’Helix, le choix du Concerto pour violon écrit en 2009 pour le LA Philharmonic, est d’autant plus pertinent. Son introspection croissante que défend l’instrument soliste et qui finit par gagner tout l’orchestre, est là encore sertie dans une orchestration particulièrement raffinée, vrai défi pour les interprètes. La créatrice de l’oeuvre, partenaire précieuse pour sa genèse, Leila Josefowicz, participe au concert parisien: elle en assure même l’attraction prodigieuse grâce à une suractivité permanente, osant traverser une diversité de tempéraments, caractères, humeurs et climats très variés. La complicité entre chef et soliste se répand dans les pupitres: le second mouvement, le plus intime (Pulsation I), se met au diapason d’un coeur couché, conscient, témoin des premières heures du soleil à son lever (dixit le compositeur): l’atmosphère immatériel, sorte de voile onirique suspendu y est effectivement d’un trouble enchanteur. C’est le témoignage d’une nuit d’insomnie, mais sans les terreurs et l’angoisse d’Insomnia, joué le 4 février au Châtelet.

Violon onirique

Même dans les passages plus violents voire sarcastiques, mais aussi chaloupés, d’une liberté toute californienne (selon Salonen), l’écriture est d’une remarquable finesse. Le rapport du soliste et de l’orchestre se révèle passionnant: au début, deux entités autonomes, chacune marquant ses positions, s’observent, se répondent; les instrumentistes résistent non sans rugissement voire déflagration; enfin dans le quatrième et dernier mouvement, tout s’apaise (Adieu), conférant à cette ultime confrontation, la magie d’une réconciliation sereine: les glissandi au violon, la résonance de plus en plus ample et sombre (harpe et violon) se détachent: et le dernier accord (point culminant d’une traversée onirique) s’accomplit comme s’il s’agissait d’un nouveau départ. C’est une aube recomposée, « le commencement d’autre chose » (Salonen). Magnifique et troublant. Jeune Quinqua, Salonen est bien l’un des compositeurs vivants les plus passionnants.

Le Festival Présences 2011 invite pour son 20è anniversaire Esa Pekka Salonen. Concerts gratuits au Châtelet à Paris, jusqu’au 19 février 2011. A ne pas manquer: Concerts du 12 et du 19 février, dirigé par Salonen à la tête du Philharmonique de Radio France (le 12: Gambit, Foreign Bodies et Giro de Salonen, couplé avec Symphonie n°4 de Lutoslawski; surtout le 19 février 2011: nouvelle oeuvre et LA Variations de Salonen, couplées avec D’OM LE VRAI SENS de Saariaho et Amériques de Varèse).

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