samedi 20 avril 2024

Compte rendu, concert. Montpellier, Opéra Berlioz-Le Corum. Le 19 juillet 2015. Koering : Sprachgitter Ephrem. Wagner, Liszt. Orchestre national de France. Alexander Vedernikov, direction.

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Montpellier est une ville magique même quand elle est assoupie. Sous un ciel de cobalt avec à son zénith, une perle d’or et de feu, les volets demeurent clos, les ruelles semblent serpenter entre feu et ombre, sous les silences du sommeil méridien. Le promeneur s’essaye aux musées, il s’égare dans les allées et finit son parcours dans une terrasse pour y goûter le nectar des maquis, un Pic Saint-Loup moiré de velours cramoisi. A l’heure où les cistres des cigales périssent dans la nuit, c’est un public endimanché qui s’affaire dans Le Corum. Vestes en lin, robes fleuries et chaussures en daim, tout se prépare pour l’événement: une création! En effet, ce 30ème Festival de Radio-France et Montpellier ne pouvait aucunement ignorer la figure tutélaire de René Koering. Ce concert est plus qu’un hommage ou une rétrospective, c’est un manifeste du présent. René Koering est reçu comme un créateur, un témoin fort de la musique.

En effet, les quatre pièces qui forment le programme sont étrangement complémentaires. D’une suite recomposée par René Koering, de Pelléas et Mélisande, une formidable création « Sprachgitter Ephrem », deux larges extraits du Parsifal de Wagner et le rare poème symphonique Mazeppa de Liszt, tout est une sorte de narration inspirée du monde créatif du compositeur.

La source et la mer

Nous passerons assez vite sur la « suite » de Pelléas et Mélisande qui reprend les moments les plus contemplatifs de la partition de Debussy, cependant, on retrouve une sorte de pâte musicale, qui nous offre une vision très moderne de ce monument lyrique, sans les vers de Maeterlinck, finalement, Pelléas et Mélisande aurait bien pu être un poème symphonique. Cette suite intelligemment pensée, glisse comme une écharpe de soie, comme une lumière fugitive sur une fresque de Puvis de Chabannes.

Koering rene portrait classiquenews-Rene1_c_Ginot-JennepinCe qui fut passionnant sans équivoque fut le Concerto pour piano(s) et orchestre de René Koering (portrait ci-contre). A la fois dépeignant les horreurs barbares de la guerre et une sorte de mélismes poétiques imprégnés de romantisme, ce « Sprachgitter Ephrem » devient une création subjuguée à l’astre dramatique des heures blêmes. Par moments, on retrouverait même des couleurs dignes des tableaux de Caspar David Friedrich, des consonances très proches d’un rêve sur le temps, l’angoisse des souvenirs, encore un témoignage d’un passé douloureux qui ne veut plus nous quitter. Par moments le piano est un amortisseur sensuel de l’orchestre, souvent incisif et en une seconde, on entend le deuxième piano en coulisses, dans un lamento nu, dénaturé et splendide, tel un spectre, une psyché du piano concertant. Cette belle création a révélé la profonde grâce de la musique de René Koering. Si les influences semblent être là, on trouve que le langage propre au compositeur se déploie sans autre force que la sienne. Les autres pièces sont intéressantes, et nous remarquerons notamment le sublime Mazeppa de Liszt, formidable épreuve de virtuosité et de voltige pour l’orchestre.

Côté interprètes, remplaçant Boris Berezovsky pour la création de René Koering, c’est le jeune Yuri Favorin qui relève le défi magnifiquement bien. Si on peut lui reprocher un rien d’hésitation, il est formidable par cette épreuve qui nous permet de le connaître sous des excellents auspices.

L’Orchestre National de France, voué depuis ces dernier mois à l’incertitude de son destin, malgré un Wagner un peu mollasson, est dans une forme exceptionnelle pour le Liszt et le Concerto, les couleurs et les effets sont là. D’ailleurs, les musiciens ont réussi à vaincre les tempi, quelque fois trop brutaux de Alexander Vedernikov.  En effet le chef russe ne dirige pas avec subtilité, c’est plutôt une lutte entre le pupitre et les phalanges, le pire étant les extraits de Parsifal rendus … inintéressants et par moments ennuyeux. Le Mazeppa, demeure juste mais l’excès de gestes du chef a certainement empiété largement sur la précision. Quoi qu’il en soit, la soirée se termine avec le sentiment qu’un nouveau réveil pour le romantisme est possible, surtout quand sous les arbres de Montpellier, la lune est blanche comme un oeil d’ivoire.

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