vendredi 29 mars 2024

Histoires d’opéras: Butterfly,Titus,Arabella,CarmenArte, dimanches 10,17,24 février puis 5 mars 2013

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Histoires d’opéras
l’Opéra expliqué,
accessible

Arte,


les dimanches 10,17,24 février puis 5 mars 2013

à 16h20


Février 2013 est lyrique sur Arte. Voici 4 feuilletons lyriques newlook, mêlant habilement très courte (trop) évocation des lieux d’accueil (Opéra national de Bavière à Munich, Opéra d’Etat de Vienne…), travail des chanteurs, enjeux techniques des productions, nuances entre théâtre de saison ou de répertoire… surtout pour chacun des opéras abordés : synopsis, protagonistes, défis pour l’interprète. Reste que malgré une réalisation soignée, il y a des erreurs de montage surtout criant dans le chapitre viennois dédié à La Clémence de Titus où le monteur a confondu les airs pour clarinette de basset de Sesto et de Vitellia, au risque d’assimiler l’un et l’autre air qui séparément ont des enjeux dramatiques totalement différent: nonobstant cette infime réserve, le principe est intéressant souvent captivant, d’autant plus accessible et attractif dans un format d’une durée idéale (pour une première approche).

A
Munich, à l’Opéra national de Bavière, le ténor français Roberto Alagna
en guide idéal (accessible et simple) raconte ce qui fait la réussite
mémorable de l’opéra de Puccini, Madame Butterfly (créé en février
1904). D’après le roman de Belasco, Puccini alors à Londres découvre le
sujet de Cio Cio San, jeune japonaise, geisha soumise, prête à renoncer
pour l’amour d’un Américain… L’histoire séduit immédiatement le
compositeur qui échafaude une partition parmi les plus sensuelles,
féeriques et tragiques de son catalogue. Le choc Orient Occident prend
des allures de marivaudages tragiques : à l’innocence naïve et trop
crédule de Cio Cio San, devenue Mme Pinkerton, répond l’irresponsabilité
de l’officier américain qui n’a jamais vraiment cru à la cérémonie
nuptiale qui occupe tout le Ier acte… La pauvre jeune fille y laissera
tout ce qu’elle a: attendant telle Pénélope, son mari occidental, parti
depuis 3 années, Butterfly espère, s’alanguit plus amoureuse que jamais
(superbe duo des fleurs avec sa suivante et confidente Suzuki). Mais
quand son aimé revient, c’est accompagné de sa véritable épouse
américaine pour prendre le fils qu’il a eu de la japonaise…

bouleversante Butterfly munichoise, le 10 février

Sommet
expressif et tragique de l’opéra, l’air tragique de Butterfly au III
(Un bal di vedramo) impose les capacités de la soprano capable d’accents
exacerbés et déchirants. Quand elle s’apprête à se suicider, paraît son
fils auquel elle joue la comédie d’une mère sereine et attendrie…
Roberto Alagna explique pourquoi la partition reste l’une des plus
déchirantes de tout le répertoire lyrique, présente chacun des
personnages clés (Sharpless, Suzuki, Pinkerton, Cio Cio San…).

En 26 mn, le docu prend le temps d’expliquer le fonctionnement
artistique de l’Opéra munichois (programmation de répertoire c’est à
dire alternant chaque soir un opéra différent), les enjeux techniques de
la production (conception des lumières par exemple), évoque mais trop
allusivement la riche histoire du théâtre des Wittelsbach où Louis II de
Bavière a fait créer quasiment tous les opéras de Wagner au XIXè… Un
temple de l’art lyrique où la vériste et si déchirante Butterfly de
Puccini a évidemment toute sa place.

Le Sesto d’Elina Garança, le 17 février

Pleins
feux sur le dernier seria de Mozart (et pas comme il est dit ici, le
dernier opéra de Mozart: c’est omettre La Flûte enchantée, ouvrage
réalisé de façon contemporaine à Titus). En 1791, la révolution
française ayant produit ses effets, l’Empire autrichien se met à la
page: pour le sacre de l’Empereur Rodolphe, frère et successeur de
Leopold II (le commanditaire des Noces et de Cosi fan tutte), Mozart
reçoit la commande de La Clémence de Titus: un ouvrage de la fin,
recueillant les dernières inflexions stylistiques du compositeur
autrichien, représenté à Prague où le nouvel Empereur d’Autriche est
couronné roi de Bohème. A défaut d’un Salieri ou d’un CImrosa disponible
pour relever les défis de la commande, c’est finalement
l’administration impériale qui sollicite Mozart… un comble quand on
sait le génie du musicien et l’apport de Titus dans l’histoire de
l’opéra seria néoclassique et déjà romantique.

Le
docu met l’accent avec raison sur l’essor du sentiment déjà romantique
qui place Mozart au nombre des compositeurs les plus visionnaires de
tous les temps. En guide attachante, la mezzo slovène Elina Garança qui
chante le personnage travesti de Sesto, l’ami de Titus. L’action se
déroule à Rome, juste après l’explostion du Vésuve sous le règne de
l’Empereur Titus. Le parallèle avec Leopold est icontournable mais pour
autant Mozart tout en relevant l’exploit de composer l’oeuvre de
circonstance en seulement 17 jours !, réussit un opéra parmi les plus
poignants, juste dans l’expression des sentiments contrariés, intense et
resserré dans l’écriture; l’orchestration est des plus raffinée dont en
évidence, la clarinette de basset, en fait le cor de basset dont le
timbre spécifique, particulièrement adulé par le compositeur, est
associé à deux airs parmi les plus importants de l’ouvrage: l’air de
Sesto et celui de Vitellia. Dans le premier, la clarinette dialogue
avec la voix en un double concerto, véritable miroir étincelant et
incandescent de l’âme du jeune homme, ardent amoureux prêt à tout pour
satisfaire le souhaits de sa bien-aimée; celle ci justement dans son
grand air réalise cette fameuse bascule de l’opéra: la femme de pouvoir
qui ensorcèle et manipule Sesto, se révèle à elle-même et reconnaît
qu’elle aime celui qu’elle instrumentalise (pour tuer l’Empereur).
Miracle de l’amour où une femme politique baisse le masque et dévoile
ses qualités de coeur: métamorphose inouïe dont seul Mozart a eu le
génie au début des années 1790.

Le montage confond les deux airs et peine à distinguer ce que chacun
apporte dans le flux du drame mozartien. De toute évidence il est
juste de souligner combien la clarinette indique deux sommets expressifs
de l’opéra: le traitement à l’image est malheureusement raté. Surtout
pour le grand air de métamorphose de Vittelia (véritable héroïne de
l’opéra). Pour le reste, la recette demeure efficace: Elina Garança
éblouit dans le rôle de Sesto, et raconte l’intrigue aux côtés du ténor
incarnant Titus: voici bien un sujet déterminant et aussi emblématique
de l’époque rationelle, moraliste, des Lumières: Mozart peint le
portrait d’un despote éclairé, capable de tendresse, de compassion,
d’amour fraternel… Alors qu’il est prêt à exécuter son meilleur ami
Sesto qui l’a trahi (sans hésiter), Vitellia métamorphosée, avoue sa
noirceur haineuse et conspiratrice ; le coup d’état auquel Titus a
échappé in extremis à la fin du I, c’est elle qui en est l’unique
cerveau: l’instigratrice honteuse et terrifiante. Titus pardonne ; Sesto
vivra.

Même l’admirable air au II de Servilia, la soeur de Sesto que Titus a
choisi d’épouser, n’est pas omis: la jeune femme en appelle à la
tendresse de Vitellia et lui demande de sauver Sesto… Jamais Mozart
n’a été aussi juste dans l’expression des sentiments, aussi visionnaire
et déjà romantique avant l’heure. Cette modernité mozartienne est
parfaitement saisie et expliquée dans le film. Défi relevé. En 26 mn, le
docu évoque même le fonctionnement technique de la production, tout ce
que le fonctionnement d’un opéra comme celui de Vienne doit produire et
maîtriser.

Histoires d’opéras. Mozart: La Clémence de Titus à l’Opéra de Vienne, avec Elena Garança (Sesto). 26 mn, inédit.

agenda
le 10 février : Roberto Alagna explique Madame Butterfly de Puccini à l’Opéra de Munich

le 17 février : Renée Fleming commente Arabella de Richard Strauss à l’Opéra Bastille à Paris

le 24 février : Elina Garanca souligne la modernité de La Clémence de Titus, dernier seria de Mozart (1791)

le 5 mars 2013 : Béatrice Uria Monzon interroge l’actualité de Carmen de Bizet…

Réalisation : Nicolas Crapanne (4 x 26 min.)

Illustration: chanteuse par Degas ;
Roberto Alagna et Elina Garança, guides inspirés pour le série
documentaire « Histoires d’opéras  » sur Arte, chaque dimanche jusqu’au 5
mars 2013

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