ENTRETIENS – PORTRAITS par Hélène Biard. Notre grand reporter Hélène Biard a posé plusieurs questions au baryton Nicolas Cavalier qui s’apprête en juin 2016 à assurer un nouveau rôle à l’Opéra de Saint-Etienne : Zaccaria dans Nabucco de Verdi sous la direction du jeune maestro inspiré, David Reiland. Entretien avec le chanteur… Tout juste rentré d’Avignon, ou il vient de chanter Nilakantha dans Lakmé aux côtés de Sabine Devieilhe et Florian Laconi, Nicolas Cavallier a accepté de nous accorder un entretien téléphonique. Au cours de cette entrevue nous avons évoqué son parcours, son prochain Nabucco stéphanois et ses projets à venir.
Nicolas Cavallier : la force tranquille de l’art lyrique
UNE CARRIERE TARDIVE. «J’ai grandi dans une famille ou le théâtre tenait une place très importante. Mon père était comédien et metteur en scène; de fait, j’ai rapidement côtoyé les plateaux de cinéma et les scène de théâtre. Mes premiers souvenirs remontent d’ailleurs aux années 60, avec la découverte du Palais des papes en Avignon, et notamment un Ubu roi magistralement interprété par Robert Wilson. Cependant, nous écoutions aussi beaucoup de musique au disque ou à la radio. Personnellement le monde de Ravel et, en particulier, celui de L’enfant et les sortilèges, me faisaient rêver; à tel point qu’il a fallu racheter un disque tellement j’avais écouté le premier» commence Nicolas Cavallier qui poursuit : «J’ai commencé mes études de musique assez tard car j’avais d’abord fait des études de théâtre. J’avais 23 ans quand je suis parti à la Royal academy of music de Londres où j’ai dû tout apprendre : le solfège, l’harmonie mais aussi, bien sûr le chant et le piano. Et de fait, j’ai débuté ma carrière à 30 ans. Je suis allé à Glyndebourne à plusieurs reprises; festival où ma carrière a d’ailleurs débuté un peu par hasard. Je chantais dans les choeurs et je doublais Sarastro; le titulaire du rôle a déclaré forfait au tout dernier moment et je l’ai remplacé au pied levé le jour ou l’ensemble du Gouvernement britanique était présent. Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. A l’époque ma voix était assez profonde, correspondant à une voix de basse chantante mais avec l’âge et un travail quotidien elle a pris de la hauteur et plus d’ampleur. Maintenant que je me sens plus à l’aise avec cet instrument, j’aborde aujourd’hui des rôles charnières; passant relativement facilement du répertoire de basse à celui de baryton basse. D’Arkel aux vilains des Contes d’Hoffmann, ou de Don Quichotte au Hollandais de Wagner» conclut Nicolas Cavalier avec un grand sourire.
Nabucco à Saint Etienne
«Zaccharia est une prise de rôle; c’est le deuxième Verdi que j’ajoute à mon répertoire après Philippe II; un rôle que toute basse rêve de chanter et qui m’avait laissé un formidable souvenir» nous dit Nicolas Cavallier qui chantera dans la nouvelle production de Nabucco à Saint-Etienne les 3, 5 et 6 juin prochains. «Aborder le répertoire lyrique italien est toujours une gageure. Il faut beaucoup de confiance en soi et de maturité vocale pour se lancer dans ce genre d’exercice périlleux où chaque note compte. Le «Bel Canto»! : à lui seul, ce mot explique l’ampleur de la tâche. »
Les projets
LOUIS et RICHARD à LACOSTE... Nicolas Cavallier ne manque ni de projets ni d’ambition : «Avec Eve Ruggieri nous préparons pour cet été 2016, au festival de Lacoste, un projet autour de la correspondance de Louis II de Bavière et de Wagner alternant lecture et chant. C’est un projet très enthousiasmant parce qu’il me permet d’allier théâtre et chant. Je débuterai la saison 2016/2017 à l’Opéra de Paris, où je chanterai un vieillard hébreux dans Samson et Dalila. J’irai aussi chanter La juive (Ruggero) à l’Opéra National du Rhin. Je dois aussi aller à Stuttgart pour y chanter l’oeuvre monumentale de Franck Martin «Golgotha». Enfin, je reprendrai Nilakantha dans Lakmé à Marseille dans la mise en scène de Lilo Baur : j’y retrouverai Sabine Devieilhe qui chantera de nouveau le rôle-titre. A Saint Etienne je chanterai dans Lohengrin, série qui me permettra de faire une nouvelle prise de rôle : Henri l’oiseleur. Je reprendrai également un spectacle qui me tient beaucoup à cœur : L’homme de la mancha à l’Opéra de Tours. Ce mélange de théâtre et de chant me comble totalement car il me faut interpréter trois rôles en une soirée; c’est un jeu de totale schyzophrénie ! En novembre 2017, je chanterai Dialogues des carmélites au Théâtre des Champs Elysées et à Bruxelles.».
Artiste sensible, enthousiaste et généreux, Nicolas Cavallier, dont l’amour pour le théâtre et la musique transparait à chaque phrase, prend un plaisir non dissimulé à incarner alternativement méchants, pères, vieux sages au fil des saisons. Une facilité qui n’écarte pas pour chaque personnage, un sens admirable de la caractérisation. A suivre.
Propos recueillis en avril 2016.
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