mardi 16 avril 2024

DVD. R. Strauss : La Femme sans ombre (Gergiev, 2011)

A lire aussi

Frau-ohne-schatten-richard-strauss-valery-gergiev-dvd-mariinskyDVD. R. Strauss : La Femme sans ombre (Gergiev, 2011). Qui a dit que La Femme sans ombre, l’opéra féérique et fantastique de Strauss et Hofmannsthal était impossible à monter et produire ? Il est vrai que son sujet qui relève de la fable philosophique et initiatique (le principe allomatique y est souverain, reliant les destins croisés du couple impérial aux simples mortels composé par le teinturier Barak et son épouse…) se prête mal à une adaptation scénique et théâtrale classique, un peu comme La damnation de Faust (moins opéra, plus  » légende dramatique  » selon les propre termes de Berlioz). Opéra humaniste, conte magique et spirituel, La femme sans ombre reste pourtant une formidable expérience musicale et lyrique. Voilà une production emportée par la rage flamboyante de Gergiev qui même dans sa réalisation scénographique et visuelle emporte l’adhésion. Depuis sa direction au Mariinski en 1996, Gergiev s’est fait une spécialité des oeuvres complexes qui exigent surtout un flamboiement éruptif voire sauvage à l’orchestre et des voix puissantes mais articulées.

Flamboiements du Gergiev straussien

Créé en novembre 2009, la production passe sans problème ni faiblesse le transfert de la scène au petit écran : dans la mise en scène de Jonathan Kent, les images féériques du monde de l’Empereur et de l’Impératrice  voisinent par leur decorum mesuré et orientalisant à cet univers russe, bigarré et hautement coloré, citant ici le Sacre (dans la version du ballet originel), ou les opéras asiatiques et fantastiques  Sadko ou  Kitège. Le contraste avec la cuisine plébéienne d’un HLM miteux, propre au couple mortel du Teinturier fonctionne à merveille : la femme desperate housewife désespère dans les tâches ménagères ; sa coquetterie égoiste l’empêche d’écouter son mari qui ne souhaite que de la voir heureuse en mère de leurs enfants qui tardent à venir…  cette lisibilité donne à comprendre parfaitement la juxtaposition des mondes, qui doivent dialoguer, s’entendre et se comprendre pour être sauvé chacun.
Allusivement, Hofmannshtal conçoit une véritable défense du couple en exhortant l’auditeur à détecter ce qui dans le couple de Barak bat de l’aile : l’absence d’une véritable entente.

Pour sauver l’empereur condamné à être pétrifié, l’Impératrice et sa gouvernante doit approcher le monde humain, surtout s’émouvoir du sort de Barak : sans cette compassion salvatrice pas de salut, ni de rémission pour l’Impératrice comme pour la teinturière.
Les chanteurs de la troupe, dans cette captation de décembre 2011 font montre d’un bel engagement, d’autant plus méritoire que les rôles sont redoutables. August Amonov (L’Empereur) peine dans les aigus, comme le Barak de Edem Umerov dont le chant et le style manque de subtilité. Plus évidente les deux femmes protagonistes: l’Impératrice de Mlada Khudolev aux aigus faciles, au chant soyeux, mais manquant de contrôle, ses fins de phrases restent floues et jamais parfaites, et la gouvernante ardente, fiévreuse, incarnée avec intelligence et plus sûre techniquement de Olga Savova.
Orchestre sauvage et flamboyant (Gergiev réussit à combiner foudres guerrriers et accents chambristes), scénographie claire et onirique, plateau engagé à défaut d’être parfait, voici assurément un dvd tout à fait recommandable dans la dvdthèque straussienne pas si importante que cela s’agissant de La Femme sans ombre (Die Frau Ohne Schatten).

Richard Strauss (1864-1949) : Die Frau ohne Schatten / La femme sans ombre, opéra en trois actes. Mise en scène : Jonathan Kent. Scénographie et costumes : Paul Brown. Lumières : Tim Mitchell. Vidéographie : Sven Ortel et Nina Dunn. Chorégraphie : Denni Sayers. Distribution : Avgust Amonov : Der Kaiser ; Mlada Khudoley, Die Kaiserin ; Olga Savova, Die Amme ; Edem Umerov, Barak, der Färber ; Olga Sergeeva, Sein Weib ; Evgeny Ulanov, Der Geisterbote ; Liudmila Dudinova, Der Hütter der Sshwelle des Tempels ; Alexander Timchenko, Erscheinung eines Jünglings ; Tatiana Kravtsova, Die Stimme des Falken ; Lydia Bobokhina, Eine Stimme von oben ; Andrei Spekhov, Nikolai Kamenski et Andrei Popov, Des Färbers Brüder. Chœurs, chœur d’enfant, ballet, figurants et orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, direction : Valery Gergiev. Réalisation pour la captation video : Henning Kasten. Enregistré les 5 et 6 décembre 2011 au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg. Format image : NTSC SD (720×480) – 16:9. 2 dvd Mariinsky MAR0543. Durée : 136’19’’ + 67’13’’.

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

ORCHESTRE LES SIECLES. BERG, SCHOENBERG (Pelléas et Mélisande), les 28 (Tourcoing) et 30 (PARIS, TCE) avril 2024. Renaud Capuçon, Jean-Efflam Bavouzet, Les Siècles, François-Xavier...

Après avoir interprété et gravé le Pelléas et Mélisande de Debussy, Les Siècles abordent la pièce quasi-simultanée d’Arnold Schönberg...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img