vendredi 19 avril 2024

DVD, compte rendu critique. PURCELL : The Indian Queen (Musica Aeterna, Currentzis, Sellars) Madrid 2013 (2 dvd Sony classical)

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purcell indian queen currentzis peter sellars dvd sony review comte rendu classiquenews CLIC de classiquenewsDVD, compte rendu critique. PURCELL : The Indian Queen (Musica Aeterna, Currentzis, Sellars) Madrid 2013 (2 dvd Sony classical). PURCELL FRATERNEL, HUMANISTE, réactualisé. Au coeur de la guerre imaginaire entre Incas du Pérou et mexicains Aztèques menés par le conquérant Montezuma, Purcell développe et cultive les avatars de la guerre amoureuse ; ainsi l’astucieux Montezuma vainc la reine Zempoalla, le prince Acacis, son ami, et le général Traxalla. Parmi les vaincus incas se distingue la belle Orazia qui aime d’un amour réciproque le brillant vainqueur. Arrêtés les deux amants issus des camps opposés sont séparés puis réunis grâce à Acacis. Zempoalla et Traxalla finissent par se suicider, et Montezuma peut simposer à tous car il réunit les deux peuples du fait même de son ascendance :  il est le fruit des amours entre la reine Aztèque Amexia et un Inca. Même opposés, les peuples sont tôt ou tard appelés à pactiser. Une telle vision finalement pacifiste, humaniste, surtout fraternelle, ne pouvait que séduire et inspirer Peter Sellars. D’autant plus que le metteur en scène a depuis longtemps le goût de la culture amérindienne, précolombienne, latine.

Purcell-portraitPURCELL COMPLÉTÉ. De la fantaisie exotique amérindienne inventée par John Dryden, Peter Sellars suit la direction du donneur d’ordre de cette production soit Gérard Mortier, l’ex et regretté directeur de l’Opéra de Paris pour lequel l’opéra est d’abord du théâtre engagé. Pour illustrer le choc entre les deux civilisations, Peter Sellars et Teodor Currentzis complètent The Indian Queen de Purcell, en choisissant les textes ajoutés extraits d’une nouvelle, ‘ »La niña blanca y los pajaros sin pies » (La jeune fille blanche et les oiseaux sans pieds), écrite par Rosario Aguilar, écrivaine nicaraguayenne qui est devenue, en 1999, la première femme membre de l’’Academia Nicaragüense de la Lengua », cénacle motivée pour défendre la langue espagnole au Nicaragua. La nouvelle évoque le destin de six femmes, dont celles qui au XVIème siècle accompagnent les conquistadors dans l’épopée vers le Nouveau Monde, mais aussi l’histoire d’amour de deux journalistes, une jeune Nicaraguayenne et un reporter espagnol, chargés de couvrir la campagne électorale de 1990 qui scelle la défaite du sandiniste Daniel Ortega. Toujours, la rencontre de deux nations, l’union espérée, éprouvée, reportée de deux peuples… Ainsi toute la musique de Purcell originelle soit 50 mn est intégrée à un vaste cycle poétique et musical entrecoupé de textes de Rosario Aguilar, lesquels traduits en anglais sont récités par Maritxell Carrero, jeune actrice portoricaine, sorte de sybille moderne exprimant sur scène, par la gestuelle exclamative, la forte tension passionnelle de chaque situation.

Il en découle un spectacle total – avec danses conçues par le chorégraphe Christopher William, de plus de 3h de durée avec ouverture et prologue.
Dès l’ouverture, les esprits de la terre accompagnent et manipulent chacun des protagonistes. L’intrusion du début joue de la double lecture historique : les militaires en treillis qui surgissent en véhicule blindé, accompagnés par le prêtre incontournable qui donne la cou e être morale, sont autant les Espagnols d’Hernan Cortes qui découvrent les Tlaxcalans, que les Marines débarquant au Nicaragua dans les années 30 pour mater la guérilla conduite par le général Augusto Sandino.

Le Prologue correspondant au I de l’Indian Queen de Purcell dénonce les désastres de la guerre. Difficile ici d’accepter le timbre de soprano aigu et acide-aigre du coréen Vince Yi ; la couleur est exotique à souhaits mais l’âpreté de sa voix dérange ; en revanche, Julia Bullock est l’indigène Teculihuatzin, une figure brillante et profonde qui se distingue nettement.
Au I s’affirme alors Nadine Koutcher en Doña Isabel, sœur émouvante  (O, solitude), d’une sincérité indiscutable. A la douceur voluptueuse des airs de Purcell tels donc : « O, solitude », « I will sing unto the Lord as long as i live », « Blow up the trumpet », le sublime et tendure « Sweeter than roses » répond sur le plan narratif la violence irréversible avec laquelle les Mayas sont convertis au catholicisme, menacés par les armes. De même le général favori de Cortes, Don Pedro de Alvarado (impeccable Noah Stewart), est présenté à Teculihuatzin et l’épouse. Le II reprend tout le second acte d’Indian Queen où se détache évidemment la nuit amoureuse des deux jeunes mariés. Christophe Dumaux offre une belle caractérisation du prêtre Ixbalanqué, lequel envoûte et manipule à souhaits le général espagnol  Pedro. Saluons aussi la forte présence du prêtre maya dont le baryton noir, Luthando Qave, fait une incarnation très convaincante. Plusieurs airs complètent le déroulé du II dont « See, even night herself is here », « Music for a while », « Il love and I must »,  surtout, l’implorante prière « Hear my prayer, O Lord », seule conclusion chorale imaginable après le massacre des Mayas, perpétré par le conquistador espagnol, génocide aussi sanglant que celui commis, plus tard, par les marines au Nicaragua. Alors la récitante Maritxell Carrero, se place seule, devant une immense toile rouge sang au pied de laquelle repose le peuple abattu : image d’un massacre ignoble qui conclut comme un linceul obsédant l’acte II.
CLIC_macaron_2014Ce sont les deux femmes pacificatrices qui apportent la voie de la réconciliation fraternelle après les exactions et violences perpétrées par Alvarado. Loi des hommes, des armes contre douceur des femmes-mères; L’engagement de chaque interprète, chanteurs, orchestre, acteurs est saisissant et restitue à la musique de Purcell, son charme et séduction irrésistible ; à la lecture poétique et contextualisée de Sellars, sa force critique et satirique. Dans la fosse, Teodor Currentzis s’implique au delà de l’habituel pour exprimer la part humaine et fraternelle de la musique. Un must.

DVD, compte rendu critique. PURCELL : The Indian Queen (Musica Aeterna, Currentzis, Sellars) Madrid 2013 (2 dvd Sony classical)

The Indian Queen (Henry Purcell)
Nouvelle version Peter Sellars (durée 3h05)
Représentation du 9 novembre 2013
Teatro Real de Madrid

Hunahpu: Vince Yi
Teculihuatzin: Julia Bullock
Doña Isabel: Nadine Koutcher
Don Pedrarias: DavilaMarkus Brutscher
Don Pedro de Alvarado: Noah Stewart
Ixbalanque: Christophe Dumaux
Sacerdote maya: Luthando Qave
Leonor: Maritxell Carrero
Tecun Uman: Christopher Williams
Leonor: Celine Peña
Dioses mayas: Burr Johnson, Takemi Kitamura, Caitlin Scranton, Paul Singh

Mise en scène: Peter Sellars
Scénographie: Gronk
Chorégraphie: Christopher Williams
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Perm (MusicaAeterna)
Direction Musicale: Teodor Currentzis

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