COMPTE-RENDU, opĂ©ra. STRASBOURG, le 25 avril 2019. BERLIOZ : La Damnation de Faust. Spyres, Di Donato⊠Orch Phil Strasbourg, J Nelson. On Ă©tait sorti Ă©bloui du Palais de la Musique de Strasbourg – il y a deux ans- aprĂšs lâexĂ©cution des Troyens de Berlioz donnĂ©s en version de concert dans le cadre dâun enregistrement effectuĂ© pour le label Erato. Deux ans plus tard, aprĂšs lâincroyable succĂšs de lâentreprise (le coffret a obtenu une avalanche de rĂ©compenses discographiques Ă sa sortie), câest au tour de La Damnation de Faust dâĂȘtre gravĂ© en public, dans la mĂȘme salle, avec le mĂȘme chef (John Nelson), le mĂȘme orchestre (le Philharmonique de Strasbourg), et les deux hĂ©ros de la premiĂšre captation : Michael Spyres en Faust et Joyce Di Donato en Marguerite.
A peine sorti des reprĂ©sentations du Postillon de Lonjumeau Ă lâOpĂ©ra-Comique (nous y Ă©tions / 30 mars 2019) oĂč il vient de triompher dans le rĂŽle-titre, l’extraordinaire tĂ©nor amĂ©ricain Michael Spyres subjugue Ă nouveau ce soir, en dĂ©pit d’une fatigue perceptible en fin de soirĂ©e, qui lâempĂȘche de dĂ©livrer le redoutable air « Nature immense » avec le mĂȘme incroyable aplomb que tout le reste. On admire nĂ©anmoins chez lui l’homogĂ©nĂ©itĂ© de la tessiture, un timbre de toute beautĂ©, la perfection de la diction, la suavitĂ© des accents et sa capacitĂ© Ă passer de la douceur Ă l’Ă©clat. Il est et reste – Ă nâen pas douter – LE tĂ©nor berliozien de sa gĂ©nĂ©ration. Apparaissant sur scĂšne dans une magnifique robe en soie bleue nuit, la grande Joyce Di Donato offre une Marguerite comme on l’attendait : sensuelle, ardente, d’une superbe ampleur, graduant avec soin son abandon dans sa romance du IV. Ses « hĂ©las ! » qui concluent le sublime « D’amour l’ardente flamme » donnent le frisson (et font mĂȘme monter les larmes de certains…), et c’est un triomphe aussi incroyable que mĂ©ritĂ© qu’elle rĂ©colte au moment des saluts. Quant Ă la formidable basse française Nicolas Courjal, il se hisse au mĂȘme niveau que ses partenaires, en composant un magistral MĂ©phisto. Outre le fait de coller admirablement Ă la vocalitĂ© grandiose requise par le rĂŽle, lâartiste ravit Ă©galement par sa voix somptueusement et puissamment timbrĂ©e, son phrasĂ© incisif et sa musicalitĂ© impeccable, Ă la ligne scrupuleusement contrĂŽlĂ©e. Diable extraverti, insinuant, sardonique, inquiĂ©tant, menaçant, Nicolas Courjal possĂšde beaucoup de charisme, comme il vient Ă©galement de le prouver dans sa magnifique incarnation de Bertram dans Robert le Diable de Meyerbeer au Bozar de Bruxelles le mois dernier. Dans la partie de Brander, lâexcellent baryton français Alexandre Duhamel nâest pas en reste qui, en vrai chanteur et vrai comĂ©dien quâil est, renouvelle entiĂšrement ce rĂŽle bref, souvent saccagĂ©es par des voix Ă©puisĂ©es.
SPYRES, DI DONATO, COURJAL
Grand trio berliozien Ă Strasbourg
Grand chef berliozien devant lâEternel, lâamĂ©ricain John Nelson dispose avec lâOrchestre Philharmonique se Strasbourg une phalange dâune ductilitĂ© parfaite, avec notamment des cordes dâun incroyable raffinement, des cuivres acĂ©rĂ©s et des harpes Ă©thĂ©rĂ©es, mais surtout un alto et un cor solo capables dâune infinie tendresse lors des interventions de Marguerite, devenant ainsi de vrais protagonistes du drame. De leur cĂŽtĂ©, le ChĆur Gulbenkian (dirigĂ© par Jorge Matta) ainsi que Les Petits chanteurs de Strasbourg et la MaĂźtrise de lâOpĂ©ra national du Rhin (dirigĂ©s par Luciano Bibiloni) mĂ©ritent eux aussi des Ă©loges sans rĂ©serves. On retiendra lâhumour dont le premier fait preuve dans la fameuse fugue des Ă©tudiants, dĂ©livrant lâ « Amen » avec des sons nasillards et moqueurs, tandis que les seconds, spatialisĂ©s dans la salle pour les derniers accords, font preuve dâune douceur proprement angĂ©lique dans lâenvolĂ©e finale.
Comme pour Les Troyens, le dĂ©lire gagne la salle aprĂšs de longues secondes dâun silence absolu qui est une plus belle rĂ©compense encore, et les rappels se multiplieront avant que lâaudience ne se dĂ©cide Ă enfin quitter les lieuxâŠ.
Compte-Rendu, OPERA. Strasbourg, Palais de la Musique, le 25 avril 2019. Hector Berlioz : La Damnation de Faust. Spyres, Di Donato, Courjal, Duhamel / John Nelson.
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