vendredi 29 mars 2024

Compte rendu, opéra. NANTES, le 23 septembre 2017. BERLIOZ : LA DAMNATION DE FAUST. Spyres, Hunold, Alvaro, Bontoux… Rophé.

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Compte rendu, opéra. NANTES, le 23 septembre 2017. BERLIOZ : LA DAMNATION DE FAUST. Spyres, Hunold, Alvaro, Bontoux… Rophé. Du choc qui naît de l’équation Berlioz Goethe surgissent des pépites, véritables joyaux de l’opéra romantique français. Cette Damnation créée en 1846, éblouit à chaque représentation, car la partition permet comme rarement à l’orchestre de scintiller, murmurer et rugir, où les architectures avec le chœur impressionnent, où surtout le chant affirme cette déclamation spécifique propre au Berlioz le plus exigeant, et déjà ciselée comme futur jeune vainqueur du prix de Rome dans sa fameuse Cantate La mort de Cléopâtre (1829).

 

 

Une DAMNATION A SE DAMNER
Spyres, Hunold, Alvaro, Bontoux… composent une distribution éblouissante

 

NANTES : Une Damnation à se damner... le 23 septembre 2017

 

 

Ce soir l’art d’un ténor anglo-saxon pourtant mis au défi de la diction française confirme sa maîtrise irréprochable (à quelques détails près), il est vrai qu’il chante le rôle depuis plusieurs années et connaît la partition par cœur… (c’est l’un des soliste à chanter sans partition, entièrement disponible à son chant et son jeu au devant de la scène) ; ce que réalise le ténor américain Michael Spyres (Faust) suscite en effet admiration et enthousiasme : le sens du verbe, le jeu scénique très habité (malgré l’absence de mise en scène mais la légende dramatique conçue par Berlioz n’a pas depuis sa conception intégré de décors), la précision des diphtongues claires et jamais appuyées (une gageure pour un anglo-saxon), …tant de maîtrise linguistique et d’intelligence dans la conception du personnage souligne l’art du diseur, éclaire le profil du héros : sa tendresse infinie, sa solitude profonde aussi, enfin sa lumineuse humanité, sa compassion finale qui précipite sa chute mais offre l’apothéose pour Marguerite. Le ténor s’impose dans un rôle qu’il chante depuis plusieurs années, en France dès 2014 et encore récemment au Festival Berlioz à l’été 2017…
Berlioz a portraituré un contemplatif esseulé à jamais insatisfait, en connexion direct avec la Sainte Nature ; c’est d’ailleurs dans ses invocations au mystère des éléments, au grand souffle de l’univers que Berlioz montre la mesure de son inspiration comme génie romantique (après les évocations américaines de Chateaubriand).
Plus éphémère (mais intensément dramatique), sa rencontre avec Marguerite, fugace personnification de l’idée fixe, éternelle bien aimée ailleurs inaccessible (Symphonie Fantastique puis Lélio), prend forme ici et s’incarne en un duo d’une exquise intelligence. Il faut reconnaître qu’en jouant l’amoureuse éprise, empoisonneuse matricide malgré elle, la très noble et voluptueuse Catherine Hunold personnifie aussi bien que Régine Crespin en son heure, cette féminité ardente et digne, d’une distinction naturelle, capable de couleurs inouïes, tragédienne sensuelle comme amante éperdue : qu’il s’agisse de sa romance hallucinée du « roi de Thulé » (et sa coupe vermeil à la mer… préfiguration des morsures empoissonnées d’un Chausson à venir) ; de son duo avec Faust puis de son “ardente flamme”(grand air de la partition), la diva ici même applaudie dans le rôle de la noire Ortrud wagnérienne (Lohengrin) fait sensation en jeune femme embrasée par le désir et la passion. Au point de regretter parfois le volume sonore de l’orchestre qui couvre les nuances millimétrées que réussit divinement la diva, vraie soprano dramatique et puissante, d’une irrésistible vérité. Inoubliable.

La direction attentive de Pascal Rophé paraît moins convaincante dans Berlioz que la saison dernière dans Wagner (Lohengrin ici même et également sans décors). Plus précautionneuse et tranquille, que vraiment traversée par le souffle du sujet diabolique et cynique… Des tempos exagérément ralentis (dans l’air de Marguerite justement, “d’amour l’ardente flamme”…) et surtout dans la dernière partie celle de la chevauchée infernale, un manque d’équilibrage sonore (les percussions toujours systématiquement en avant), des attaques trop fortes… rendent peu compte du raffinement exceptionnelle de la partition berliozienne. On a regretté aussi le manque de nuances comme d’expressivité du choeur féminin. Les tableaux malicieux, électriques des esprits et créatures convoqués par Méphistophélès restent trop polis. Mais ce qui reste ailleurs, s’inscrit dans le souci de clarté déjà observé dans le travail de son Lohengrin de la saison passée.
Les interventions des chœurs associés et les jeunes chanteuses de la Maîtrise invitée (seconde partie, pour l’apothéose de Marguerite) ne manquent pas de panache, d’articulation oratoire (les hommes surtout pour les chœurs démoniaques, pour le délire électrique des étudiants, pour la question les juges infernaux à l’adresse du Mephisto finalement vainqueur… )
Fermant le trio vocal protagoniste, le Méphistophélès de Laurent Alvaro est impressionnant dans la veine sarcastique ironique, cynique, sardonique, même s’il pourrait être parfois plus nuancé dans les intentions, et même s’il se montre avare en aigus larges et couverts (faiblesse réduite en seconde partie cependant). Notons aussi l’excellente musicalité du baryton-basse malvoyant Bertrand Bontoux : Brander solide, habité (dans le tableau de la taverne à Leipzig), et lui aussi, comme Spyres, sans partition et d’une absolue intelligibilité. Un régal.

 
 

Ainsi s’amorce (et de la meilleure façon) la nouvelle saison d’Angers Nantes Opéra 2017-2018, qui est aussi l’ultime programmation conçue par Jean-Paul Davois. On sait que ce dernier attache une importance capitale au texte et au théâtre dans chaque production lyrique présentée. Cette Damnation sans décors ne fait d’ailleurs pas exception à cette ligne artistique des plus justes : Berlioz intitule son opéra, « légende dramatique » ; la partition orchestrale surprend et saisit par la force suggestive de l’orchestre et des choeurs. Et sa forme est davantage celle d’un oratorio démoniaque fantastique, l’une des meilleures adaptations du mythe goethéen en France, qu’un opéra.

caurier-et-leiser-duo-de-metteurs-en-scene-a-lopera-par-classiquenews-pour-angers-nantes-opera-saison-2017-2018-couronnement-de-poppee-octobre-2017-Patrice-Caurier-et-Moshe-LeiserPOPPEA … prochain événement lyrique à venir en octobre 2017 à Nantes. La prochaine production événement présentée par Jean-Paul Davois pour Angers Nantes Opéra est un absolu incontournable : sommet de l’opéra baroque vénitien du Seicento (XVIIè) : Le Couronnement de Poppée / L’Incoronazione di Poppea de Claudio Monteverdi. L’ourvage de 1642 est l’un des derniers du compositeur : sur le livret de Busenello, écrivain poète parmi les plus exigeants, l’opéra est mise en scène par le duo à présenté familier à Nantes et Angers, les metteurs en scène Patrice Caurier et Moshe Leiser, d’ailleurs ce dernier ne fait pas que résoudre la vraisemblance dramatique de la réalisation scénique, il coréalise aussi la partie musicale du nouveau spectacle, en étroite connivence et complicité avec le chef italien Gianluca Capuano (qui pilote ainsi à quatre mains son ensemble sur instruments baroques, Il Canto di Orfeo). Prochain grand reportage vidéo sur la préparation de la nouvelle production de Poppea pour Angers Nantes Opéra. A l’affiche du 9 au 17 octobre 2017 à Nantes au Théâtre GRASLIN. C’est la prochaine nouvelle production baroque événement de la rentrée lyrique 2017.
INFOS & RESERVATIONS SUR LE SITE d’Angers Nantes Opéra saison lyrique 2017-2018

 

 

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Compte rendu, opéra. NANTES, le 23 septembre 2017. BERLIOZ : LA DAMNATION DE FAUST. Spyres, Hunold, Alvaro, Bontoux… Rophé.
Illustrations : ©Jef Rabillon . Angers Nantes Opéra septembre 2017

Catherine Hunold, Marguerite
Michael Spyres, Faust
Laurent Alvaro, Mephistopheles
Bertrand Bontoux, Brander

Chœur d’Angers Nantes Opéra
Chef : Xavier Ribes
Chœur de l’Opéra de Dijon
Chef : Anass Ismat
Maîtrise des Pays de la Loire
Chef : Sophie Siegler
Orchestre National des Pays de la Loire
Direction musicale : Pascal Rophé

Angers, Centre des Congrès, samedi 23 septembre, 20h30

 

 

 

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