jeudi 28 mars 2024

Compte rendu, opéra. Nancy. Opéra National de Lorraine, le 29 avril 2014. Wolfgang Amadeus Mozart : La Clemenza di Tito. Bernard Richter, Sabina Cvilak, Franco Fagioli, Yuriy Mynenko, Bernarda Bobro, Miklos Sebesteyen. Kazem Abdullah, direction musicale. John Fulljames, mise en scène

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NANCY : Opera national de Lorraine,Pre-generale, La Clemence de TitusLa Clémence aujourd’hui … L’Opéra National de Lorraine frappe un grand coup en proposant au public nancéen cette Clémence de Titus mozartienne.
Venue d’Opera North, la production sombre et grave imaginée par John Fulljames fonctionne merveilleusement, explorant les rapports entre les personnages grâce à une direction d’acteurs d’une intensité poignante, cherchant l’humain derrière la royauté, traquant l’âme et la palpitation sous les codes de l’opera seria. Une mise en scène à la fois moderne par sa forme et intemporelle par son fond, révélant toutes les forces de ce drame conventionnel en apparence seulement. Pour servir ce propos, il fallait une distribution suffisamment à l’aise avec l’impitoyable écriture de Mozart pour chercher l’émotion juste au-delà de la technique, c’est chose faite, et avec un rare éclat.
La curiosité de cette série de représentation, et ce qui en faisait l’unicité, c’était le retour à une vocalité d’origine, ou presque, celle qui fait l’identité des deux rôles travestis. Dévolus originellement à des castrats – et devenus depuis la propriété des mezzos –, ils ont été confiés ici à deux contre-ténors, qu’on retrouve avec plaisir après l’Artaserse de Vinci dans lequel ils ont triomphé.
Franco Fagioli réalise une prise de rôle saisissante avec la figure de Sesto, qu’il sert avec une probité vocale et une intégrité stylistique à saluer bien bas, de telle sorte que jamais on ne regrette l’absence d’une voix féminine dans ce rôle. L’instrument, puissant et corsé, se plie à la ligne de chant avec délectation et l’émotion affleure à chaque instant, rendant perceptible la torture du jeune homme, déchiré qu’il est entre son amour aveugle et son amitié fidèle.
A ses côtés, Yuriy Mynenko impressionne tout autant en Annio, véritable sopraniste à l’impact irrésistible, emplissant sans effort tout le théâtre, et à la présence scénique d’une belle aisance.
Carton plein pour Bernard Richter, à l’occasion de son premier Titus. On suit avec beaucoup de plaisir la carrière de ce ténor, qui correspond pour nous à un certain idéal sonore. Solaire et éclatante, sa voix répond pleinement aux exigences royales demandées par le rôle-titre. Néanmoins, au fur et à mesure de la soirée, il laisse exister son personnage dans tous ses doutes, colérique et désespéré à la fois, sans jamais pourtant sacrifier la splendeur vocale. Ce qui nous vaut un « Se all’impero » virtuose et percutant, à la projection enthousiasmante, un des grands moments de la soirée.
Belle révélation également que la Vitellia de Sabina Cvilak, soprano slovène dont entendra sans doute beaucoup parler dans les années à venir. La technicienne impose le respect, instrument étendu et riche, se déployant avec aisance et dotés de belles couleurs. Seule la vocalisation pourrait s’assouplir encore, mais on tient d’ors et déjà une superbe chanteuse. La musicienne peut ainsi prendre son essor, ciselant finement ses airs, dangereuse séductrice aux charmes vénéneux, et éclatant littéralement dans un « Non più di fiori » de haute école, presque scène de folie, d’une sincérité bouleversante.
Pour compléter cette distribution sans faiblesse, la Servilia de Bernarda Bobro, pourtant plutôt discrète, éclaire le drame par son air, rayon de lumière au milieu des tourments ; et Miklos Sebesteyen incarne un fier Publio, parfaitement en situation.
Massé dans les loges d’avant-scène et invisible aux yeux du public, le chœur maison offre, fidèle à lui-même, une prestation remarquable de cohésion. Dirigé avec une belle justesse dans les tempi et les phrasés par Kazem Abdullah, l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy démontre une fois de plus sa versatilité stylistique, toujours excellent et à l’équilibre jamais pris en défaut.
Une grande soirée d’opéra, qui démontre ce que l’écriture mozartienne gagne à être servie généreusement et avec soin.

Nancy. Opéra National de Lorraine, 29 avril 2014. Wolfgang Amadeus Mozart : La Clemenza di Tito. Livret de Caterino Mazzolà d’après Metastasio. Avec Titus : Bernard Richter ; Vitellia : Sabina Cvilak ; Sesto : Franco Fagioli ; Annio : Yuriy Mynenko ; Servilia : Bernarda Bobro ; Publio : Miklos Sebesteyen. Chœur de l’Opéra National de Lorraine. Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy. Kazem Abdullah, direction musicale ; Mise en scène : John Fulljames ; Décors et costumes : Conor Murphy ; Lumières : Bruno Poet ; Vidéo : Finn Ross ; Continuo : Giulio Zappa

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