Compte-rendu, concert. Toulouse. Halle-aux-grains, le 31mars 2017. JS Bach: Passion selon Saint-Jean. Fabio Trümpy, ténor ; Les Musiciens du Louvre ; Marc Minkowski, direction. Triste concert ce soir pour la Passion selon Saint-Jean, tout à l’opposé de la version humaniste, théâtrale et lumineuse, stylistiquement informée de Jean-Marc Andrieu, donnée il y a quelque semaines à peine dans cette même Halle-Aux-Grains. Marc Minkowski n’est pas chef à s’embarrasser. Il décide que le génie de Bach est à son service et il dispose donc de la vaste partition à sa guise. Dès les premières notes du majestueux chœur « Herr, unser Herrscher », premier pilier de l’œuvre, le ton est donné. C’est la violence qui est à la baguette, demandant aux cordes graves d’appuyer les premiers temps et au clavecin de métalliser des accords terribles, dans un tempo infernal. L’imploration du chœur des fidèles devient abrupte et semble s’en prendre au créateur et sans aucune modestie demander des comptes. Mais peut-on parler d’un chœur avec huit chanteurs ? Avec huit chanteurs, à la fois solistes et chœur, c’est le régime maigre. Ils ont été complètement submergés par les instrumentistes, privés de nuances dans ce combat perdu d’avance. Les voix sont à la peine et à deux par voix ne trouvent pas la cohérence nécessaire. Ainsi l’individualité des voix, chacune reconnaissable, surtout les sopranos, ne permet aucune homogénéité de couleur. Pour être spectaculaire, avant d’être iconoclaste cette entrée en matière est avant tout un véritable contre-sens. Le dernier grand chœur, la berceuse de la mort « Ruht Wohl», si subtilement écrite devient une page ennuyeuse et molle, tant le tempo est étiré. Ainsi le chef arrive à fragiliser les deux sublimes piliers qui structurent le chef-d’œuvre de JS Bach. Sa proposition interprétative s’en trouve très affaiblie.
Ratage de Minko dans la Saint-Jean
Mini Saint-Jean de Minkowski
De ce naufrage, l’évangéliste de Fabio Trümpy sort vainqueur. Son ténor chaud et moelleux est une merveille vocale, le diseur est dramatique et son humanisme irradie à chacune de ses interventions redoutables. Le ténor Suisse est un évangéliste absolument parfait. Par chance l’entente avec le continuo est sensationnelle et donne beaucoup de vie et de souplesse à l’ensemble. D’autant qu’ils sont libérés de la main autoritaire du chef. Le Jésus d’Edward Grint, avec noblesse et jeunesse nous rend le Christ particulièrement proche. Mais un pas en avant, puis un en arrière, comme il est compliqué de voir le Christ renter dans les chœurs de foules si hostiles, les terribles Turba.
Les airs sont tous correctement chantés par les solistes en alternance mais l’implication est toujours prudente devant la tache herculéenne demandée. Tous les effets théâtraux liés à la foule tombent à plat, malgré les efforts de Minkowski dont les gestes dévoilent son intense plaisir mais ont peu d’effets. Les chorals sont sans ferveur et souvent ennuyeux. La vaste acoustique de la Halle-Aux-grains reste comme orpheline d’un vrai chant choral.
Reste la musique de Bach qui se déroule avec quelques beaux moments principalement dans les airs, accompagnés par des instruments obligés de grande qualité. Mais ailleurs que de frustrations pour les amoureux de cette Passion si riche en émotions contrastées !
L’avant-dernier concert des Grands Interprètes ou la Jeanne d’Arc de Tchaikovski du Bolchoï était particulièrement incandescente ; les deux précédents événements musicaux semblent appartenir à une autre planète. Ce soir Marc Minkowski, sans complexes, offre lui une mini Passion, sans arriver à égratigner le géant Bach dont il snobe le génie dramatique, à moins que ce dernier ne lui ai complétement échappé.
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Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 31mars 2017. Johann Sébastian Bach (1685-1750) : Passion selon Saint Jean, BWV245. Laure Barras, Hanna Husahr, sopranos ; Owen Willetts, alto ; Alessandra Visentin, mezzo ; Fabio Trümpy, ténor ; Valerio Contaldo, ténor ; Edward Grint, baryton ; Yorck Felix Speer, basse ; Les Musiciens du Louvre ; Marc Minkowski, direction.
CD. Le disque édité par ERATO et paru en avril 2017, confirme aussi le sentiment mitigé face au geste de Marc Minkowski abordant la Saint-Jean de JS Bach. LIRE notre compte rendu critique du cd La Passion selon Saint-Jean / Johannes Passion de Js Bach par Marc Minkowski