vendredi 19 avril 2024

CD. Verdi : Boccanegra (Hampson, Zanetti, 2013)

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CD. Verdi : Simon Boccanegra (Hampson, Zanetti, 2013) … Enregistré à Vienne (Konzerthaus) en mars 2013, cette nouvelle lecture de Simon Boccanegra (1856) qui prend à son compte toutes les corrections finales entreprises par Verdi avec Boito (1879), saisit immédiatement par son engagement collectif, le souffle dramatique souvent électrique permis par les excellents instrumentistes du Wiener Symphoniker (preuve qu’aux côtés du Philharmoniker) le  » Symphoniker  » souvent minoré (au profit des Philharmoniker), affirme dans les 2 cd, une santé expressive remarquable, modulée avec finesse et profondeur psychologique par le chef Massimo Zanetti : la direction jamais démonstrative recherche la vérité souvent ténue et intérieure des personnages ; à l’écoute des phrasés et des multiples accents ciselés d’un verbe ainsi régénéré, le maestro réussit un Verdi surtout théâtral, d’un raffinement de nuances exemplaire. Voilà évidemment une superbe surprise pour l’année du bicentenaire Verdi 2013.

 

 

 

Hamspon, Zanetti : duo épatant

 

boccanegra_verdi_hampson_deccaLe génie diseur de Thomas Hampson fait merveille, dans un tel écrin orchestral. La balance orchestre et voix est même idéale, mettant toujours le sens et les intentions du chant au devant de la scène. Son Boccanegra a l’étoffe des grands acteurs, fabuleux lion solitaire, marqué par ses actes (des choix difficiles qui politiques montrent son éthique valeureuse), assumant pleinement son désir de justice sociale : voici et le politique impressionnant et moralement noble, et le père aimant, comblé mais destiné à la mort… Le baryton exprime tous les gouffres amers d’un être devenu par amour (pour la fille de Fiesco, Maria hélas morte trop tôt), un véritable homme d’état : politique avisé, grand par son inéluctable humanisme … (le voici le modèle tardif de tous les opéras serias du XVIIIè : Boccanegra, doge de Gênes est un prince inspiré par les Lumières, et les plus hautes valeurs morales de fraternité comme de paix). Sous l’étoffe de cet homme admirable, Hampson laisse percer naturellement les tiraillements de l’homme, amoureux dépossédé, pourtant père récompensé …  le venin qui l’oppresse de façon croissante, offre de façon manifeste cette étreinte insupportable du destin sur un coeur maudit … toute l’esthétique sublime et tragique de Verdi se concentre là ; dans ce destin irrépressible, au moment où devenant doge, Simon comprend qu’il a perdu celle qu’il aime … vertiges du solitaire abandonné qui est cependant un politique incontournable (comme Philippe II dans Don Carlo : roi redouté, homme détruit parce que celle qu’il aime et qu’il a épousé, Elisabethn ne l’aime pas …).
Aux côtés du Boccanegra d’Hampson, aussi fin et vraisemblable que celui contemporain de Domingo), le Paolo de Luca Pisaroni partage un même sens du mot, un style mesuré et racé qui place là encore le texte, rien que le texte et son articulation dramatique au premier rang.  Force noire agissant dans l’ombre, celui qui instille le poison dans la vie de Simon gagne une prestance remarquable.  Le ténor maltais Joseph  Calleja nous déçoit légèrement : son abattage textuel n’a pas le mordant comme l’éclat de ses partenaires masculins ; les aigus sont étrangement voilés et vibrés ; seule la couleur naturelle et ce style naturellement phrasé ressortent et sauvent un rôle qui n’est peut-être pas réellement fait pour lui. L’intensité juvénile, sa vaillance, l’héroïsme du jeune amoureux d’Amelia lui échappent. Reste la soprano Kristine Opolais : habitués au style raffiné de Hampson, on cherche en vain à comprendre son texte ; de toute évidence, malgré une technique solide (souffle, hauteur assumée, passages des registres…), la cantatrice affiche un grain de voix trop … vieux pour le rôle : toute la candeur et l’élégance princière de la fille de praticien génois échappent à sa prise de rôle (n’est pas Kiri Te Kanawa qui veut).
Pour l’expression d’une âme tourmentée qui cherche la paix intérieure, qui aspire coûte que coûte à la réconcilation politique, cette version portée par Thomas Hampson atteint l’indiscutable réussite de son ainé Placido Domingo : Boccanegra récent, depuis son passage de ténor en baryton. Que le chef et ses instrumentistes suivent le baryton américain dans cette esthétique de la nuance et de l’intensité dramatique, fait toute la valeur de cette nouvelle version discographique : on acquiesce sans réserve à ce dramatisme de haute volée, où le dernier symphonisme de Verdi (avant Otello composé avec le même Boito), la réécriture de certains passages collectifs (comme la scène du Conseil au I) ou plus introspectifs où l’approche plus psychologique des protagonistes surtout de Simon est davantage fouillée …  Magistrale. Si l’on rétablit en complément de ce coffret, l’autre réussite remarquable signé Jonas Kaufmann dans un récital Verdi (chez Sony classical) lui aussi éblouissant, on se dit que contrairement au chant wagnérien (en pleine déliquessence – c’est quand même le bilan de cette année du bicentenaire 2013), les chanteurs verdiens n’ont jamais été plus convaincants : Domingo II et Hampson en Boccanegra, Kaufmann en Otello (l’aboutissement le plus bouleversant de son récent récital Verdi), l’opéra verdien a encore de beaux jours devant lui.  Coffret incontournable.

 

Verdi : Simon Boccanegra. Thomas Hamspon, Luca Pisaroni, Joseh Calleja, Kristine Opolais … Wiener Symphoniker, Wiener Singakademie. Massimo Zanetti, direction. Enregistrement réalisé à Vienne en mars 2013.  2 cd D

 

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