CD critique : DOLCE DUELLO (Decca). Cecilia Bartoli et Sol Gabetta. Deux tempéraments féminins s’accordent ici pour partager un goût d’une ineffable finesse, associant virtuosité et expressivité dans une série d’arches de plus en plus languissantes et sensuelles. Classiquenews avait relevé l’esprit napolitain, le piquant ensoleillé du visuel de couverture où les deux stars associées se tenant sous l’ombrelle, tout en enfourchant leurs Vespas emblématiques…. tout signifie ici car tout est cohérent. Il souffle une ivresse très latine, piquante, agile, plus rauque qu’auparavant, moins élastique peut-être, mais toujours remarquablement véloce et d’une belle intensité chez la mezzo romaine Cecilia Bartoli. Lui donne la réplique avec souplesse et finesse, le jeu tout en intelligence mordorée de la violoncelliste argentine Sol Gabetta. La sélection a retenu des airs lyriques extraits d’opéras dont plusieurs premières, avec violoncelle obligé : ce sont deux voix pour un chant d’une volupté ardente, vive, palpitante, combinant vocalité du violoncelle, chaleur ambrée et chaleureuse de la voix. Le programme avait été lancé / créé au dernier festival estival de Gstaad en Suisse, fin août 2017, où rayonnait la complicité des deux personnalités. Sol Gabetta n’en est pas à sa première expérience : on se souvient d’un disque d’une même eau complice réalisé avec le piano d’Hélène Grimaud.
A 2 voix égales, Cecilia Bartoli, Sol Gambetta
Sous l’ombrelle, 2 Lolitas s’alanguissent et palpitent…
Ici règne ce mélange ensorcelant d’agilité, et d’abandon, de nerf et de tendresse, diversemment mesurés, déployés avec l’instinct musical et l’intelligence de deux authentiques divas de l’intention et de la finesse, sachant l’une comme l’autre nuancer, colorer, moduler pour exprimer non plus la séduction de la musique, mais son sens sur le plan émotionnel.
Sur la trace des castrats créateurs de la plupart des airs ici restitués (en première mondiale pour certains), Cecilia Bartoli a sélectionné en complicité avec Sol Gabetta plusieurs airs d’une langueur virtuose rare : celle du vénitien du XVIIè, Antonio Caldara dont deux airs sont retenus ; mais aussi paraissent Domenico Gabrielli – ici la révélation de l’album dans « Aure voi de’ miei sospiri« , Air d’Inomenia extrait de San Sigismondo, re di Borgogna (1687), mais aussi Haendel ou Vivaldi dont Cecilia Bartoli incarne les tiraillements de Vitellia du Tito Manlio (acte I)…, – certains autres airs, réalisant l’équation délicate de l’agilité et la sincérité expressive. La tristesse et la profondeur funèbre d’Alceste de l’Arianna in Creta de Haendel, se déploie dans les mélismes et du violoncelle et de la maezzo suave, alangie (1734). Mais c’est certainement dans la gestion de la ligne vocal, sur le souffle, que Bartoli s’affirme dans Nitocri de Caldara (un inédit de 1722), qui ouvre ce formidable programme, équilibré et progressif tout en soignant la contraste des séquences dramatiques. Du Vénitien, Gianguir de 1724 permet non pas un duel, mais la confrontation de deux intensités éperdues, frénétiques, violoncelle et voix, très subtilement imbriqués. Du bel ouvrage pour des partitions méconnues qui trouvent deux ambassadrices au charme convaincant.
Sol Gabetta, en conclusion du programme, joue le Concerto opus 34 de Luigi Boccherini, d’une virtuosité là encore intérieure ; la soliste toujours très subtile, éclaire le parcours sentimental et émotionnel avec les instrumentistes de Cappella Gabetta (Andres Gabetta, direction). De sorte que ce bouillonnement tendre et sculpté avec finesse, double sur le plan purement instrumental, l’éclat, la brillance et la sincérité des tourments et extases précédemment incarnés sur le plan vocal. Belle et tendre association.
Programme du cd Dolce Duello :
01. Antonio Caldara : « Fortuna e speranza« , Air de Emirena extrait de Nitocri (1722)
02. Tomaso Albinoni : « Aure andate e baciate« , Air de Zefiro extrait de Il nascimento dell’Aurora (1710)
03. Domenico Gabrielli : « Aure voi de’ miei sospiri« , Air de Inomenia extrait de San Sigismondo, re di Borgogna (1687)
04. Antonio Vivaldi : « Di verde olivo », Air de Vitellia extrait de Tito Manlio (1719)
05. Georg Friedrich Haendel : « What passion cannot Music raise and quell!« , Air extrait de Ode for St. Cecilia’s Day (1739)
06. Antonio Caldara : “Tanto e con sì gran pena », Air extrait de Asaf extrait Gianguir (1724)
07. Georg Friedrich Haendel : « Son qual stanco pellegrino« , Air d’Alceste extrait de Arianna in Creta (1734)
08. Nicola Porpora : « Giusto Amor, tu che m’accendi », Air d’Adone extrait de Gli Orti esperidi (1721)
09-11. Luigi Boccherini : Concerto pour violoncelle, op. 34
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CD événement, critique : DOLCE DUELLO (Decca). Cecilia Bartoli et Sol Gabetta – Parution le 10 novembre 2017. Prochaine grande critique du cd Dolce Duello le jour de la parution du cd – Gradn entretien exclusif avec Sol Gabetta à venir sur CLASSIQUENEWS.COM
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