jeudi 18 avril 2024

CD événement, critique. DANIIL TRIFONOV, piano – Destination Rachmaninov : ARRIVAL – Concertos 1 et 3. PHILADELPHIA orchestra, Yannick Séguet-Nézin, direction (2 cd DG Deutsche Grammophon)

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trifonov daniil cd destination rachmaninov arrival piano concertos 1 3 nezet-seguin cd deutsche grammophon cd critique review classiquenewsCD événement, critique. DANIIL TRIFONOV, piano – Destination Rachmaninov : ARRIVAL – Concertos 1 et 3. PHILADELPHIA orchestra, Yannick Séguet-Nézin, direction (2 cd DG Deutsche Grammophon). Voici donc un excellent double cd qui témoigne de la maturité et de l’étonnante musicalité du jeune pianiste russe Daniil Trifonov. En achevant son périple Rachmaninov, relayé par un abondant dispositif vidéo, quasi cinématographique (DESTINATION RACHMANINOV), le pianiste captive littéralement par une digitalité facétieuse et virtuose, pour nous supérieure à la mécanique électrique des asiatiques (Wang ou Lang Lang) : le Russe est doué surtout d’une profondeur intérieure, – absent chez ses confrères/soeurs, ce chant nostalgique qui fonde la valeur actuelle de ses Liszt (publiés aussi chez DG).

CD1 – Le Concerto n°1 (Moscou, 1892) nous fait plonger dans l’intensité du drame ; un fracas lyrique immédiatement actif et rugissant, bientôt rasséréné dans une texture lyrique et langoureuse dont seul Rachmaninov a le secret ; qui peut effacer de sa mémoire le motif central (cantilène à la fois grave mais douce) de ce premier mouvement Vivace, qui a fait les belles heures de l’émission Apostrophes de Bernard Pivot ? D’autant que le jeu perlé de Daniil Trifonov fait merveille entre sagacité, activité, intériorité ; entre allant et tendre nostalgie ; il tisse des vagues d’ivresse éperdue comme au diapason d’un orchestre nerveux voire brutal (excellente précision de Nézet-Séguin pour restituer la déflagration sonore d’une orchestration qui peut sonner monstrueuse), séries de réponses électriques et tout autant percutantes et vives, au bord de la folie (grâce à une digitalité fabuleusement libre, frénétique ou en panique). Ce jeu élastique entre à coups et secousses, puis élargissement de la conscience, trouve un équilibre parfait entre le piano et l’orchestre.
L’Andante caresse, respire, plonge dans des eaux plus ambivalentes encore où règne comme une soie nocturne, l’onde sonore onctueuse de l’orchestre plus bienveillant. Daniil Trifonov chante toute la nostalgie en osmose avec les pupitres de l’orchestre aux couleurs complices.
A travers une forme de monologue enchanté, sourd l’inquiétude d’une gravité jamais éloignée. La lecture approche davantage une veille attendrie plutôt qu’une libération insouciante. Là encore on goûte la subtilité des nuances et des couleurs.
La partie la plus passionnante reste l’ultime épisode Allegro vivace dont le chef fait crépiter les rythmes (déjà) américains, le swing qui semble quasi improvisé, d’autant que le cheminement du jeune pianiste se joue des rythmes, de l’enchaînement des séquences avec une précision frénétique, une acuité vive et engagée d’une indiscutable énergie ; un tel déhanchement heureux regarde directement vers le bonheur comme la liberté du Concerto n°3, lui créé à New York par l’auteur le 28 nov 1909.
Brillant autant que créatif, Trifonov nous livre son propre arrangement du premier volet des Cloches, soit un morceau de 6mn (allegro ma non tanto) qui montre toute la sensibilité active et l’imagination en couleurs et timbres qui l’inspirent.

 

 

 

Périple réussi pour Daniil Trifonov
Rachmaninov intérieur et virtuose

 

 

 

TRIFONOV-DANIIL-rachmaninov-arrival-critique-classiquenews-trifonov-daniil-cd-destination-rachmaninov-arrival-piano-concertos-1-3-nezet-seguin-cd-deutsche-grammophon-cd-critique-review-classiquenews---copieCD2 – Cerise sur le gâteau et approfondissement de cette utlime escale en terres Rachmaninoviennes, le Concerto pour piano n°3 affirme une égale musicalité : immersion naturelle et progressive sans heurts, en un flot à la fois ductile et crépitant où l’orchestre sait s’adoucir, rechercher une sonorité médiane qui flatte surtout le relief scintillant du piano. Le jeu de Trifonov est d’une précision caressante, onctueuse et frappante par sa souplesse, comme une vision architecturée globale très claire et puissante. L’écoulement du début est presque hors respiration, d’une tenue de ligne parfaite, à la fois irrésistible, allante, de plus en plus souterraine, recherchant le repli et l’intériorisation ; ce que cherche à compenser l’orchestre de plus en plus déclaratif, ménageant de superbe vagues lyriques comme pour mettre à l’aise le soliste ; aucun effet artificiel, mais l’accomplissement d’une lecture d’abord polie dans l’esprit ; D’une imagination construite foisonnante, Trifonov soigne l’articulation au service de sa sonorité, écoute l’intériorité de la partition et cisèle son chant pudique avec une tendresse magicienne. Chaque point d’extase et de plénitude sonore rebondit avec un galbe superbement articulé ; peu à peu le pianiste fait surgir une sincérité de plus en plus lumineuse que l’orchestre fait danser dans un crépitement de timbres bienheureux. La réexposition éclaire davantage la sensibilité intérieure du pianiste qui ralentit, écoute, cisèle, distille avec finesse l’élan lyrique, souvent éperdu de son texte.  Jusqu’à l’ivresse presque en panique à 8’ du premier mouvement, avant que ne cisaillent les trompettes cinglantes plus amères, révélant alors des cordes plus nostalgiques ; mais c’est à nouveau le piano somptueusement enchanté qui recouvre l’équilibre dans ce mitemps.
La seconde partie dans ses vertiges ascensionnels est hallucinée et crépitante ; le pianiste semble tout comprendre des mondes poétiques de Rachmaninov : ses éclairs fantastiques, ses doutes abyssaux, ses élans éperdus… Trifonov sachant à contrario de bien de ses confrères et consœurs, éviter toute démonstration, dans l’affirmation d’un chant irrépressible, viscéral, jamais trop appuyé, triomphe dans une sonorité toujours souple et fluide, solaire et tendre (cf la qualité de ses Liszt précédents déjà cités). Le soliste sait préserver l’ampleur d’une vision intérieure, imaginative, poétique, suspendue, d’une incroyable respiration profonde, en particulier avant la 2è réexposition du thème central (15’40 à 15’53). Tout l’orchestre le suit dans ce chant de l’âme et qui s’achève dans une glissade fugace, subtilement ciselée dans l’ombre.

L’intermezzo est en forme d’Adagio qui affirme la même volupté lointaine, une distanciation poétique écartant tout acoups, mais invite à l’expression la plus intime d’un cœur attendri, extatique.  Cette éloquence intérieure est partagée par l’orchestre et le pianiste qui colore et croise de nouvelles visions au bord de l’évanouissement, sait s’appuyer davantage sur l’orchestre : les champs intérieurs y sont remarquablement sculptés, véritables ivresses qui portent au songe et à la rêverie, à l’oubli et au renoncement… en un crépitement qui soigne toujours la clarté et la précision d’un jeu nuancé, détaillé, et d’une grande invention comme d’une grande intelligence sonore.

CLIC_macaron_2014Le dernier mouvement, « Finale. Alla breve », semble réunir toutes les forces vitales en présence et récapituler les songes passés, en un chant revivifié qui énonce les principes d’une reconstruction désormais partagée par instrumentistes et piano solo ; le chant s’enfle, grandit, ose une carrure nouvelle, galopante ; Trifonov réussit l’expression de cette chevauchée toute de souplesse et de nuances chantantes. Le jeu du pianiste est tout simplement irrésistible comme happé, aspiré par une dimension qui dépasse l’orchestre… facétieux, mystérieux, le clavier vole désormais de sa propre énergie, aérienne : le lutin Trifonov (3’57) cisèle ce chant cosmique, dans les étoiles, comme un jaillissement naturel. D’une caresse infinie qu’il inscrit, suspend au delà de la voûte familière dans la texture même du songe. Un songe éveillé, en chevauché, dans un galop qui mène très très loin et très haut, révélé en partage. Hallucinant et cosmique. Du très grand art.

 

 
 

 

LIRE notre annonce du cd événement Departure / Destination Rachmaninov (octobre 2018)
https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-daniil-trifonov-destination-rachmaninov-departure-1-cd-dg/

LIRE aussi notre annonce du cd événement : ARRIVAL / Destination Rachmaninov (octobre 2019)

 

 
 

 

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CLIC D'OR macaron 200CD événement, critique. DANIIL TRIFONOV, piano – Destination Rachmaninov : ARRIVAL – Concertos 1 et 3. PHILADELPHIA orchestra, Yannick Séguet-Nézin, direction 52 cd DG Deutsche Grammophon) – CLIC de CLASSIQUENEWS d’octobre 2019. Parution le 11 octobre 2019.

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