vendredi 19 avril 2024

CD, critique. CONTI : Missa Sancti Pauli, 1715 (Purcell Choir, Vashegyi – 1 cd Glossa, Budapest janvier 2017)

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conti-cd-missa-sancti-pauli-gyorgyi-vashegyi-purcell-choir-orfeo-orchestra-cd-critique-cd-review-critique-cd-par-clasiquenews-CLIC-de-classiquenewsCD, critique. CONTI : Missa Sancti Pauli, 1715 (Purcell Choir, Vashegyi – 1 cd Glossa, Budapest janvier 2017). La Messe MISSA SANCTI PAULI en sol mineur de 1715, – contemporaine de la mort de Louis XIV, étonne par son sens de la grandeur, son dramatisme continu. A 34 ans, le florentin Conti, théorbiste avéré, démontre une science évidente, un art de la diversité déjà préclassique, dont la verve comme l’esprit de construction et d’équilibre édifient une architecture sacrée qui annonce les grandes œuvres de la fin du XVIIIè, à Vienne, celle de Haydn et de Mozart (superbe construction du coeur fugué « Et vitam venturi », où brillent la volonté de clarté du chef et la solidité du chœur). Son goût reste éminemment italien, adepte des arabesques et vocalises quitte à rompre la ligne du texte, et pourtant sans jamais dévier du grand plan architectural global. A Vienne dès 1701, Conti devient aussi membre de la Filarmonia de Bologne (1708). Nommé compositeur de la cour impériale des Habsbourg, Conti affirme un talent théâtral indiscutable. Son seconde épouse fortunée, Maria Landini, était la diva la plus adulée de la Cour viennoise.
Décédé en 1732, il fut élève de Fux à Vienne, rejoint très vite la cour de Dresde, Cour extrêmement mélomane (autant que les Habsbourg viennois)… Le raffinement et la culture de Conti, la complexité et l’ambition de son écriture (25 opéras, 10 oratorios au moins) ont inspiré directement JS Bach et aussi Haendel (dont le pasticcio Ormisda reprend partie de l’opéra de Conti : Clotilda réprésenté à Londres en 1707).
Voilà une autorité musicale qui est jouée partout en Europe de Hambourg à Brunswick, Brno et Breslau sans omettre Dresde). La MISSA SANCTI PAULI a été copiée à Vienne, au convent de l’Abbaye de Lambach (Autriche), évidemment à Dresde où le manuscrit paraît dans la collection personnelle de Zelenka (qui séjourne à Vienne de 1717 à 1719) auquel la Messe a été un temps attribuée. Zelenka rapporte le manuscrit à Dresde et enrichit encore la texture instrumentale (ajout de hautbois dans les tutti, enrichissement du continuo), et modifie le rythme du  Miserere (Gloria).

Le chef Györgyi VASHEGY s’entend à merveille dans la direction de la masse chorale, jamais épaisse, toujours très active et articulée ; on a pu depuis quelques années évaluer sa maîtrise dans le baroque français, en particulier Rameau… (voir notre discographie récente du chef Györgi Vasegyi en fin d’article). Ici, chez Conti, l’effectif est plutôt important ; il s’avère idéal pour porter la charge très dramatique de cette œuvre qui sonne solennelle et même colossale. Mais au mérite de Conti revient un style ample et dramatique qui n’ennuie jamais car elle reste servante des affetti humaines.

Ainsi dans l’élucidation du GLORIA, entre autres, le Miserere nobis (9) plus dissonant, et grave exprime parfaitement la terreur à peine masquée face à la mort, où le quatuor vocal et le choeur entament une prise de conscience saisissante, – séquence très prenante de l’ensemble. Même sentiment d’effroi sidéré dans le sublime Crucifixus, économe, court, intense (plage 18). Que contrepointe l’exaltation de la Résurrection (19) qui suit immédiatement. Plus développé musicalement, et presque syncopé. Languissant comme une prière aussi inquiète que fragile, l’implorant « Et in Spiritum » affirme une même maturité où soprano et alto masculin tissent leurs nœuds (les voix sont parfois instables)
Conti paraît tel un véritable dramaturge dans la coupe et les accents harmoniques de cette large section, réellement impressionnante : accents justes et expressivement saisissants même qui montrent combien cette MISSA est la première illustration des « messes du Credo », partition dont l’expressivité de fait, se concentre dans l’articulation du texte de cette partie, il est vrai la plus spectaculaire, évoquant la Passion du Christ. On y remarque immédiatement la caractérisation permanente du texte ; la forte, puissante et riche déclamation exigeant de chacun des solistes du quatuor vocal. Nous sommes alors à l’opéra.

La Missa atteste de la grande culture musicale de Francesco Conti en 1715 : stile antico (fugué), audaces concertantes, figuralismes articulant le texte, dramatisme et harmonies « rares » selon la force du verbe… autant d’éléments qui annoncent le classicisme de la fin XVIIIè. C’est dire ainsi la précocité de Conti (mort en 1732, avant l’avènement du Rameau d’Hippolyte et Aricie en 1733).

Fidèle aux recherches de Anna Scholz, le chef toujours très pertinent dans son approche musicologique, intercale le Motet « Fastos caeli audite », présent dans le manuscrit de Conti, ainsi qu’il achève toute l’arche sacrée par un motet pour voix seule : Pie jesu.
Le Motet « Fastos… », très articulé et linguistiquement acrobatique exige beaucoup du soliste (ici un alto masculin parfois court) pourtant les cordes captivent par leur agilité et leur noblesse.
CLIC D'OR macaron 200Ce sentiment de majesté grave se déploie surtout dans le dernier épisode complétant la Missa proprement dite : l’aria « Pie Jesu » qui touche essentiellement par son souffle grandiose, aux harmonies surprenantes exprimant la présence du mystère. C’est très pertinent de terminer par cette prière intimiste et grave qui convoque l’étrange, imprévisible harmoniquement, dont la ligne vocale recommande souplesse et intensité et un souffle spectaculaire. Voilà qui dans les arêtes rondes et graves des cordes, le legato implorant du ténor (lui aussi pas toujours juste ni idéalement galbé) rétablit cette part d’humanité et de profonde impuissance humaine dans un programme où l’imaginaire majestueux de « l’orchestre » (si l’on peut employer ce terme : mais l’ambition instrumentale de Conti est indiscutable) indique clairement la vision impressionnante de Conti, précurseur au début du XVIIIè, de bien des fresques sacrées grandioses plutôt mieux documentées dans le dernier trimestre du XVIIIè (compris le Requiem de Mozart). Entre dévotion fervente et arche instrumentale spectaculaire, ondoyante et sensuelle, Conti affirme un génie à part au XVIIIè. Voilà qui dévoile sa singularité visionnaire au tout début du XVIIIè.

 
 
 

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CD, critique. CONTI : Missa Sancti Pauli, 1715 (1 cd Glossa, Budapest janvier 2017) – CLIC de CLASSIQUENEWS « découverte », février 2019.

 
 
 

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Autres CD récents du chef György Vashegyi, et de ses troupes hongroises (Purcell Choir et Orfeo Orchestra) :

vashegyi_gyorgy1222 classiquenewsCD, critique. RAMEAU : NAÏS (1749). György Vashegyi / Orfeo orchestra. Dollié, Martin… 2 cd Glossa, MUPA, Budapest, mars 2017)Dans ce nouvel album de musique baroque française plein XVIIIè, – Naïs appartient à la colonie d’oeuvres raméliennes propres aux années 1740 (1749 précisément s’agissant de la partition créée à Paris), où le Dijonais au sommet de ses possibilités et de son imagination, favorisé par la Cour de Louis XV dont il est compositeur officiel, sait renouveler un genre naturellement enclin à s’asphyxier, l’opéra de cour, versaillais. Dans le geste majestueux, souple, dramatique de Gyögy Vashegy, se dévoile le pur tempérament atmosphérique, spatial d’un Rameau tout à fait inclassable à son époque…

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mondonville grands motets pircell choir orfeo orchestra Gyorgy vashegyi glossa cd critique review cd CLCI de classiquenewsCD événement, compte rendu critique. Mondonville : Grands Motets. György Vasgheyi (2 cd Glossa, 2015). Le geste des baroqueux essaime jusqu’en Hongrie : György Vashegyi est en passe de devenir par son implication et la sûreté de sa direction, le William Christie Hongrois… C’est un défricheur au tempérament généreux, surtout à la vision globale et synthétique propre aux grands architectes sonores. C’est aussi une affaire de sensibilité et de goût : car le chef hongrois goûte et comprend comme nul autre aujourd’hui, à l’égal de nos grands Baroqueux d’hier, la subtile alchimie de la musique française.

 

  
 
 

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rameau-cd-fetes-de-polymnie-1745-orfeo-orchestra-gyorgy-Vashegyi-2-cd-glossa-clic-de-classiquenewsCD. Rameau : Les Fêtes de Polymnie, 1745. Orfeo Orchestra, György Vashegyi (2 cd Glossa). Voici le premier cd découlant de l’année Rameau 2014. Le présent titre est d’autant plus méritoire qu’il dévoile la qualité d’une partition finalement très peu connue et qui mérite ce coup de projecteur car elle incarne le sommet de l’inspiration du Dijonais, ces années 1740 qui marquent assurément la plénitude de son génie … 1745 est une année faste pour Rameau.  Aux côtés de Platée, ces Fêtes de Polymnie soulignent une inventivité sans limites. Le compositeur mêle tous les genres,  renouvelle profondément le modèle officiel et circonstanciel déjà conçu et développé par Lully. En guise d’une œuvre qui fait l’apologie de Louis XV comme l’a fait Lully s’agissant de Louis XIV au siècle précédent, Rameau livre un triptyque d’une flamboyante diversité de formes et de genres poétiques.  Les titres de chaque Entrée indiquent ainsi les développements musicaux libres et originaux : histoire,  fable,  féerie.  Un prodige de renouvellement des modes dramatiques d’autant plus qu’il n’est pas uniquement question de mythologie : à ce titre l’argument et le climat de la troisième dépasse tout ce qui a été entendu jusque là tant le dernier volet développe singulièrement le thème féerique qui le porte…

  
 
 

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