vendredi 19 avril 2024

CD, compte rendu critique. Georg Anton Benda : Sinfonias (Benda, 2015 / 1 cd Sony classical)

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BENDA georg anton - christian benda symphonies review compte rendu critique 1 cd Sony classical sony88875186192CD, compte rendu critique. Georg Anton Benda : Sinfonias (Benda, 2015 / 1 cd Sony classical). Georg Anton Benda est comme ses deux frères – Franz et Johann, compositeur pour Frédéric le Grand en son château de Sans Souci à Postdam. Le site fut au XVIIIè un haut lieu de création musicale, malheureusement miroir du goût très conventionnel du souverain prussien (il fut incapable de distinguer le génie d’un CPE Bach, pourtant à son service, mais cantonner dans un emploi subalterne de claveciniste et parfois compositeur…). Triste intuition royale qui n’offrit pas à sans-Souci malgré son ambition, le lustre artistique nécessaire. Protestant et franc-maçon, Georg Anton n’eut pas la faveur du Roi (porté vers les jeunes garçons) : le musicien bien que compositeur talentueux comme ce disque le montre aisément, ne fut à Sans Souci que violoniste de second rang dans l’orchestre de la Cour.

Heureusement Benda put enfin trouver un cadre capable de reconnaître et mesurer sa sensibilité artistique comme créateur à la Cour de saxe-Gotha, plus portée pour la modernité et le raffinement, dès 1750. Le compositeur retrouvait en la personne de son mécène principal, le Duc de Saxe-Gotha, un frère maçon. Soucieux de parfaire encore son métier, Georg Anton Benda réalisa son tour d’Italie à l’âge de 43 ans, découvrant les styles ultramontains, à Venise, Bologne, Florence et Rome : il rentra ainsi à la Cour de Saxe-Gotha comme… directeur de la chapelle. Son premier opéra italien, Xindo Riconosciuto fut créé en 1765, emblème d’une maturité scrupuleusement recherchée, enrichie. L’expérience de Benda à la Cour de SAxe-Gotha se manifeste pleinement dans l’approfondissement de son écriture lyrique : le Duc lui commande nombre d’oeuvres et mélodrammes inspirés du style défendu par Rousseau : plus de vérité et de séduction mélodique. Ainsi en 1778, sa Médée écrite pour Mannheim éblouit le jeune Wolfgang Mozart qui écrit son admiration à son père. Même totale adhésion enthousiaste pour l’autre partition lyrique de benda, Ariadne auf Naxos qui combla le jeune salzbourgeois. La gravité et l’élégance de Benda inspièrent à Mozart nombre de séquence dans ses oeuvres : Zaide (1780), le prélude du Requiem (1791). La personnalité de Benda est attachante car il sut se passionner pour les idées de la Révolution et la Philosophie, faisant même un séjour (obligé) pour Paris en 1781 où il fit jouer Ariadne.

Belle idée de jouer ses Symphonies… par l’un de ses descendants actuels, lui qui mourut à 73 ans, et laissa 5 enfants tous musiciens ou acteurs. Un clan d’esprits créatifs… Le père de tous demeure l’esprit le plus audacieux et d’une rare conception synthétique : car entre Baroque et classicisme, Benda prépare la maturité et la conscience d’un Mozart, sachant définitivement rompre avec la pensée contrapuntique d’un JS Bach, pour concevoir un langage nouveau, plus simplement horizontal, où pensée et sentiment fusionnent au lieu de dialoguer au risque de converser sans être compris : Benda opère l’équation qui rétablit l’exposition / explicitation des deux objectifs ; son époque est celle du Sturm und Drang, – tempête et passion, esthétique exaltant les forces psychiques vers la lumière. Dans ses Symphonies, patrimoine central de la musique ancienne de la Bohème Baroque, – et finalement récemment découvertes : en 1950-, Benda offre un premier terreau à l’expressivité du sentiment classique préromantique, où le cycle orchestral en 3 mouvements, soigne surtout (sauf la symphonie VII où il est très court, de passage) le mouvement central, uniquement pour les cordes introspectives. Ici ni trompettes, timbales, clarinettes : mais la vitalité d’une écriture ciselant le contraste vents et cordes, à laquelle les cordes pincées, fines, incisives du clavecin toujours présent (comme chez Mozart) accentuent le relief rythmique selon l’élégance viennoise en cours à l’époque. Benda participe avant Haydn et Mozart à la formation du langage orchestral tel que Beethoven saura le développer après eux à Vienne et à Bonn.

Même sur instruments modernes, orchestre et chef savent souligner sans épaisseur la palette expressive d’un Benda hypersensible. L’allant, la motricité égale, – malgré une prise de son trop lointaine et réverbérée, la finesse de la direction, l’excellent sens des contrastes, la vitalité epressive, qui regarde évidemment vers Gluck et semble déjà préfigurer Joseph Haydn, rendent ici justice à un premier corpus symphonique qui affirme l’éloquence et la maturité d’un compositeur actif dans les années 1760 et 1770, figure pionnière du langage européen des Lumières.

CD, compte rendu critique. Georg Anton Benda : Sinfonias. Prague Sinfonia Orchestra. Christian Benda, direction. 1 cd Sony classical, enregistrement réalisé à Prague en novembre 2014.

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