jeudi 28 mars 2024

CD, compte rendu critique. Coffret événement : Ferenc Fricsay, Complete recordings on Deutsche Grammophon. Vol. 2 : Operas, choral works. 37 cd Deutsche Grammophon. CLIC de classiquenews.com d’août 2015

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fricsay ferenc complete recordings on deutsche grammophon volume 2 operas, choral works, review compte rendu critique annonce classiquenews, coffret cd CLIC de classiquenews août 2015 4794641CD, compte rendu critique. Coffret événement : Ferenc Fricsay, Complete recordings on Deutsche Grammophon. Vol. 2 : Operas, choral works. 37 cd Deutsche Grammophon. CLIC de classiquenews.com d’août 2015. Le présent coffret dévoile les coulisses et l’héritage d’un géant hongrois devenu artisan majeur de la « forge berlinoise », expert du métier lyrique et choral, né à Budapest en 1914, qui au lendemain de la guerre, capable de remplacer et Klemperer (La Mort de Danton de Gottfried von Einem à Salbourg été 1947), et aussi Jochum à la tête du Philharmonique de Berlin, s’impose par sa capacité de travail hors norme (comme Karajan), une conscience architecturée spectaculaire, capable de diriger les plus grands plateaux mais en préservant toujours la tension, la clarté, l’éloquence du drame humain.

Idole à Salzbourg, Ferenc Fricsay diirge l’Opéra de Munich (dès 1956), s’impliquant sans compter au risque de la rupture physique (en novembre 1958, première attaque du cancer qui allait le ronger inexorablement). Puis c’est le Stadtische Oper de Berlin qui lui ouvre les portes comme directeur musical en avril 1960 : Ferenc Fricsay devait s’éteindre trois années plus tard en février 1963. Mais auparavant que d’accomplissements réalisés.

CLIC D'OR macaron 200Voilà qui montre un parcours marqué par le travail, l’exigence, une pensée esthétique surtout d’une inflexible maturité, s’appuyant sur la connaissance experte des oeuvres et des partitions abordées. Le chef impressionne par son sens du détail, la clarté de ses conceptions d’ensemble, des trouvailles instruments/ voix, qui en une association harmonieuse et équilibrée réalisent l’accord toujours recherché, trop peu atteint chez ses autres confrères, entre voix et orchestre. La profondeur, des tempi larges, profonds, ralentis, un sens de la phrase musicale qui suit surtout la respiration et l’acuité naturelle du texte s’affirment ainsi de gravures en gravures. Son répertoire est large : Bartok (chanté en allemand), Verdi, Beethoven, surtout Mozart (un legs phénoménal) et quelques essais isolés mais d’une justesse poétique stupéfiante : Stravinsky (Oedipus Rex), Wagner (Le Vaisseau Fantôme), Gluck (Orphée, chanté en allemand), … Ne parlons que de nos coups de cœur au sein d’un coffret exceptionnellement captivant.

CD 37. Il est un artiste avec lequel Fricsay s’est montré d’une amoureuse complicité : le baryton Dietrich Fischer Dieskau : le chef lui réserve de superbes rôles ; il enregistre aussi en 1951 et 1961, nombre de scènes lyriques extraites de divers opéras : leur Falstaff de 1951, ample scène de plus de 17 mn reste mémorable par l’instinct stylé du diseur comme l’imagination orchestrale du maestro qui veille à la clarté coloré du discours… Mais leur profonde compréhension de la psychologie s’affirme davantage encore dans l’air de Zurga des Pêcheurs de Perles de Bizet dont on reste frappés par la pureté des phrasés et sa résonance orchestrale. Ses Verdi ont la juvénilité ardente et lumineuse de Toscanini : une source à laquelle Abbado plus tard saura s’abreuver (scène de Don Carlo dans La Forza del destino)… c’est peu dire que le souffle seul de l’acteur, exceptionnellement articulé, conduit le drame grâce à un chef qui s’ingénie à le porter, l’accompagner, sublimer le relief de son texte. Dietrich Fischer Dieskau a bien parlé de l’évolution du maestro : acuité des contrastes ciselés mordants au début puis contours tendres et amoureux justement dans les années 1950 et 1960. Ce cd 37 est un modèle d’élégance et de sensibilité et le français, comme l’italien du baryton mythique est stupéfiant de sobriété et d’intériorité. Voilà l’un des apports les plus saisissants du chef trop tôt fauché en 1963 à 48 ans.

Le directeur général de la musique de l’Opéra d’Etat de Berlin (Städtische Oper de Berlin) depuis 1960 engage un âge d’or lyrique offrant toujours à son baryton vedette de nombreuses prises de rôles dont le coffret témoigne ici : Papageno (1955) ; Orphée de Gluck (chanté en allemand en 1956) ; surtout Don Giovanni de 1958 ; Le Comte Almaviva des Noces de Figaro en 1960…

Fricsay, une passion lyrique

CD 13 à 26. Mozart : une source jaillissante intarissable. Ce sont les Mozart qui occupent le centre névralgique d’une géographie émotionnelle et esthétique d’un immense pouvoir d’attraction. Fricsay à Salzbourg comme à Berlin, s’y dévoile d’une finesse exemplaire, élégante et profonde, subtile et dramatique. Un équilibre d’une séduction immédiate et qui se révèle d’écoute en écoute, d’une justesse parfois plus grande que Boehm.

Nos préférés sont Don Giovanni, Les Noces : deux sommets du geste Fricsay, de surcroît sublimés par la prise aérée en stéréo : le duo, complice jusqu’à l’acharnement Dieskau / Kohn en Giovanni / Leporello, celui tragique composé par Anna et Ottavio (Sena Jurinac et Ernst Haefliger) atteint le sublime : entre eux quelle science de la caractérisation grâce au geste particulièrement ductile et fin, mystérieux et cristallin d’un Fricsay idéalement équilibré, articulé, dramatique (pilotant les instrumentistes du RSO Berlin, d’un gant de fer); sans omettre non plus, La Flûte…, Idomeneo et l’Enlèvement au sérail. On rêve de ce qu’aurait pu donner Cosi (hélas absent du catalogue, le maestro étant mort avant d’avoir pour réaliser son projet de trilogie Da Ponte à Berlin). Comme accusant encore l’affinité du chef avec la subtilité mozartienne, l’Idomeneo, live de Salzbourg fin juillet 1961 (CD22-23), exceptionnel par la ciselure émotionnelle de chaque protagoniste à une époque où les seria du jeune Wolfgang n’intéressaient personne : Pilar Lorengar, Ernst Haefliger, Elisabeth Grümmer, Waldemar Kmentt incarnent avec une sincérité palpitante respectivement Ilia (vrai personnage principal), Idamante, Elettra, Idomeneo… Une gravure qui fait le prestige et l’excellence mozartienne de Salzbourg,avant que Harnoncourt et ses Viennois dépoussiérant ne viennent révolutionner l’approche de l’ouvrage, l’un des plus passionnants de Mozart.

Une autre perle doit aussi être soulignée : l’exceptionnel Oedipus Rex de Stravinsky (CD 30), travail de ciselure instrumental encore, avec le passionnant Ernst Haefliger, un autre pilier de la sonorité dramatique Fricsay (1960).

Le Vaisseau Fantôme (mono berlinois de novembre 1952, CD 34-35) s’impose tout autant par l’énergie printanière (toscaninienne) de l’orchestre : une vision très sûre, et structurée sur laquelle glissent littéralement le parlé/chanté des solistes, dont le sens du verbe et l’articulation du texte (y compris pour l’excellent choeur) font merveille : la Senta solide et incisive, vrai cœur ardent d’un romantisme embrasé et si proche du texte de Annelies Kupper est époustouflante. Outre la tenue des aures solistes dont l’Erik d’Ernst Haefliger, le Höllander de Josef Metternich, la direction vive et percutante, la maîtrise des masses (choeurs et solistes) dévoilent là encore la sensibilité du maestro.

Cependant que Les Saisons de Haydn (deux versions ici présentées : CD 7-8 / CD 9-10) séduisent immanquablement par la profondeur des couleurs orchestrales que le chef sait y apporter, toute la science du narrateur, de l’architecte spatial au service d’une évocation pastorale de plus spirituelle (introduction schubertienne de l’Hiver) s’affirme avec une délicatesse et une respiration intérieure des plus captivantes. Le choix des solistes fait aussi toute la valeur des deux lectures de plus en plus investies et introspectives d’un Fricsay, séduit autant par l’éclat suave que le chant sombre et intérieur. Avouons finalement par sa puissance et son souffle, sa certitude intérieure, la seconde version (live Berlinois de novembre 1961 : CD 9-10) avec des complices familiers Maria Stader (Hanne), Ernst Haefliger (Lukas), et l’excellente basse Josef Greindl (Simon… qui fait aussi un excellent Osmin dans l’Enlèvement au sérail). Acuité des inflexions les plus sensibles (vocales et instrumentales), tempi larges et pleinement investis, lumière intérieure : tout Fricsay est là qui place Haydn à la plus grande place, héritier des oratorios de Haendel, du drame humain de Mozart et par sa carrure symphonique, précurseur de Schubert et de Beethoven.

La Messe en ut KV427 de MOZART : un sommet irrésistible

Côté oeuvres chorales, outre le Stabat Mater de Rossini et les deux versions du Requiem de Verdi, c’est assurément la Grande Messe en ut de Mozart, – stéréo berlinois d’octobre 1959 (CD13), qui se distingue : s’y dessinent une ferveur et un recueillement progressif absolument passionnant, en rien épais ni solennel : mais humain et intime (l’ange radieux de Maria Stader en introduction, se fait caresse immédiate et naturelle, que ni les Bohm ni les Karajan ne sauront ensuite égaler par l’intensité naturelle, investie par la grâce. La pertinence des voix (les deux sopranos associés : Stader/Töpper et le ténor Ernst Haefliger produisent des joyaux vocaux, étincelles et fusions attendries et percutantes (sublime Quoniam tu solus sanctus, l’un des moments les plus bouleversants de la partition, avec évidemment le célestre « Et incarnatus est » pour soprano I)-, l’éloquence de l’orchestre et du chœur, la conception globale affirme Fricsay à son meilleur. Le sens de l’architecture qui va crescendo sans jamais perdre ni la clarté ni la sincérité restent superlatif. Un sommet mozartien. L’année suivante la même Maria Stader prête sa voix plus âpre et dévorée par l’angoisse d’une mort de souffrance dans la seconde lecture du Requiem de Verdi (CD 32-33) : une expérience collective aux déflagrations subtiles qui place l’homme face à lui-même dans un cycle d’une violence et d’une tendresse rares (d’autant que le complément de ce Verdi inoubliable comprend aussi les Quatre pièces sacrées de 1952 réalisées avec le même choeur berlinois : RIAS Symphonie Orchester Berlin (la seconde séquence Stabat Mater avec orchestre, bouleverse par son humanité franche, la sobriété et la justesse de la direction). Ne serait ce que pour ces deux seuls accomplissements, le présent coffret mérite le meilleur accueil. Une somme musicale et esthétique inestimable à écouter de toute urgence.

En bonus et non des moindres, car voir le geste de Fricsay est une expérience aussi formatrice que voir Carlos Kleiber, Kubelik ou Karajan, l’éditeur ajoute des compléments irrésistibles eux aussi : répétitions et performances finales de l’Apprenti sorcier de Paul Dukas (1961), la Suite Hary Janos de Kodaly (1961), deux sessions complètes comprenant répétitions préalables puis performances, réalisées à Berlin. Coffret incontournable.

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