dimanche 27 avril 2025

Wolfgang Amadeus Mozart, Idomeneo (1781)Salzbourg, du 22 au 30 août

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1780, un nouveau seria pour Munich. Six ans après la Finta Giardiniera, commande qui lui est passée dans les mêmes circonstances, Mozart reçoit la proposition d’un nouvel opéra, à l’automne 1780, de la part du prince électeur de Bavière, Karl-Theodor. Il s’agit d’un nouvel ouvrage d’un genre essentiel pour le compositeur, un opéra seria dont la première devra se dérouler lors du prochain carnaval de Munich. Idoménée, d’après la tragédie lyrique du même nom de Campra (1712) sur un livret de Danchet, marque la voie de l’émancipation. Emancipation sociale et professionnelle de Mozart : après Idomeneo, le jeune musicien ne revient plus à Salzbourg, dont le climat provincial et l’esprit étroit lui pèsent infiniment-, et rejoint Vienne sur l’ordre de Colloredo, son employeur ; c’est peu de temps après, en juin 1781, que leur rupture est consommée. Emancipation artistique surtout : avec son nouveau seria, Mozart fait montre d’une inventivité foisonnante, osant la grande machine avec une énergie créatrice qui démontre le génie du dramaturge. L’opéra fut sa grande passion, et le genre seria, un registre aimé, lequel annonce le Clémence de Titus, composé l’année de la mort de Mozart, dix ans après Idoménée.
C’est le chapelain de la cour du prince-archevêque Colloredo, l’abbé Giambattista Varesco qui écrit le livret du nouvel opéra de Mozart. A Munich, pour diriger les premières répétitions (décembre 1780), le compositeur retrouve un orchestre exceptionnel, composé de nombreux musiciens de l’orchestre de Manheim, alors dirigé par Stamitz, et qu’avait fondé le prince-électeur, avant son installation à Munich en 1778.

La genèse de l’œuvre est idéalement documentée : Mozart écrit à son père ses recommandations, lequel les transmet à Varesco resté à Salzbourg. Rigueur psychologique, vraisemblance, efficacité de l’action : Mozart semble favoriser la rapidité. D’ailleurs, après que le livret ait été imprimé, il coupe encore dans l’acte III, et retire trois airs pourtant précédemment composé. Il ne veut d’aucune sorte ennuyer son public munichois. Surtout, le jeune musicien opère une synthèse éblouissante entre l’opéra italien et la tragédie lyrique française. L’invention du compositeur soigne en particulier la continuité dramatique qui sur le plan musical sait éviter la scansion systématique, récitatifs puis airs.

Ensembles nombreux (quatuor du III ème acte), abondance chromatique des récitatifs accompagnés, équilibre concerté entre récitatifs seccos (abandonnés par Gluck) et accompagnatos, tout indique une maturité dans le processus créatif du compositeur. Chaque forme musicale est savamment utilisée pour créer un rythme dans la progression dramatique. Au seuil de la période viennoise, Mozart, pas encore trentenaire, maîtrise totalement l’art musical. D’ailleurs, les opéras à venir, non restreints au seul registre tragique, -comme l’est un opera seria-, usant du mode comique, buffo, du singspiel aussi (comme l’Enlèvement au sérail, à venir), allaient démontrer un nouvel accomplissement de la dramaturgie mozartienne. Idoménée marque aussi la première utilisation des clarinettes dans un ouvrage lyrique de Mozart.

Création et devenir. Dans le rôle-titre, le compositeur bénéficie d’un chanteur déjà reconnu et célébré, dont la fin de carrière reste éclatante, Anton Raaff. La première, sous la direction de l’auteur, a lieu le 29 janvier 1781. Mozart vient à peine de fêter ses 25 ans. Après trois représentations, l’ouvrage est vite oublié. Il aura surtout été apprécié des musiciens. Ambitieux, exigeant autant des chœurs que des solistes, l’ouvrage innove pourtant en bien des aspects.C’est essentiellement l’orchestre (ouverture, intermèdes, marches, ballets), qui occupe le devant de la scène des passions. Mozart souhaite adapter son œuvre en allemand, le reprendre aussi pour le rapprocher plus étroitement de la tradition française. Il est à Vienne, soucieux de s’imposer sur la scène lyrique.

Hélas, Gluck triomphe alors avec Iphigénie en Tauride et surtout, Alceste.
Dans son esprit, Idoménée devient basse et Idamante, ténor. Revirement vocal des plus audacieux et qui éclaire d’un nouveau regard la dramaturgie de l’œuvre. En 1786, Mozart a l’opportunité de produire l’ouvrage mais les deux rôles masculins sont distribués à deux ténors, solution déséquilibrée qui gêne finalement la lisibilité psychologique de leur personnage. C’est pourtant en langue allemande qu’Idomeneo s’imposera sur les planches des théâtres pendant tout le XIX ème siècle.

Personnages
Idoménée, roi de Crète

Conçu pour une tessiture de ténor, et non de basse, Idomeneo incarne le prototype du souverain éclairé, qui hésite à imposer une loi tyranique. Ecratelé entre son devoir et son affection pour ceux qu’il aime (en particulier son fils, Idamante), Idomeneo est un personnage en souffrance, seul et profond. Préfiguration de Titus, dans la Clémence de Titus, seria ultime de Mozart, composé dix ans après Idomeneo, le roi de Crète nous touche surtout par son humanité. Il ne parvient pas à respecter le vœu fait au dieux.

Idamante
D’abord chanté par un castrat soprano italien pour la création de Munich (Del Prato), on préfère depuis la reprise de 1786 à Vienne, choisir la version pour ténor ou mezzo soprano. Le personnage du fils est animé par l’amour, amour filial pour le père Idomeneo, amour passionnel pour Ilia, la princesse troyenne qui, elle, ne manque pas de détermination.

Ilia
Fille du Roi Priam, princesse de Troie
Etre lumineux, à l’éclatante personnalité, c’est elle qui par amour pour Idamante, ose braver la loi divine, au moment du sacrifice. Mozart lui confère une place capitale dans l’opéra : Ilia préfigure la femme idéale, à la fois tendre et courageuse, future Pamina.

Electre
Fille d’Agamemnon
Mozart imagine ce personnage qui n’existe pas dans l’Idoménée français. C’est la contrepartie néfaste d’Ilia, l’incarnation des forces du mal, animée par la jalousie et la haine. Son amour sombre et barbare, la mèneront à la folie. Le caractère de ce personnage diabolique convient plutôt à une soprano dramatique qu’à une mezzo.

Discographie
Nikolaus Harnoncourt, 1980
Werner Hollweg (Idoménée), Trudeliese Schmidt (Idamante), Rachel Yakar (Ilia), Felicity Palmer (Electre), Chœur et orchestre de l’Opéra de Zurich (Teldec).
Le chef imprime à la partition sa force et sa violence implacables. C’est une descente sans fards dans l’arène des passions sanguinaires. L’antiquité crètoise n’a rien ici de tendre ni d’élégiaque. Maître Harnoncourt assène une battue qu’il a depuis, laissé de côté. Or l’emportement expressionniste de la direction, le choix des voix peu conformes mais musicalement plus qu’impliquées, donnent ce sentiment d’urgence et d’évidence qui place d’emblée la version Harnoncourt comme « la » version à posséder en priorité. On retrouve la même sensibilité âpre et ciselée dans le seria de fin, la Clemenza di Tito, dont le défi est relevé par un Harnoncourt plus conteur que jamais (Teldec).

Idoménée au festival de Salzbourg 2006
Deux version sont à l’affiche de Salzbourg. Celle en italien que nous connaissons. Une aut
re conçue au début du XX ème siècle par le chef Richard Strauss, qui oeuvra en pionnier à la redécouverte d’autres ouvrages mozartiens moins connus alors, au nombre desquels, Cosi et Idomeneo.

Wolfgang Amadeus Mozart, Idomeneo

(Munich, le 29 janvier 1781)

Dramma per musica en trois actes
Livret de Giambattista Varesco
D’après Idoménée, roide Crète de Danchet et Campra (1712).

Idomeneo, version en italien.

Maison pour Mozart
Les 22, 24, 27 et 30 août.
Consultez la fiche de la production sur le site du festival de Salzbourg

Direction
Sir Roger Norrington

Mise-en-scène
Ursel Herrmann
Karl-Ernst Herrmann

Stage and costume design
Karl-Ernst Herrmann

Chorus master
Alois Glaßner

Idomeneo
Ramón Vargas

Idamante
Magdalena Kozená

Ilia
Ekaterina Siurina

Elettra
Anja Harteros

Arbace
Jeffrey Francis

Gran Sacerdote
Robin Leggate

La Voce
Günther Groissböck

Neptune
Andreas Schlager

Camerata Salzburg
Salzburger Bachchor

Idomeneo, version Richard Strauss (1930/31)

Maison pour Mozart
Les 25 et 27 août
Consultez la fiche de la production sur le site du festival de Salbourg.

adaptation de Richard Strauss (1930/31)
Texte en allemand adapté par Lothar Wallerstein

Direction
Fabio Luisi

Chorus master
Matthias Brauer

Idomeneo
Robert Gambill

Ilia
Britta Stallmeister

Arbace
Christoph Pohl

Idamante
Iris Vermillion

Ismene
Camilla Nylund

High priest
Jacques-Greg Belobo

Dresden Staatskapelle
Chorus of the Dresden Staatsoper

Illustrations
Fragonard, le prêtre Corésus se tue pour sauver la princesse Callirhoé, 1765. (Paris, musée du Louvre)
Joseph Suffred Duplessis, le sculpteur Christophe-Gabriel Allegrain, 1774. (Paris, musée du Louvre)
Joseph Suffred Duplessis, le peintre Joseph-Marie Vien, 1784. (Paris, musée du Louvre)

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