Qui est Werther?
Un dépressif? Une âme hypersensible, capable de
s’extasier au-delà de toute limite devant la beauté de la nature, faire
corps avec le spectacle du soleil naissant, mais aussi victime d’un
naufrage personnel, tu ; en lui se heurtent deux élans de l’âme,
l’ivresse amoureuse, cristalisée dans le personnage de Charlotte, et la
déni de soi, un coeur ravagé et même foudroyé par le sentiment de la
fin. Il porte en lui un gouffre d’amertume. Voilà ce qui le rend aux
sentiments extrêmes. Emportement, violence. Or le passage à l’acte se
réalise sur lui-même, et non sur l’autre ! Jamais il ne cherchera à
enlever Charlotte, ni la dérober à Albert. Il y a déjà chez lui une
secrète et profonde acceptation de l’échec. Voilà ce qui le rend
humain, si humain. Et même d’une lâcheté extatique qui confine à la
complaisance.
Werther-baryton
Sensible
à la profondeur psychologique du héros, façonné par Goethe, Massenet
dès la création de son opéra où le rôle-titre était conçu pour un
ténor, reste insatisfait cette première option vocale. Il lui semble
que l’épaisseur et la couleur du personnage de Werther convient mieux à
une voix de baryton. Le chanteur Victor Maurel, habitué des ouvrages
verdiens lui aurait confirmé ce changement radical.
C’est cependant
un autre chanteur, Mattia Battistini, baryton à l’aigu souple et
facile, qui lui demanda d’écrire pour sa voix, une version nouvelle
d’un Werther devenu baryton.
Le baryton italien chanta du vivant
de Massent, (entre 1901 et 1911) la version validée par l’auteur. A
défaut d’avoir retrouvé l’exemplaire autographe composé par Massenet,
il subsiste des copies des partitions chantées par Basttistini le plus
souvent en italien.
Aujourd’hui, les sources originales font
défaut. Et il faut expurger les partitions retrouvées, des variantes
écrites probablement par Battistini lui-même. La version de 1902 éditée
aujourd’hui par Virgin classic, rend compte d’un premier travail pour la
réhabilitation d’une nouvelle version de Werther, d’autant plus
exceptionnelle qu’il ne s’agit pas de la transposition d’une
tessiture à l’autre, de la voix première de ténor, à celle qui nous
occupe, de baryton, mais bien d’une conception renouvelée, fruit d’une
réécriture complète. Et derrière cette reprise, c’est bien sûr une
conception psychologique différente qui se précise.
Que l’on préfère
l’une ou l’autre, voix de ténor, voix de baryton, importe peu. Ce qui
est essentiel, c’est retrouver la pensée originelle de Massenet, et
distinguer ce qu’il a souhaité, de la part de l’interprète qui lui
inspira cette nouvelle version, en l’occurrence Basttistini. Or on sait
que dans la pratique, les compositeurs écrivent aussi pour les
chanteurs. Pensée de Massenet, part de Battistini, la frontière est
ténue. Quoiqu’il en soit, la version publiée sous la direction de
Michel Plasson éclaire d’un jour nouveau le sens de l’ouvrage et notre perception du personnage de Werther.
Lire notre critique du dvd Werther publié par Virgin classics
Illustrations
Ingres, portrait de jeune homme.
Vigée-Lebrun, portrait de jeune homme.