Vivaldi adapte à la scène lyrique la fureur du Paladin détruit par
l’amour. Le Roland Furieux incarne l’errance d’une impuissance, celle
d’un guerrier spadassin démuni face à l’omnipotent Amour. Nu, détruit,
errant, Roland/Orlando est un vagabond sans raison, victime des caprices
du dieu amour: il a perdu le coeur d’Angelica qui lui préfère Medoro…
reconquérir les théâtres de Venise, s’inscrire comme le champion de
l’opéra vénitien à la fin des années 1720. Créé en 1727 au Sant Angelo, Orlando Furioso
est l’un des ouvrages les mieux architecturés du compositeur baroque,
où se détachent les deux grandes scènes de folie d’Orlando: monologue et
arioso en forme libre, d’un rythme pulsionnel inédit, dont les spasmes
et la langue inventive se démarquent de la coupe asséchante
aria/recitativo propre à l’opéra européen d’alors. Or Orlando n’aura pas
le succès escompté et dès lors, Vivaldi ne pourra rien faire face à la
concurrence de plus en plus active des maîtres extra lagunaires de
l’opéra napolitain.
Le nouveau dossier édité par l’Avant Scène Opéra (n°260)
réunit tous les documents récents de la recherche sur l’oeuvre et les
enjeux de l’opéra du Pretre Rosso.
En particulier, la version du livret présentée (et abondamment annotée
et commentée dans le « guide d’écoute » est l’une des plus complètes,
restituant les rôles moteurs dans l’action vivaldienne, de la fée
magicienne Alcina et du Spadassin Orlando. Deux entités rivales, l’une
défendant Angelica, l’autre la pourchassant: deux figures de la solitude
et de l’impuissance face à l’amour…
Tout est ici expliqué et analysé,
de cette alchimie vivaldienne dont l’Orlando de 1727 demeure l’emblème
le mieux ciselé. Argument, Guide d’écoute récapitulant les enjeux et
ressorts dramatiques et psychologiques, les formules musicales, scène
par scène, acte par acte; place de Vivaldi à Venise; société vénitienne
en 1727; figures de Roland/Orlando, de l’Arioste à Vivaldi; vision
d’Orlando par Claudio Scimone, défricheur visionnaire; enfin
disco-vidéographie… sont autant de dossiers et interventions qui
dévoilent les multiples aspects d’une partition majeure de l’opéra
baroque au XVIIIè.
Lecture incontournable, d’autant plus recommandée qu’elle sera une
précieuse préparation aux représentations d’Orlando Furioso à l’affiche
du TCE à Paris, à partir du 12 mars 2011 (Jean-Christophe Spinosi,
direction. Pierre Audi, mise en scène). Nouvelle production.
Vivaldi: Orlando Furiso. Avant Scène Opéra n°260; 25 euros. 130 pages. Parution: janvier 2011. ISBN 978-2-84385-279-4