Vincenzo Bellini
Belllini, un chant
Le mois de janvier 2010 à Paris, est Bellinien: l’Opéra national de Paris accueille La Somnambule (La Sonnambula) avec Natalie Dessay (version pour soprano), et le Châtelet quelques jours auparavant propose une nouvelle lecture, dépoussiérée instrumentalement et plus humaine dans sa conception du rôle-titre, de Norma. Deux chefs d’oeuvre qui occupent le devant de la scène parisienne et justifie ô combien le portrait que lui dédie France Musique du 25 au 29 janvier 2010.
Le compositeur né à Catane en Sicile, mort à Puteaux juste après avoir composé Les Puritains (pour le Théâtre Italien de Paris) incarne l’essor génial du bel canto pré verdien: où le chant d’une parfaite subtilité, en accord avec un orchestre tout autant ciselé dont il faut aujourd’hui restituer l’équilibre subtil des timbres, offre aux chanteuses de superbes rôles: les Pasta, Malibran, toutes deux mezzos si sombres et expressives ont inspiré Bellini, comme lui-même a inspiré l’écriture si ouverte à la couleur et aux atmosphères de Chopin.
France Musique
Du 25 au 29 janvier 2010 à 13h
Grands compositeurs
Prince du bel canto
Le compositeur pourtant moins âgé que Donizetti son aîné et peut-être moins cultivé que lui, s’impose immédiatement sur la scène lyrique grâce à son génie de la voix et des inflexions poétiques du chant. Admiré par Berlioz et Wagner, le musicien frappe par son originalité qui tranche avec l’héritage rossinien.
Au total, Bellini nous laisse une dizaine d’opéras, au terme de la trentaine d’années d’une existence trop courte: de Bianca e Fernando (1823) aux Puritains (1835) écrit pour Paris (commencé en avril 1834), Bellini offre une époustouflante contribution à l’expressivité souple de la ligne vocale, souvent suspendue, énigmatique, mystérieuse, comme dans la scène de la folie de la Sonnambula, ample pause d’hypnose lyrique offerte au public.
Bellini profite de l’éclat parisien comme temple des voix exceptionnelles. Rossini jusqu’en 1829 éblouit le chant européen grâce à ses opéras écrits ou repris spécialement pour l’Opéra de Paris, tels Le Voyage à Reims (1825, pour le Sacre de Charles X), Le siège de Corinthe, Maometto II (Méhmet II), Moïse et Pharaon (adapté de Mosè in Egitto): dans ses partitions, s’imposent les grandes voix romantiques à Paris: La Pasta, La Malibran, la Sontag, les ténors Nourrit et Rubini; et juste avant de cesser son activité (pour dépression ou lassitude?), Rossini lègue en héritage aux générations qui lui succèdent, le modèle du grand opéra, avec Guillaume Tell.
Après l’idéal vocal défendu par Rossini, qui règne en France comme compositeur officiel, Bellini ambitionne après l’Italie (Milan qui voit la création de Norma avec Pasta, le 26 décembre 1831, et surtout Naples et Venise où fut créé Beatrice di Tenda en 1833), une carrière parisienne d’envergure. Tout en soignant l’écriture vocale, le jeune compositeur d’opéras souhaite encore approfondir la vérité psychologique de ses rôles. Il s’est fâché avec son librettiste complice Romani, mais est prêt à approfondir encore le portrait musical de ses personnages dans son ouvrage ultime, Les Puritains (1835). Bellini devait mourir le 23 septembre suivant, sans recueillir le succès de l’opéra à Paris. Lors de ses obsèques, Roissini porte le cercueil.
L’image sonore exacte des rôles réalisés par Bellini est encore à rétablir: Si Callas ressuscite ce beau chant bellinien (avec Casta Diva), la perception des justes tessitures en est cependant dénaturée car la plupart des rôles belliniens sont pour voix de mezzo, dans des teintes graves que Cecilia Bartoli a récemment restitué dans une version de La Sonnambula (2 cd Decca L’oiseau Lyre, édité en en novembre 2008). Même si les Monserrat Caballe d’hier (Casta Diva anthologique) ou Natalie Dessay d’aujourd’hui (2 cd Virgin classics, La Sonnambula par Natalie Dessay, publié en octobre 2007), perpétuent une « tradition » vocale défendue par les sopranos, l’intérêt le plus récent se penche sur les tessitures exactes, plus sombres, plus « rauques ». Le rétablissement du rôle de Norma dans sa tessiture originelle (mezzo) permet par exemple de restituer son rapport à celui d’Adalgise pour soprano (créé par la jeune Giulia Grisi en 1831). Sombre et tragique couleur de mezzo de Norma, innocence candide et lumineuse du soprano de sa confidente et suivante…
L’orchestre des opéras de Bellini est aussi un chantier à réinvestir car on a trop souvent privilégié les voix en négligeant la parure expressive des instruments censés dialoguer avec elles. Tels ne sont pas les moindres défis de l’interprétation et de la recherche bellinienne aujourd’hui. Il conviendrait aussi de restituer le contexte français et parisien au moment de l’arrivée de Bellini à Paris, dans les années 1830.
Illustration: Giovanni Bellini (DR)