dimanche 15 juin 2025

Versailles. Galeries des Glaces, le 19 mars 2012. Rebel, Francoeur,Sacchini,Lully, Rameau, Marc–Antoine Charpentier … Sandrine Piau, soprano. Les Paladins. Jérôme Corréa, direction

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Par notre envoyée spéciale, Monique Parmentier


Le Triomphe de l’Amour… et plus encore de l’amitié

En février 2009, lors d’un récital inoubliable dans la Galerie des Glaces, la soprano Sandrine Piau, à l’époque en compagnie de Jean-Christophe Spinosi, avait embrasé les lieux. Les applaudissements frénétiques et les coups de pieds sur le plancher avaient fait trembler les miroirs et les ors. Elle nous est revenue, à l’occasion de la sortie d’un disque consacré à un nouveau programme qu’elle nous a présenté ce soir, en compagnie des Paladins. Deux siècles de musique qui ont chanté l’amour dans l’ivresse d’une danse qui s’est achevée dans un bain de sang. Le Triomphe de l’amour, puisque tel est le titre d’un programme est le fruit d’une longue amitié qui la lie à Jérôme Corréas et d’un amour qu’ils partagent pour un répertoire depuis le Cnsm de Paris et surtout leurs débuts au sein des Arts Florissants.
Et si ce soir la jalousie est venue briser parfois l’harmonie heureuse des amours, ce n’est que dans certains airs donnant l’occasion à la soprano de briller de mille feux, accordant à l’amour et l’amitié de résonner une fois de plus en ces lieux qui portent le souvenir de fêtes toutes plus splendides les unes que les autres.

Ce soir, la grande triomphatrice de cette soirée reste Sandrine Piau. Projetant sa voix avec facilité, elle a n’a jamais failli dans ce lieu, ô combien magique qui peut tout autant être parfois piège pour les chanteurs. Dans ce vaste écrin qu’est la Galerie des Glaces, Sandrine Piau irradie: sa grâce, son élégance gracile, son espièglerie, la ductilité de sa voix parviennent à redonner à chaque compositeur, sa personnalité propre. Son sens de la rhétorique, son articulation racée en font une tragédienne superbe dans l’air de Roxane « Tout est prêt » tiré de Scanderberg de Rebel et Francoeur. Ses vocalises d’une grande souplesse, expriment avec fougue la rage d’une jalousie qui dévore les cœurs mais ranime également la flamme, tout comme dans l’air de Léonore de L’Amant Jaloux « Je romps la chaîne qui m’engage ». La gourmandise et le plaisir de l’interprète sont dans chacun des airs qu’elle nous a offert. Elle possède un art unique à faire surgir et palpiter les émois du cœur comme dans l’air d’Illione dans l’Idoménée de Campra, « Espoir des malheureux » où les larmes du théorbe, si poétiques et raffinées, l’accompagnent dans sa tendre plainte. Elle fait scintiller sa voix, avec une ardeur si touchante que dans le premier bis « Viens Hymen » tiré des Indes Galantes, la soprano capte la lumière et les cœurs dans un silence total. Le public venu nombreux lui a témoigné avec ferveur sa reconnaissance à la fin du récital.

L’ensemble Les Paladins lui procure un accompagnement riche en couleurs, les flûtes tendres, la guitare élégiaque et le basson au velours incarnat nous ont particulièrement séduits. Les cordes nous ont malheureusement, quant à elles, semblé parfois trop empesées. Ayant renoncé à l’orchestre à cinq parties, ils manquent des nuances, une légèreté, un brillant que la direction généreuse et amicale de Jérôme Corréas ne parvient pas à insuffler. Trois bis sont venus couronner cette soirée dont on retiendra surtout la complicité belle et sincère, qui lie la soprano mondialement reconnue aux musiciens et au public. La Galerie des Glaces en a fait miroiter les sourires tout au long de cette belle soirée.

Versailles. Galeries des Glaces, le 19 mars 2012. François Rebel (1701-1775) et François Francoeur (1698- 1787) : Scanderberg, ouverture et Air de Roxane «Tout est prêt ». Antonio Sacchini (1730 – 1786) : Renaud, air d’une Coryphée, « Que l’éclat de la victoire se répande sous vos jours ». Jean-Baptiste Lully : Acis et Galatée, «Enfin j’ai dissipé la crainte» ; Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764) : Anacréon, air de l’Amour, « L’Amour est le dieu de la paix » ; Les Fêtes de Ramire, scène VII, Sarabande, deux gavottes, deux tambourins ; Les Paladins, Air d’Argie «Je vole l’amour ». Marc – Antoine Charpentier (1643 – 1704), David et Jonathas, Air de Jonathas, «A-t-on jamais souffert». André Campra (1660-1744) : Idoménée, Air d’Illione «Espoir des malheureux». André Ernest Modeste Grétry (1741-1813) : Le Tableau parlant, ouverture ; L’Amant jaloux, Air de Léonore « Je romps la chaîne qui m’engage». Charles-Simon Favart (1710-1792), La Bohémienne, «Air de Nise, Pauvre Nise». Sandrine Piau, soprano. Les Paladins. Direction : Jérôme Corréas. Par notre envoyée spéciale, Monique Parmentier

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